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L'Atelier d'écriture de Villejean
16 mai 2023

Consigne d'écriture 2223-30 du 16 mai 2023 : Médiéval

Médiéval

 

AEV 2223-30 Consigne - Lettrine O






yez, oyez, gentes dames et beaux damoiseaux !

Le but de cette page est de vous suggérer des mots et des expressions pour "imiter" le style du français du moyen-âge, juste le temps de réécrire une fable ou un conte traditionnel ou ce que vous voulez !

Vous pouvez par exemple :

- Ecrire "oi" au lieu de "ai" : françois au lieu de français ; estoit, avoit, vouloit, pouvoit : était, avait, voulait, pouvait...
- Ajouter des "l" après des u : aultres, ceulx : autres, ceux
- Ajouter des "s" avant des "t" : maistre, queste, nostre : maitre, quête, notre
- Mettre des "y" à la place de "i" et des "i" à la place de "j" : Le samedy douziesme de iuillet

La totalité du vocabulaire est récupérable ici.

moult, moultes : beaucoup fol : fou labeur : travail
point : pas Le fifre (petite flûte); hautbois, clarinette corvée, besogne : tâche
je puis : je peux Le tambourin : percussion (petit tambour) enseigne, échoppe : boutique
Nous : Je (pour les rois ou les nobles) le luth, la mandoline : sortes de petites guitares apothicaire : pharmacien
l'ami : toi La vielle : sorte de violon pis : pire
Il me plait de... : j'aime La guimbarde : instrument de musique ledit, ladite
bel : beau; fort bel : très beau La cornemuse quiet : calme
nul, nulle : aucun, aucune La lyre mère-grand : grand-mère
que nenni ! : non complainte : triste histoire (ou chanson) balluchon : sac-à-dos
Icelui, Icelle : celui, celle chaumière : petite maison gué, pont-levis : pont
auberge : hôtel-restaurant mansarde : logis oncques : jamais, personne
taverne : bar lattrines : toilettes encor : encore
faire ripaille : manger lavoir : ~machine à laver taïaut : fuyons !
s'attabler : passer à table eau du puits : ~eau du robinet cesser : arrêter
Le disner : Le dîner chandelier, lampion, lanterne : ~lampe choir : tomber; échoir
victuailles : nourriture poèle : chauffage clore : fermer
mets : plats plume d'oie et encrier : ~stylo conjurer : implorer, conspirer, éviter
gré : goût ("Est-ce à votre gré ?" parchemin, velin : papier défaillir : s'évanouir
les fourneaux : la cuisine; grimoire : livre (de magie) faillir : échouer
pot, chaudron, marmite, cassole : plats de cuisson gazette : journal se hâter : se dépêcher
breuvage : boisson trépas : mort; trépasser : mourir implorer : supplier, demander
Gueuse, Cervoise : bière défunt : personne morte mander : envoyer qqn à sa place; convoquer; commander
chope : verre occire : tuer mirer : regarder
auge, gammelle, écuelle : assiette meurtrir : blésser il naquit : il est né...
cruche : carafe malemort : mort violente ouïr : entendre, écouter : "Oyez, oyez !"; avoir ouï dire : avoir entendu
flaque : carafe de vin chérir : aimer se languir : s'ennuyer
fiole : flacon épris : amoureux octroyer : permettre
gosier : gorge m'amie, ma mie : mon amie quérir : chercher; queste : quête, recherche
doux et bon... dulcinée : petite amie questionner : poser une question
hôte : celui qui reçoit promise : fiancée rompre : casser, briser
farci, tourte, civet, à la broche, rôti : recettes épousailles : mariage songer : penser, rêver
brouet : potage courtiser : draguer; courtisane abhorer : détester
chapon : poulet castré baiser : bisou, bise bâtonner : donner des coups de bâtons
poulaille ou poularde : poule la couche : le lit chérir : aimer
poussin, oyson (oie), faisan, paon : volailles pucelle : vierge courroucer
lyèvre, connin, lappereau : lapin catin : prostituée molester, importuner
pourcelet, sanglier : Porc vit : sexe masculin offenser
La pinte (de Paris) = 48 pouces du Roi (~27 mm) cubes, soit ~0,95 l (presque 1 L); forniquer découdre
La chopine = une demi pinte (environ 0,47 l); foutre : sperme Sire, sieur, messire, gentilhome : monsieur
Le litron : mesure de volume ( jadis, naguère : autrefois; d'antan: d'autrefois Dame
festoyer : faire la fête las : fatigué, hélas Sa Majesté le Roy (Roi), Dauphin : futur roi
accoutrement : tenue, déguisement adieu : au revoir agenouillement
fard : maquillage; se farder : se maquiller l'heur : la chance jouvenceau, jouvencelle
baladin : acteur sur-le-champ : immédiatement compagnon, compère : ami
bouffon : humoriste la souvenance : le souvenir vilain : non noble, villageois
narrer, conter : raconter vain : inutile; en vain manant, gueu :
fabliau : fable miséricorde : pitié maistre : maître
farce : comédie, ~blague courroux : colère croquant : paysan rebelle
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19 septembre 2023

Consigne d'écriture 2324-02 du 19 septembre 2023 : Scripta

Scripta

 

scripta

A l’aide du jeu de cartes Scripta, nous récoltons une bonne dizaine de mots au hasard du tirage et du jeu. Nous aurons mission d’en inscrire au moins six obligatoirement dans le texte que nous allons écrire.

Il peut s’inspirer, si vous le souhaitez, de l’image ci-dessous d’Ali Migutsch, illustrateur allemand pour enfants. Soit vous la considérez dans son ensemble, soit vous choisissez un appartement en particulier.

Les mots recueillis à insérer : pituite - retiré - revue - virées - kir - brisé - mamas - ramenas - situer - risotto - rituels - safran - vedette - hotte - Ohé - démenti - enfiler - griefs - loquet - votée - troquée

Ali Migutsch 8

2023-09-19 285 17 recadrée

2023-09-19 285 16 recadrée

3 mai 2016

Je déteste Disney ! / Jean-Paul

DDS 401 Blanche-Neige

Au début, on était comme Adam et Eve, Daphnis et Chloé, Castor et Pollux, Rodrigue et Chimène, Roméo et Juliette, Roux et Combaluzier, Tarzan et Jane.

Je lui trouvais plus de beauté et de séduction qu’aux trois Grâces réunies.

C’était l’époque du début, celle que depuis Monet on appelle « Impression soleil levant ». Tout autour de moi avait pris les sept couleurs de l’arc-en-ciel. Je vivais sur un nuage. J’étais prêt à accomplir pour elle les douze travaux d’Hercule. A m’abstenir de commettre les sept péchés capitaux. Pourtant j’ai longtemps cru que je n’avais pas le droit de pénétrer dans les églises et que, n’étant pas croyant, ces interdits ne me concernaient pas. Pas plus d’intérêt pour la Sainte-Trinité que pour les dix commandements ou les dix Chatterley.

Avec elle, j’aurais voulu faire les quatre cents coups, passer mille et une fois mille et une nuits, j’aurais parcouru le monde dans tous les sens. Les quatre points cardinaux n’auraient pas eu plus de secrets pour nous que les quatre filles du docteur Marsh ou crève depuis qu’elles ont entrepris d’écrire 366 réels à prise rapide.

J’aurais escaladé les sept collines de Rome : l’Aventin, le Palatin, le Trissotin, le Picotin, le Capitole, le Pactole et le Quirinal.

A elle seule elle représentait plus d’aventures potentielles que mes dix-huit compagnons de jeunesse réunis : le club des cinq, le clan des sept et les six compagnons.

Elle était supérieure aux sept merveilles du monde, elle était la huitième et la neuvième de Beethoven réunies pour un hymne à la joie des choeurs et de mon cœur.

Bref j’étais éperdument amoureux d’Isaure Chassériau dont le portrait par Eugène Amaury-Duval est conservé au Musée des Beaux-Arts de Rennes.

Mais je crois que j’aurais dû consulter des voyantes. Deux ou trois voire plus si affinités. Elles me l’auraient peut-être prédit, les sept boules de cristal, qu’il y aurait quatre saisons dans notre vie d’amoureux.

J’ai longtemps cru, enfant, que les faits divers s’écrivaient « fées d’hiver ». Je n’avais jamais imaginé qu’il pût y avoir aussi des sorcières d’été.

Ce qui nous a perdus, ce qui a tué mon amour, c’est son affection débordante pour les animaux.
Un dalmatien, ça va. Deux passe encore, trois, bonjour les dégâts. Mais 101 !

DDS 401 Dalmatiens 2

Le premier s’appelait Dalmatheux, le deuxième Duffelcoat, le troisième Deltoïde puis vinrent Dagobert, Daffodil, Duralex, Dixieland, Djingle bells, Davidoff…

Le cent unième fut appelé Derdesders. Mais il y avait déjà longtemps que je n’en pouvais plus d’aller les faire sortir dans la rue pour leurs besoins du soir.

Qu’est-ce qui m’avait pris de tomber amoureux de cette tête de corde à nœuds, de ce lapin de Garonne, comme on dit à Toulouse, de ce gibier de quarantaine ?

Désormais je ne rêvais plus que de la quitter, de m’envoler cinq semaines en ballon, de faire le tour du monde en 80 jours et de n’en pas revenir.

DDS 401 bateau

Même encore maintenant, dans ce petit voilier au pied des falaises normandes je cherchais ce qui, avant que je ne fasse sa connaissance, avait pu, dans ma folle jeunesse, provoquer les cieux au point que je dusse recevoir un tel châtiment BrigitteBardotesque.

Avions-nous, un jour, été treize à table ? Avais-je froissé sept samouraïs, douze hommes en colères, huit salopards ? Avais-je eu dans un pays imaginaire, dans une vie antérieure, sept femmes et une barbe bleue ? Avais-je dérobé des bottes de sept lieurs et agi de telle manière qu’un ogre fût obligé d’égorger ses sept filles ? Faut pas poucet, quand même, j’avais fait des conneries, mais pas celle-là ! Je n’avais pas non plus, par sept fois, participé à une épreuve de lancer de nains au cours d’une épreuve de sports d’hiver, dans un paysage tout couvert de blanche neige.

J’étais abasourdi de chiffres, de souvenirs vrais ou inventés.

Quand je sortis de ma réflexion, je m’aperçus qu’une chose bizarre s’était produite autour de nous. Le vent était tombé, la barque n’avançait plus et il n’y avait plus de ligne d’horizon. Tout autour de nous la barrière de falaises s’était refermée et nous étions désormais à la surface d’un lac d’Auvergne mais sans possibilité aucune d’accoster.

Je tapai sur l’épaule d’Isaure qui se redressa.

DDS 401 Dalmatiens 3

- As-tu vu ce que je vois ? lui demandai-je.
- Ce n’est rien, me répondit-elle. Ce n’est pas pire que d’être coincé à bord du radeau de la Méduse. Quand les douze coups de minuit sonneront, tu te réveilleras et tu verras que tout cela n’est qu’un cauchemar.
- Vraiment ?
- Vraiment ! Et alors tu sortiras faire pisser Dakota, Desdémone, Delaware, Douaisis, Darrigade, Dyslexique, Dulcimer, Domino…

Je déteste Disney !

 

1 mars 2022

Consigne d'écriture 2122-20 du 1er mars 2022 : Mothérapie

2122-20 Consigne - MothérapieMothérapie
  Nous nous inspirons aujourd’hui d’un recueil de poèmes de Nathalie J.Y. Caillibot : « Petit manuel de mothérapie : jeux de mots et petits textes joyeux pour s’amuser et se changer les idées ».  Voici la liste des titres utilisés par cette autrice et, en face, la sonorité des rimes qui sont employées dans le poème portant ce titre. Nous avons fait une collecte de vocabulaire au début de la séance.  Ecrivez au moins trois courts poèmes en respectant cette obligation ou sinon faites ce que vous voulez avec tout ce vocabulaire du moment que « ça nous change les idées ».  

