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L'Atelier d'écriture de Villejean
4 janvier 2022

L'Ogre de la forêt / Anne J.

- Accusé, levez vous ! Vos noms, prénoms et qualité ?

- Mon nom officiel est Aristide Apocope mais tout le monde m'appelle l'ogre de la forêt, je gagne ma vie en coupant du bois dans la forêt et en le vendant au village d'à coté .

- Racontez-nous un peu votre parcours !

- Je suis né dans ce village il y a environ 37 ans, mes parents étaient des prolos sans histoire, plutôt réglos, tendance cathos de gauche, mangeant bio, franchement écolos et végans ; j'ai donc commencé à me démarquer quand je suis devenu ado.

- Ah oui ? Détaillez-nous un peu cette période !

- Je n'ai jamais aimé ce que les autres enfants du village adoraient, le foot, le basket, le volley, le hand, la spéleo ; ce n'était pas pour moi, pas plus que le vélo, la moto ou l'auto, non j'étais fan de muscu et d'haltéro et comme je mangeais 2 steaks de 500g par jour, je suis vite devenu impressionnant. J’oubliais, ce que je préfère à l’apéro c'est les frites à la mayo.

2122-14 Anne J - Ogre

- En effet ! Et quand il vous a fallu choisir un métier, quel choix avez vous fait ?

- Mes parents voulaient que je fasse médecine ou que je devienne cardio, gastro, ostéo, opthalmo, oto-rhino, kiné, ou radio ou à défaut sténo ou dactylo ou même mécano mais c'était bien trop intello pour moi. J'aurais bien aimé faire archi mais il m'aurait fallu mon bac. J'ai choisi de reprendre le métier de mon grand père et de devenir bûcheron, ça contentait mon coté anar.

- Votre coté anar ?

- Oui, je n'ai jamais eu de goût pour les assos, je ne suis jamais parti en colo, je n'ai jamais voulu être mono, le coté socio, ça m'ennuie vraiment : jeune homme j'ai toujours habité seul dans un gourbi plutôt que de vivre en coloc, je n'ai pas la fibre pour vivre en commu mais je ne suis pas folklo non plus.

- Et avec les femmes ?

- Vous voulez savoir si je regarde des films porno ? Eh bien c'est non ; je suis normal, hétéro mais je n'ai rien contre les homos, les pédés, les bi, les nymphos et les trans, chacun ses goûts, j'ai donc épousé Marie, la plus belle fille du village, ses parents sont yougos et elle joue du saxo et elle m'a fait sept filles.

- Les sept filles que vous avez mangées !

- Monsieur le juge, je vous jure que c'était une erreur ! C'est le gamin qui m'a trompé, il a coiffé mes sept filles des bonnets que portaient ses frères ! J’ai eu des hallus quand j'ai vu ce que j'avais fait, d'habitude je suis réglo mais là j'avais trop bu avec les copains et surtout j'avais faim car le ragoût de l'auberge était dégueu, à la limite de la gastro, soyez indulgent ! Est ce plus grave que le trafic de stups ?

- Je le pense ! Je le pense ! Accusé, le jury vous condamne a 20 ans de prison avec une perm par an pour faire d'autres filles à votre pauvre femme… et encore je suis sympa ! Et tant pis pour vous si vous êtes claustro ! Et puis tiens, c'est mon jour de bonté, je vous abonne pour 20 ans à Libé, ça vous fera de la lecture !

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25 janvier 2022

A quoi rêvent les pions ? / Maïck conteuse

valet 1200px-Jack_of_hearts_fr

Maître Lahire n’en finissait plus de gamberger.

Il ne supportait plus la place qu’on lui assignait, petit parmi les petits, invisibles, sans dents, soumis chaque jour aux exigences de ses royales majestés. Pourtant il avait été dans les bonnes grâces de la Reine. Mais cela n’avait duré qu’un temps, celui d’une saison. Il était tombé en disgrâce.

Depuis, il sillonnait le parvis, au gré des caprices du souverain et de sa Dame. Avançant, reculant, faisant pas de côté après pas de côté. Épuisé, terrifié, risquant chaque jour, chaque minute, de se faire dégommer, il serrait les dents, se rapetissait le plus possible sous son casque.

