Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'Atelier d'écriture de Villejean
10 juin 2020

Consigne d'écriture 1920-34 du 9 juin 2020 : Murmure du temps

Murmure du temps

 

L'animateur distribue aux participantes des images extraites d'un livre intitulé 'Le Murmure du temps". Elles sont dues au talent de M. Herra. On peut en admirer certaines ici : https://tin-7.soforums.com/t354-Les-Murmures-des-Temps.htm

On reconnaît de manière assez évidente la source d'inspiration de l'artiste.

Il est demandé d'en choisir une et d'écrire une histoire, un poème ou tout ce qu'on veut à partir d'elle mais sans jamais citer dans le texte les noms des personnages d'Hergé !

 

Murmure du temps 11

 

Publicité
Publicité
9 juin 2020

Pierre est bien loti ! / Jean-Paul

AEV 1920-34 Jean-Paul - Niche de La Croix

Demain, si cette caravane repasse, promis, je lui aboie dessus. Mais je suis à peu près sûr que ces bohémiens-là n’ont pas volé les bijoux de la cantatrice. Demain j’irai leur parler des opéras de Rossini. En attendant, laissez-moi cultiver mon côté fleur bleue et rêver de fumeries d’opium au pays des lotus.

murmure_temps 0037 réduite

9 juin 2020

T comme T..t.. / Adrienne

murmure_temps 0037 réduite

– Qu’est-ce que c’était que ces zèbres qui ont détalé comme des lapins ? s’exclame la pie en voyant le salon de musique désert.

9 juin 2020

Le Murmure du temps / Dominique H.

Murmure du temps 10

Après avoir pondu son délire de gros canard sur les bords du lac Léman et après une nuit de gros câlins revigorants avec Béatrice, Félix a enfourché avec ardeur sa bicyclette et repris le chemin de halage en sens inverse. Béatrice, qui n'en finit pas de patauger dans sa mélancolie post-virale a bien tenté de le retenir mais Félix avait d'autres chattes à fouetter, il fallait qu'il aille fêter Louise, sa mère.

Maintenant que c'est fait, il est libre mais seul dans sa grande maison. Une grosse pluie tambourine sur les Vélux, c'est le déluge, une ambiance de Toussaint ; la pièce est sombre, il allume une lampe. Sur une petite table l'album « Le Murmure du temps » qu'il a emprunté à Béatrice lui tend ses pages. Il contemple la couverture, un sous-bois avec des rais de lumière. Rapidement il sombre dans le rêve éveillé de leur bel été helvétique de 2011.

Ils étaient partis tous les deux avec « Gaston » leur fidèle camion- cocon. Ils avaient traversé la France, avaient dormi au camping de l'Ermitage à Vézelay, une de leurs ville-étapes favorite. Cette année-là, ils avaient prévu d'y être fin juin, peu après le solstice d'été, pour pouvoir observer à midi le phénomène d'alignement des points lumineux dans l'allée de la nef de l'Eglise de Madeleine, un témoin du génie des Compagnons du douzième siècle.

 

AEV 1920-34 Dominique - Ange protecteurPuis ils avaient gagné le nord de la Suisse en passant par Zurich avec leur visite incontournable au bel ange protecteur des voyageurs de Niki de Saint-Phalle : une voluptueuse nana bleue aux ailes d'or et aux seins généreux dont la tonne virgule deux suspendue sous la voûte de la gare de Zurich veille sur les voyageurs. Chaque fois qu'ils venaient rendre visite à Clémence, la fille de Béatrice à Winterthur, Félix et Béatrice passaient toujours à la gare faire leurs salutations à la belle ange bleu et or. Ils avaient retrouvé avec plaisir Clémence et son mari Lucas et, deux jours durant, ils avaient pédalé au soleil, traversant les vignobles, le long des rives du Rhin, du lac de Constance aux chutes de Schaffhouse. Ils avaient découvert ce fleuve magnifique. Après leur voyage Félix avait plongé dans le magnifique carnet de voyage de Victor Hugo :

« Le Rhin réunit tout. Le Rhin est rapide comme le Rhône, large comme la Loire, encaissé comme la Meuse, tortueux comme la Seine, limpide et vert comme la Somme, historique comme le Tibre, royal comme le Danube, mystérieux comme le Nil, pailleté d’or comme un fleuve d’Amérique, couvert de fables et de fantômes comme un fleuve d’Asie. » Victor Hugo « Le Rhin, lettres à un ami », lettre XIV.

