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L'Atelier d'écriture de Villejean
13 juin 2023

Consigne d'écriture 2223-34 du 13 juin 2023 : La Phrase fatiguée

La Phrase fatiguée

 

 

AEV 2223-34 Consigne Jeanne

Aujourd'hui je vous propose d'écrire autour de la phrase "Je t'aime" en vous inspirant de l'univers magique des mots du roman "La Grammaire est une chanson douce" d'Erik Orsenna. A partir du passage qui raconte le voyage de Jeanne et Monsieur Henri à l'hôpital des mots (pages 95 à 99) où ils rencontrent la fameuse phrase "Je t'aime", voici quelques trajectoires d'écriture que vous pouvez suivre comme bon vous semble.

- Soit vous écrivez à propos d'une phrase fanée que vous avez connue - cela peut être un "je t'aime" ou une autre phrase ou un autre mot - en nous racontant son histoire, en nous disant ce qu'il ou elle représente pour vous. Vous pouvez faire parler cette phrase/ce mot ou vous exprimer à la première personne.

Soit vous partez de cette phrase ou de ce mot choisi et écrivez un poème, une comptine ou un acrostiche par exemple. Vous pouvez évidemment choisir plusieurs phrases et réaliser plusieurs textes.

[consigne donnée par Jeanne]

«Les mots dormaient. 

Ils s’étaient posés sur les branches des arbres et ne bougeaient plus. Nous marchions doucement sur le sable pour ne pas les réveiller. Bêtement, je tendais l’oreille : j’aurai tant voulu surprendre leurs rêves. J’aimerais tellement savoir ce qu’il se passe dans la tête des mots. Bien sûr, je n’entendais rien. Rien que le grondement sourd du ressac, là-bas, derrière la colline. Et un vent léger. Peut-être seulement le souffle de la planète Terre avançant dans la nuit. Nous approchions d’un bâtiment qu’éclairait mal une croix rouge tremblotante.

– Voici l’hôpital, murmura Monsieur Henri.

Je frissonnai. L’hôpital ? Un hôpital pour les mots ? Je n’arrivais pas à y croire. La honte m’envahit. Quelque chose me disait que, leurs souffrances nous en étions, nous les humains, responsables. Vous savez, comme ces Indiens d’Amérique morts de maladies apportées par les conquérants européens.

Il n’y a pas d’accueil ni d’infirmiers dans un hôpital de mots. Les couloirs étaient vides. Seules nous guidaient les lueurs bleues des veilleuses. Malgré nos précautions, nos semelles couinaient sur le sol. Comme en réponse, un bruit très faible se fit entendre. Par deux fois. Un gémissement très doux. Il passait sous l’une des portes, telle une lettre qu’on glisse discrètement, pour ne pas déranger. Monsieur Henri me jeta un bref regard et décida d’entrer.


Elle était là, immobile sur son lit, la petite phrase bien connue, trop connue : 
Je – t’ – aime

Trois mots maigres et pâles, si pâles. Les sept lettres ressortaient à peine sur la blancheur des draps. Trois mots reliés chacun par un tuyau de plastique à un bocal plein de liquide. Il me sembla qu’elle nous souriait, la petite phrase. Il me sembla qu’elle nous parlait :

– Je suis un peu fatiguée. Il paraît que j’ai trop travaillé. Il faut que je me repose.

– Allons, allons, Je t’aime, lui répondit Monsieur Henri, je te connais. Depuis le temps que tu existes. Tu es solide. quelques jours de repos et tu seras sur pied.

Il la berça longtemps de tous ces mensonges qu’on raconte aux malades. Sur le front de Je t’aime, il posa un gant de toilette humecté d’eau fraîche.


– C’est un peu dur la nuit. Le jour, les autres mots viennent me tenir compagnie.


« Un peu fatiguée », « un peu dur », Je t’aime ne se plaignait qu’à moitié, elle ajoutait des « un peu » à toutes ses phrases.


– Ne parle plus. Repose-toi, tu nous a tant donné, reprends des forces, nous avons trop besoin de toi. Et il chantonna à son oreille le plus câlin des refrains.