Pour ne pas penser à sa mort inéluctable, il les observait, de loin bien sûr, impossible de s’en approcher. Jour après jour, se positionnant, tel le voyeur du couple Royal, il enregistrait le moindre détail : leurs déplacements, leurs hésitations, leurs retours en arrière, leurs décisions inconsidérées et risquées, menaçant leurs adversaires, jouant de leur cheval, manipulant le fou, se réfugiant derrière la tour du château.
Bref, tout, il savait tout d’eux, depuis tant d’années qu’il subissait son funeste sort, rongeant son frein et mûrissant sa vengeance.

Tel un fou, englué dans son délire, il oscillait entre espoir, désespoir et volupté à l’idée de ce qu’il leur réservait. Il fallait que ce soit une œuvre d’art, placer la beauté avant la victoire. Il préparait, minutieusement, une délicate et discrète décapitation, dont il se délectait d’avance.

Là, il lui semblait que la colère le nourrissait comme bonne conseillère. Il se voyait déjà, dans l’instant ultime, leur jouant un tango irrésistible. Mais il était aussi parfois torturé par de sombres pensées. Successivement enthousiaste, dépressif, il flirtait avec le désespoir. Il lui semblait que décidemment, le fou était fou. C’était lui le fou ! Un psychopathe en liberté !

Hésitant, chancelant, haletant, il prenait de plus en plus de risques. Ses idées tourbillonnaient en lui, chaque jour : « vous croyez que c’est possible ! » Puis il remettait au lendemain. « Et quoi ? Même un imbécile le ferait ! ».

Un matin, plus déterminé que jamais, il s’était avancé, à la suite du roi, cherchant à se rapprocher toujours plus, ignorant les rugissements de son souverain, les hurlements de la Reine, il s’était élancé… Son ultime pensée fut une question : "Y a-t-il une chatière à la porte du paradis ? Serai-je assez petit pour y passer ?".

2122-17 Maïck - Chatière

1 février 2022

Ecrit dans le noir / Laura

Fontaine de vit
Fontaine de vie

Source qui jaillit
De l’origine du monde

Sperme de femme
Qui renaît sans vit
Mais de sa force vive
Fuite sensuelle
De la femme qui jouit

Fontaine de vit
Cherche mots
Pour dire son plaisir
Solitaire et violent

Vite, vit, viens vitaliser
Mon vagin vagissant,
Son manque de pénétration
Et de caresses multiples

Oui oui viens touche
Mes cuisses humides

Ecarte-les et bois
Pour apaiser ta soif

 2122-18 Laura - Kevin Hove 13119089_origine-du-monde-original
"L'Origine du monde" revue par Kevin Hove

 

17 mai 2022

Dix départements / Dominique

Je suis née à Guémené-sur-Scorff, le pays où l’on fabrique la meilleure andouille du monde, un jour où il neigeait.

J’ai fait pipi dans un confessionnal de la basilique de Pontivy. J’avais huit ans et je ne commettais que de petits péchés.

Je suis arrivée à Rennes en 1967 pour faire des études de médecine mais le premier cours a traité de l’embryologie des poissons.

Dans un bar près de Montparnasse à Paris j’ai failli suivre dans son camp un beau gitan. J’avais 32 ans. Ma vie aurait peut-être basculé.

A Saint-André des Alpes dans le Var j’ai campé sous un terrible orage en pleine nuit. Nous nous sommes mises à l’abri dans notre voiture, mes filles et moi.

Mon premier voyage hors de la Bretagne fut pour Lourdes. J’avais douze ans et je me souviens surtout du cirque de Gavarnie.

J’ai appris à skier avec des skis de bois et des chaussures en cuir. J’avais 21 ans et je me suis sentie « plouc ».

Je me suis endormie dans le train de nuit pour Briançon et j’ai donc raté l’arrêt de Molines où je devais descendre. Arrivée au terminus j’ai dû faire du stop et suis montée dans sept voitures différentes pour ce parcours de 30 kilomètres.

Je me souviens, en mai 2021, à la fin du troisième confinement, de l’ambiance joyeuse d’une terrasse de bar dans le centre d’Albi. Un guitariste proposait des mélodies, il fallait deviner leur titre et il y avait des bouteilles à gagner.

J’aime aller chez ma fille à Narbonne et guetter le lever du soleil sur les étangs de Gruissan.