Ensuite, Gaston s'est mis aux sauts de puces jusqu'au pays de la Gruyère, le clou de leur voyage étant le festival de jazz de Montreux sur la Riviera suisse où les attendait le meilleur guitariste du monde : Santana. Moment suspendu, extatique, inoubliable quand Santana entama « Europa » : Félix et Béatrice, en fusion totale, s'écrasaient mutuellement les doigts tandis que les cordes de la guitare prolongeaient leurs vibrations au creux de leur plexus solaire. La suite se passa dans le cocon de Gaston et le soleil était bien haut quand ils reprirent la route.

AEV 1920-34 Dominique chexbres 1re

Leur chemin du retour passait près d’un gros bourg peuplé de « Chats », c'est le gentilé des habitants de Chexbres. Mais surtout, à Chexbres, il y a la Maison des Arts et la galerie Plexus. Béatrice, qui fait partie de la grande communauté des tintinophiles et avait eu vent du dernier album de Richard Aeschlimann, « Le Murmure du temps », voulait faire un détour au pays des Chats, espérant se faire dédicacer l'album par son auteur. La chose dite fut faite, Barbara les accueillit très aimablement, leur vendit le dernier album de son mari. Elle les invita à vagabonder dans la galerie, le temps qu'elle demande au dessinateur de venir accorder une dédicace à Béatrice. Richard Aeschlimann est venu les voir quelques minutes et a écrit : «Pour Béatrice à qui le temps murmure les souvenirs du passé. L'ambiance perdure mais s'est transformée ». Quel cadeau et quel album !

Il leur restait une dernière chose à faire avant de quitter Chexbres : s'arrêter dans une cave. Gaston stoppa devant l'une d'elle qui offrait à l'oeil le paysage des terrasses du vignoble de Chasselas descendant jusqu'au lac. Souvenir d'une pause délicieuse dans un fauteuil au soleil, la montagne en face, le lac en bas, et dégustation lente en pleine conscience d'un verre de Larmes de Vénus, un moelleux divin aux notes de coing confit.

A peine remontée sur le siège passager de Gaston, Béatrice dévora en silence les cinquante-trois pages, les unes après les autres, s'arrêtant longuement sur certaines, y revenant souvent.

AEV 1920-34 Dominique jura-road-etang-de-la-gruere_800

Félix se fit la conversation tout seul et quitta dès qu'il put les rives du lac Léman, trop urbanisées et aseptisées à son goût pour retrouver l'oxygène de la montagne, regagner le Jura, offrir à Gaston une nuit au Creux du Van et à leurs kayaks une partie de glisse sur le lac de Gruère. Ce fut le terme de leur périple suisse, ayant renoncé finalement à partir à la recherche du mythique canard géant des facétieux frères Plonk et Replonk. Ils craignaient un peu de faire des kilomètres pour des prunes et d'être en quelque sorte les dindons de la farce.

murmure_temps 0002 réduiteLe souvenir du passage de la frontière ramène alors Félix au moment présent et il se met à feuilleter une nouvelle fois cet album qu'il connaît. Est- ce l'effet du confinement ? Il s'arrête à la page 2 comme s'il la voyait pour la première fois. Il la détaille très attentivement, ressent physiquement son atmosphère et subitement son sens caché lui apparaît comme une évidence. Cette page le glace, ses couleurs sont tristes. Seule, entre deux bas d'immeubles à l'architecture d'allure stalinienne, une petite trouée de ciel bleutée et, à contre-jour, la silhouette noire de bulbes d'églises de style orthodoxe. Scène de rue morte, sans passants. Murs fissurés, traces de bombes, scène de guerre ? Gravats, détritus, tuyaux de poêle rouillés jonchent le sol. Seul un réverbère tordu tient encore debout, avec deux semblants de moignons. De l'un d'eux pend une sorte de fouet ou de laisse. Dans la lanterne la caricature grimaçante d'un visage ? Ce coin de trottoir est celui d'un monde mort. Les églises sont la trace d'une vie antérieure qui laissait une place à l'art.

