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L'Atelier d'écriture de Villejean
2 avril 2024

Extérieur nuit / Anne-Françoise

 

Les réverbères venaient de s’allumer, donnant le signal du départ à la violence d’une nouvelle soirée. Elle sentit quelque chose lui monter à la gorge, dans les oreilles puis dans la tête. C’était insupportable. Elle fila dans l’entrée, ouvrit doucement la porte et courut dans les escaliers. Marre d’être entre ces quatre murs, épuisée par le bruit, les portes qui claquent, les cris de son père, de sa mère et de ses frères aînés. Elle était effrayée par les bouteilles qui se brisaient, les accès de violence soudains et les coups de poing dans les cloisons.


Dans la rue, elle avait d’abord marché vite, presque couru, voulant s’éloigner rapidement de l’enfer dans lequel elle avait toujours vécu. Elle avait ensuite ralenti l’allure. Il y avait encore de la circulation sur le grand boulevard mais le ronronnement des voitures et le fin crachin qui ouatait l’atmosphère lui étaient rassurants. Elle repensa furtivement à là-bas, peut-être n’allaient-ils même pas s’apercevoir de sa disparition…


Elle bifurqua dans une rue tranquille. Elle frissonna : était-ce le froid de l’hiver ou la prise de conscience de ce départ impulsif ? Elle réalisa qu’elle n’avait rien pris d’autre que le blouson d’un de ses frères au moment de sortir. Elle poursuivit son chemin, plus lentement encore, voulant goûter à cette nouvelle liberté qui s’offrait là, maintenant. Elle se perdit dans la ville. Minuit était passé, il n’y avait maintenant plus personne dehors. Elle pensa : « J’ai 18 ans et 18 jours. Je suis majeure. Je ne retournerai pas là-bas. » Elle vit soudain des éclats de lumière bleue éclairer les murs dans la rue devant. Elle recula dans le noir près d’un camion garé. Les battements de son cœur s’apaisèrent de nouveau quand la rue retrouva son calme. Elle marcha longtemps. Elle arriva près d’une vieille maison en pierre. Il y avait en face une série de panneaux avec des flèches et des symboles qu’elle ne connaissait pas. Elle resta là à se demander quelle direction donner maintenant à sa vie. Elle chercha la réponse dans tous ces panneaux. Son chemin sera-t-il aussi compliqué que ça ? Derrière, il y avait de grandes caisses en carton. Elle en choisit une et se pelotonna à l’intérieur. Le froid l’empêcha de dormir. Elle marcha de nouveau.


Elle croisa un homme qui promenait son chien. Il la salua, la dévisagea et lui proposa de prendre un café au bar qui venait d’ouvrir. Elle accepta. Il lui porta sa tasse jusqu’à la table au fond de la salle où il l’avait invitée à s’asseoir. Il ne l’accompagna pas mais paya au comptoir et repartit. Elle apprécia le parfum et la chaleur du café qui se diffusa dans tout son corps, dégusta le petit biscuit, sentit la douceur et le moelleux de la banquette en velours sur laquelle elle était assise. Elle continua à tourner la petite cuillère fine et légère dans la tasse pour saisir un peu la crème sur les rebords et prolonger encore le moment… 


Elle regarda ses mains, ses doigts aux ongles rongés et au vernis à ongles écaillé. Elle vit des traces de rouge à lèvre sur le rebord extérieur de la tasse… Non, ce rouge la renvoyait au sang et à la violence qu’elle ne connaissait que trop. Elle n’en voulait plus, ne voulait plus se cacher derrière ces artifices pour donner l’illusion que tout allait bien pour elle. Désormais, elle serait naturelle. Cette décision lui procura de l’assurance. Elle se leva, confiante, et sortit du café… 
 


 

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