2122-29 Dominique Gruissan

4 octobre 2022

Le Facteur / Anne-Françoise

2223-04 Facteur colorisé devant graff oiseau

Y’a d’la rumba dans l’air, la casquette de travers
L’instantané spontané, être là en simplicité

Factures et formulaires, sacoche en bandoulière
Et un petit courrier qui donn’ bien des idées

En baie d’Somme un séjour, une aventure, un amour
L’esprit du préposé s’met à vite galoper

Il s’imagine au grand air avec au loin la mer
Tenir la main d’une belle, l’enlacer au naturel

Vivre un amour passionné, voir la magie opérer
Tout c’qu’il a pu rêver, oui, va se concrétiser

Il plane, il s’envoie en l’air, le joyeux fonctionnaire
Un sourire à l’idée de c’bonheur profiter

La rue d’la liberté, l’ami des PTT
Au milieu d’sa tournée, s’est bien loin envolé !

***

2223-04 Consigne Facteur filigrane kaléidoscopeA Paris, l’insulaire ne pense à rien. Il distribue le courrier dans le brouhaha de la ville. Il trouve une petite enveloppe parfumée qui lui fait battre le cœur. Il imagine des mots, des regards, de la passion… Il se sent amoureux. Il imagine encore, ferme ses oreilles, voit des paysages, de vastes étendues de sable, de mer, de ciel et une belle demoiselle. Dans sa tête, c’est la fête, son cœur s’emballe dans une fanfare qui le fait chavirer de bonheur…

Il rouvre les yeux, la magie s’est volatilisée. Il est seul, sur le trottoir noir. Ce courrier, il faut le distribuer. Une boîte aux lettres cannibale avale les désirs et espoirs du préposé qui remet le nez dans sa sacoche pour poursuivre sa tournée. Il est triste. Son amour est victime d’un cruel sabotage ! Il veut oublier… Il se dit, pour se venger et se consoler : « Cette enveloppe, c’était sûrement une salope ! ».

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8 novembre 2022

Le Chiffre des choses / Jean-Paul

AEV 2223-08 Jean-Paul - Louis XVI serrurier

- Être assis sur des nuages et chanter les psaumes est une manière de passer le temps qui ne me convient pas du tout ! déclare Louis XVI au docteur Petiot en limant une énième clé. Et pourtant je ne suis pas aussi mélophobe qu’Augustin Dieu le tenancier de cet hôtel dans lequel nous nous trouvons !

- Un hôtel rue de Paradis, ça commence à peser lourd au Monopoly ! C’est pas la rue de la Paix éternelle mais presque !

- A rapporter gros peut-être mais je suis fâché avec les chiffres. Je n'ai pas encore bien perçu les fondements économiques de cette entreprise.

- C'est relativement simple pourtant, Majesté. Vous êtes logé ici mais pas nourri. Ne sont rentrés ici que des gens à mens sana et corpore sano, sans tuyaux, sans boyaux !

- Le village comprend 1275 âmes comme dans le numéro 1000 de la Série noire ?

- Tout à fait et une âme ça ne mange pas de saucisse, ça ne descend pas de Nuits-Saint-Georges ! Ça flotte dans l’éther. Personne ne s'engueule ici à cause du gluten dans la pâtisserie, de la souffrance animale dans le lapin aux pruneaux ou because les poulets élevés en batterie dans les commissariats. Finies les batailles de petits pois à la cantine, les compliments au chef dans les restos étoilés. On n'est plus foutus : on ne mange plus!

- C'est fou comme on a oublié tout ça très vite. Dire que certains en bas pensaient qu'il fallait vivre pour manger plutôt que manger pour vivre ! C'est ça la joie de l'immortalité ou de la mortalité ! T’y bouffes, t’y bouffe pas, t’y crève pas quand même ! C'est quoi le chiffre de cette chose ? 4 ? On disait bien bouffer comme quatre ? En fait vous me dites, Petiot, qu'on ne leur coûte rien ?

- Réfléchissez, Seize ! Les anges n'ont pas de sexe et vous non plus depuis que vous êtes ici. Il n'y a pas de système monétaire ni de boutiques de fringues ou de joaillerie. Tout le monde se promène vêtu d'une soutane blanche ornée de deux ailes dans le dos. Votre épouse ne vous réclame plus une tiare en diamants en arguant que ça vous évitera de lui acheter un chapeau !

- Mauvais exemple, Petiot ! Mon épouse n’est pas là, elle brûle en enfer. Je ne crois pas qu'elle ait mérité ça d’ailleurs, même si elle a déclaré un jour avoir été créé par Dieu sans qu'on lui demande son consentement !