Voici que Félix, contaminé comme Béatrice par la rumination intellectuelle du confinement, se met à penser à sa jeunesse militante marxiste-léniniste et maoïste. Leur jeunesse plus précisément, puisque c'est dans cette mouvance d’extrême gauche qu'il a connu Béatrice et plus précisément lors de la manifestation contre la loi anti-casseurs le neuf novembre 1970. Elle lui plaisait bien, elle était différente des filles qui étaient en droit, elle affichait fièrement son féminisme. Mais elle était militante trotskiste, et donc peu fréquentable par un maoïste. Contre le ministre de l'intérieur de l'époque, Marcellin, les différents groupes d’extrême gauche avaient su faire un front uni… qui s'avéra très fugace.

Félix était en droit et Béatrice avait le charme des étudiantes en lettres. Comme lui, elle roulait en solex et préférait déjà les jupes qui volent à l'uniforme unisexe de l'époque, jean velours, pull marin bleu marine et Clarks. Elle était un peu excentrique et osait certains jours une grande capeline à fleurs. Elle avait un côté « peace and love » qui faisait rêver Félix. Béatrice fréquentait les bistrots mais Félix était beaucoup plus coincé par sa charge de travail universitaire et la discipline de fer de son organisation politique. Il avait peu de loisirs, était boursier et se devait donc de réussir ses examens. Il habitait encore chez sa mère, rue d'Antrain. Louise, alors infirmière-puéricultrice, qui avait été elle-même mère à dix-neuf ans. Louise avait l'esprit avait l'esprit ouvert mais se trouvait trop jeune à quarante-huit ans pour devenir grand-mère. Félix ne se serait pas risqué à ramener une fille dans sa chambre. Après le temps fort des manifestations de 70, Félix perdit de vue Béatrice assez rapidement. Ce n'est que trente ans plus tard qu'il la retrouva par hasard, ou peut-être non, à l’Arvor, à la sortie d'un film de Ken Loach. Il l'invita à prendre un pot, elle était disponible, ils se reparlèrent de cette époque héroïque pendant des heures et la barmaid dut les mettre à la porte. Chacun rentra chez soi ce soir-là… Au rendez-vous suivant, il lui apporta un texte humoristique sur les stratégies de liaison aux masses des marxistes-léninistes maoïstes.*

Félix repense à l'idéologie qui l'avait séduit dans sa jeunesse, au monde dont il avait rêvé : la fin de l'exploitation de l'homme par l'homme et donc du capitalisme, la fin des inégalités, l'accès pour tous à l'éducation, la santé, la culture. Les moyens pour y parvenir passaient par l'incontournable dictature du prolétariat. Heureusement, les pratiques terroristes de l'Allemagne et de l'Italie ne figuraient pas dans le petit livre rouge et « le gauchisme, maladie infantile du communisme » de Lénine faisait partie des classiques qu'ils étudiaient. Le dévouement à la cause anticapitaliste était très exigeant, la discipline consentie intransigeante et l'autocritique de rigueur.

Les militants acceptaient cette vie austère. Et les filles qu'ils rencontraient aussi ; elles étaient souvent elles-mêmes militantes ou sympathisantes de leur organisation politique. Félix se maria assez rapidement comme beaucoup de ses acolytes pour régler cette préoccupation du sexe. Il fallait bien s'en libérer et l'organisation transmettait tacitement que le mariage était finalement le moyen le plus efficace pour canaliser la sexualité de ses jeunes militants. Alors Félix se maria avec Fanny, une sympathisante, étudiante en médecine. C'était pour les deux un mariage d'amour, sincère, et ils partageaient beaucoup de valeurs. Ils aimèrent avoir assez vite deux filles, Céline et Julie, puis la vie étudiante cessa, la vie professionnelle commença et l'énergie de l'extrême gauche déclina. En outre, la paternité modifia le regard de Félix sur la vie. Ils divorcèrent sans histoire au bout de dix ans de mariage, Fanny étant tombée amoureuse d'un autre homme. Ils restèrent tous habiter à Rennes et en bons termes, Céline et Julie gardèrent la même école et Félix assura la garde conjointe de leurs deux filles avec amour paternel et savoir-faire certains. Il faut dire que Louise aima prendre sa place de grand-mère et Françoise, sa soeur, celle de tata, même si c'était en pointillé entre deux missions humanitaires.