TITRE

Rimes

Mots collectés (on peut en ajouter d’autres)

Craque ac, aque Macaque, cornac, arnaque, laque, tic tac, patraque, Loudéac, braque, claque
J’agace ! ace, asse Fracasse, barcasse, Sargasses, jacasse, perspicace, salace, tasse, feignasse, marronnasse, Enrico Macias, rosace, débarrasse
Lâche-toi ! ache Malgache, drache, vache, ganache, attache, pistache, mâche, cravache, bache
Gagne ! agne Castagne, Champagne, Charlemagne, campagne, pagne, magne ; De Fagne, accompagne
Clame et déclame ! ame Madame, macadam, lame, acclame, slam, rame, rétame, âme, calame, dame
Allez on s’émerveille ! eil ou eile ou aye Popeye, abeille, oseille, sommeil, réveil, pagaye, groseille, merveille, soleil, vieille
Espère ! ère, aire Glaciaire, dromadaire, pépère, mercenaire, primevère, mégère, galère, anniversaire, verre, vipère
Je jette ! ette, ète Perpète, déchète, allumette, fumette, cigarette, coquette, joliette, bicyclette, moulinette, oubliettes, fillette, barrette
Veux et peux ! eu ou eux Pneu, morveux, amoureux, deux, épineux, heureux, boîteux, joyeux, merveilleux, malicieux
On abdique ! ique ou ic Comique, république, laïque, magique, érotique, mirifique, frigorifique, bourrique, astique
Allez on s’accroche ! oche Cloche, anicroche, galoche, Folcoche, roche, moche, fantoche, valoche, taloche, loches
On s’en moque oque ou oc Toc-toc, Orénoque, phoque, TOC, foc, vioque, breloque, plic-ploc, baroque
Dépote ! ote ou otte marotte, carotte, grotte, gargote, vote, charlotte, lotte, culotte
Gazouillez ! ouille Magouille, andouille, grenouille, gargouille, patouille, fouille, gribouille, mâchouille, arsouille, rouille, bidouille
Eructe ! ut, ute Azimut, flûte, cahute, uppercut, lutte, volute, zut, anacoluthe
Démarre ! Rimes diverses  
Enfile tes sandalettes ! Rimes diverses  
Fais l’âne ! Rimes diverses  
Il est grand temps ! Rimes diverses  
Pourvu qu’on rigole ! Rimes diverses  
18 octobre 2016

La chouette / Jean-Paul

AEV 1617-06 Chouette

 La chouette effraie
Ton poisson ne l’est pas

Le chrétien étouffe
L’herbe sous ses pas

Le canard s’ébroue
Par-dessus deux noix

Le babouin épile
Sa face de gourmand

La belle montre étanche
Glisse dans l’étang

Le renard étripe
Le road movie du toucan

Un ourson épluche
Des notes de frais
Et se frotte le nez

La chouette effraie
Ton poisson ne l’est pas

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14 mars 2018

Consigne d'écriture 1718-21 du 20 février 2018 : Tu peux ou tu peux pas en 1952 ?

Tu peux ou tu peux pas en 1952 ?

 

L'animateur distribue à chaque écrivant(e) :

- 10 citations extraites du livre "Tu peux ou tu peux pas ?" de Miguel Derennes (Editions First, 2016)

- 30 feuilles d'un bloc éphéméride Yvon de 1952 : le recto a été utilisé par Mme B. pour noter ses rendez-vous, faire ses comptes et noter les événements de sa vie quotidienne en 1952 ; le recto représente des paysages choisis de la France et de ses colonies : ces photos sont en noir et blanc ou en sépia, ocre, bleu ou vert.

Il demande qu'on utilise ce matériel pour répondre à la question : "Que pouvait-on faire ou ne pas faire en 1952 ?"

AEV 1718-21 tu peux ou tu peux pasTrouver des arêtes dans un loup ?
Lécher ton coude avec ta langue ?
Connaître l’âge d’une coccinelle au nombre de points qu’elle a sur le corps ?
T’inscrire à Miss France quand tu as un enfant ?
Appeler ton cochon Napoléon en France ?
-------------------------------------------------
Inspirer par le nez et expirer par la bouche en même temps ?
Te baigner dans l’Océan pacifique quand tu es en France ?
Entendre le bruit des criquets femelles ?
Faire voler un avion en papier pendant vingt-sept secondes ?
Etre champion du monde de formule 1 sans avoir ton permis de conduire ?
-------------------------------------------------
Te chatouiller et te faire rire ?
Péter dans ton bain sans que la bulle ne remonte dans l’eau ?
Etre hôtesse de l’air sans savoir nager ?
Piloter un avion pieds nus en France ?
Avoir la phobie des fougères ?
-------------------------------------------------
Te marier avec la sœur de la cousine de la belle-mère de la tante de ta femme ?
Voir un colibri voler en marche arrière ?
Faire encadrer tes tatouages après ta mort ?
Appeler ton enfant Titeuf ?
Produire vingt litres de mayonnaise avec un seul œuf ?
-------------------------------------------------
Fêter Halloween sans problème au Puy-en-Velay ?
Voir un dauphin dormir les yeux fermés ?
Avoir la confirmation dans la bible que la pomme est le fruit défendu ?
Ecrire le mot alcool avec les lettres du mot police ?
Monter dans un avion, voler jusqu’au bout du monde, le tout sans avoir de billet ?
-------------------------------------------------
Trouver 52 dents sur un petit-beurre de LU ?
Donner 25 prénoms à ton enfant ?
Donner gratuitement ton corps à la science ?
Ecrire 45000 mots avec un stylo Bic ?
Voir des Bonnichons dans le Loiret ?
-------------------------------------------------
Avoir un tatouage et devenir Miss France ?
Avoir des cils de plus de 6 mois ?
Trouver trois fois plus de vitamine C dans un poivron rouge que dans une orange ?
Casser un spaghetti sec en deux en le tenant par les deux extrémités ?
Trouver du cyanure dans les pépins de pommes ?
-------------------------------------------------
Prendre un policier en photo en France ?
Trouver des horloges dans les casinos ?
Croquer la couille du pape ?
Dormir un tiers de ta vie ?
Trouver un quart des os d’un être humain dans ses pieds ?
-------------------------------------------------
Vivre sereinement quand tu es pantophobe ?
Conjuguer le verbe traire au passé simple ?
Fêter la journée mondiale du rangement de bureaux ?
Lire le magazine playboy en braille ?
Voir une girafe bâiller ?

Ephéméride Yvon 1952 08 11

 
 Ephéméride Yvon 1952 08 12  Ephéméride Yvon 1952 08 10  Ephéméride Yvon 1952 08 09

 

17 septembre 2019

Poème de métro (ligne A du métro rennais) / Jean-Paul

Ne tournons pas autour du pot
Je suis quand même un drôle d’oiseau,
Amoureux de Plaisanterie, 
Zeugma et Contrepèterie .

Poterie

A me lire, certains rient jaune.
Je n’ai pas le ticket cinq zones
Qui permet de descendre au Blosne ;
Je suis une drôle de personne. 

Le Blosne

Pour regarder ce monde exsangue
C’est certain, je choisis les angles
Les plus détachés de la sangle
Et crie sous la halle au Triangle. 

Triangle

Je suis bariolé comme un De Chirico,
Vivaldien comme un allegro.
Je chante des airs de folie
A la gloire de l’Italie. 

Italie

Un air frais envahit les villes
Dans lesquelles je marche tranquille.
Quelquefois je laisse des plumes
Entre le marteau et l’enclume. 

Henri Fréville

L’humain ne fait pas de quartier
Pour les « à côté de la plaque ».
Que je suive ou non le sentier
C’est bien certain : je fais le Jacques. 

Jacques Cartier

Mais gare aux retours de bâton :
On ne peut pas impunément
Se foutre du qu’en dira-t-on
Quand la parole est monument,
Quand émettent, sur le même ton
Celui qui crie, celui qui ment. 

Gares

Ah quoi ?! Déjà Charles de Gaulle ?
Et, toujours mis en examen,
Je cherche un lecteur qui rigole
Des pépiements de mon chemin. 

Charles de Gaulle

Je suis chardonneret public !
Si me dressez contravention
Je saurai bien prendre l’oblique :
Il n’est cage sans évasion. 

République

Partis comme églises me tannent,
Toutes les fleurs des bois m’étonnent
Et quelques-uns m’ont à la bonne
Entre Saint-Michel et Sainte-Anne. 

Sainte-Anne

Dans les profondeurs de la terre
L’écriture est mon seul pactole.
Pourquoi je ris ? C’est un mystère
Dans la sous-France d’Anatole. 

Anatole France

Aux urgences de Pontchaillou
Je n’irai pas, la chose est sûre
Me plaindre en hurlant qu’un caillou
A pénétré dans ma chaussure. 

Pontchaillou

Autant de gens dans l’univers,
Tant de villes et tant de cités…
Laissez-moi concocter des vers,
Chanter la biodiversité. 

Villejean Université

Quand le ciel est rouge incendie
Quand je suis pris de fatrasie,
Je sais descendre à Kennedy
Mettre des fleurs dans les fusils. 

J.F. Kennedy

P.S.

Or, rendu au bout du trajet
Je m’aperçois – vraiment, quel sot
Troublé par les « dring dring » !– que j’ai
Oublié Georges Clémenceau !

Clémenceau

 

AEV 1920-02 plan de la ligne 1 du métro rennais

11 décembre 2019

Consigne d'écriture 1920-12 du 10 décembre 2019 : C'est à moi que tu causes ?

C’est à moi que tu causes ?


En vue de faire jouer sur une scène de théâtre des saynètes à deux personnages, vous imaginez trois couples (personnages connus ou pas, animaux, objets). On met en commun le fruit de cette collecte.

L’animateur distribue ensuite des cartes extraites du jeu de conversation « C’est à moi que tu parles ? » : quatre questions, quatre cartes avec vous, quatre cartes avec tu, six cartes avec je et quatre cartes « formule philosophique »

On écrit une, deux ou trois saynètes à deux personnage en y incluant comme on veut ces éléments.

AEV 1920-12 pers-camqtc-cover

Ont été collectés :

- Un renne du traîneau du Père Noël et la fille du Père fouettard
- Un CRS et un chauffeur de bus
- Un photographe au volant d’un véhicule Ford Transit et un garagiste
- Tristan et Yseult
- Les sœurs Tatin
- Un parapluie et une chauve-souris
- Un poireau et une vinaigrette
- Un cul et une chemise
- Le papa et la maman
- La sorcière et le chef cuisinier
- Le soleil et l’ombre
- La sorcière et le vendeur d’aspirateur
- La feuille et le stylo
- Le soleil et la lune
- Une chaise et un très gros bonhomme
- Un jardinier expérimenté et un jardinier novice dans un jardin partagé
- Une vendeuse de foie gras et un vendeur de pain d’épices sur le marché de Noël
- Un rouge-gorge et une pie en hiver
- Emmanuel Macron et son épouse Brigitte
- Le corbeau et le renard
- Le général De Gaulle et son épouse Yvonne

Un tirage de cartes à titre d’exemple :

Qu’est-ce qui vous amène ? Faudrait arrêter de vous mentir à vous-même Tu m’as l’air bien habillé avec les idées des autres Tout est une question de timing J’habite là où le vent fait demi-tour
Vous avez peur de quoi exactement ? Vous êtes ma plus belle destination   Tu finiras sur un poster du réalisme capitaliste L’intelligence intuitive c’est comme du sadisme modéré Je me suis trompé de route
Il n’y a pas marque « dessine-moi un mouton » là ? Vous avez une tête à garder vos chaussures Ton mode de vie est carrément bestial On croit toujours voir autre chose que ce qui est là Ca tombe bien, moi j’aime les mariages, on peut se bourrer la gueule sans que personne ne vous juge
Vous êtes un peu médecin de l’âme ? On vous regrettera Si tu as des questions moi j’ai des réponses On ne peut pas tout mettre en équation Ca m’a toujours fait rire ces conneries
        Je ne suis pas là pour faire un scandale
        Ma tolérance s’arrête à moi et j’ai du mérite
26 septembre 2017

Le jour où j'ai rencontré elle / Josiane

AEV 1718-03 Jos Le jour ou j'ai rencontré elles-l300

1

Le jour où j’ai rencontré elle
J’me suis senti pousser des ailes
Les p’tits oiseaux chantaient moins faux
Et le soleil brillait plus haut.

Refrain

J’aurais pas dû tuer les p’tits chats
Elle a pas du tout aimé ça
Elle a marché sur mon p’tit cœur
C’en était fini du bonheur.

2

La vie commence à soixante ans
C’est c’que me disait ma maman
Le jour où j’ai rencontré elle
J’avais déjà soixante dix ans. 

Au refrain

3

La pluie ne mouille pas l’été
Quand on s’promène parmi les blés
Main dans la main au diapason
On s’en fout bien de la saison.

Au refrain

AEV 1718-03 danse_3

4

Et maintenant que vais- je faire
J’peux plus m’lancer dans les affaires
J’suis vieux, j’suis moche, j’suis comme un con
Elle est partie, je tourne en rond.

Au refrain

28 mars 2017

Quatre vers d'une chanson / Eliane

L'amour c'est comme les melons
Ca roule, roule, roule
Ca disparaît sous l'édredon
Ca s'écrase quand on fait la moule.

AEV 1617-23 L'amour c'est comme les melons

***

Elle faisait prout ! Prout !
Partout, en tout lieu
A n'importe quelle heure
Par n'importe quel temps.

***

Mes bourrelets d'antan, où sont-ils maintenant ?
Mes rondeurs appétissantes fondues dans la diète ?
Un sac d'os mon amant enlace tendrement,
Ca s'entrechoque avant que ça tombe en miettes.
Je cherche fébrilement la tablette de chocolat
Mais au bout de deux bouchées ça ne passe pas
Il n'y aura pas d'issue possible, sûrement,
Ce sac d'os mon amant enlace tendrement.