- Peut-être qu'ils ne rigolent pas avec l'infidélité dans la religion ? "La complainte des infidèles" de Mouloudji, personne ne chante ça à la chorale. Les chaînes du mariage sont si lourdes qu'il faut être deux pour les porter. Trois parfois même !

- Ça n'était pas un problème pour moi. Je n'étais pas très porté sur la chose et très tolérant. Mais vous, Petiot, pourquoi n'y êtes-vous pas en enfer ? Avec ce que vous avez fait de votre vivant, vous méritiez bien cette distinction-là, non ?

- C'est comme dans l'armée où ils ont droit à 7% de pertes, Majesté. Je fais partie du PEO !

- Plan d'épargne en actions ?

- Pourcentage d'erreur admis ! Je n'aime pas l'idée d'avoir à choisir entre le ciel et l'enfer de toute façon. J'ai des amis dans les deux !

- C'est pour ça que vous voulez sortir d'ici ? Pour aller les retrouver ?

AEV 2223-08 Consigne - Photo de Gilbert garcin pour le jeu de Filigrane n° 82

- Tout juste, Auguste ! Enfin tout juste, votre Auguste Majesté. Et puis parce que je ne supporte pas d'être enfermé, comptabilisé, fiché, estampillé, surveillé...

- Allons, vous êtes dur avec Saint Pierre ! Il a des côtés sympathiques !

- Attendez… Vous avez vu la photo de lui épinglé sur la porte de son bureau ? Un type glabre, tout habillé de noir, l'air sévère d'un prof de maths de 5e A... Et tout cet amoncellement de pierres numérotées ? Un technocrate du ministère de l'économie, oui !

- Vous êtes jaloux parce que vous n'avez pas fait autant de victimes que lui, je crois !

- Ce ne sont pas des victimes. Ils sont morts de leur belle mort. Simplement ils n'avaient plus l'âge de mourir jeune. Et puis c'est de la frime, cette photo-trophée. S'il y avait eu réellement 704132 personnes à entrer au Paradis en une seule année, depuis le temps on serait serré comme des sardines en boîte ici !

- Tiens ça me rappelle une blague qu'on m'a racontée hier. C'est Rimbaud et Sarah Bernhardt qui vont au cinéma. Qu'est-ce que ça fait ?

- Je donne ma langue à toutes ces veuves qui ne se consolent pas d'avoir perdu leur chat !

- Ça fait deux allumés qui boitent de conserve !

- Très drôle, Sire !

- De toute façon pour la photo vous vous trompez. Ce sont sans doute les chiffres des admissions au Purgatoire. Nous ici nous sommes la crème. Le Paradis est un hôtel select. On n’y admet que des célébrités.

- Oui mais c'est ça qui est très rasoir aussi. L’éternité c'est long, surtout vers la fin, et encore plus sur France culture !

- Vous exagérez, Petiot ! Tous les après-midis on joue aux Grosses Têtes dans le fumoir ! Ça ne vole pas aussi haut que vous le dites. En tout cas depuis que Dieu est redescendu sur terre pour prendre des vacances ça rigole bien plus ! Le dernier arrivage de partitions musicales en date de 1937 est croquignolet en diable si je puis dire ! Il y a des perles là-dedans ! J'aime beaucoup «Elle nettoyit sa petite chemisette » !

AEV 2223-08 Jean-Paul - ascenseur

- Il n'empêche que j'aimerais bien savoir où se trouve ce putain d'ascenseur qu'Augustin a emprunté pour descendre et par lequel est arrivé l'autre jour la reine d'Angleterre !

- C'est quand même fou cette histoire. On a refabriqué toutes les clés possibles et imaginables. On en a même fait une pour le champ de tir à la catapulte. On va se retrouver avec un rossignol qui peut ouvrir toutes les portes du monde...

- Sauf qu'on vit dans un pays où il n'y a plus de portes !

- Peut-être même qu'on travaille pour des prunes! Si on le trouve, cet ascenseur, au lieu d'une serrure il y aura un digicode à l'entrée et on ne connaîtra pas le chiffre de la chose !

- En attendant on va aller la piquer, la photo de Saint-Pierre. Si c'est comme dans « La Lettre volée » d'Edgar Poe, le bon numéro est peut-être inscrit dessus !

22 novembre 2022

Il pleut / Anne J.

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Palsambleu !
Mais on dirait qu il pleut !
Quel malin !
J'ai oublié mon pépin !
Je serais plus vernie
A l’abri sous mon parapluie.