Dans le monde, par contre, le chaos gagnait du terrain. Pol Pot ébranla sérieusement les consciences, l'évolution de la Chine vers le capitalisme d'état posait problème, la question de la liberté à Cuba aussi malgré l'injustice de l'embargo américain. Puis il y a eu l'arrivée de Gorbatchev, l'effondrement du mur de Berlin en octobre 89, et bientôt la dislocation du bloc soviétique. Actuellement, c'est la désolation du peuple russe qui attriste le plus Félix et encore davantage sa soumission à un homme fort : c'est ce que lui évoque le triste trottoir de la page 2 de l'album, le désastre post-soviétique, pas une couleur, pas un arbre, pas une fleur, pas un être vivant, l'homme fort a fait table rase de l'âme russe.

AEV 1920-34 Dominique tchekhov

Bien sûr, il sait que la Grande Russie des tsars et des serfs était profondément injuste, mais elle pouvait être quand même créatrice : Dostoïevski, Tolstoï, et surtout Tchekhov, le préféré de Félix. Les ombres chinoises des églises sont la trace de ce vieux monde inégalitaire mais quand même vivant. Et plus il vieillit, plus il pense que l'art et la culture sont les bouée de sauvetage suprêmes dans le naufrage d'une société.

Félix se dit qu'il a cependant réussi à survivre à ce chaos politique du vingtième siècle. Il n'est pas mentalement mort, il continue à espérer et à s'engager pour la justice sociale. Face à l'émergence du terrorisme, il s'est résolu à penser que la démocratie est la moins mauvaise solution. Alors, il continue à s'intéresser à la politique, à voter, à signer des pétitions, à manifester pour la culture, la santé, l'éducation, la planète, à résister à sa façon.

Trêve de ruminations, voici une éclaircie ! Epuisé et attristé pas la deuxième page de l'album, Félix décide de cesser de mariner dans son vieux jus et de s'offrir une virée en vélo pour s'oxygéner les neurones. Et peut-être que son vélo va prendre le chemin du halage vers Betton ? Ou peut-être pas ? Ca dépendra d'où vient le vent.

* en annexe, le texte sur le noyautage de la Maison de quartier de Villejean par les maos des années 70.

9 juin 2020

De mal en pie / Raymonde

Attendez, voilà ce qui s’est passé :

La pie, l’agasse,
Est partie en chasse
De beaux bijoux.
En toc ou en or, elle prend tout.

Elle a vu la fenêtre ouverte,
Sur le bord, elle s’est posée.
Belle occasion offerte
Pour aller voler.

murmure_temps 0037 réduiteVoler ?
Oui, dérober
Piquer, subtiliser
Si vous préférez.

Du piano, elle s’est approchée
Elle a sursauté.

- Ah ! Ah! Ah ! Je pleure de me voir
Si vilaine en ce miroir !
Je suis laide à pleurer,
Moche à faire les oiseaux détaler.
La chirurgie esthétique
C’est comme les volets électriques,
Ça défigure les façades,
Ça les rend maussades.
On m’a surnommée " Casse ta fiole "
Et tout le monde rigole.
Éteignez cette caméra
Je ne veux plus être filmée.
Ciel ! Il ne manquait plus que ça
Mes bijoux se sont envolés !
Au voleur ! Au voleur !
Quel malheur !
Il faut les retrouver !

La pie s’en est emparée,
Ça a été filmé.

La police a été alertée,
Elle a tenté de l 'arrêter
Mais elle leur fait la nique
Avec les breloques
De bric et de broc
Et "Casse ta fiole", défigurée,
De ses bijoux dépossédée,
S’est pour toujours confinée
Et a cessé de chanter.

Bien triste sort
Que celui de la Cas... !

Publicité
Publicité
9 juin 2020

La Longue nuit / Josiane

Jamais on ne vit printemps aussi particulier. Il faisait bon, certes, mais c’était une douceur cotonneuse. Nous étions comme dans une bulle, sans le moindre souffle d’air. L’atmosphère était chargée d’odeurs douceâtres, atténuées par rapport à ce que l’on connaissait habituellement en pareille saison.

murmure_temps 0036 détail 01

Les oiseaux étaient moins nombreux et leurs chants étouffés, comme pris au piège par un ennemi invisible. Au jardin les plantations végétaient, le jardinier s’inquiétait. Puis, les légumes se mirent à pousser longs et fins, de hautes tiges comme le haricot géant du conte. C’était comme si ils cherchaient la lumière, comme si ils avaient été cultivés sous une serre trop petite et sans jamais prendre l’air.