***

Je porte plainte contre mon cœur
Il me fait subir trop de heurts.
Une pilule pour qu'il cesse de battre
Et sans souci, puisse m'ébattre.

***

Je t’hippopotaime
Je t'éléphantasme
Je te gorille, bille
Je te mangouste goûte
Je te chatouille-ouille !

***

Le gibier manque, les femmes sont rares.
Soustraites si farouchement
Au désir impérieux du mâle
Où sont les femmes d'antan ?

***

Ne manquez pas les épisodes
De la Saga des Crottes de Nez !
Connaissez leur doux foyer
Doux, humide, à voir en pagode.
Surtout ne pas éternuer !
Vous déclencheriez un exode !
Les crottes de nez surnageant
Dans le torrent les emportant !
Ne vous narrerez jamais
La Saga des Crottes de Nez.

AEV 1617-23 crottes de nez

***

L'amour c'est comme les melons,
Difficiles à regonfler
Quand on a déjà tout mangé.
Autant se rabattre sur du thon.

14 avril 2020

Cinquième semaine de confinement solitaire / Dominique H.

« A côtoyer la mort, tu te raccroches à la vie. » (Frédéric Dard).

Préambule : vous retrouverez, autour de l'anti-héros Félix, des personnages de sa vie qui ont déjà fait de brèves apparitions : Yolanda sa bécane domestique, Bénédicte sa bonne voisine psychiatre en retraite, Louise sa sereine-mère, Françoise sa grande sœur originale et Béatrice, sa préférence, à peine évoquée la première semaine de confinement, mais qui fait un retour en force à cette cinquième semaine.

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AEV 1920-26 Dominique Doisneau

Félix a encore mal dormi. A vrai dire il s'est une fois de plus réveillé à l'aube dans cet état d'hyper-vigilance qu'il connait bien. C'est un état particulier d'hyperactivité cérébrale difficile à décrire. Il va d'ailleurs en parler à Bénédicte et lui demander ce qu'elle pense de cette frénésie neuronale. C'est comme une chorégraphie de fourmis industrieuses, chacune portant sur son dos une idée qu'elle transporte rapidement d'une aire cérébrale à l'autre. Dans «Des gueules d'enterrement» Frédéric Dard exprime exactement cette agitation : «Sa tête ressemble à une cour de récréation, les idées galopent dans tous les sens».

Dans ces moments particuliers Félix écrit des vers dans sa tête, des rimes, compte les pieds, s'emberlificote dans les mots et les associations poétiques qui surgissent. Hélas cette matière est aussi foisonnante qu'évanescente et le matin il n'en reste que de vagues volutes. Quand il est dans cet état-là, il lui arrive parfois de saisir l'instant et de se vider la tête en tapant sur son autre bécane domestique, Max, un MacBook Air, un autre confident. Il écrit alors très vite, au kilomètre, des phrases courtes, centrées, sans ponctuation La relecture à froid quelques jours plus tard de ces élucubrations nocturnes et souvent poétiques lui confirme que c'est bien lui Félix qui en est l'auteur et qu'il s'agit bien des méandres profonds de ses propres circonvolutions corticales. Ceci dit, avec ces nuits toutes répétitives, il est en dette de sommeil.

Au réveil, il jette un œil à sa figure en coin de rue sinistrée. Ses paupières sont gonflées comme des valises d'ambassadeur au moment d'une rupture diplomatique. Heureusement il se souvient alors de la maxime de Frédéric : «Certains, plantés devant leur miroir, croient qu'ils réfléchissent, alors que c'est le contraire ». Ca suffit, trêve de ruminations introspectives, aujourd'hui, c'est décidé, il passe à l'action. Pour se motiver, il lit à haute voix la maxime qu'il a écrite sur son miroir depuis quelques jours, la phrase d'un sage (Épictète ?) qu'un bon copain lui avait envoyée au début du confinement :
«Trouver la sérénité d'accepter les choses que je ne peux pas changer, le courage de changer les choses que je peux et la sagesse d'en connaître la différence ».

 

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Il la connaît par cœur maintenant et elle a un effet calmant réel et assez rapide. Par contre l'effet dynamisant est beaucoup moins net. Cependant, elle enclenche souvent un coq-à-l'âne d'occupations dérivatives. Félix passe alors de la cuisine au jardin, de l'aspirateur à Yolanda, sa bicyclette, et, sur Youtube, de Souchon à la Compagnie créole, avant de retrouver son vague à l'âme sur le canapé.

Il fait beau, il sort dans son jardin et, comme il l'espérait, Bénédicte est là qui bouquine, comme si elle l'attendait. Rapidement, après les salutations matinales d'usage, les échanges sur les lectures, les informations, elle donne l'occasion à Félix de s'épancher une fois de plus. Félix ne se fait pas prier et se met à parler des fourmis qui sillonnent son cerveau la nuit. Bénédicte l'écoute attentivement comme d'habitude et le rassure une fois de plus en lui expliquant que ces états bizarres sont visiblement des moments de créativité, une chance pour Félix, et que ce n'est pas grave du tout d'avoir besoin de taper sur Max la nuit, d'autant plus qu'il peut faire la sieste dans la journée. Apaisé pour un moment, Félix libère Bénédicte.

L'énergie est revenue et il enfourche Yolanda le temps d'un documentaire sur la grande barrière de corail en Australie. Mais la vue du ballet des poissons multicolores en liberté parmi les coraux le ramène au confinement et il se sent comme un poisson qui tourne en rond dans son bocal. Il abandonne Yolanda et, l'espace d'un moment, il lui en veut de n'être qu'un vélo. Il se retient cependant de lui donner un coup de pieds dans le flanc.

C'est bientôt l'heure du déjeuner, un bon moment. Depuis le Co-vide il fait des repas copieux et s'est même remis à cuisiner avec plaisir. Il est bien organisé au niveau de la logistique et ne sort faire ses courses que deux fois par semaine. Ce fonctionnement est bon signe lui a dit Bénédicte en rajoutant : « Quand l'appétit va, tout va !». 

Ce midi ce sera quiche lorraine aux asperges accompagné d'un verre de Bourgogne blanc. Suivant les bons conseils de sa voisine il se limite désormais à la consommation d'une demi-fillette au seul repas de midi (18,7 ml) qu'il se sert dans un beau verre. Ça lui rappelle le restaurant avec Béatrice et aussi une phrase de Frédéric : « Dans le début des aventures la bouffe prépare la baise ; sur la fin elle la remplace ». Aujourd'hui il terminera par un sorbet fraise. Malgré ce décorum et ces rituels, il sent la colère monter de jour en jour. Il tolère de moins cette distanciation sociale, une expérience de non-contact plus que frustrante, une maltraitance de notre humanité. Un Expresso bien serré et non sucré plus un carré de chocolat noir au beurre salé lui font ressentir le bon goût de la vie avant de s'accorder 17 minutes de sieste.

Il sait faire la sieste, s'endormir vite. Cette fois il s'endort en pensant à Béatrice, sa préférence depuis près de trente ans, qu'il n'a pas vue depuis le 18 mars, J2 du confinement. Ils ont trouvé un code de vie amoureuse intermittente qui leur convient à tous les deux. Economiquement indépendants, les enfants nés d'un mariage de leur jeunesse voguant de leurs propres ailes, ils ont commencé en ne partageant que des bons moments : cinéma, restaurant, voyages, lectures, vélo... Une brève faiblesse les a amenés à habiter sous le même toit, mais avec sagesse ils y ont rapidement renoncé, et ont convenu de rester fiancés toute leur vie. Une certaine précarité compensée par une légèreté du lien qui finalement a résisté au temps. Chacun d'eux a expérimenté que le contrat corseté du mariage n'offre pas de sécurité et que l'exigence de ce lien est trop cher payée pour chacun d'eux. Ils ont la même maison assez souvent mais pas tout le temps. Leur seul lien économique est une cagnotte de plaisir qu'ils alimentent à égalité.

Au réveil il est en forme, bien que sans souvenir d'un joli rêve. C'est alors que son regard clique par hasard sur un tableau accroché dans un angle de la chambre, sous la pente du toit. Le soleil de l'après-midi traverse le Velux et le met en valeur. C'est une jolie affiche, soigneusement encadrée, qui est là depuis deux ans, il s'en souvient précisément, c'est un très bon souvenir. Il la regarde attentivement comme s'il la découvrait et son regard de Félix s'allume alors d'une lumière intérieure très particulière, plus que joyeuse. Cette affiche parle de la vie de Félix, de sa vraie vie. C'est un cadeau de Béatrice.

 

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Elle la lui a offerte lors d'une escapade plus que sympathique dans le golfe du Morbihan. Au cours de leurs flâneries dans les rues de Saint-Goustan, le très joli petit port ancien d'Auray, ils étaient entrés au 31, rue du Petit port. C'est l'atelier de Xavier Marabout, un artiste qu'ils ne connaissaient ni l'un ni l'autre. Le premier contact avec les murs de l'atelier fut pour Félix et Béatrice un coup de foudre esthétique : la Tintinomania de Félix se trouva instantanément comblée ! Enfin il découvrait la vie sentimentale et sexuelle de son héros. Quant à Béatrice un phénomène immédiat de lévitation la posa sur un petit nuage pour la promener dans la lumière crue et les ombres des tableaux de Hopper.

Merci, «Marabout-bout de génie», d'avoir fusionné le peintre américain et le dessinateur belge ! Une ambiance commune évidente de silence et de mélancolie se dégage de l'oeuvre des deux artistes et l'idée de les superposer relève d'une intuition géniale. C'était comme si les pièces, les paysages de Hopper attendaient depuis toujours de s'égayer avec ces pin-up décalées, ces belles américaines à la carrosserie rutilante et comme si le reporter-globe-trotter avait trouvé l'occasion de se déniaiser. C'était exactement comme un rendez-vous merveilleux.

Pendant ce temps suspendu, ils n'avaient pas échangé deux mots, bien que n'ayant pas vu les mêmes choses mais Félix garde le souvenir d'une immersion extatique partagée avec Béatrice. Ils n'arrivaient plus à quitter l'atelier. En observant leur état second Xavier Marabout avait ébauché un bref sourire. Ils ne pouvaient ressortir dans la rue comme si rien ne s'était passé et pour tenter de fixer ce que cet instant avait eu d'unique, ils s'offrirent deux affiches identiques, une pour la maison de chacun. « Vacances en Buick Roadmaster » leur plaisait beaucoup mais ils se décidèrent finalement pour « Rencontre sur Great hills road » : arrière-plan un peu austère de montagnes arrondies, arides, maison rurale en bois peint typique de l'architecture américaine au second plan et, au premier plan, un pick-up Chevrolet 3100 des années cinquante. Au volant une femme souriante avec un chapeau de cow-boy bleu et sur la route, de dos, un homme qui se gratte la tête. On dirait Meryl Streep et Clint Eastwood sur la route de Madison !

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Avant de rouler les affiches, Xavier Marabout demanda : «Deux emballages ?». Ils répondirent ensemble : «Un seul». Béatrice demanda à Félix de lui passer «la cagnotte des plaisirs» et elle régla en espèces. Ils avaient un peu cassé leur tirelire, mais ce soir ils retrouveraient leur sobriété heureuse habituelle en installant leur table pliante près de leur camion sous le pin parasol de la plage de Locmariaquer, face à la mer, avec au menu : huitres du golfe, pain-beurre et Sauvignon. Ce souvenir ramène Félix à une phrase de Frédéric : «L'ingéniosité en amour est comme la poésie en littérature. On peut s'en passer, mais c'est dommage.».

Félix sort de son rêve éveillé, envoie un SMS à Béatrice : « Que dirais-tu de venir confiner avec moi ? Avec le confinement, pas beaucoup de sorties, alors la cagnotte des plaisirs est pleine et pourra payer l'amende si la maréchaussée nous arrête ».

Félix se met à gamberger en attendant la réponse. C'est le stress du CDD comparé au CDI ! La réponse tarde. Il arrive que Béatrice ne soit pas branchée, c'est aussi là le risque de leur code de vie (malgré leur CODEVI de plaisirs partagés) mais, avec ce CO-VIDE qui traîne, est-ce qu'elle va être d'accord ? Et si elle faisait rimer «confiner» avec «contaminer» ? Félix doit enfourcher Yolanda pour patienter. Pas facile, l'insécurité !

Ah ! Enfin ! « Ok pour «co-piner » chez toi. C'est moi qui prends ma voiture, j'arriverai pour 20h 30, j'apporte une bouteille de Prairie et du chorizo piquant. J'espère échapper à l'Allemande honorable !».

13 octobre 2020

La Fibre partout / Anne J.

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- Nous sommes heureux d'accueillir Madame XXX pour nous parler de son expérience concernant la mise en place de la fibre dans son habitation, un incontournable de notre quotidien aujourd’hui. J'ai le sentiment, chère madame, que ça a été du grand n'importe quoi, surréaliste donc !