La petite biche est aux abois
Dans le bois se cache le loup
Ouh, ouh, ouh, ouh

Mais le brave chevalier passa
Il prit la biche dans ses bras
La, la, la, la


– Viens Jeanne, maintenant. Elle dort. Nous reviendrons demain.

***

– Pauvre Je t’aime. Parviendront-ils à la sauver ?

Monsieur Henri était aussi bouleversé que moi. Des larmes me montaient à la gorge. Elles n’arrivaient pas à monter jusqu’à mes yeux. Nous portons en nous des larmes trop lourdes. Celles-là, nous ne pourrons jamais les pleurer.

-… Je t’aime. Tout le monde dit et répète « je t’aime ». Tu te souviens du marché ? Il faut faire attention aux mots. Ne pas les répéter à tout bout de champ. Ni les employer à tort et à travers, les uns pour les autres, en racontant des mensonges. Autrement, les mots s’usent. Et parfois, il est trop tard pour les sauver.»

Texte récupéré ici.

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13 juin 2023

Un Drôle d'hôpital / La Licorne

C'est un hôpital presque comme les autres. Une bâtisse jaunâtre, vieillotte...perdue dans les arbres. 
On pourrait presque passer devant sans la voir. Le personnel, cependant, attire l'attention.
Ici, pas de blouse blanche. Pas de chariots, de médicaments, ni de perfusion. 
Quelques infirmiers, ébouriffés, se promènent sous les feuillages, un crayon à la main, en regardant le ciel. Ils flânent, l'air préoccupé, en ayant l'air de chercher l'inspiration.
 
Car ici, on soigne les mots. Uniquement les mots.
 
Et les mots arrivent, à toute heure. En file indienne, chaque jour plus nombreux. Des petits, des grands, des oubliés. On les accueille et on les couche, en urgence, sur le papier. La plupart, quand ils arrivent, sont faibles, mal en point, usés.
 
Les yeux pleins de tristesse, ils disent  que personne ne les comprend, qu'on se désintéresse d'eux, qu'on ne les invite plus, qu'ils ne servent plus à rien. Ils disent : "C'était mieux avant..." 
Avec des larmes dans les yeux, ils parlent du temps où la télé et internet n'existaient pas...du temps où les gens lisaient des livres, du temps où l'on s'envoyait des lettres de plusieurs pages, où l'on avait de longues conversations approfondies... Le temps de leur gloire. Le temps où ils étaient choyés, admirés, encensés.
 
Oh, il y a bien quelques petits jeunes qui passent les voir, de temps en temps. Des jeunes, en baskets, décontractés, sûrs d'eux, en pleine forme. 
Tenez, "Kiff" est passé voir, l'autre jour, ses grands-parents : "Amour" et "Passion"...
Il était fringant, joyeux...mais il n'est pas resté longtemps...trop pris, apparemment. 
Il a bien vu que son grand-père se délavait de jour en jour et que sa grand-mère n'en avait plus pour très longtemps. Il a eu la politesse de n'en rien dire. Faut dire qu'il était surtout préoccupé par sa prochaine sortie avec "Crush", un pote à lui...avec lequel il passe le plus clair de son temps.
 
En partant, il a croisé dans les couloirs la petite "Billevesée". 
"Tu te rends compte, il ne savait pas qui j'étais, il n'avait jamais entendu parler de moi" a-t-elle confiée à son amie "Carabistouille", qui n'en menait pas large non plus.
 
Quant au vieux "Saperlipopette", il paraît que l'autre jour, il a volé en miettes, percuté de plein fouet par "What the fuck" qui, le nez sur son smartphone, ne l'avait pas vu. 
A l'heure qu'il est, il serait dans un état critique. Amputé de plusieurs lettres...Maintenant, tout le monde le confond avec "Salopette". Quoique, tout compte fait, il s'en sort mieux que d'autres. La semaine dernière, on a enterré trois de ses amis :  "Fichtre", "Diantre" et "Mazette". Morts de vieillesse.