Puis, vinrent les premiers flocons ; pas de neige, non, nous étions au printemps tout de même. Des flocons doux comme le coton et ne ressemblant à rien de ce que nous avions connu jusque-là. L’étonnement fit alors place à la stupeur. Tous les savants se penchèrent sur ce phénomène, chaque continent était touché et ce fut la course à qui trouverait la cause et bien sûr le remède. La terre était malade. Quel mal inconnu venait de la frapper ? Tel était l’objet de leurs recherches. Ils avaient l’habitude des maladies touchant les humains, mais la terre ! Il n’y avait pas de spécialiste.

Et puis, ce fut la nuit. Le soleil ne fit plus son apparition au matin. La nuit et toujours ces flocons se découpant désormais sur un paysage plongé dans le noir. La vie se poursuivait pourtant, tant bien que mal. Les besoins devenant plus importants, il allait falloir produire plus d’électricité. Or, c’était impossible. Le gouvernement dut prendre l’affaire à bras le corps; Il édicta un état d’urgence. De nouvelles règles virent le jour. Ne s’éclairer qu’à la bougie sauf cas d’urgence impérieuse pour la sauvegarde d’une vie humaine. Des rondes seraient effectuées par les forces de l’ordre afin de faire respecter cette consigne. Mais, des bougies le pays n’en produisait plus suffisamment, il avait laissé à la Chine le soin d’assurer ses besoins, peu nombreux, depuis les années 30 au XXIème siècle.

Alors on remit en fabrication cet objet devenu précieux mais la matière première manquait et plus question d’importer, tous les pays étant touchés et faisant face aux mêmes contraintes. Alors certains d’entre nous vécurent dans le noir car, nature humaine oblige, de petits malins avaient dévalisé les rayons de bougies par crainte de manquer. Les fabricants firent preuve d’inventivité, on utilisa toutes les matières premières possibles pour produire cet objet devenu indispensable. Plus question de cire d’abeille, elle viendrait vite à manquer. Plus de plantes, plus de pollen, plus de cire…et on ne savait pas si cet état de fait durerait longtemps et même si il prendrait fin un jour.

AEV 1920-34 Josiane - Bougie 2

On se tourna vers la cire d’insectes, ce qui fit la fortune d’un passionné qui élevait des petites bêtes pas très ragoûtantes et qui était considéré jusque-là comme le «zinzin» du village. Du côté des chercheurs, toujours rien, ils avouaient leur incompétence face à ce phénomène complètement inédit.

Et puis, il y avait l’absence de fleurs, plus rien ne poussait et les fleurs ne faisaient pas exception. Une épaisse couche de coton recouvrait les sols désormais stériles. L’absence de beauté fut tout aussi douloureuse que l’absence de lumière. Il y avait déjà un mois que la maladie s’acharnait sur la planète et nous commencions à nous demander quand tout cela prendrait fin car nous ne pouvions pas imaginer le contraire. Nous avions droit à trente minutes de télévision ou d’internet par jour. A l’occasion de ces moments tant attendus, nous regardions des images d’avant, pour nous remplir de ces merveilles qui nous étaient désormais refusées.

Durant cette période, on vit aux informations la reine ELISABETH II faire un discours à son peuple sous un immense luminaire à pampilles désormais inutile, éclairée par d’énormes cierges empruntés à la cathédrale de Westminster.

AEV 1920-34 Josiane - Bougie 1

 

On vit des roses sous globe qu’un chercheur étudiait sous une atmosphère particulière pour essayer de les acclimater à des régions où elles ne poussaient pas naturellement et cela nous procura un plaisir infini.

Nous sûmes que nous n’étions rien sans la lumière du jour, rien que de pauvres petites choses qui allaient devoir réinventer leur vie jusqu’à ce que la science ou la nature remette les choses en ordre.