- Tout à fait ! J'avais en fait demandé à être prévenue de son installation dans mon quartier pour obtenir un meilleur service à la maison. En effet, j'ai déjà été privée de toute liaison téléphonique pendant trois semaines suite à un couac : un opérateur qui bricolait dans la boîte en haut de la rue avait débranché mon fil et ça lui avait pris trois semaines pour l'admettre, improbable non?

- C'est énorme !

- C'est clair, j'ai donc souhaité reprendre la main.

- En effet et la promesse était : « La fibre, que du bonheur ! »

- Ce n'est pas faux. Cette nouveauté était très attendue, une foule d'anonymes, dans mon entourage, me l'avait chaudement recommandée.

- Racontez-nous ce fameux jour.

AEV 2021-05 Anne J - la Fibre 1- J'ai tout d'abord été démarchée au téléphone puis un commercial s'est invité chez moi, comme vous le savez, sans prévenir, mais faut-il avoir peur des changements ? J'ai donc donné mon accord pour une installation prochaine sur rendez-vous, l'affaire allait crescendo, j'avais à priori coché toutes les cases puisque la fibre arrivait au poteau devant chez moi, il semblait simple de relier la maison à cette fameuse invention.

- Et alors ?

- Pianissimo! Ils sont arrivés à deux le jour convenu, ils sont entrés dans la maison, ont regardé partout pour savoir par où ils allaient faire passer le fil avec un air sceptique.

- Vous êtes en train de me dire que la première personne n'avait pas étudié le problème avant de vous faire signer ? Ils auraient pu accorder leurs violons !

- Improbable, n'est-ce pas ? Du coup ils ont déclaré qu’il était hors de question de faire passer le fil par le trou où passe l'actuel fil de téléphone qui arrive dans le grenier. Il ne leur restait donc plus qu'à revoir leur copie et à trouer la maison pour passer leur fil dans un coin près du poteau. Ce qu'ils ont entamé avec entrain mais, fausse note, ils sont tombés sur l'armature en métal qui soutient l'isolation par l'extérieur et ont mis un bémol à leurs efforts en déclarant : « Cela dépasse nos compétences, on arrête tout ». J'ai alors essayé de donner de la voix, tout cela me semblait une totale improvisation. Rien à faire ! Malgré mon concert de protestations j'ai appris qu'il me faudrait faire venir un électricien pour faire un fourreau et passer le fil par le trou actuel. Eux, ils remballaient leur matériel. J'ai eu beau protester, c'était pisser dans un violon.

- Vrai ? J'adore !

- Et le pire, c'est qu’ils avaient l'intention de repartir en me laissant le trou sans le reboucher ! Déjà qu'il y avait des débris partout !

- J'hallucine !

AEV 2021-05 Anne J - la Fibre 2- Eh non ! Une monstrueuse cacophonie ! J'ai sifflé la fin de la récréation et sorti mon aspirateur. Voilà ce que c'est que de vouloir aller plus vite que la musique !

- Et maintenant ?

- Je tire la sonnette d'alarme ! La fibre c'est sûrement très bien mais pour cela vous devrez démolir la moitié de votre maison et gérer des gros tracas, je vous le dis !

- Je vois : un homme averti en vaut deux. Merci infiniment, chère madame, pour ce précieux témoignage.

DERNIERE MINUTE : On vient de l’apprendre, Orange lance une grande offensive : « Tout Lannion sera passé à la fibre en 2021 » !

17 novembre 2020

99 dragons : exercices de style. 62, Zoologique / Jean-Paul

C'est pour ainsi dire l'histoire du renard dans le poulailler. Une fois ça va. Deux fois passe encore. Trois fois, bonjour les dégâts ! Alors il faut savoir dire «zébu, zé pus soif ! ». 

On finit donc par aller trouver les poulets. A la campagne les poulets sont des pandores mais c'est un peu la même boîte tout ça. Des geais qui se parent des plumes d’un paon !

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Et donc quand le père Mathurin a vu débouler le dragon dans son pré comme un chien dans un jeu de quilles il n'a fait ni une ni deux. Il est allé toquer à la porte du château qui était à l'époque, en quelque sorte, le siège de la maréchaussée (de poulaines).

- Encore vous, le père Mathurin ? a demandé le grand chambellan Œil-de lynx. Pour quelles raisons venez-vous nous brouter l'air aujourd'hui ? La mère Michel a perdu son chat ? Vous avez égaré un de vos moutons dans le troupeau du père Panurge ?

Bien qu'il fût borgne suite à un accident de chasse au perdreau de l'année, Œil-de-Lynx n'en était pas un. Plutôt du genre vieux singe à qui l’on n’apprend pas à faire des grimaces, il était très roué et du coup fort doué pour faire barrage aux récriminations du bas peuple. Il n'achetait jamais rien chat en poche mais ce n'était pas un mauvais cheval non plus.

- Cette fois-ci, préambula le père Mathurin, vous n'allez pas noyer le poisson en passant du coq à l’âne. C’est du lourd. La sécurité du royaume est en jeu ! Va falloir prendre le taureau par les cornes alors même qu'il n’en a pas. C'est un dragon qui cause comme vous et moi et qui a commencé à me boulotter mes brebis. Une par jour pour son déjeuner. Je ne vais pas le soigner comme un coq en pâte ce cochon-là : vous allez m'en débarrasser. Vous êtes priés d'alerter Sa Majesté et ses joyeux loustics qu'ils ont à se manier le popotin.

***

- Majesté il nous arrive un coup vache. Un dragon racketteur. Va falloir envoyer les bœufs-carottes chez vos argousins sinon on va se faire pigeonner par ce zigue !

Contrairement à ce qu’on raconte ici et là, notamment dans «99 dragons : exercices de style», le petit roi qu’on avait surnommé «le roitelet» à cause de sa taille n’était pas un serin. Pas un aigle pour autant sinon il aurait laissé son nom dans l’histoire comme Napoléon avant qu’il ne fût vaincu par sa conquête.

- Tu sais bien, Œil-de-Lynx, que mes chevaliers sont des poules mouillées. Ce n’est plus une cour, ici, c’est une basse-cour. Tous ces blaireaux sont des forts en gueule. Mais on ne va pas faire l’autruche et mettre sa tête dans le sable : quand il s’agit d’aller au charbon il n’y a plus personne.

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Dans la salle du trône où se tenait se conciliabule on entendit soudain la princesse Georgette et sa cousine Suzanne qui jouaient aux échecs rire comme des baleines. 

- Appelons un chat un chat, Papa. Vous tournez en bourrique pour pas grand-chose ! Vous en devenez chèvre ! Affronter un dragon, excusez du peu si nos manières vous semblent cavalières, mais ce n’est quand même pas la mort du petit cheval. Cessez de verser des larmes de crocodile en avalant vos couleuvres. Au premier chant du coq je puis, demain matin, faire interpréter son chant du cygne à ce bâfreur qui vient se tailler la part du lion chez nous.

- Toi ma fille ? Comment feras-tu, ma jolie Poulette ?

- J’ai mon plan. Un peu d’exercice me fera du bien car on s’ennuie comme des rates mortes, confinées dans ce château où il fait un froid de canard mais je connais des moyens pas piqués des hannetons pour venir à bout d’un tel adversaire !

- Qu’en pensez-vous, chambellan ?

- Sire, il ne convient pas de tuer la poule aux œufs d’or quand on a le bonheur d’en posséder une. Votre fille est tout sauf une oie blanche, elle est plutôt fine mouche même. A part faire appel à des mercenaires, nous n’avons plus d’autre solution que de nous en remettre à son initiative imprévue.

***

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Cet acquiescement ne se termina pas en bouillie pour les chats. La princesse avait du chien et le lendemain matin, tout son équipage s’en vint auprès de la bête proposer à celle-ci un combat singulier.

- Dragon ! l’alpagua-t-elle. Ceci n’est pas un boniment à la graisse de chevaux de bois. Tu n’es pas un âne bâté. Tu sais quel sort les chevaliers de la Chrétienté réservent à ceux de ta race. En général ils terminent embrochés par une épée magique et s’il en venait un ici, de ces preux belliqueux, il ne te resterait que tes yeux de merlan frit pour pleurer, défrisé, la fin de tes galipettes parties en bigoudi. Ici nous sommes un pays de civilisés et nous croyons à l’intelligence des animaux. Aimes-tu le jeu ?

- C’est quoi encore ce miroir aux alouettes ? Il y a anguille sous roche ? Vous allez me proposer de jouer au cul de chouette ou à un jeu du pays de Galles où l’on relance de quinze avec des haricots ?

- Connais-tu le roi des jeux ? Celui aux destinées duquel préside la déesse Caïssa ?

- Je n’ai jamais été copain comme cochon avec la duchesse de Guermantes ni avec ces dames de la haute, si c’est ce que tu veux dire, mais par contre, les échecs, oui, je sais y jouer. J’adore ça, même !

- Alors voilà. Je te propose que nous jouions une partie. Si tu la gagnes, je m’offre en sacrifice et tu auras le droit de me dévorer ou plus si affinités.

- C’est tout vu, ma mignonne. Je crois que tu vas passer à la casserole !

- Si c’est moi qui gagne, tu prends tes cliques et tes claques et ni toi ni plus un seul de tes pareils ne remettra jamais les pieds chez nous.

- Laisse pisser le mérinos, beauté ! J’accepte le marché. Cache donc un pion blanc et un pion noir dans tes menottes. Que je sache… Oh et puis non, tiens ! Moi aussi je sais être magnanime. Prends les blancs ! Je vais te laminer !

- Ne vends pas la peau de l’ourse avant de l’avoir tuée !

AEV 2021-08 Jean-Paul - joueuse

On installa les pièces et la partie commença. Ce fut une défense sicilienne (1.e4 c5) et la variante jouée par le dragon resta si bien dans les annales qu’elle porte encore son nom de nos jours.

Au bout de quelques coups on le vit qui soufflait devant la résistance imprévue de son adversaire. Il se demandait si c’était du lard ou du cochon, ou du flan son grand roque et son avancée du pion h. La donzelle avait-elle une araignée au plafond ? En attendant ça tournait, ça tournait dans sa tête comme un écureuil dans sa cage. Sa piètre position finit par lui flanquer le bourdon. Bientôt la stratégie blanche fit mouche et il abandonna sportivement en voyant venir l’échec et mat.

- Gens una sumus, déclara-t-il, ce qui signifiait « Je n’ai qu’une parole et mes pareils et moi-même ne reviendrons plus traîner nos guêtres dans ce pays où règne le merle blanc et où j’ai rencontré le bel oiseau rare que vous êtes. ».

Ce sur quoi il prit ses cliques et ses claques et disparut à jamais tandis que la princesse retournait triomphante en son bel équipage peigner la girafe au castel.

- Bravo, Georgette ! la complimenta cousine Suzanne.

- Aucun mérite. J’ai une mémoire d’éléphant et le coup du « ouvrir la colonne « h », sacrifice, sacrifice... mat ! » c’est Bobi le petit pêcheur avec qui je joue très souvent qui me l’a appris !

***

- Mais alors, ho, à quoi je sers, moi, ici !

- Toi, chevalier Saint-Georges ? Va-t-en prier la Vierge Marie avec les grenouilles de bénitier de ton quartier ! Dans cette version-ci, on–t-en prie, Feydeau do ! Ca aurait dû te mettre la puce à l’oreille, une môme Crevette qui s’appelle Georgette : tu es le dindon de la farce !

10 novembre 2020

Mataharyvonne. - Les Huit petits nègres / Maryvonne

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Quatrième de couverture

L'auteure a beaucoup hésité à écrire ses souvenirs d'enfance sous prétexte qu'elle n'arrivait pas à produire un texte assez long. L'âge et la maturité venus, elle se lance avec délice dans les textes courts au sein d'un groupe qui se réunit chaque mardi.

Avec des personnalités diverses et variées ces huit petits nègres (seulement huit, distanciation oblige) vont écrire une symphonie fantastique pour plumes et crayons avec des accents toniques, des envolées lyriques, comiques, héroïques, tristes ou joyeuses. C'est un aperçu de cette musique qu'elle vous fredonne dans ce livre.


Début du roman (roman vraiment ?)

Pendant les longues heures d'étude au pensionnat certaines étaient dévolues à la chasse aux pores encombrés et à la traque des boutons d’acné devant un petit miroir de poche. Ces fleurs de l'adolescence me rendaient folle et je ne cessais de seriner à ma voisine que j'étais vraiment trop moche. Ma pauvre Jojo en avait les oreilles rebattues si bien qu'un jour, excédée, elle finit par me dire :

- C'est vrai, t'es moche mais ça te va bien ! ». Une sorte de « non-recevoir » amical.

Je décidai alors que si un jour je me lançais dans l'écriture mon premier livre s’appellerait :
« Je suis moche mais ça me va bien ». Le récit est resté dans l'oeuf.