Vous l'aurez compris, l'époque est dure. La langue est devenue technique, administrative et impersonnelle. Ce que l'on aime aujourd'hui, ce sont les mots secs, précis. "Arobase", "Gestion", "Optimisation". Ou alors les anglicismes. "Bug", "Process", "Vibe". Plus de place pour les dizaines de synonymes qui nous enchantaient de leurs nuances. On va droit au but. Les "Racine", les "Corneille" sont passés de mode. Les fioritures aussi. Chez les écrivains, plus personne ne se risque à faire une description de plus de trois phrases, sous peine de perdre le lecteur. Des milliers de mots se retrouvent, d'un jour à l'autre, "à la rue".

Alors, que faire ? A "Mopital", une nouvelle méthode de soin est testée. Elle a été mise au point récemment et commence à faire ses preuves.

Cela commence toujours par un "lavage" très doux. Tout d'abord, on prend le mot malheureux et on le nettoie précautionneusement, à l'eau tiède, afin d'ôter toutes les connotations malencontreuses dont il a été affublé au cours des années. On le débarrasse aussi, en passant, des fautes d'orthographe récurrentes qui ont pu le blesser et le déformer.

Une fois qu'il a retrouvé sa pureté et sa première jeunesse, on le confie aux soins d'un "médecin-poète". Celui-ci l'examine alors sous toutes les coutures et l'habille de nouvelles couleurs, de nouvelles teintes en l'associant avec d'autres, eux aussi, lavés et nettoyés. Il les fait se rencontrer, il les fait danser ensemble...virevolter sur un rythme entraînant. Parfois, l'union est heureuse et, quelque temps après, naît un petit poème...Parfois, ce n'est qu'une passade, mais qui va leur permettre de repartir dans la vie, dans la société, chacun de leur côté, ravivés, revigorés.

Oh, je ne vous cache pas que tout cela prend du temps. C'est lent. Un mot à la fois. Ce mois-ci, on a sauvé deux mots, menacés d'une mort certaine :  Anticatastase" et "Albedo".  Ils ont virevolté dans quelques textes, ce qui a suffi pour les sauver de l'oubli. 

Même si ce n'est pas facile tous les jours, je vous assure que c'est un vrai bonheur que de contribuer à lutter contre la désuétude galopante, la perte de sens et l'anorexie lexicale.

Je vous invite donc vivement à faire de même et, si vous souhaitez nous aider, à envoyer vos dons à : 
"Mots En Cours d'Extinction Nettoyage Express"
1984, Avenue George Orwell, 75000 Paris  

Dr Jean Kess

13 juin 2023

Demande d'exfiltration / Jean-Paul

J’y suis allé, moi aussi, faire une visite à l'hôpital des mots. Dans la chambre voisine de celle où reposait « Je t'aime » il y avait une vieille rengaine qui se traînait lamentablement dans son lit-cage.

Elle disait :

- Qu'est-ce que j'ai pu être conne !

Elle s'appelait « C'était bien, c'était chouette, chez Laurette ». Elle ajoutait :

AEV 2223-34 JK - flipper

- Il y avait déjà Simone Signoret qui nous avait prévenu. Elle avait écrit « La Nostalgie n'est plus ce qu'elle était » mais là, franchement, moi, quelle gnangnanterie ! Les années lycée ! C'est comme si on m'offrait un billet pour le concert de Starmania en 2023, qu’on m'emmenait me rhabiller dans une friperie vintage ; j'aurais l'air ridicule comme à l'époque avec mes jupes gitanes, mes parfumées au patchouli, mes freluquet à cheveux longs qui se prêtent des disques vinyles pour les enregistrer sur des mini-cassettes. Je suis sûre et certaine maintenant qu'il était crade, ce rade ! Tous les clients fumaient des gauloises bleues et des gitanes maïs en buvant des coups de rouge genre Gros qui tache, de la Stella Artois ou de la bière d'Alsace au comptoir ! De vieux habitués venaient taper le carton tous les après-midis et ils faisaient la gueule quand on mettait deux thunes dans le bastringue ou qu'on s'excitait autour du flipper parce que Gaston avait décroché un « same player shoots again » ou que Bernadette avait fait tilt.