Puis, un matin, une lueur apparut à nouveau. Les flocons tombèrent moins nombreux et l’espoir se mit à renaître. Cela faisait cinquante-deux jours que nous vivions dans le noir.

murmure_temps 0036 détail 02De jour en jour les matins s’éclairaient un peu plus, les flocons cessèrent même de tomber, nous n’osions plus y croire. Frileux, le gouvernement cependant lâcha un peu de lest, les bougies restaient de mise mais seulement à partir de 22 heures.

Puis, un matin, le soleil se leva sur un ciel bleu. Ce ciel que nous ne regardions plus avant, nous sembla le plus beau des spectacles. Il ne nous restait plus qu’à pelleter le coton, retrouver la terre nourricière et tirer une leçon de ces jours vécus dans la pénombre.

Nous avions bon espoir, tout le monde avait compris que notre terre est belle, qu’elle nous comble chaque jour de ses bienfaits, oui, c’était sûr, la leçon porterait ses fruits.

Et puis, tout redevint comme avant, en pire !!!!!!!!

 

9 juin 2020

Augustin Traquenard : le récit de Mathilde Fleurville

 La dernière fois que j’ai vu Augustin Traquenard c’était ce soir étrange où il a fait si chaud. Je rentrais du travail après avoir récupéré Georges, notre bébé, à la crèche. Nous habitions alors un appartement à l’étage au n° 4 de la rue des Petits-Champs à Paris. Augustin s’apprêtait à promener notre chien, un fox-terrier bizarrement tout blanc que nous avions appelé Emile. On s’est croisés sur le palier.

- Je vais acheter des allumettes. Prépare les pinces en or, je ramènerai aussi du crabe.

Il n’est jamais revenu.

***

murmure_temps 0008 réduite

Il avait arrosé encore tout de travers la pauvre plante en pot qui ornait notre home. Il en mettait partout avec sa cruche antique, de l’eau, sauf là où il fallait. Chaque fois je l’engueulais. Il protestait :

- Hé ! Ho ! Tu ne vas pas en faire toute une affaire de ce que l’eau dégouline sur ton tournesol ?

- D’abord ce n’est pas un tournesol, c’est un azalée et c’est le pied de la plante qu’il faut arroser, pas la fleur !

- Tournesol, lotus, bleuet, orchidée , c’est pareil, espèce de maudite Mathilde ! Fleur vile ! L’azalée, c’est une valse !

Je ne lui répondais pas que la valse, justement, quand nous la dansions, il m’écrasait les pieds. Avec Augustin, il valait mieux ne pas envenimer les situations.

Le soir est tombé puis la nuit. L’angoisse montait. La clarté des étoiles semblait mystérieuse. Par la fenêtre ouverte je scrutais les mouvements de la rue, guettant son retour.

Devant le café où nous avions nos habitudes, le Pharaon, un voyou guettait un client de passage qui fumait le cigare en terrasse. La lune était pleine. Il y avait sans doute du drame dans l’air mais je n’étais pas objective. On a marché sur la moquette du palier mais ce n’était pas lui.

Les lumières de la ville se sont éteintes. J’ai fini par aller me coucher.

***

Il n’a pas donné signe de vie pendant trois jours. Le quatrième une carte postale est arrivée. La Grand’place de Bruxelles au recto. Au verso, ces quelques mots : « Ne t’inquiète pas. Je t’expliquerai. »

Pourquoi donc était-il parti ?Je subvenais à tous ses besoins, même les plus illégaux. Mes parents nous aidaient bien. J’avais toujours de la coke en stock. Je ne lui coûtais rien en bijoux, je n’aime rien tant qu’être habillée simple. Bien sûr les vagissements du bébé la nuit lui cassaient un peu les oreilles mais c’étaient les dents, ça passerait.

Oui, c’est vrai, il buvait, il était violent, m’injuriait et me battait même parfois. A part cela c’était le plus délicat et le plus délicieux des hommes en public. Une espèce de milord noir. D’âme, je parle, pas de peau. Il n’avait rien à voir avec Sydney Poitier.

***

Bruxelles. Pourquoi la Belgique plutôt que l’Amérique ou le Congo ? Est-ce qu’il y avait une autre femme derrière cet envol ?

J’ai fini par aller trouver le détective du rez-de-chaussée. Son agence s’appelait Fiat Panda.

