C'est une vérité universellement reconnue qu'un célibataire pourvu d'une belle fortune doit avoir envie de se marier.
Cette vérité universelle se vérifiait très concrètement chez Edouard. Edouard était jeune, beau, et venait d'hériter de la fortune de la grand-mère du mari de sa tante de son côté maternel. De plus, la fille de l'arrière grand-mère de son cousin, de son côté paternel, était malade depuis déjà quelques temps et on se dosait à voix basse dans la famille, qu'elle avait de l'argent à la banque, dans bien des affaires et dans un coffre caché derrière la troisième pierre à droite au fond de la cheminée...sans compter les louis d'or dans des bas de laine en haut de l'armoire...
Bref, Edouard ne manquerait et ne manquera jamais de rien...sauf de ce qui lui paraissait le plus important (après l'argent bien sûr), c'est à dire d'une femme (si possible elle-même fortunée tant qu'à faire!). Edouard décida d'élaborer un plan d'attaque pour rechercher sa dulcinée.
Il dégagea trois priorités : fréquenter les hippodromes où ces dames et ces demoiselles chapeautées avaient des palpitations au moment où les chevaux s'élançaient, prendre des cours de piano et s'accompagner au chant (il savait que les poètes et les chanteurs de par leur art, étaient redoutables en séduction), et enfin, prendre des cours de danse : lui qui était souvent invité à des bals pourrait ainsi conduire une belle dans une valse et plus, si affinités...
Il ne savait pas trop quelle stratégie adopter en priorité et décida donc de se rendre chez son coiffeur : d'une part parce que ses cheveux avaient déjà trop poussé ; d'autre part parce qu'il comptait sur le redoutable psychologue (qu'était son coiffeur) pour l'éclairer dans son choix à faire.
Il y a trois possibilités déclara le coiffeur. Soit une raie au milieu, soit je rase tout, soit on fait des dreadlocks ! Naân, je déconne. Il y a trois possibilités. Soit, avec ton pognon tu achètes un hôtel à Lille. J'en connais un très bien à côté d'une conserverie de cornichons dans la saumure. Avant de se marier, il faut fréquenter le beau monde. Voilà, ça c'est l'arrêt au milieu ! Pour faire table rase du passé, il faut déjà te détacher de ta famille. Est ce que tu l'as déjà vue seulement, la fille de l'arrière grand-mère de ton cousin du côté paternel ? Est ce qu'elle n'est pas trop âgée pour toi ?
Enfin pour les dreadlocks, soyons sérieux ! Est ce que tu n'aurais pas fumé un peu trop de pétards, Edouard ? Avant de songer à épouser qui que ce soit, homosexuel ou pas du reste, car on peut épouser tout ce qu'on veut aujourd'hui même les causes les plus désespérées et les moins sympathiques, ne ferais-tu pas mieux de chercher celle qui acceptera de t'embrasser pour te transformer en prince charmant. Je te fais une friction ?
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Edouard le crapaud répond : non, ce n'est pas la peine. Le coiffeur répond : alors ça fera dix sept euros. Le crapaud paye et sort en laissant 35 centimes de pourboire.
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Edouard le crapaud répond coa ? Et il décide d'aller chercher un meilleur conseil auprès de son pote Mimile Gombert qui vient de sauter dans la mare aux canardsdéchaînés.
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Le crapaud accepte la friction. Le coiffeur philosophe lui met une serviette sur la tête et frotte. De ce fait, Edouard se retrouve dans le bureau du mage Mimile Gombert à l'Université de Haute Bretagne, UFR de contologie.
Le crapaud entre dans le bureau de son pote Mimile, celui-ci était en train de faire des flexions pour muscler ses cuisses de grenouille ; Alors, batracien de mes deux, toi qui as du sang-froid, je viens te demander si les dreadlocks me vont aussi bien que les crêpes le jour de la Chandeleur ! Ah ! Mon pote Edouard, tu es un vrai aventurier, moi qui me contente de trois poils sur le caillou et une moustache façon début XXème siècle, je te trouve audacieux. Garde tes dreadslocks Cramarade crapaud et fume un pétard si tu veux. Moi Jean-Emile Grenouille, je ne peux pas car il m'arrive dans la mare de mettre la tête dans la vase, j'ai même eu un jour un vase de vase renversé sur ma tête, alors tu penses, avec des dreadlocks, ce serait une galère.
En sortant de la fac, il tomba nez à nez avec une prof de sociologie, belle comme une image virtuelle, il la prit par le bras et ils partirent cracher sur le mariage ensemble.