- Allons ! Allons ! ai-je dit à « C'était bien, c'était chouette chez Laurette ». Vous étiez quand même une belle chanson ! Qu'est-ce qu'on pourrait faire qui vous ferait plaisir ?

- Écoutez, sortez-moi d'ici en loucedé ! Je déteste cet hôpital ! Ils ne font rien pour nous adapter au monde moderne. Ils nous laissent mariner pour qu'on puisse dire de nous « dans son jus ». Emmenez-moi dans un café moderne, un où il y a des afters et des happy hours, où on peut boire des pintes de bière en passant la commande au comptoir !

- Un peu dans le genre des Grands gamins, sur le mail François Mitterrand à Rennes ?

- Ouaipe, a répondu sa voisine de lit. Et si vous arrivez à l’exfiltrer, revenez de sortir de là, moi aussi !

- C’est qui, elle ?

Elle c’est « Au Tord-boyaux le patron s’appelle Bruno ».
 

13 juin 2023

La quille, bordel ! / Jean-Paul

Il n'y avait pas plus jubilatoire que cette phrase là ! Bien sûr elle était très vulgaire à cause de sa deuxième partie mais elle était un appel à respecter la devise de la République, au moins sur son premier tiers : « Liberté Égalité Fraternité » : « La quille bordel ! ».

La société était aussi malade que de nos jours pendant cette période qu'on a baptisée du joli nom de « Trente glorieuses ». La gloire n’a qu’un temps. Pas étonnant, à la longue, que les phrases se fatiguent.

Dans la tête des gouvernants il était bon de priver les jeunes gens de leur liberté pendant un temps déterminé - un an les dernières années avant la suppression du service militaire, bien plus auparavant - pour les envoyer faire un stage d' « égalité » dans des bâtiments appelés casernes.

On leur bourrait le crâne à coup de formules immuables : Garde-à-vous ! Repos ! Vous me balaierez les chiottes ! Corvée de pluche ! Au trou ! Veux pas le savoir ! Parcours du combattant ! Manœuvre ! Scrongneugneu ! Vous fais sauter votre permission ! Debout les Bleus ! Présentez armes ! Une deux, une deux !

Espérait on faire naître de ces mauvais traitements de la fraternité ? Il y en eut ! Mais avec le temps les fameux copains de régiment chers à nos pères et grand-pères sont devenus plus transparents, moins indispensables. Et pendant les derniers mois de ce service militaire elle fleurissait, elle éclatait, bien sonore, bien pétante et provoquante, la phrase « La quille, bordel ! » dans la bouche des les libérables.

AEV 2223-34 JK - Quille

"Je veux revoir ma Normandie !" clamaient les Rouennais et les Ébroïciens (habitants d'Evreux). Et les bidasses du Pas-de-Calais, natifs d’Arras ou pas, passaient un peu du temps libre qu’ils avaient à décorer l'objet lui-même, un parallélépipède de bois qu’ils brandissaient comme un trophée le jour où on les rendait à la vie civile, libérés de leurs obligations militaires mais pas de celle d'aller pointer à l'usine ou de retourner travailler à la ferme !

En trouve-t-on encore de ces quilles sur Ebay ou sur Le Bon coin ou bien ont elles brûlé, souvenirs inutiles, dans un feu de cheminée ? Et pourquoi n'a-t-elle pas repris vigueur, l’expression « La quille, bordel ! » lorsque les gens s'apprêtent à partir en retraite ? N’est-ce pas là aussi une libération, une sortie d'un monde de contraintes, d'obligations, de pressions ? La liberté devient elle moins appréciable avec l'âge ? Et si l'on a la chance d'être déjà en retraite, la phrase ne risque elle pas de s'éteindre d'elle-même, de devenir aphasique, de n'être plus qu'une minute de silence ou un mot en travers de la gorge à l’EHPAD ?

Parce qu’à 99 ans, quand on clame « La quille, bordel ! » c'est qu'on n'a plus beaucoup de choix entre la liberté ou la mort !

13 juin 2023

Grosse fatigue / Jean-Paul

Les journaux du matin nous apprennent que la phrase « Ça ira mieux demain » vient d'entrer elle aussi à l'hôpital des mots. Elle occupe désormais la chambre voisine de celle ou convalesce « On ira tous au paradis ».  