- C’est à moitié en hommage à Léo Malet et à son agence Fiat Lux et à moitié parce que je suis rangé des voitures. Je suis un ancien des R.G.

- Les Renseignements Généraux ?

- Non, les Recherches Graveleuses. Florent Fouillemerde pour vous servir. Vous par exemple, votre compagnon est parti et vous vous demandez avec qui.

Il y avait des boules de cristal qui lui servaient de presse-papier sur son bureau. J’en ai compté sept. J’étais chez Madame Irma la voyante ou quoi ? Il devinait toutes mes pensées.

- Je les collectionne. J’en ai 714. Vous avez une photo du disparu ? Et une photo du chien ? C’est surtout lui que vous voulez retrouver, non ?

***

Cher mais efficace, le détective. Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences ni au patronyme des gens. Il m’a rappelée quinze jours après.

- Le 21 au soir, après être sorti de chez vous, Monsieur Traquenard a pris l’autocar pour Bicêtre.

- L’hôpital ?

- Non, Le Kremlin-Bicêtre. Là-bas il a retrouvé un ami à lui fraîchement débarqué des Ardennes. Un nommé Archibald Rimbock, pas forcément recommandable d’après mes renseignements. C’est un type barbu qui porte un monocle, une casquette de marinier de la Meuse et n’a que l’invective à la bouche. Le lendemain matin on retrouve leurs traces à la gare du Nord où ils se sont accrochés avec un photographe de rue nommé Karjaboudjan. Rimbock l’a blessé à la main, d’un coup de couteau. Ils ont filé ensuite, le laissant tout saignant, et ils ont sauté dans le train pour Bruxelles. Là-bas ils ont vécu un temps au 26 rue du Labrador. Puis ils sont partis pour Londres.

- Filer le parfait amour ?

- Rien n’est moins sûr, madame Fleurville. C’est une affaire assez bizarre et… c’est pire encore que tout ce que vous pouvez imaginer. Ils vivent très honorablement, là-bas. Ils fréquentent les bibliothèques et ils donnent des cours de français. Et… êtes-vous prête à entendre l’insupportable ?

- Allez-y docteur ! Euh… Madame Irma. Pardon, ça m’a échappé, M. Fouillemerde.

- Je comprends que vous soyez troublée et vous allez l’être encore plus. Ces deux messieurs… Comment vous le dire ? Ils écrivent de la poésie.

***

murmure_temps 0008 détail

Augustin Traquenard ! J’ai vite fait une croix sur ce dégénéré. Je me suis mariée l’année suivante avec un industriel belge nommé Rémi Tatin.

Le plus désolant dans l’histoire a été de perdre le petit chien blanc si intelligent, Emile, dont Fouillemerde n’a pas pu me dire ce qu’il ‘était devenu. Il ne me reste de cette époque que cette photo un peu floue de lui : c’est celle que j’avais confiée au détective et qu’il m’a rendue. Je me souviens qu’on l’avait même fait agrandir et encadrer, quand nous habitions rue des Petits-champs, Augustin, Georges et moi.

C’est du passé. Rémi et moi sommes heureux. Nous habitons avenue Louise à Bruxelles, c’est dire ! Nous venons de donner une petite demi-sœur à Georges. Elle est adorable. Nous l’avons prénommée Emmylou.

Emmylou Tatin, ça sonne bien, non ?

9 juin 2020

Amérique / Maryvonne

murmure_temps 0004 réduite



Dans mes vertes années, ça fait déjà des lunes,

Quand pour communiquer je prenais ma belle plume
C'était celle du condor, volée à un indien,
Et son vocabulaire devenait tout le mien.

Messages de fumée, calumets enflammés,
Squaw, tomahawk et bisons bien fumés,
J'avais vite tout appris, les coutumes, leur beauté,
Le tannage des peaux et les perles enfilées.

L'art du vrai mocassin qui effaçait les traces
D'une queue ajoutée, tout à fait efficace.
Les rythmes saccadés, les danses endiablées,
Leurs chants rauques déchiraient la plaine empoussiérée.

J'ai transmis aux petits tous ces récits charmants,
Affirmant haut et fort qui étaient les méchants.
Trop loin de leurs totems dans de pauvres réserves
Ils boivent leurs souvenirs et se perdent dans leurs rêves.

