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L'Atelier d'écriture de Villejean
6 juin 2023

Billy joue au jeu de l’oie / Jeanne

AEV 2223-33 Jeanne - Case 01Je m’appelle Billy la fourmi. Je me promène entre les canyons que les humains appellent simplement pavés. J'ai perdu de vue mes compagnons de route et m’efforce de les retrouver ; c’est rude et j'ai terriblement chaud.

Au loin, j'aperçois un arc-en-ciel de rocher, je pense délirer à cause de la chaleur, les pierres sont grises habituellement ou beiges pour les plus belles que l’on peut trouver. Je m’approche, et que vois-je ? Une cour où s’étalent de nombreux chevaliers, tous revêtus d’une armure, elle-même décorée d’un blason bleu électrique ; une voix grave annonce :

« Vous vous trouvez à la case numéro un. Pour poursuivre votre chemin, lancez les dés !».

Une ombre m’apporte deux minuscules dés que je peux à peine soulever de mes six pattes ; j’ai l’impression d’être tombé dans une rêverie comme Alice en atterrissant au Pays des Merveilles. Peureux de nature lorsque je me trouve seul, je lance les dés sans savoir à quoi m’attendre réellement.

AEV 2223-33 Jeanne - Case 03Deux gros yeux noirs et ronds apparaissent, les dés me présentent chacun un un, ce qui veut dire que je n'ai obtenu qu’un petit deux : la route s’annonce longue, mais je ne recule pas devant la peur, une curiosité nouvelle me pousse d’instinct vers la case numéro trois.

Je n'ai jamais vu vignoble si grand ! A l’entrée des grandes allées de vert et de violet alléchant une pancarte m’invite à goûter, boire et surtout savourer tous les bienfaits de ce fruit qu’est le raisin. Je m’avance alors, pris de gourmandise, et jure sur l’honneur que ce qui arrive n’est pas volontaire : après peut-être onze secondes d’enchaînement du jeu de mes six pattes, je tombe tête la première dans une cuve à vin, et évidemment, je bois la tasse.

AEV 2223-33 Jeanne - Case 07Les prochains dés paraissent plus lourds, plus gros et surtout plus ronds, ils sont durs à lancer, tellement que j’obtiens le faible chiffre quatre, le double de la misérable somme obtenue précédemment. Un quatre qui me fait arriver, difficilement et hoquetant, à la case sept.

Une abeille pleure. Tentant d’être limpide, je lui demande la raison de son sanglot, del’empathie me serrant le cœur. La pauvre bête jaune se lamente de n’avoir que sept bandes noires la recouvrant, alors que ses compagnons butineurs en ont tous au moins dix. Tout de suite, je tente de la réconforter : j’en compte quatorze, moi, des bandes ! Mais elle continue de pleurer tout en me contredisant, m’affirmant qu’elle n’en a que sept ; je pars alors fâché et frustré avant de me rendre compte qu’effectivement, depuis la case trois, je vois double...et de travers.

AEV 2223-33 Jeanne - Case 9Les dés reprennent une forme à peu près carrée et je les lance à peu près facilement. Les mondes s’enchaînent à travers les diverses cases que je visite et je fais toutes sortes d’expérience : case numéro neuf, une tablée festive me propose du champagne, que je refuse après le trouble du vin.

 


AEV 2223-33 Jeanne - Case 16Cela leur déplaît malheureusement alors une des énergumènes me loge dans une bulle qui m’emporte dangereusement à la case seize où j'atterris sur la tête d’une oie furieuse qui me prend pour un pou.
 


 

AEV 2223-33 Jeanne - Case 22
Je lance tant bien que mal les nouveaux dés le long de son cou blanc et me voilà transporté à la case vingt-deux où je fais la rencontre d’un porc qui, ému d’avoir une si petite compagnie, prend une inspiration de joie qui me fait voyager dans sa grosse narine gauche. Tout gigotant de peur que je suis, je lui fais l’effet d’une chatouille alors il m'éjecte d’un éternuement si puissant que j'atterris à la case quarante-sept, au pied d’un grand chêne. Je suis alors pris d’une pulsion due au mélange explosif de frayeur et d’adrénaline, je hurle de joie, je sautille tel une puce et cours en zigzagant autour de l’arbre.

AEV 2223-33 Jeanne - Case 47À ce moment-là je fais une nouvelle rencontre qui me restera à jamais gravée en mémoire : un pelage roux comme le sucre caramélisé, de petites pattes agitées, frêles et habiles, des yeux à ma taille dans lesquels je me perds instantanément, d’une couleur aussi noire que ma coque. C’est un écureuil avec qui je me lie d’amitié et d’amour. Je lui raconte tout mon périple sans savoir s’il comprend mon langage, tentant simultanément de m'agripper comme je peux à ses longs poils d’oreille.

AEV 2223-33 Jeanne - Case 56Passant les cases mon ami et amour nous arrête à la case numéro cinquante-six et, sans me demander mon avis, il me jette dans une flaque d’un orange vif dans laquelle je me noie partiellement. En cette case loge une palette d’artiste composée de bleu, de vert, de jaune et d’autres couleurs. Mon agile compagnon me sauve à temps de la noyade et me contemple de haut en ba et d’un air interrogateur à travers ses deux billes noires ; je comprends alors que je suis enfin à son goût, revêtu d’un orange citrouille.

Mon aventure continue sur le dos de mon roux fougueux qui, m’évitant maintes et maintes difficultés, me dépose gaiement mais tristement à la case finale, la case soixante-trois. Les adieux sont difficiles mais je peux m’en aller en gardant autour de ma taille l’un de ses longs poils d’oreilles, aussi doux que doré.

Rentrant et retrouvant ma troupe, je raconte l’entièreté de mon voyage mais personne ne me croit. Mais je suis fier et me sens différent, j'ai rencontré de distingués personnages, embrassé de nombreuses sensations et ressentit de puissants et nouveaux sentiments ; j'ai même à présent la plus belle ceinture rousse jamais vue dans le monde des fourmis.

AEV 2223-33 Jeanne - Case 63

 

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