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13 juin 2023

Ramassis de mots / Maryvonne

 Les mots sont incroyables ! Savez-vous qu'ils se déguisent pour vous tromper ? Par exemple « géant » est plus petit que « minuscule ». Il me revient cette comptine qui laisse perplexe :

pngegg

Beau papillon de soie
Mon avion de joie
Léger, pimpant, qui vole sur quatre ailes
Beau papillon
Lorsque j'écris ton nom
Tu n'as plus que deux L

Merveilleux mutilé
Pourras-tu t'envoler ? 1

Alors, deux ou quatre ailes ?

Les mots sont des galopins. Ils se bagarrent entre eux jusqu'à se retrouver occis après cette lutte fraternelle, occis, oxymore bien entendu après cette douce violence. Ils se plaisent dans cette obscure clarté de certaines définitions.

- C'est quoi un bibliobus ? demande un enfant. Un autre lui répond « C'est un bus qui ne passe pas toutes les dix minutes ! ».

Les mots se décomposent et se recomposent.

- Je t'interdis de dire des grossièretés !
- Mais non je n'ai dit que des petites ièretés !

Les mots nous jouent des farces :

- Mais pourquoi, quand tu parles des moulins à vent, tu ne parles pas des moulins arrières ?

Les mots font des confusions :

- J'ai descendu dans mon bateau pour y cueillir du gros marin.
- Si toi tu as des omoplates, moi j'ai des filloplates.

Les mots se mangent : les mokas, les morilles, tous les mollusques et j'en passe et des meilleurs.

AEV 2223-34 Maryvonne - Princesse qui crache crapauds

Ne les croyez pas tous jolis ! C'est comme dans les contes de fées où certaines princesses crachent des crapauds quand elles parlent. Tu hésites, mais quand ils franchissent tes lèvres ils te collent des boutons sur la langue : concupiscence, pédophilie, féminicide, infanticide… Beurk !

« Jalousie » cache sa laideur sous une belle enveloppe.

Ne faites pas toujours confiance aux mots ! « Lapsus » vous met parfois dans une situation délicate, méfiez-vous de lui !

Les mots sont comme des petits wagons qui traversent votre cerveau, certains s’arrêtent et se garent, d'autres filent à toute allure et disparaissent. On ne les reverra plus. Ce sont des intermittents du spectacle. Ils font les beaux, ravissent l'assemblée et soudain quand on en a besoin ils jouent les filles de l'air. Envolés les mots chéris que l'on a nourris, choyés. Quelle ingratitude !

Maudits mots ! Un jour je vous capturerai et je vous mettrai en ligne, main dans la main pour que vous ne puissiez plus m'échapper. Parce que, mots, je vous aime !


1 Armand Got - Bestival

6 juin 2023

Consigne d'écriture 2223-33 du 6 juin 2023 : Jeu de l'oie

Jeu de l'oie

 

A partir des photos de ce jeu de l’oie géant vous pouvez :

- imaginer le parcours effectué par un personnage (ou par vous-même) au fil des lancers de dés, les rencontres qu’il fait, les lieux qu’il traverse et son arrivée triomphale au sommet du Puy-de-Dôme (63) ;

- écrire de courts poèmes à propos des nombreux animaux représentés sur ce jeu ;

- écrire à partir des associations de chiffres et d’images (n°s de départements, d’étages d’un immeuble, d’habitations d’une même rue, etc.) ;

- écrire ce que vous voulez.

vous pouvez cliquer sur les images pour les agrandir

2023-04-21 - Nikon 101

2023-04-21 - Nikon 102

2023-04-21 - Nikon 103

2023-04-21 - Nikon 104

2023-04-21 - Nikon 105

2023-04-21 - Nikon 106

2023-04-21 - Nikon 108

2023-04-21 - Nikon 110

2023-04-21 - Nikon 111

 

2023-04-21 - Nikon 116

 

6 juin 2023

Le jeu de l'oie géant de Châlons-en-Champagne / Jean-Paul

Un point du règlement

Je l'ignorais moi cette règle du jeu de l’oie ! « Au commencement de la partie, si l'un des joueurs fait 9 par 6 et 3 il doit avancer son pion sur la case 26 ; s'il obtient 9 par 4 et 5 il ira sur la case 53 ». C’'est à se demander si je n'ai pas toujours obtenu le 9 par 7 et 2 ! J'ai un souvenir prégnant de goudron et de plumes et d'avoir quitté la salle de jeux à califourchon sur un rail de chemin de fer.