L'Amérique triomphante ose vous mettre à la une
Vous qui comptiez pour elle, bien souvent, pour des prunes
Elle se souvient soudain qu'elle pousse sur vos terres
Sans vous considérer comme les propriétaires.

Vous qui portiez fièrement des noms si poétiques
Vous avez toutes raisons pour être sarcastiques
Devant les « Jeff » « Bob » « Dan » et autre raretés
Tous ces prénoms tronqués tellement vous êtes pressés.

Américains d'ailleurs, de l'Irlande ou du Maine,
De la belle Hollande ou autres terres lointaines
Rappelez-vous alors que, sur cette terre d'exil,
Vous avez mis un peuple dans un très grand péril.

Ils étaient autonomes, ils étaient fiers et dignes,
Ils vivaient autrement dans leur monde de signes ;
Soudain pour une affiche, vous vous êtes souvenus
Qu'ils étaient là avant, sur un continent nu.

Signé : Plume bleue ou Œil de biche, comme vous voulez

9 juin 2020

La lettre de Josette / Marie-Thé

murmure_temps 0004 réduite

Dear Marie,


Comment aurais-je pu imaginer que je serais un jour sur les traces du célèbre reporter dont nous lisions les péripéties quand nous avions 12 ans ?

Quand le mois dernier j’ai décacheté la grande enveloppe remise par le facteur, j’étais stupéfaite ! J’avais gagné le 1er prix de la semaine commerciale : un voyage en Amérique.

Te souviens-tu combien nous avons dansé de slows sur la chanson de Joe Dassin « L’Amérique, je veux l’avoir, et je l’aurais » en rêvant dans les bras de nos copains de chevaucher dans de grands espaces derrière un cowboy fringant ?

Voilà, je suis à New-York avec les 3 autres gagnants. Une grande voiture verte nous attend à l’aéroport et l’aventure commence.

Je me sens toute petite au pied des immenses buildings. Manhattan est une véritable mosaïque de quartiers de toutes nationalités où nous choisissons de manger dans des petits restos chinois, africain, libanais… J’ai même vu une crêperie bretonne !

Au Metropolitan Museum, j’ai été émerveillée dans les immenses salles qui contiennent des peintures extraordinaires.

Hier nous étions dans une réserve d’indiens. Quelle aventure ! De vrais peaux-rouges avec des plumes, j’en ai vus. Nous avons mangé sur des tapis, assis en tailleurs, des plats tellement épicés que j’en pleurais.

Tous les 4, nous n’arrêtons pas de rire le soir au motel. J’ai un faible pour un garçon un peu plus jeune que moi. Je te raconterais la suite…

Je me surprends quelquefois à regarder les gens qui passent en essayant de retrouver des ressemblances avec des personnages des fameuses BD de notre enfance, mais ça, c’est du domaine du rêve.

See you later. I kiss you

Josette 

3 juin 2020

Consigne d'écriture 1920-33 du 2 juin 2020 : Histoire de listes

Histoire de listes

 

AEV 1920-33 Consigne 537

Ecrivez donc de simples listes, des petits poèmes ou un texte plus long dans lequel la formule ci-dessous est utilisée en anaphore : elle est au début de chaque phrase ou de chaque paragraphe.
Vous n’êtes pas obligé.e d’utiliser le je et de parler de vous.

Ex. : Isaure Chassériau aime la couleur rose ; Béatrice n'aime pas être confinée ; etc.

- J’aime / je n’aime pas
- J’ai peur de
- Je suis heureux(se) quand
- Il y a
- Ne pas oublier
- Il y a des monstres
- Je ne voudrais pas mourir sans qu’on ait inventé
- Maintenant je demande et de toute mon âme

Ou dressez

- l’inventaire heureux de vos saisons
- L’inventaire de vos poches ou de votre sac
- La liste de vos petites manies
- La liste de vos fantasmes
- La liste de vos mensonges
- La liste de vos vantardises
- La liste de vos trésors
- La liste des petits riens qui vous font plaisir


Toutes ces consignes et formules sont extraites du chapitre 1 du livre de Faly Stachak (Ecrire, un plaisir à la portée de tous. – Eyrolles, 2004.

Publicité
Publicité
1 2 3 > >>
L'Atelier d'écriture de Villejean
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité