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L'Atelier d'écriture de Villejean
25 juin 2013

Le maton et le malfrat/Dominique (28 mai 2013)

C'est l'histoire d'un type, un malfrat, qui tuait le temps tout seul dans une grande prison. Tout seul, non ! Il était gardé par l'unique gardien de cette grande prison. Peu à peu, tous les prisonniers avaient été libérés ou transférés, les gardiens mutés, mais, eux deux, avaient été oubliés.

Le malfrat regardait le bout de ciel au sommet de sa cellule. Le maton regardait le prisonnier par le trou de la serrure.( L'oeilleton peu à peu avait rouillé, s'était enrayé, et l'on n'avait pas trouvé de pièces pour le remplacer.)

Le truand aurait bien aimé travailler. Mais, il n'y avait rien à faire dans cette prison. Le travail du maton, c'était de mater le malfrat : à travers le trou de la serrure, il n'en voyait que de petites parcelles : la tête, les yeux, les mains, les fesses, les mollets. Parfois, il voyait même sa langue quand il léchait la marmelade des tartines du petit-déjeuner. A travers le trou de la serrure, tout paraissait en ordre. Chaque soir, le gardien faisait tranquillement un rapport.

Le truand s'ennuyait fort dans sa petite cellule. Pour résister à la misère de l'enfermement, de la solitude, pour résister à ce néant qui venait, il se racontait des histoires, il réinventait son passé. Non, il n'avait pas volé de perruque au coiffeur, non, le cadavre, il n'y était pour rien, c'est le marin qui avait tout fait. C'était la faute au chat noir, si on l'avait pris ! Un jour, il décida d'imaginer l'avenir. Soyons positif, soyons dans le futur, se dit-il. Le futur, ce serait une femme, forte en tête et forte en lutte qui surgirait sur une moto, énorme comme un mammouth, lui ouvrirait les portes, les grilles, les barrières. Avec des explosifs ! Une meuf, qui attacherait le maton avec une queue de marsupilami. Pas de macchabées, cette fois-ci ! Du travail bien propre !

Une femme qui l'emmènerait dans un pays de rêves avec mimosas et hammam ! Une mousmée sans marmaille, une môme que pour lui. Une meuf qui ne ferait pas le service minimum, capable de réciter Mallarmé, et de chanter la Thérèse, dans les Mamelles de Tirésias, avec une belle voix de soprano, une femme qui le réveillerait, le malmènerait un peu, pour qu'il cesse de moisir, qu'il mûrisse un peu, qu'il sorte du vertige du rien et de l'abandon. 

Le malfrat rêvait, il en avait les larmes aux yeux. Le maton, qui surveillait le truand qui pleurait, en avait le regard humide. Lui, pensait à sa femme qu'il ne voyait plus, depuis qu'il était devenu l'unique gardien chef, de l'unique prison de cette île déserte. Il pensait à sa marmaille, à ses mômes qu'il ne voyait plus grandir.

Les années passaient. Le malfrat blanchissait dans sa cellule. Le maton blanchissait derrière la porte de la cellule. Ils étaient devenus proches, très proches, comme deux jumeaux. Chacun savait, à la minute même, ce que pensait l'autre. D'ailleurs, ils pensaient la même chose au même moment. Le maton n'avait plus besoin de regarder par le trou de la serrure, il imaginait le malfrat, il l'entendait respirer, il le sentait. Le 31 décembre, il décida de réveillonner avec lui. La clef de la cellule, qui n'avait pas servi depuis si longtemps, tourna dans la serrure, comme dans du beurre. Derrière la porte, il trouva un mot : « Excusez-moi, j'étais pressé, je n'ai pas pu vous dire au-revoir. »

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25 juin 2013

Confessions fictives/ Marie-France

 

Je suis quelqu’un d’organisé.

Dès ma naissance je ne supportais pas l’incertitude du lendemain. C’est pourquoi je suis née un vendredi, une fin de semaine, pour mes parents, c’étaient plus confortable. Pas besoin de trouver une garde pour mon frère d’un an mon aîné : papa ne travaillant pas, il pourrait le garder. Et puis Maman était censée avoir fini toutes les tâches de la semaine : lessive et repassage, le WE on se repose. Pour une fois elle serait dispensée de la messe du dimanche. Papa ira accompagné de mon frère. Ce sera aussi l’occasion d’annoncer ma naissance au plus grand nombre, point besoin de faire part, si ce n’est pas de l’organisation … !

 

Ensuite j’ai rencontré un vilain microbe qui m’a empêché de courir et grimper aux arbres comme mes copains et copines, qu’à cela ne tienne, j’ai inventé des jeux plus calmes où sur la place du village on retraçait à la craie des plans de maisons, on sortait nos poupées de chiffons, on les faisait dormir dans des chambres fictives, on jouait à la marchande, j’étais bien souvent le « metteur en scène », on reconnaissait mon sens de l’organisation et chacun se laissait guider.

 

Plus tard, je suis devenue secrétaire, la principale qualité d’une secrétaire n’est-ce pas l’organisation ? : d’un bureau, d’un classeur, d’un agenda de chirurgien et que sais-je ?

 

Puis je me suis mariée, c’était dans l’ordre des choses, nous avions organisé l’avenir : une maison, des enfants ; chacun aurait sa chambre, son lit, son bureau son armoire pour ranger ses affaires. J’aimais leur répéter : chaque chose à sa place et vous aurez l’esprit plus libre.

 

L’esprit libre, je ne l’avais guère, il fallait tout gérer, tout organiser, tout penser, les autres trouvaient ça bien confortable : « dis Maman t’as pas vu mon cahier de texte, dis chérie t’as pas trouvé mes clés, où sont mes lunettes » ? C’était fatigant à la longue, je n’avais plus beaucoup de temps pour organiser Ma vie, je passais mon temps à planifier les activités de tous.

 

Et puis un jour je me suis dit que tout cela ne pouvait pas continuer : j’ai voulu balayer ce passé, oublier, je me foutais du passé. Avec mes souvenirs j’ai allumé le feu, mes chagrins, mes plaisirs je n’avais plus besoin d’eux.

 

Un matin je me suis donc réveillée, sans réveil, sans programme pour la journée, un instant j’ai cru que le cafard allait m’envahir, mais non :

J’ai pris le temps d’un petit déjeuner en terrasse, d’une douche en musique, d’une balade à vélo, d’une halte dans une salle obscure.

La journée s’est écoulée au rythme de mes envies, j’étais devenue complètement inorganisée et heureuse de l’être.

Non je ne regrettais rien, rien de rien.

Ni le mal qu’on m’avait fait, ni le bien, ni mes plaisirs, ni mes chagrins. Tout cela m’était bien égal. Du passé je venais de faire table rase et je repartais à zéro…

 

Et malgré ma désorganisation, je me sentais libre à présent.

L'Atelier d'écriture de Villejean
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