Extrait des "Mémoires"de Joe Dalton.

AEV 2223-33 JK - 1 Goudron et plumes

Case 35

AEV 2223-33 JK - Case 35 phacochère

Il y a un phacochère
A la porte cochère,
Arrivé sanglier gare,
Sans annoncer
« Gare de Rennes ! Tous les petits lapins descendent de voiture ! ».

Tous les petits lapins descendent de voiture
Et les voici qui partent un peu à l'aventure,
Longeant l'avenue Janvier,
Saluant le TNB et le lycée Zola.

Le sanglier les suit.
Il ne veut pas aller jusqu'à la baie d'Erquy
Chez les irréductibles avaleurs de bidoche.
Alors, une fois traversée la Vilaine,
Il laisse les lapins monter jusqu'au Thabor
Et lui il tourne à gauche
Car lui ce qu'il veut voir
c'est le très grand heurtoir
De la rue Beaumanoir

AEV 2223-33 JK - heurtoir beaumanoir

Il y a un phacochère à la porte cochère !

S'il a fait 35 par 17 et 18
Dis-lui qu'il s'en retourne à sa forêt natale
Dans la terre d'Ardenne
Dans un film des Dardenne
Ou chez les bigoudens.
S'il continue d’heurter le battant de la porte
Dis-lui qu'il est vilaine et que je vais lâcher,
Pour qu'elle lui brise l'échine,
La sorcière Darmanaine dont la réputation n'est plus vraiment à faire :
C'est elle qui brisa jadis Lima la hyène

Case 22

AEV 2223-33 Jeanne - Case 22

A Saint-Michel-en-Grève c'est la baie des cochons !
Tu vois sur la case 23 le tracteur qui s'en vient le matin
Faire sa moisson d’algues vertes.

On dit « élevage porc sain »
Mais ni Trite ni Trate ne veulent avouer qu'ils ont pollué la mer
Et un cheval est mort d'avoir respiré là.

Il faut retourner case 11 pour faire travail de colibri
Et retrouver planète nette

Case 29

AEV 2223-33 JK - Case 29 château

J'ai oublié le nom de ce petit château qui barre la rivière
Et fait penser au pont de Landerneau en Finistère (29).

Mais je me souviens bien que ce jardin public
Aux statues magnifiques
Sculptées dans l'érotique
A pour nom « Petit jard »

Or le jars est est mâle de l’oie
Et cette homonymie - cela nous met en joie -
Est la raison probable
Qu'au lieu d'un bac à sable
On propose aux enfants
Un jeu de l'oie géant

Case 42

AEV 2223-33 JK - Case 42 labyrinthe

 Si l’un des joueurs fait 42 par 23 + 19 ou s’il atteint cette case il entre dans le labyrinthe. Ici, contrairement à toute idée reçue, à toute légende ancienne, ici l'attend Ariane.

- Thésée ! dit-elle au joueur en posant son tricot, sa pelote de laine rouge et ses grandes aiguilles. Comme il y a long de temps, mon petit sacripant, que je t'attends !

Le joueur qui a fait 23 + 19 ne comprend plus rien aux nombres premiers ni aux histoires primitives. Il se demande si le Minotaure a eu tort, s’il s’est pris pour un boa constrictor, s'il est parti parasiter une autre histoire. En attendant Ariane est aussi belle qu Audrey Hepburn dans le film homonyme de Billy Wilder et le joueur est si heureux d'être l'étranger bien reçu comme dans la chanson de Léonard Cohen qu'il prie pour que personne ne vienne prendre sa place.