Quelques 50 ans plus tard ce titre n'a plus de sens. « Moche » prend pourtant cette fois une réalité plus objective. Notons tout de même que, sous les rides, l'acné a disparu et les comédons se font rares.

Je me lançai donc dans un autre genre d'écriture : le texte court sous la consigne d'un maître.

Une aventure collective au service d'un auteur connu : Monsieur Blogue qui publie à la NRF, avec la devise : Ne Rien Faire (et laisser dire). Afin d'avoir de la matière il utilise pour cela des nègres, en fait un nègre en chef et 7 négresses.

Voilà que je lâche deux mots maudits car si nègre est un mot qui a déjà du plomb dans l'aile, négresse n'a jamais eu droit de cité en littérature. Aujourd'hui nous parlons de « prête-plume » voire d'auteur « plume cachée » ou « plume de l'ombre ». Au Canada un professeur vient de se faire renvoyer pour avoir utilisé en cours le mot qui ne se dit plus maintenant que sous la forme hypocrite suivante : le mot en « N ».

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Mais revenons à notre formation orchestrale. Chacun, chacune joue sa partition avec sa tonalité préférée. Quelques-uns ont, comme dans les grandes œuvres, des leitmotive, voire des idées fixes. Nous retrouvons ainsi pêle-mêle Isaure Chassériau, Laure Manaudou, Jean-Claude Van Damme et l'ami Félix dans des situations rocambolesques. De la poésie, des fables et des romances, des dragonnades, des haïkus, des devinettes, des discours et bien d'autres formes de productions.

Mais vous vous dites « Quelle cacophonie ! Comment cela peut-il faire une œuvre et comment Monsieur Blogue en fait-il bon usage ? ».

C'est tout comme dans le chapeau de magicien, un peu de ci, un peu de ça, de la poudre de perlimpinpin et il en sort un lapin blanc.

Les huit « plumes cachées » œuvrent et monsieur Blogue en fait un oiseau coloré qui vole gracieusement.

Ça ne choque personne que Philippe Delerm passe de : « Je vais passer pour un vieux con » à « Et vous avez eu beau temps ? ». Les chroniques finissent par faire un tout. Voilà : nous avons droit au cousu-décousu comme au coiffé-décoiffé pour faire notre tout à nous.

Zut ! Monsieur Blogue avait dit "Roman" ! Je crois que je me suis encore plantée. C'est moche.

5 janvier 2021

Deux cartes et une lettre de 1965 / Jean-Paul

Donald Duck à Sablé (Marie-Annick 1965)

Chère Grand-mère

Je t’envoie une carte de notre pélerinage à Sablé-sur-Sarthe où tu étais réfugiée pendant la guerre. Aujourd’hui on y est avec Papa, Maman, ma petite sœur Dominique, Tata Roberte et la Deux chevaux Citroên. On n’a pas pu visiter le château parce que c’est une usine de chicorée mais Tata Roberte a acheté une boîte de biscuit en métal chez Drans. Elle a dit qu’elle me la donnerait quand elle serait vide. Papa a fait une réflexion et ils se sont encore chicorée ensemble. « C’est pas du gâteau de voyager avec vous deux ! » a dit Maman. Moi je suis resté baba devant des tas de choses ici. Déjà ils connaissent aussi Donald dans la Sarthe ! Il me faudrait au moins mille feuilles pour te raconter cette journée. Du coup je t’écrirai une lettre quand nous serons rentrés à Redon.

Je t’embrasse bien fort.

Annie.

P.S.

On a monté sur un cheval ! Tata Roberte a pris des photos !

***

Le cheval mal cadré 3Chère Grand-mère 

Les photos que Tata Roberte a prises de nous sur le cheval des Guilmo à Auvers-le-Hamon sont un peu ratées comme tu peux le voir. J’aurais bien voulu garder celle où je tiens le cheval par sa ficelle et où Dominique est dans la chaise de bébé en bois mais Maman a dit qu’elle te plairait alors j’obéis et je te la donne de bon cœur.

En voyant les photos aux têtes coupées, Papa a dit, pas très diplomate :

- Quand elle guillotine, celle-là, ce n’est pas du flan !

Et Maman et lui se sont encore chicorée parce que Tata Robert est quand même la sœur de Maman et la belle-sœur de Papa. Papa s’est tu. Ca lui a claqué le beignet, comme on dit.

C’était quand même une belle journée que ce pélerinage à Sablé. Le matin on est passés embarquer Tata Roberte qu’on a mise à l’arrière de la 2CV avec nous et on a traversé de la campagne et de jolis villages : Saint-Nicolas-de-Redon, Chateaubriant, Pouancé, Renazé, Craon, Château-Gontier…

Le cheval mal cadré 1A Sablé on a retrouvé Colette, la grande copine de Maman. Elle habite en plein centre, sur la place Raphaël Elizé. Ce monsieur, le premier maire noir de France, a été déporté par les Allemands parce qu’il avait une tête de nègre. Ils sont pas gentils, les Allemands. Ils pouvaient pas rester dans leur Forêt Noire pendant la guerre de 14-45 ? Mais bon, c’est compliqué, les histoires de grands. Parce que les bombardements de Nantes c’étaient les Anglais et les Américains ! C’est gentil de balancer des bombes sur nos framboisiers ? Pas très chou, je trouve !

Donc en octobre 1943, vous êtes venues, toi, maman et Tata Roberte vous réfugier à Auvers-le-Hamon dans la ferme de M. et Mme Guilmo. Leur fille Colette est devenue la grande amie de maman et puis maintenant la marraine de Dominique. Elles allaient ensemble au collège à Sablé.

Pendant le repas de midi les trois copines ont parlé de ce temps-là et pendant leur conversation Papa a eu l’air de bien s’ennuyer. Du coup il a repris deux fois des rillettes de l’entrée et aussi une deuxième part de Pithiviers au dessert.

Le cheval mal cadré 4 (détail)L’après-midi on nous a emmenés voir l’abbaye de Solesmes, un grand bâtiment dressé au bord de l’eau dans lequel on enferme des religieuses, des jésuites ou des sacristains, j’ai oublié et puis on est allés voir Monsieur Guilmo, le père, dans sa ferme à Auvers. C’est celui qui fume avec son panier sur la photo.

C’est là qu’on a monté sur le cheval. Maman a chicorée encore Papa parce qu’il avait oublié d’emmené son Kodak à soufflet mais Tata Roberte avait le sien.

- A tous les coups, elles vont être ratées, qu’il a dit entre ses dents Papa en nous maintenant sur le bidet pour pas qu’on en tombe.

C’est vrai. On ne voit que ses jambes à lui et pas nos têtes à nous. Mais Tata Roberte est myope comme une taupe modèle. Ca explique.

Le cheval mal cadré 2Du coup, après la bataille, il a repris un autre coup de la « gnôle » du père Guilmo.

- Raymond, n’oublie pas que tu conduis ! a grondé Maman.

- Heulà ! C’est pas bien grave, a dit le père Guilmo. Les gendarmes d’ici n’ont inventé ni le fil à couper le beurre ni l’alcootest. Et puis, ce n’est que de l’eau ferrugineuse !

Tout le monde a ri mais je n’ai pas compris pourquoi. Et puis Monsieur Guilmo a repris de façon assez croquignole :

- De toute façon on ne peut pas doubler sur nos petites routes à cause des gros culs, alors autant ne pas rester sur une jambe ici !

Après on est reviendus à Sablé. On a fait un tour dans la rue de l’Île où il y a une place Dom Dérangé avec un bac à sable pour les enfants et des bancs pour s’asseoir discuter. Puis on est passés chez Drans, sur le quai, pour acheter des biscuits spéciaux de Sablé qu’on appelle des sablés de Sablé. Tata Roberte a acheté une grande boîte métallique. Maman en a acheté aussi mais moins et dans une boîte en carton.

Bonne année 1978 (Sophie Gallais)Avant qu’on reparte, j’ai bien regardé le château en face. Je me suis dit que plus tard je reviendrai peut-être vivre ici. Ce serait merveilleux si j’épousais le fils des chicorées Willot qui le possède ! Il doit avoir de la galette, non ? On verra bien !

Quel dommage que tu n’as pas pu venir avec nous ! Ca t’aurait rappelé le bon vieux temps !

J’espère que tu vas bien, je t’embrasse très fort et je te souhaite une bonne et heureuse année 1966 !

Annie

P.S. Fais des bises de ma part au cousin Jacquot et à son tonton Hulot quand il passera te voir !



AEV 2021-13 - jean-paul - boîte de sablés

 

12 mai 2020

De Rimbaine à Verlaud. 7, « Aa » dit-il car il connaissait les deux langues !

M. Arthur Rimbaine
Explorateur de voies intraveineuses
et de traditions orales ou à mettre dans les annales
8, quai Arthur Rimbaud
08000 Charleville-Mézières

                                                                    Monsieur Paul Verlaud
                                                                    Société de géographie des Maladives et du Miraginaire
                                                                    73, rue Sonneleur
                                                                    62812 Vent-Mauvais

                                                     Petit-Fort-Philippe le 12 mai 2020

C’est effectivement un concept très intéressant et le tout récent confinement de mars à mai 2020 nous l’a prouvé contre notre gré : ce sont les lieux les plus connus de nous qui sont les plus surprenants, les plus porteurs d’inattendu.

Je pense ainsi à toutes ces dames qui ont profité de ce temps libéré pour faire du rangement chez elles et se sont effarées du nombre de paires de chaussures qui encombraient leurs placards.

Petit Fort Philippe 22 03

Aujourd’hui, fort heureusement, ce temps d’enfermement est terminé et j’ai pu reprendre mon travail d’exploration des traditions orales à mettre dans les annales. Je l’ai repris à zéro ou presque, en tout cas au tout début du dictionnaire puisque mon expédition de ce jour, à ta demande de confiné à jambe de bois, m’a amené pas très loin de chez toi, à Petit Fort-Philippe dans le département du Nord. C’est ici que ce fleuve côtier en deux lettres très connu des cruciverbistes et des verbicrucistes, voire de ceux qui font des mots croisés, vient se jeter dans la mer. (In appelle cha eune imbouchur’ ou un estuaire).

Le fleuve est canalisé et se termine par un long chenal qui sépare Petit-Fort-Philippe à sa droite de Grand-Fort-Philippe à sa gauche. C’est un peu comme Buda et Pest à Budapest mais attention ça n’a rien à voir avec Buca et Rest à Bucarest en Roumanie : Buca est en Turquie et Rest n’existe pas !

Petit Fort Philippe Google images 20 bis Salomé

Si Petit-Fort-Philippe fait partie de la ville de Gravelines, Grand-Fort-Philippe est indépendante. Aussitôt débarqué du train à Gravelines j’ai pris l’autobus de Monsieur Salomé (Man mère ! Qoô qu’ch’est que ch’bahut-là ? Y date eud Mathusalème ?) et je me suis mis en quête de l’hôtel Beaurivage tenu par M. et Mme G. Babilaere. Il ne paie pas de mine mais est très correct, accueil chaleureux avec accent ch’ti garanti :

- Allez, Biloute, monte eul valise à ch’t’homme dins l'champe numéro vintte !.

Après m’être installé sommairement, je suis ressorti. Avant de jouer les arpenteurs d’inattendu j’ai pris un café dans un estaminet nommé « Au retour du Transvaal ». (Ah ben dis donc ma loute, c’h’est pas dé l’chirloute qu’in sert ichi ! Y faudrot un bon g’nièv’ pour faire passer ch’tortosa là !). Mon Dieu qu’il était fort ! J’ai commencé par faire le tour de la grand’ place. Elle ressemble un peu à celle de Charleville-Mézières, la place ducale de Charlestown, à ceci près qu’elle n’est pas traversée en son milieu par deux routes perpendiculaires (comme à Carvin, par exemple). Par contre les autocars de Monsieur Salomé ont un petit dépôt ici où ils proposent des excursions vers Dunkerque, Bray-Dunes et même La Panne, de l’autre côté de la frontière belge. C’est gonflé ! Peu de temps après les affaires de Metoo faire le coup de La Panne à toutes les dames d’un bus, il faut oser. Ce Salomé a peut-être des accointances avec le producteur harceleur ? Comment s’appelait-il déjà ? Richard Strauss-Kahn ?

Petit Fort Philippe Inédits 42Je me suis promené ensuite le long du chenal jusqu’au phare blanc et noir que son motif décoratif en spirale fait ressembler à un sucre d’orge de fête foraine (In dit eun’ ducasse, par ichi, Isidore !). Elle commence par devenir énervante cette petite voix intérieure qui m’interrompt tout le temps ! J’ai continué jusqu’au bout de la jetée. Ce n’est pas le sillon de Talberg mais presque. On est peut-être, au bout, au point le plus septentrional de la France ? Qui sait ?