Lorsque cela arrive, qu’on a passé deux tours de magie et sursis comme Circé au déroulé du temps, Ariane vous raccompagne et vous dit « Bonne chance ! Sur ce que nous étions, sur nos amours cachées, surtout ne dites rien à personne, Thésée ! Taisez-vous, taisez tout ! ».

Mais nul besoin de mots en fait. Du plus velouté des baisers l'oie blanche vous a clos le bec.
Il ne vous reste plus qu à faire 21 pour monter au sommet du Puy de dôme (63) et hurler votre bonheur en silence.

Case 41

AEV 2223-33 JK - Case 41 LuneAu clair de la lune, mon ami Pierrot,
Lorsque j'aurai le temps
J'irai réécouter votre « Signé Furax ! ». (case 60)

Quel bonheur ne fut pas le mien
D'avoir fait du tourisme culturel sans le savoir,
D'avoir découvert une fois rendu sur place
Que Pierre Dac était né à Châlons-en-Champagne !

AEV 2223-33 JK - Case 60 signé furax

6 juin 2023

I comme iconographie / Adrienne

Il n’a pas été difficile de retrouver exactement le même jeu que celui qu’avait mini-Adrienne: c’est celui-là (source ici)

Beaucoup y voient une sorte de « parcours de vie », où tout n’est que hasard avec par-ci par-là une embûche sur le chemin.
C’est peut-être pour ça que le petit frère n’aimait pas y jouer 😉.

En faisant quelques recherches pour avoir une idée de l’origine et de l’ancienneté de ce jeu, l’Adrienne est tombée sur un tas de sites intéressants et tous sont d’accord sur un point: contrairement au tableau de son enfance, la mode était plutôt à remplir les cases séparant celles où se trouve une oie par des dessins selon un thème – culturel, géographique, historique, littéraire… – de sorte que de nos jours, ces tableaux anciens illustrés de gravures font l’objet de collections.

Ici par exemple il s’agit de "tableaux de Paris" .

Pour ceux que ça intéresse, ici la préface du livre Le noble jeu de l’oie en France, de 1640 à 1950 écrit par un de ces collectionneurs, Henry-René D’Allemagne.

Et un site consacré à ce jeu ici.

6 juin 2023

Billy joue au jeu de l’oie / Jeanne

AEV 2223-33 Jeanne - Case 01Je m’appelle Billy la fourmi. Je me promène entre les canyons que les humains appellent simplement pavés. J'ai perdu de vue mes compagnons de route et m’efforce de les retrouver ; c’est rude et j'ai terriblement chaud.

Au loin, j'aperçois un arc-en-ciel de rocher, je pense délirer à cause de la chaleur, les pierres sont grises habituellement ou beiges pour les plus belles que l’on peut trouver. Je m’approche, et que vois-je ? Une cour où s’étalent de nombreux chevaliers, tous revêtus d’une armure, elle-même décorée d’un blason bleu électrique ; une voix grave annonce :

« Vous vous trouvez à la case numéro un. Pour poursuivre votre chemin, lancez les dés !».

Une ombre m’apporte deux minuscules dés que je peux à peine soulever de mes six pattes ; j’ai l’impression d’être tombé dans une rêverie comme Alice en atterrissant au Pays des Merveilles. Peureux de nature lorsque je me trouve seul, je lance les dés sans savoir à quoi m’attendre réellement.

AEV 2223-33 Jeanne - Case 03Deux gros yeux noirs et ronds apparaissent, les dés me présentent chacun un un, ce qui veut dire que je n'ai obtenu qu’un petit deux : la route s’annonce longue, mais je ne recule pas devant la peur, une curiosité nouvelle me pousse d’instinct vers la case numéro trois.

Je n'ai jamais vu vignoble si grand ! A l’entrée des grandes allées de vert et de violet alléchant une pancarte m’invite à goûter, boire et surtout savourer tous les bienfaits de ce fruit qu’est le raisin. Je m’avance alors, pris de gourmandise, et jure sur l’honneur que ce qui arrive n’est pas volontaire : après peut-être onze secondes d’enchaînement du jeu de mes six pattes, je tombe tête la première dans une cuve à vin, et évidemment, je bois la tasse.