J’ai rebroussé chemin et j’ai tourné à gauche devant les cabines de bain. J’ai longé la plage, suis passé devant le sémaphore, la chapelle des marins, ai poussé jusqu’au camping puis suis revenu par le même chemin. Comme on était proches de midi j’ai décidé de me poser pour déjeuner au restaurant de l’hôtel.

Petit Fort Philippe Inédits 05On m’a proposé de déguster des welsches, un plat typique du Nord (du pays de Galles ?) à base de fromage de Cheddar fondu dans de la bière et gratiné au four avec un œuf miroir par-dessus une de ces tartines de jambon dont Arthur Rimbaud a chanté les mérites dans son poème « Au cabaret vert, cinq heures du soir ». Délicieux mais copieux car on m’a servi avec cela frites et salade. Comme boisson, il n’y avait pas d’autre choix que la bière Motte-Cordonnier. Cordonnier, ça m’a fait penser à « Comme des lyres je tirais les élastiques de mes souliers blessés un pied contre mon cœur ».

Petit Fort Philippe Inédits 37

Petit Fort Philippe Inédits 44

Et puis après le café – mon Dieu qu’il était fort aussi ! – je suis allé paresser au pied du sémaphore pour attendre mon rendez-vous de quinze heures. Mon Dieu qu’est-ce que c’est bon de pouvoir à nouveau poser son cul sur le sable. Qui aurait pu imaginer que nous pourrions être assez stupides un jour pour obéir à ces encravatés guindés, xyloglottes de naissance et paralytiques du bulbe, menés par des toubibs aveuglés par la peur de sauter dans le Covid, signer des autorisations de déplacement dérogatoires et accepter d’être enfermés dans un kilomètre carré sans air, sans verdure, sans jase et sans excentricité, les mêmes nous demandant de retourner ensuite, du jour au lendemain, nous confiner-fourrer dans le métro, le train et les bureaux pour relancer l’économie ?

Petit Fort Philippe Inédits 41Je me suis calmé en regardant jouer les mômes et les ados qui n’en ont jamais rien eu à secouer de cette pandémie puis je me suis rendu au Café du Phare.

- C’est bien ici, l’atelier d’écriture de Mimi Crincrin et Justin Chicon ?

- Oui, vous êtes le premier ; je vous sers un demi de bière Carlier et vous allez vous asseoir à la table longue au centre. Les autres ne vont pas tarder à arriver !

Petit Fort Philippe Inédits 04

O tempora o mores ! O Crête de punk de Desireless ! Quel fabuleux voillage-voïache ce fut ! Les participant·e·s étaient empli·e·s de joie de se retrouver après un conconfinement bien trop long à leur gré.

J’aurais peut-être été perdu-noyé parmi ces patoisants folkloriques qui se réunissent ici chaque mardi pour traduire en picard ou en rouchi – c’est le patois du Nord que l’on appelle ainsi – des chansons célèbres écrites à l’origine dans le plus pur des français. Heureusement l’ambiance bon enfant, la bière Carlier , les rires et surtout la petite voix qui m’accompagne depuis le début de mon séjour m’ont aidé à rédiger l’exercice qui m’était demandé : adapter-traduire-trahir « Les gens du Nord » d’Enrico Macias. Je te montrerai cela demain. Je ne suis pas mécontent de mon travail de parolier ! Mais le « Ti Gravelines, té m’as pris dins tes bras » de Mimi Crincrin était irrésistible.

J’étais un peu « torché » quand j’ai quitté mes hôtes mais j’avais bien rigolé. Sur la lancée, dans la chambre 20 de l’hôtel Beaurivage, je t’ai écrit ce pré-rapport en forme de lettre à l’ancienne.

Ce soir ce sera Petit-Fort-Philippe by night. Demain matin je visiterai le musée du dessin et de l’estampe originale de Gravelines et dans l’après-midi je retournerai à Lille puis prendrai le bus pour aller chez toi à Vent-mauvais.

Je suis vraiment très, très heureux à l’idée de vous revoir, toi et ta jambe de bois, après cette séparation de tant d’années !

Bien plus qu’amicalement

P.S. Si tu as des tuyaux sur la petite voix intérieure, je suis preneur. Tu crois qu’ils auraient osé mettre un comprimé de Gougueule-transleïte dans la bière ? Ou sinon, au "Retour du Transvaal", qu’est-ce qu’ils auraient mis dans le café ? (Mais quo qu’ch’est qu’t’as mis dins l’café ?) La même chose que dans la chanson d’Antoine ? Un truc qui donne des élucubrations ?

18 octobre 2022

Dictionnaire de la bonne humeur : Gai-Luron / Jean-Paul

2223-06 JK- Gai Luron 1

Il s’agit d’un chien, personnage de bandes dessinées, né de la plume de Marcel Gotlib.

Je ne suis pas ici pour raconter ma vie mais comme j'ai grandi dans les années 60 une de mes premières lectures aura été l'hebdomadaire de bandes dessinées « Vaillant » qui portait alors en sous-titre « le journal de Pif ».

2223-06 JK- Gai Luron 2Ce périodique pour enfants, devenu Pif-gadget, a été très célèbre à partir de 1969 pour s'être mis à ne publier que des récits complets et pour distribuer aux minots, chaque semaine, un gadget amusant dont les spécimens les plus célèbres ont été les Pifises, un genre de têtards dont on ne savait plus que faire une fois que ces œufs de poisson (?) avaient éclos, et les pois sauteurs du Mexique.

Il y avait aussi à l’intérieur un journal des jeux conséquent et, en plus des trois récits complets de 10, 20 et 7 pages, des gags hebdomadaires des séries historiques Pif, Pifou, Placid et Muzo, etc.

Mais revenons à Vaillant et à la période au cours de laquelle les récits d’aventures, délivrés à raison de deux pages par semaine, étaient « à suivre ».

C'est dans ce journal pour mômes, initiative et propriété du Parti communiste français, que Marcel Gotlib a fait ses débuts. Il y a publié Gai-Luron, la première série qui l'a rendu célèbre avant les Dingodossiers scénarisés par Goscinny dans Pilote puis la Rubrique-à-brac pondue en solo. Il y eut ensuite le gros boom de mai 68 et le meurtre freudien du père par claquage de la porte de Pilote puis lancement avec Bretécher et Mandryka de « L'Echo des savanes » où les deux messieurs purent prendre leur pied en dessinant des bites (?) en veux-tu en voilà. Drôle d’époque opaque !

2223-06 JK- Gai Luron 3Retournons en 1964, 5 ou 6. Gai-Luron apparaît d'abord comme un personnage secondaire de la série « Nanar, Jujube et Piette ». Les deux personnages humains, Nanar et Piette, des enfants de la campagne, disparaissent peu à peu ; ne restent au premier plan que Gai-Luron le chien et Jujube le renard puis le titre devient « Gai-Luron ou La joie de vivre ».

2223-06 JK- Gai Luron 5Même si vous n'avez jamais lu « Vaillant » où « Pif-gadget » vous connaissez Gai-Luron. L'œil morne, endormi, lymphatique, n'adorant rien tant qu'une bonne sieste au soleil, il est une copie conforme du Droopy des dessins animés de Tex Avery. « You know what ? I am the Hero ! ».

 

 

 

Le gag qui me fait toujours hurler de rire est celui dans lequel Gai-Luron essaie par tous les moyens, et sans y parvenir, de franchir un mur ; la dernière image en plan plus large montre que le mur était écroulé et qu'on pouvait tout simplement le contourner par le côté. Plus tard Gai-Luron sera doté d'une petite amie, Belle Lurette et leurs cochonneries les plus ultimes consisteront à aller se fourrer dans un buisson pour jouer... à la bataille navale !

2223-06 JK- Gai Luron 4C'est dans Gai-Luron qu’apparaîtra aussi une souris muette dans le bas des cases, concept qu'on retrouvera dans la Rubrique-à-Brac avec la fameuse coccinelle.

Pour être complet citons le retour éphémère dans « Fluide glacial » de « Gai-Luron en slip » et mentionnons que la reprise récente de Gai-Luron par Fabcaro nous met, elle aussi, de très bonne humeur.

6 décembre 2022

Consigne d'écriture 2223-12 du 6 décembre 2022 : Photos de groupes

Photos de groupes

 

Vous avez hérité d’une photo de groupe sur laquelle figure quelqu’un·e de votre famille. Dites qui c’est, resituez son contexte, faites parler un des personnages de la photo ou livrez vos propres pensées philosophiques, littéraires ou anodines en utilisant au moins deux des phrases ci-dessous extraites du jeu « C’est à moi que tu causes ? » 

La nostalgie, c’est le cinéma du pauvre. C’était mieux avant, mon cul, oui ! Si tu ouvres ton coeur à un étranger, tes secrets voyageront anonymes
Ça ne se passera jamais C’est vrai, apprendre à vivre demande plus qu’une vie
Y a plus de place ! Personne n’est à l’abri
Laisse tomber, y’a la queue aux toilettes ! On ne va pas en faire un fromage
Il suffit de trouver sa place dans la vie Personne n’est vraiment dupe
La constance, y’a que ça de vrai Tu crois qu’on va y arriver ?
Il faut croire aux miracles Vous avez une tête à garder vos chaussettes
Arrêtez de me regarder comme un poisson rouge Allez, allonge ton blase, on va pas y passer la journée
Ce soir, c’est le grand soir Vous savez, le temps dévore tout
Même pas en rêve Tu as vraiment une gueule de bon élève
A force de s’adapter à tout on finit par disparaître Avec un peu de chance, tu l’auras ton étoile sur Hollywood
Parfois il suffit d’un ami Au fond de vous, êtes-vous un marginal ?
On se croirait dans un film de Rohmer Nous n’avons plus rien en commun

 Cliquez sur les photos pour les agrandir S.V.P.

 Groupe d'élèves du Lycée de garçons du Mans en 1935-36 (recadrée)

 Groupe d'élèves d'une école privée vers 1935-36 à Saint-Brieuc

 Groupe d'élèves d'une école privée vers 1935-36

 Groupe d'enfants redonnais déguisés en Pierrot

 Groupe d'enfants redonnais à Noël

 Cortège historique char de mineurs 1946

 Groupe de collégiens 1964-65 réduite

 Groupe de collégiens 1965-65

 Groupe de danseuses du début des années 50

 Groupe de militaires à Sissonne en 1954-5

 Groupe d'inspecteurs des Impôts en 1933

 Groupe d'inspecteurs des Impôts en 1947

20 février 2013

Les chaises : pièce à dormir debout / Jean-Paul

Sur la scène du théâtre le plateau est nu. Il y a juste deux chaises qui se font face et un grand écran blanc qui occupe tout le fond. Les deux personnages féminins, Cour et Jardin, arrivent chacune d’un côté différent de la scène. Elles ont chacune un gros dossier plein de feuilles dactylographiées et s’assoient l’une en face de l’autre, ayant vue à la fois sur la salle et sur l’écran. Lorsqu’elles sont en place le technicien projette sur l’écran une photo d’Henri Cartier-Bresson.

COUR. – Aujourd’hui, le patron de la P .J. est venu s’asseoir à la terrasse de la brasserie Dauphine. Il aurait bien mangé une choucroute et bu un verre de Riesling bien frais mais il n’y avait personne au comptoir et personne non plus n’est venu prendre sa commande depuis qu’il s’est assis à la terrasse déserte.

JARDIN. – Alors il attend. C’est un gros monsieur à l’air placide. Il porte un chapeau melon et un pardessus à col de velours. Il a gardé son parapluie à la main. La pointe du pépin fermé touche le sol, trois doigts du bonhomme serrent le manche recourbé et le pouce et l’index de l’homme pendouillent sur la petite queue du J à l’envers. Sans même tapoter du doigt, il attend.

COUR. – Il a une moustache blanche, de faux airs de Pierre Bellemare qui n’est peut-être pas encore né vu que la photo date de 1932. Il est ventru, a le visage massif, la chair flasque au bas des joues, le regard un peu éteint qui fixe le vide. Il attend.

JARDIN. – Dehors, sur la place, les vélums du restaurant voisin dessinent dans la lumière du jour hivernal une France stylisée, un hexagone au Sud-Ouest duquel trois types debout sont immobiles. Deux d’entre eux semblent discuter en marchant alors qu’en fait ils n’avancent pas. Le troisième tourne la tête et regarde derrière eux. Lui aussi a l’air d’attendre quelqu’un.

130219 Cartier-Bresson patron de la P

COUR. – Il y a cinq tables avec des nappes blanches à la terrasse du restaurant et seize chaises mais sur la scène…

JARDIN. –… ou dans cette scène…

COUR. – … on n’en voit que quinze.

JARDIN. - Il y a des chaises mâles et des chaises femelles. Toutes la journée, écrasées sous les culs des humains, elles rêvent du moment où le soir le garçon en long tablier va les empiler sur la table, les unes sur les autres, enfin, tête-bêche.

COUR. – Quand le dernier autobus n° 69 sera passé, le loufiat éteindra la lumière et l’orgie commencera. Un air de jazz mystérieux descendra de l’appartement du dessus. Toute la journée les chaises attendent ça.

JARDIN. – Elles ont des noms un peu bizarres. Parfois « La tempérance » est montée sur « le diable » et « la justice » sur « le chariot ».

COUR. – Hier soir « le pendu » était sur « la maison-Dieu » et « l’étoile » sur « l’amoureux ».

JARDIN. – « Le bateleur » s’envoie « l’impératrice » et « le soleil » a enfin rendez-vous avec « la lune ».

COUR. – Présentement, c’est « la papesse » qui a attrapé le patron de la P.J.

JARDIN. – Par le fond de son pantalon elle a fait pénétrer une pointe de son paillage et la voilà qui aspire l’âme du type qui attend.

COUR. – Ca a une âme, un policier ?

JARDIN. – A cette époque-là, oui. Dans les trous qu’ont creusés en elle les vers à bois, la chaise niche les différentes parties qu’elle soutire au policier.

COUR. – Son aveu d’impuissance devant le gang des tractions avant.

JARDIN. – Ses rêves de retraite à Meung-sur-Loire : la pêche, le fricandeau à l’oseille de son épouse, la partie de cartes de l’après-midi au café avec le docteur, le boucher et le cabaretier.

COUR. – Bientôt la papesse a tout pompé. La chaise est repue et le commissaire Maigret n’est plus qu’un fantôme creux dans la mémoire de l’auteur de la pièce. Un souvenir lointain.

JARDIN. - Fin de la scène 1.

COUR. – Malgré son Alzheimer, l’auteur a écrit une scène 2

JARDIN. – Tu rigoles ? La pièce est encore inachevée. Elle fait 4208 pages à l’heure d’aujourd’hui.

COUR. – Et… on va tout lire ? Je peux aller faire une pause pipi ?

JARDIN. – Attends la fin de la scène 2. Cette fois c’est une photo de Jacques Prévert par Robert Doisneau.

COUR. – Je crois que j’ai deviné le nom de la chaise !

JARDIN. – Allez, va faire pipi au lieu de dire des bêtises.

COUR. – Je voudrais bien mais… Je n’arrive pas à me lever… Je me sens vidée d’un seul coup.

Elles s’immobilisent toutes les deux. Le rideau tombe. Les spectateurs n’applaudissent pas. Ils ne sortent pas de la salle. Ils ne le peuvent pas. Moi-même j’ai du mal à termin...

9 septembre 2014

Sainte Maison blanche aux volets bleus / Jean-Paul

JRMorel 07N’en déplaise à Maxime Le Forestier, on ne trouve que très peu de maisons bleues aux volets blancs adossées à la colline aux coralines dans la Bretagne qui est si belle quand il pleut sur le Festival Jean-Michel Caradec.

L’inverse par contre est assez répandu et tout photographe épris de vrais clichés ne manquera jamais d’immortaliser, ainsi que l’a fait sur cette aquarelle M. Jean-Roger Morel, cette sacrée maison blanche aux volets bleus qu’on voit dans le port de Ploumanac’h, de Trégasoil ou de Ploumazout car les maisons blanches aux volets bleus, c’est comme les marées noires, elles ont envahi tout, elles sont partout. 

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Le cérémonial n’est complet que si des hortensias poussent dans le jardin et si, au voyageur, des rideaux de dentelles aussi épais qu’un string essaient de cacher l’habitante déjà bien dissimulée dans l’ombre. Car la maison a beau être blanche, l’intérieur en est toujours sombre.

La locataire, on l’imagine très bien portant par-dessus son chignon la sainte coiffe bigoudène et confectionnant sur la sainte crêpière Billig la sainte galette au chèvre et au miel.

Mais on est très déçu par la réalité quand on la voit sortir de la sainte maison blanche aux volets bleus. Elle est jeune, jolie, percée de partout, tatouée sur les bras et les jambes, elle porte un short en jean déchiré et des collants noirs, elle a des cheveux bleus et un iphone collé à l’oreille.

C’est que voyez-vous, braves gens, depuis 1914 Sainte-Bécassine a eu le temps d’avoir une descendance, des enfants, des petits-enfants, des arrière-petits enfants et celle-ci s’en va retrouver son coquin dont elle espère bien qu’il lui en fera, à elle aussi, une tripotée qu’ils nommeront Timothée, Victor, Mélanie, Ernestine ou Auguste. Oui, comme vos arrière- arrière-grands-parents. Pourquoi est-ce que le monde nous rajeunirait ?

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23 septembre 2014

Tonton Nestor et le Hezbollah / Dominique MD

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« Mon cher, dit-elle, vous êtes fou, j'ai deux mille ans de plus que vous ». Tonton Nestor n'en croyait pas ses oreilles. Lui qui avait mis la zizanie aux noces de Jeannette, lui qui avait mis un pinçon en son éminence charnue, lui qui n'avait pu, jamais, mettre un peu d'ordre dans sa tenue, ses propos, ses façons d'être, voilà qu'une statue, et pas n'importe quelle statue, une statue de reine, le tenait en respect, lui disait « pas touche !», l'enjoignait de garder ses distances, d'arrêter de maudire.

Deux mille ans, diable ! Qui pouvait bien être cette femme ? C'était refroidissant.

Il arpentait un ancien cloître glacial, un soir de décembre, au Liban, à Tripoli exactement. La neige était tombée depuis plusieurs jours sur le Mont Liban, c'était magnifique.

 

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Il s'était joint à un groupe de joueurs de cricket pakistanais, rencontrés dans l'avion Paris-Beyrouth. Eux poursuivraient leur route vers l'Est, lui remonteraient vers le Nord.

« Le temps, madame, que nous importe ! ». Voilà ce qu'il aurait voulu répondre. Mais il n'avait pas eu le temps. Déjà le groupe se déplaçait, il ne voulait pas perdre ses joueurs de cricket. Avec eux, il s'amusait vraiment. Certes, il ne parlait pas l'ourdou, et ne comprenait pas non plus leur anglais chantant parlé à la façon indienne. Lui ne connaissait tout au plus que dix mots de la langue de nos voisins. Mais curieusement, la statue lui avait parlé dans une langue qu'il avait comprise. Ce n'est pourtant pas la Pentecôte, pensait-il !

Les joueurs de cricket s'engouffraient maintenant dans un car qui devait les emmener au restaurant à Byblos. Il se fit tout petit, cacha son visage et ses bacchantes dans sa casquette et monta incognito dans le car. A Byblos, il regretta un peu son initiative. En effet, les joueurs étaient accueillis dans un restaurant luxueux. Dans l'entrée, on servait du champagne et des mezzés. Mais bientôt, il faudrait s'asseoir à table or sa place n'était pas prévue. Il pensait passer le temps du repas avec le chauffeur de car mais celui-ci était déjà reparti pour essayer de garer son engin quelque part dans les rues étroites de la ville.

Il alla alors se cacher dans les toilettes, le temps du repas des joueurs. Mais au bout de dix minutes d'enfermement, il entendit une voix semblable à celle de la statue : « Etranger, sauve-toi d'ici, ou l'on donne l'alarme aux chiens et aux gendarmes !». Les gendarmes, il en faisait son affaire, il avait toujours su leur parler. Il avait fait ses premières armes à la foire de Brive la Gaillarde, où il s'était interposé entre quelques dizaines de gaillardes et des gendarmes mal inspirés. Mais les chiens, il en avait une peur bleue. Des chiens arabes, qui plus est !

Il se mit alors à écrire fébrilement sur le papier de toilettes, qui s'effilochait un peu : « Fermé jusqu'à la fin des jours pour cause d'amour !», et réussit à suspendre son libelle à l'extérieur de la porte, pendant un instant où il était seul. Le temps passait, il n'entendait plus rien, il se mit à craindre que les joueurs ne fussent partis sans lui dans leur hôtel près de la route de la corniche.

Il sortit des toilettes. Il n'y avait ni chiens, ni gendarmes. Le restaurant s'était vidé. Il restait seulement un serveur endormi, au fond du restaurant une femme de ménage  magnifique, belle comme la statue du cloître, qui rangeaient les tables abandonnées par les joueurs de cricket, et,  attablé au bar, un vieil irlandais, ivre probablement puisqu'il lui dit : «  C'est toi que j'aime, et si tu veux, tu peux m'embrasser sur la bouche et même pire ». Puis il continua : « Cher Monsieur, vous êtes un autre !».

Tonton Nestor était dans une situation inédite. Lui qui venait de Brive-la-Gaillarde n'avait jamais été confronté à un vieil Irlandais ivre, gay de surcroît. Il se rappela les leçons de son grand-père qui avait fait la guerre de 1870 contre les Prussiens. Il garda son sang-froid, et répondit « C'est aujourd'hui que je le perds ! ». Au moins pour la nuit, il aurait une chambre et un lit et de la compagnie. « Venez ! » dit l'Irlandais, « je vous montre le chemin, et vous conduis at home ».

On ne sait pas ce qu'il advint de tonton Nestor mais pendant la nuit la femme de ménage rémunérée par le Hezbollah pour espionner tonton Nestor, qui était aux aguets dans la chambre à côté, entendit une des deux voix dire « Qu'est ce que tu fais là ?», et l'autre répondre « Pousse donc un peu !».

27 novembre 2014

Slam de la gorge déployée / Jean-Paul

Je suis celui qui retentit du fond du ventre lorsque Pinocchio dans son antre fait contre sa mauvaise fortune bon choeur et joue du xylophone en tapant sur les côtes du sombre cétacé et cela a suffi pour que j’éclate et qu’il en perde, lui, haleine.

Je suis celui, recroquevillé, qui se déplie soudain, se tend puis se distend, se termine en jet d’eau, en petite fontaine, celui qui soudain tourne court et se braque-marre comme une baleine.

Je suis celui de la marquise qui sortit à cinq heures comme il se petit-doigt dans l’air de son salon sans se faire de mousse :

Je suis petit, discret, distingué, aristo, mais quelle idée vraiment au retour pour le thé : se montrer si gourmande des propos incongrus de ce petit Marcel que bientôt la madeleine aux marches du palais, en passant dans la glotte se pose en mon travers et la marquise s’étrangle, s’étouffe, s’intoxique et je meurs avec elle en un dernier hoquet tandis qu’ultime saut sa carcasse s’affaisse et son corps se trémousse !

Je suis celui lardu, gras du, un peu loquedu, riche en sous-entendus qui est fraîchement pondu quand on dit que la proie, dinde, oie, sainte-nitouche est touchante et « gentille »

Mais je deviens vite jaune et du genre mauvais lorsque, perdant ses billes, embrouillée de bisbilles, devenue immobile devant la fermeté, le refus très futé de l’accorte nubile d’appeler peccadilles vos troubles bagatelles, sans accès aux dentelles l’idylle s’entortille.

Je suis parfois de bon aloi, de convenance, de circonstance, de bon ton ou de pure forme

Comme je puis éclater Rabelaisien, Toporesque, à tout crin, plus Homérique que Rohmérien, Gargantuesque, sonore, énorme.

Ou je peux être idiot, stupide, satisfait, façon Gribouille qui se mouille

Ou sinon grave ou graveleux, coupant comme le couteau du charcutier adroit mais glissons sur le jour où il coupa l’andouille !

Il est rare pourtant que parmi les terrines,
chatouillé du persil fourré dans les narines de la tête de veau j’occupe la vitrine.

Je viens souvent du fond, du fond des âges, du fond de la classe, du fond de la gorge. Je nais de l’incompréhension, du décalage mais je suis toujours sans entraves

Et je cours de la poupe à l’étrave trop grave du Sérieux, cette dispensable épave.

Puis il est des périodes où je n’existe plus : de grands moments de drame


Où le tragique humain mène son pion à dame

Et le plateau alors est envahi de guerres, d’épidémies, de meurtres, d’attentats, de conflits et malgré les soldats je ne suis plus jamais même celui du sergent, gloussement de voix molle de folle du régiment, le préféré assurément du capitaine des dragons tout feu tout flamme et l’industrie du disque tout Sardouniquement se remet à fumer

Et en vient même un jour à oser m’exhumer.

Car, je dois l’avouer, je suis une valeur sûre : même si, vieux de la vieille,


Je vaux un bon bifteck, je suis le propre de l’humain, j’ai toujours sur l’écran de veille

De quoi vous envahir de LOL, de MDR, de chansons, de saillies
Qui vous laissent ébahi(e)s
Bref de quoi vous faire
Manquer d’air
Pour le der des ders
Der des ders des soupirs
Der des ders des sourires
Der des ders des mourir
Der des ders des mourir de rire

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2 décembre 2014

A la manière de Philippe Delerm / Maryvonne

Y’a un peu plus je le laisse ? 

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Sous le couteau alerte du boucher, le rôti de porc est parti en biais.Hier c’était le pâté de lapin qui avait les pattes allongées comme un lièvre. L’artisan qui biaise beaucoup incline gentiment la tête et lance sa phrase en forme de petit bénéfice : « Y’a un peu plus je le laisse ? »
Le ton n’est pas vraiment interrogatif, il est rapide, quasi affirmatif et nous on dit : « oui ».
De toute façon que ferait-il du petit bout supplémentaire ? Et puis on ne veut pas passer pour un radin. Il est sympa le boucher et dans ce oui les rôles sont inversés. On dirait que ce n’est pas le boucher qui a peur de perdre une cliente mais la cliente qui a peur de contrarier son boucher.
Chez le marchand de fruits c’est pareil voilà que la dernière poire fait largement pencher la balance. « Y’ a un peu plus je le laisse ? » Ben oui, banane, si je ramène ma fraise je vais avoir l’air d’une pomme et on ne va pas couper la poire en deux !!!
Alors je me prends à rêver qu’un jour mon banquier me pose cette question : « Y’a un peu plus, je le laisse ? » Et là aussi je dirai oui !

N’oubliez pas d’éteindre vos portables !

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En entrant dans la salle de spectacle on peut voir une mosaïque de petites lucarnes bleues. Un présentateur ou une voix off annonce : « N’oubliez pas d’éteindre vos portables !». J’enrage de ne pas me souvenir de ceux qui cherchent une formule plus originale. La seule dont je me souvienne est : «N’oubliez pas de rallumer vos portables en sortant ! ». De toute façon personne n’obéit plus, il n’y a plus dans les salles qu’une bande d’anarchistes qui mettent leur appareil en vibreur et qui regardent en douce les messages qui s’affichent. Ils pensent être incognito mais les acteurs voient bien le visage du schtroumpf désobéissant s’allumer en bleu.

C’est moins grave que celui qui a carrément oublié d’éteindre la sonnerie. C’est insup…portable.
A l’enterrement de notre cousine Jeannine, mes deux sœurs et moi sommes au deuxième rang à l’église. En plein milieu de la cérémonie la sonnerie du portable de ma sœur aînée retentit d’un vibrant air de biniou. Le temps de trouver l’objet du délit au fond du sac on avait le temps de danser une «avant deux» ou une «gavotte». Notre voisine de rang nous fusille du regard.

Quand le prêtre annonce « La famille peut s’avancer » la même voisine soupire : « Et en plus vous faites partie de la famille !!! »
Ben voilà aussi : le curé, après avoir dit « Vous pouvez vous assire (sic) » n’avait pas dit, sur son ton chantant : « N’oubliez pas d’éteindre vos portables ! Amen ! »

« Ça a été ? »

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Ou alors : « Ça s’est bien passé ? » La serveuse est accorte, diligente et souriante mais probablement aveugle car régulièrement la question est posée à un convive qui a devant lui une assiette vide. Visiblement on ne peut faire mieux. Il n’est pas obligatoire de répondre, en fait ça veut juste dire je vais enlever vos assiettes et vos couverts. De toute façon si il y avait une couille dans le potage on appellerait le cuisinier pour savoir si il nous chante «Rigoletto » façon castrat.

Si il y avait une limace dans la salade on féliciterait le patron de servir du « bio ». Je les soupçonne même de rajouter des bestioles au dernier moment.

Si ça avait été mauvais on l’aurait laissé dans l’assiette. Donc normalement ça a été avec des plus et des moins. Comme on ne veut pas passer pour un râleur c’est en sortant dans la rue que s’exprime le « Ca n’a pas été » : c’était cher pour ce qu’il y avait dans l’assiette, le pain était sec, c’était froid à mon goût. J’ai le souvenir d’huîtres laiteuses, de beurre à l’ail pas décongelé, de glace sur une assiette chaude et je vous en passe. Mais je retournerai au restaurant et ça ira, ça ira, ça ira ! Pourtant une fois encore je ne ferai pas la révolution.

15 septembre 2015

Rêver de voir / Jean-Paul

On peut vivre aussi longtemps qu’on veut… On peut vivre aussi longtemps qu’on voudra, on ne verra jamais, même si on aimerait le voir :

- La chèvre de Monsieur Seguin manger trois loups de mer au petit-déjeuner ;
- Une bouteille assez grande pour contenir Paris ;
- Le déversement, dans le port de Marseille, d’une quantité suffisante de piquets de tente pour en boucher l’accès (pour ceux qui ont la chance de passer leurs vacances en hôtel trois étoiles depuis leur petite enfance, apprenez qu’un piquet de tente est aussi appelé sardine) ;
- Un éléphant du cirque Amar dans un magasin de porcelaine à Limoges ;

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- La Vénus de Milo se retrousser les manches ;
- La Victoire de Samothrace se prendre la tête un jour où elle aurait un coup dans l’aile ;

On peut vivre aussi longtemps qu’on voudra, on ne verra jamais, même si on aimerait le voir :

- Saint Guirec se piquer le nez (ça, c’est déjà fait) ;
- La rivière Vilaine rebaptisée Cybèle par d’audacieux élus. Dieu a donné un nom aux animaux, on peut bien baptiser les rivières, non ? La Loire-Inférieure n’est-elle pas devenue Atlantique de par le fait de quelque prince ? ;
- Le mariage de Monsieur Sans-Culotte avec Madame Sans-Gêne ;
- La Joconde qui visite le Clos-Lucé. Une selfie, Mona Lisa ? ;

AE 151602 Clos-Lucé


- Un enfer pavé de granit plutôt que de bonnes intentions ;
- Un détective privé de jugeote. Il en existe peut-être mais ils ont bien du mal à faire carrière ;
- Tous les gars du monde se donner la main ;

On peut vivre aussi longtemps qu’on voudra, on ne verra jamais, même si on aimerait le voir :

- Tous les cocus du monde porter des clochettes au-dessus de la tête ;
- Un esquimau glacé qui mange une cinéphile. L’inverse non plus d’ailleurs, car maintenant c’est pour bouffer du pop-corn et, ce faisant, faire chier son voisin qu’on va au cinéma. D’où ma manie de vouer les cinéphiles aux gémonies ou à toutes sortes d’exquis maux ;
- La remise du tuba académique à Boby Lapointe pour son interprétation de « L’hélicon » ;

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- Quand on pense que Ricet Barrier a failli avoir les palmes pour sa « Java des hommes grenouilles ! ;
- Une libellule Stroskanienne se plaindre à Gulliver d’un excès de zèle (z’L ?) de Lulli à Lilliput ;
- Un cimetière marin à Mourmelon-le-Grand (Haute-Marne).

On peut vivre aussi longtemps qu’on voudra, on ne verra jamais un monde dans lequel on vivra aussi longtemps qu’on voudra.

22 septembre 2015

Au même instant mais sans doute pas à la même heure /Jean-Paul

MARCHAND DE CAILLOUX

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Aujourd’hui, Alexandre a son voyage ! Ca fait des années qu’il travaille d’arrache-poil dans cette boîte de marde, à faire toutes sortes de choses, utiles ou pas, pour que de grands niaiseux puissent se retrouver benaises dans des beaux bureaux tout en verre après avoir décroché leur diploume. Il faut croire que la dernière année est toujours l’année de trop ! En tout cas, tout en babounant et bouboussant, il se dit qu’il ne va pas faire patate le jour qu’il accrochera ses patins, si jamais sa patronne lui organise une party de départ. Si on veut aller au bout du monde, c’est sûr qu’il faut voyager léger. Ca va lui faire du bien, ce jour-là, de vider son sac !



02 Ostende_IMG_1834PARS !

Ce soir Marion va déloger. Elle va faire le chat. Plus que ça même ! Elle va quitter pour toujours le domicile conjugal, larguer ce péteux qui enchaîne à-fond sur à-fond et bat le beurre ensuite. Fini de faire fristouiller pour ce type les petits plats dans la cuisine, de faire blinquer l’argenterie. Elle va dire adieu à sa baraque à frites, aux plus belles années de sa vie qu’elle a gâchées avec lui. Elle a ramassé toute la dringuelle qui traînait ici et là. Elle a posé son sac sur le siège arrière, est montée dans la voiture, a claqué la porte, démarré. Les pneus ont crissé et fait voler quelques grenailles. Elle a mis un CD de rock et a pris la route d’Ostende.

 


LA PETITE TONKINOISE


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Le 4x4 s’est arrêté devant la maison près du baobab. C’est un cul-vert et c’est Philippe qui le conduit. Léna l’attend calmement, tranquillement dans l’ombre du géant. Elle est comme toujours terriblement excitante dans son mon mari sort je sors. Quel golo, que ce mari-là ! Léna est le plus beau deuxième bureau de tout le Congo mais l’autre ne s’est jamais rendu compte qu’il possédait un trésor dans sa case. A croire qu’il lui en manquait une ! Il paraît même qu’il a de son côté une liaison avec un pamplemousse. Il a suffi à Philippe d’arriver habillé comme un jaguar, d’emmener Léna au maquis une ou deux fois et elle a été à lui vite fait bien fait. Le plus dur sera de lui faire avaler, à la fin de cette nuit-ci, qu’il retourne mardi en Europe pour être affecté dans une nouvelle ambassade quelque part dans le monde ; partout ailleurs sauf ici, c’est son choix. Les climats tropicaux et les femmes trop piquantes, on s’en lasse, à la longue.


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VEUVE NOIRE

Eva a beau frotter, frotter avec la vadrouille, rien n’y fait, la tache de sang ne disparaît pas. Elle a bien ramassé les morceaux du cadavre avec la pelle à chenit, les a glissés un par un dans les grands sacs poubelles bleus mais elle bute sur ce dernier écueil d’une tache débile, indélébile, obnubilante au point qu’elle se fait de la bile. Elle a trouvé vite fait la cachemaille du vieux qui quéqueillait avant qu’elle ne le zigouille et ne se rhabille, elle n’a rien fait à la précipitée, elle a empoché le pactole mais elle ne pouvait décemment pas partir en laissant la maison dans cet état. Ca aurait fait rêver aux ours dans les chalets des environs. On est Suisse ou on ne l’est pas. Chez nous, les gens, même à la tronçonneuse, on les tue proprement.


BA MOIN A TI BO

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- Faut qu’on arrête de cocagner, a lancé Amédée à Rachel. Tous ces gens qui travaillent dans la zoreillerie et nous qu’on est là à fouiller patate en buvant des ti punchs, faut vraiment qu’on se resaissise. Rachel qui lavandait dans la buanderie lui a répondu :
- Parle pour toi, fainéant ! T’es encore rond comme une boule carrée, à cette heure, pour tenir de tels propos !

- Mais non, mais non, plaisante Amédé, je ne suis pas marti boire, je suis Martiniquais. D’ailleurs, en parlant de ça… Viens donc ici que je te doucine, ma Doudou !
Las ! Comme une diarrhée, en voulant s’extirper du hamac, il s’est viandé. Ca a fait "ploc", ça a fait "ouille", ça a fait "dring dring", ça a fait "pin pon pin pon". Bref ça a été assez bruyant finalement le jour ou Amédée, attisé, affaissé, a fait son AVC !


LE BLUES DU DENTISTE

- Bonne arrivée ! a déclaré Margareth en ouvrant la porte du cabinet médical.

C’est la première fois qu’Antoine vient charlater ici et il se dit qu’il a bien fait de prendre son bain annuel dans le fleuve Niger. Déjà qu’en temps ordinaire il camembère un max ! S’il avait su que le docteur serait une doctoresse, blanche de surcroît, il aurait fait trempette un peu plus longtemps et aurait même demandé à Boris le pluvian de lui nettoyer les molaires comme il fait au croco et à ses frères.

- Que puis-je pour vous ? demande Margareth. Votre mal est-il profond ?


Qu’est-ce qu’elle à, la toubibe, à pratiquer la gromologie ?


- Eh bien voilà, répond Antoine. Je suis un peu gêné pour vous dire… C’est rapport à mes organes de base !

- Qu’est-ce que vous appelez comme ça ?
- Le mieux est peut-être que je vous montre ?

Il se lève et baisse pantalon et slip.


- Tudieu ! La grosseur des testicules ! s’écrie Margareth. Comment ça vous est arrivé ?.

- Eh bien voilà, répond Antoine, je pense que c’est samedi dernier. Je suis allé voir les femmes qui font boutique mon cul.

Le médecin reste silencieux un temps assez long puis elle déclare solennellement.

- Je pense que vous n’y couperez pas : il va falloir couteauner dans tout ça !

Et moi je pense qu’il va falloir que je me creuse vraiment le ciboulot pour établir un lien entre tous ces personnages si je veux écrire avec ça une histoire qui tienne debout. Et déjà, pour que ce soit compréhensible, il faudrait que je me-vous procure le « Petit dictionnaire insolite des mots de la francophonie » de Loïc Depecker afin qu’on puisse décrypter ce schmilblick international !

 

007 Dico Loïc Depecker

 

P.S. Les photos ont été empruntées aux généreux donateurs du net. Merci à eux !

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