AEV 2223-33 Jeanne - Case 07Les prochains dés paraissent plus lourds, plus gros et surtout plus ronds, ils sont durs à lancer, tellement que j’obtiens le faible chiffre quatre, le double de la misérable somme obtenue précédemment. Un quatre qui me fait arriver, difficilement et hoquetant, à la case sept.

Une abeille pleure. Tentant d’être limpide, je lui demande la raison de son sanglot, del’empathie me serrant le cœur. La pauvre bête jaune se lamente de n’avoir que sept bandes noires la recouvrant, alors que ses compagnons butineurs en ont tous au moins dix. Tout de suite, je tente de la réconforter : j’en compte quatorze, moi, des bandes ! Mais elle continue de pleurer tout en me contredisant, m’affirmant qu’elle n’en a que sept ; je pars alors fâché et frustré avant de me rendre compte qu’effectivement, depuis la case trois, je vois double...et de travers.

AEV 2223-33 Jeanne - Case 9Les dés reprennent une forme à peu près carrée et je les lance à peu près facilement. Les mondes s’enchaînent à travers les diverses cases que je visite et je fais toutes sortes d’expérience : case numéro neuf, une tablée festive me propose du champagne, que je refuse après le trouble du vin.

 


AEV 2223-33 Jeanne - Case 16Cela leur déplaît malheureusement alors une des énergumènes me loge dans une bulle qui m’emporte dangereusement à la case seize où j'atterris sur la tête d’une oie furieuse qui me prend pour un pou.
 


 

AEV 2223-33 Jeanne - Case 22
Je lance tant bien que mal les nouveaux dés le long de son cou blanc et me voilà transporté à la case vingt-deux où je fais la rencontre d’un porc qui, ému d’avoir une si petite compagnie, prend une inspiration de joie qui me fait voyager dans sa grosse narine gauche. Tout gigotant de peur que je suis, je lui fais l’effet d’une chatouille alors il m'éjecte d’un éternuement si puissant que j'atterris à la case quarante-sept, au pied d’un grand chêne. Je suis alors pris d’une pulsion due au mélange explosif de frayeur et d’adrénaline, je hurle de joie, je sautille tel une puce et cours en zigzagant autour de l’arbre.

AEV 2223-33 Jeanne - Case 47À ce moment-là je fais une nouvelle rencontre qui me restera à jamais gravée en mémoire : un pelage roux comme le sucre caramélisé, de petites pattes agitées, frêles et habiles, des yeux à ma taille dans lesquels je me perds instantanément, d’une couleur aussi noire que ma coque. C’est un écureuil avec qui je me lie d’amitié et d’amour. Je lui raconte tout mon périple sans savoir s’il comprend mon langage, tentant simultanément de m'agripper comme je peux à ses longs poils d’oreille.

AEV 2223-33 Jeanne - Case 56Passant les cases mon ami et amour nous arrête à la case numéro cinquante-six et, sans me demander mon avis, il me jette dans une flaque d’un orange vif dans laquelle je me noie partiellement. En cette case loge une palette d’artiste composée de bleu, de vert, de jaune et d’autres couleurs. Mon agile compagnon me sauve à temps de la noyade et me contemple de haut en ba et d’un air interrogateur à travers ses deux billes noires ; je comprends alors que je suis enfin à son goût, revêtu d’un orange citrouille.

Mon aventure continue sur le dos de mon roux fougueux qui, m’évitant maintes et maintes difficultés, me dépose gaiement mais tristement à la case finale, la case soixante-trois. Les adieux sont difficiles mais je peux m’en aller en gardant autour de ma taille l’un de ses longs poils d’oreilles, aussi doux que doré.

Rentrant et retrouvant ma troupe, je raconte l’entièreté de mon voyage mais personne ne me croit. Mais je suis fier et me sens différent, j'ai rencontré de distingués personnages, embrassé de nombreuses sensations et ressentit de puissants et nouveaux sentiments ; j'ai même à présent la plus belle ceinture rousse jamais vue dans le monde des fourmis.

AEV 2223-33 Jeanne - Case 63

 

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