Tu l’as vu, le gavroche,
Avec ses mains dans les poches ?
A patauger dans les flaques
Il va prendre une punition.
C’est toujours la même chanson !

On explore l’univers
Mais c’est sous une porte cochère
Qu’on se met à l’abri
Pour échapper à la pluie.

Rien n’a changé
Me dit Pépé , pensif.
La pluie , ça mouille les tifs !


Un bonnet à pompon,
Un bon ciré, une paire de bottes
Pour protéger ma culotte,
Voilà ma recommandation .

Et on s’en moque du temps pluvieux
En 1961 ou en 2022
C’est bon pour la planète bleue
Et ça nous rend heureux !

29 novembre 2022

En attendant Eulalie. 7 / Anne J.

Ma tante Léonie parlait avec Françoise en attendant qu'arrive Eulalie. Elle lui disait :  «  Je viens de voir passer la mère Goupil sans parapluie, toute fière avec sa robe de soie, tu sais, celle qu'elle s'est fait faire à Châteaudun. Je ne sais pas où elle va mais si c'est loin, elle va se prendre une de ces sauces ! »

- Ça se peut, disait Françoise qui ne voulait pas se mouiller et n'en pensait pas moins.

orage- Tiens, disait ma tante en se frappant le front, je me demande bien à quelle heure elle est arrivée à l'église, je vais le demander à Eulalie. Françoise, regarde le ciel, pas besoin de consulter la météo, avec ce nuage noir et ce soleil bizarre, c'est sûr, on va avoir la flotte ! Je m'disais aussi, fais trop chaud, c'est pas normal, un p'tit orage ça va faire du bien, on s'en fout des belles fringues de la mère Goupil !

- Ouais, ouais !

- En plus y a rien pour s'abriter. Oh zut il est déjà 3 heures, j'ai oublié mon médoc, je comprends maintenant pourquoi ça pèse là dedans !

Elle se précipita sur son livre de messe, un truc chic en velours violet et or et laissa tomber des images pieuses bordées de dentelles qui lui servaient de marque-pages. Elle avala sa dope en pensant que ça ne marcherait pas. Ça lui prenait la tête, les médocs, l'heure et la lecture de son missel. Trois heures déjà, c'est incroyable !

missel s-l1600

Plic ploc, ça commence à tomber, on dirait, ben oui, vlà qu'il pleut vraiment et ben ça douille ! Il pleut comme vache qui pisse ! Ça c'est une bonne douche, pardi !

- Eh bien Françoise, allez y, j'ai entendu la sonnette du jardin ! Allez voir qui peut être dehors par un temps pareil !

- C'est Madame Amédée qui a dit qu'elle allait faire un tour. Mais qu'est ce qui tombe !

- Bah ça ne m'étonne pas, dit ma tante en levant les yeux au ciel, j'ai toujours dit qu'elle était un peu fada ! Si ça l'amuse ! Moi je reste au chaud !

- Mme Amédée, elle s'en fiche des autres, dit Françoise doucement. En fait elle pensait sans le dire que ma grand mère était zinzin et elle n'était pas la seule.

- L'office est fini, c'est foutu, elle ne viendra pas, soupirait ma tante. Froussarde ! Tout ça pour un peu de pluie !

- Mais il n'est pas 5 heures ! Juste quatre heures et demie !

- C’est tout ? On n'y voit goutte à 16 h 30 à la fin mai ! Va falloir allumer, à c’t’heure ! Ah ma pauvre Françoise, le Bon Dieu doit être bien en colère ! Faut dire aussi avec la bombe atomique, Marine Le Pen, l'homme qui marche sur la lune et le monde des métavers ! Si mon pauvre Octave voyait çà ! Tout fout le camp ! Et le bon Dieu, il se venge !

6 décembre 2022

Pierrot et Colombine / Maryvonne

Groupe d'enfants redonnais déguisés en Pierrot

Ce soir c'est la fête de l'école. Nous on n’a rien demandé, c'est la maîtresse qui a décidé que nous serions déguisés en Pierrot et Colombine, sauf le chouchou qui est en Arlequin.

Avant la maîtresse a dit : « Ça va être notre thème du mois ».

Le thème ça veut dire que toutes nos activités tournent autour du même sujet. En géométrie on va parler du cercle, du demi-cercle qui finira en cône pour le chapeau. En habileté manuelle nous découperons des loups. En couture nous froncerons des jupettes pour les filles et des collerettes pour tout le monde. Comme le pantalon est plus compliqué à faire les mamans sont priées de le coudre elle-même. Voilà ! Les garçons sont toujours assistés ! Nous, les filles, « on n'a pas le cul sorti des ronces. » Surtout qu'avec nos jupettes courtes les ronces ça va piquer fort. Il reste à découper et coller les faux boutons . Enfin ! Des boutons en papier, on n'a jamais vu ça !

Voilà le petit Jean-Paul qui pleure : la maîtresse a dit à la maman de faire une culotte bouffante, il angoisse, elle va lui bouffer quoi sa culotte ? Déjà qu'il eu un mal fou à faire les pompons pour mettre sur ses chaussons, il en a marre !

Ensuite activité musicale. La chanson est débile :

« Au clair de la lune, mon ami Pierrot,
Prête moi ta plume pour écrire un mot 
Ma chandelle est morte je n'ai plus de feu... »

Alors à la récréation nous préférons chanter :

« Au clair de la lune j'ai pété dans l'eau,
Ça faisait des bulles c'était rigolo,
Ma grand-mère arrive avec des ciseaux,
Elle nous coupe les fesses en 3000 morceaux ».

Bon on ne va pas en faire un fromage. Ce soir c'est le grand soir. Marie-Annick demande :

- Tu crois qu'on va y arriver ?

- Il faut croire aux miracles. J'ai envie de faire pipi ! dit Anne-Françoise.

- Laisse tomber, y'a la queue aux toilettes, répond Marie-Thérèse, exprès, juste pour l'embêter.

Pour laisser tomber, ça tombe. Elle fait pipi sur la scène. Voilà c'est gagné, tout le côté gauche est humide, juste pour la photo forcément.

Marie-Annick a le chapeau qui glisse, l'élastique est trop lâche. A côté la petite Jeanne est impeccable, souriante, chapeau en place, jupette bien placée à la taille, trop mignonne. Son papa lui crie : « Avec un peu de chance, tu l'auras ton étoile sur Hollywood ! »

Mais qu'est-ce que c'est long d'attendre ? Ça n'en finit pas. Heureusement c'est demain les vacances de Noël.

7 février 2023

Un Conte scatologique / Maryvonne

AEV 2223-19 Maryvonne - Les-aventures-du-tsar-fou_tartamudo

Dans le grand empire de Russie où la Reine était une Tsarine, les aristocrates étaient francophiles et parlaient la langue de Voltaire comme vous et moi, même souvent beaucoup mieux.

Des grands auteurs jusqu'à Mireille Mathieu, ils aimaient assister à des spectacles de lecture ou de chansons dans ce beau langage très châtié. Il ne leur serait pas venu à l'idée d'utiliser un mot vulgaire comme par exemple « la chiasse » en poésie.

Cependant un jour le Tsar réunit au palais une assemblée de ses serfs pour les récompenser d'une récolte de blé abondante.

Il avait écrit lui même une histoire pour se mettre à leur portée. Son récit se situait en province, au bord d'un étang. Les rives de celui-ci étaient malmenées par des ragondins qui creusent les digues et provoquent la fuite de l'eau. L'été avait été très chaud et les orages avaient raviné les abords. Avec l'évaporation, l'étang était presque vide.

C'est alors que, comme par magie, est apparu au fond un énorme poisson au ventre gris. Probablement une carpe, capable de nourrir à elle seule une cinquantaine de personnes.

La population du village en rêvait pour nourrir plusieurs familles. Mais qui avait le droit de pêcher cette carpe et à quel moment ?

Une femme bien maline confectionna un gros gâteau au sucre et invita ses voisins à la dégustation. Pendant ce temps elle dit à son mari de prendre son filet de pêche le plus solide et d'aller pêcher la carpe. Ce qu'il fît avec difficulté. Elle était tellement lourde qu'il ne pouvait la porter. Il traîna donc la bête dans son filet jusqu'à un baquet dans sa cave.

Quand tous les invités du gâteau furent partis, l’homme et la femme eurent bien envie de goûter un morceau de ce poisson magique. Elle était tellement délicieuse que toute la famille fit bombance.

Le lendemain tout le monde se demanda qui avait bien pu voler la carpe.

Certains restèrent muets : c'était déjà un premier indice. Mais la carpe traînée dans la poussière se trouva pleine de miasmes et de ce fait, toxique.

C'est alors que ceux qui avaient mangé le gâteau au sucre se trouvèrent constipés et ceux qui avaient mangé la carpe avaient la chiasse. La morale de cette histoire est que nous sommes souvent dénoncés par un « trou du cul ».

AEV 2223-19 Maryvonne - Tsar 2


Les mots à incorporer étaient :
Sucre et blé ; mot malin :Gâteau

Reine et Russie ; mot malin :Tsarine
Chaud et été ; mot malin : Orage
Roi et histoire ; mot malin : Conte
Gris et poisson ; mot malin : Carpe

28 février 2023

Théâtre magique / Laura

Mutabor : ce n’est pas très original mais je choisis d’être un oiseau pour voir le paysage comme d’un avion mais en mieux encore.

Kamasutra : apprendre à prendre et donner du plaisir avec mon genou sur lequel je ne peux m’appuyer… et mourir en jouissant : effrayant pour l’autre mais quel kif !

Voulez-vous atteindre la spiritualité ? Sagesse de l’Orient. J’y retrouverais mon cher Nerval qui me ferait notamment découvrir les terres des Druses et des Maronites.

Déclin de l'Occident. Prix réduit. Spectacle encore inégalé. Je ne tournerais pas dans un porno avec Houellebecq ; par contre, j’aimerais discuter avec Finkielkraut.

Le summum de l'art : la transformation du temps en espace dans la musique. J’y rencontrerais Kandinsky et Baudelaire pour évoquer la théorie des Correspondances.

Pleurer de rire : cabinet d'humour avec les sociétaires des Grosses têtes pour des blagues de cul, sexistes et politiquement incorrectes.
Comment construire sa personnalité : m’affirmer, me vendre.

Joignez vous à la joyeuse battue ! Grande chasse aux automobiles. Après les avoir descendus de leurs voitures, je les toiserais comme ils le font avec moi en piétonne.

Un loup dans le couloir d'un théâtre

Image fabriquée sur commande par Deep Dream Generator

7 mars 2023

Avant-jour / Anne J.

D 93 V 17 - V 11 26

C'est un photographe très matinal qui a pris cette photo dans sa balade de l'avant jour. Il avait laissé son épouse à l’hôtel pour errer tranquille dans les rues de Venise et nous avons un peu bavardé sur le pont du Rialto.

Moi, c'est Antonio et je traverse subrepticement la place St Marc. Je rentre d'une virée nocturne et d'une belle nuit d'amour avec Roxane, la belle chatte persane du palais des Conti. Celui qui est assis au centre de la place c'est Roméo, le matou des Borgia, beau gosse, mais sans la classe d'un vrai chat de Venise. Je rentre dare-dare, ma maîtresse va s'inquiéter et ameuter tous les voisins du quartier. Pas question de lambiner, j'entends le tic tac de l'horloge de San Giorgio Majore qui rythme toute la vie de Venise. Il y a des années-lumière que je ne suis pas rentré aussi tard  !


6_Im0

Le photographe matinal m'a demandé si j'étais parent avec un certain prêtre roux bien connu à son époque et encore célèbre aujourd’hui. Je lui ai demandé comment il le savait : il m'a dit m'avoir entendu pousser la chansonnette sous le balcon de ma belle amoureuse et a prétendu que cela avait un air de déjà-vu. C'est plutôt un air de déjà entendu, je pense  ?

A vous, je peux bien le dire mais ne le répétez pas surtout : j'ai hérité de mon ancêtre Antonio 1er le pouvoir de miauler de façon synchrone avec les accords du violon. C'est cela le secret des sublimes concertos du musicien de Venise, un chat noir, amoureux d'une belle, et j'en suis très fier

***

Antonio s'éclipsa subrepticement de son pas souple de félin, le soleil qui se levait derrière les nuages agrandissait son ombre. Au coin du palais, juste avant de franchir la chatière, il aperçut le chapeau de Mattéo, l'amant de sa maîtresse. Le gondolier avait mis son bateau au sec pour l'hivernage et avait sans doute occupé toute la nuit la place laissée libre sur le lit qui d'habitude était le sien . En silence, il se glissa dans la chambre d’où provenaient les sons du violon. Vivaldi bien sûr ! Plus que parfait comme tempo ! 

Vivaldi aux cheveux roux joue du violon à venise sous la neige 2

21 mars 2023

Cher ami / Jean-Paul

Cher ami,

mais pour mériter ce nom de cher ami il vous faudra aller au bout de cette lettre.

Le Cheval de Troie devant les remparts de la ville 2

Pour l'instant vous n'êtes pour moi qu'un joyeux fumiste mais un fumiste fumeux, dépourvu de l’esprit de farce et de subversion, du rire antibourgeois d’Alphonse Allais et de ses potes fin de siècle, l’autre siècle. Sous couvert de science, de monde à venir, de progrès, vous, programmeur vaniteux, faites joujou avec des concepts millénaires, l'art, la peinture, la représentation du monde, l'intelligence mais celle que vous nous proposez, qualifiée d'artificielle, ne se débrouille pas très bien de son affaire !

A titre d’exemple, quand on lui demande de représenter un cheval de Troie il n'est pas question pour elle de nous figurer une machine de guerre en bois dans laquelle des soldats grecs soucieux de créer une « prequel » à Royal de luxe auraient pris place pour s'adonner à une razzia digne de Wagner avec musique de chevauchée des Walkyries et viol et massacre des Troyennes à l'aube (département 07). On a droit à un beau cheval alezan digne de remporter le prix de l'Arc de triomphe ou le Derby d’Epsom !

Cependant si un jour vous arrivez, vous et vos congénères, à faire en sorte que les projections farfelues de votre logiciel Deep Dream Generator trouvent corps dans la réalité alors oui, vous serez peut-être devenu mon ami.

Car vos gondoles et votre Venise de fantaisie me plaisent ! Et, plus près de chez nous, votre revisite de l'opéra de Rennes « in the way of Giorgio de Chirico » me séduit.

Et qui sait, peut-être nous verra t-on un jour ensemble dans les rues de cette ville, incroyablement souriants.

Venise en hiver au XVIIIe siècle

 Une gondole à Venise

 Venise sous la neige (pencil sketch)

 Venise prise dans la glace

28 mars 2023

Un Sentiment diffus / Jean-Paul

M’appartient-il de jouer les vierges effarouchées ? Dois-je faire gaffe à mon vocabulaire autant qu'à mon orthographe, éviter de diffamer le mufti et ses affidés ? Enfiler des moufles pour évoquer les boursouflés du beffroi qui nous gouvernent ?

Il me semble que cette liste de mots dans lesquels figure la graphie « ff » offre une occasion sans pareille d'aller affronter un certain nombre de fieffés ruffians, de tailler dans la plus belle étoffe du vocabulaire un costard à des loufiats du capital, d'infliger un affront à des officiers d'un État peu civil dont la suffisance est coincée sur le curseur « à donf ».

AEV 2223-25 JK - Zidane

Or moi je suis quelqu'un dans le genre de La Fontaine : je suis un homme affable. S'il faut se défoncer sur un ring, aller au bourre-pif sur un terrain de foot ou, pire encore, aller tuer tous les affreux, ça ne me fait rien du tout d'être traité de tafiole, de dégonflé, d’efféminé ou de souffreteux du moment que je peux décliner l'offre de castagne !

Les batailles de chiffonniers, les échanges de coups de riflards avec des anciens des bat’d’Af, la distribution de baffes aux bouffis, aux joufflus, aux mafflus et aux maroufles, très peu pour moi ! Pas envie de jouer les Battling Joe en haut de l'affiche ! S'il faut se rebiffer contre les caves du Vatican, s'il faut faire leur affaire aux mafieux, s'il faut foutre des coups sur la truffe des gardiens de la paix qui préparent la guerre en raison du proverbe « Si Vis Parker para bel homme » comme on disait autrefois chez Maxime Le Forestier à futaies affûté et dans les pages roses du dictionnaire latin de Félix Gaffiot, alors dites-vous que je n'ai rien dans le coffre et que je suis trop enchifrené pour prendre quelqu’un ne serait-ce qu'en grippe.

C'est affolant d'ailleurs comme en matière de testostérone ma structure crie famine ! Pour tout vous avouer, je suffoque à la simple idée d'un soufflet qui ne soit pas au fromage, je m’effiloche quand le bourreau fait son office et chauffe le bûcher dans lequel étouffera Jeanne d'Arc, je m'affale sur le sol quand on brandit une effigie de pendu ou de guillotiné.

Quand ça effraie, que ça piaffe, que ça souffle dans les bronches, soufflète dans les tronches, quand ça se bouffe le nez, quand ça effervesce, que ça tourne à l’effréné, au raffut, à l'effroi, quand le rafiot prend l'eau ou lorsque la nef est en feu, par Notre-Dame, je m'efface, je file, je pars en fumée !

C'est bien simple : l'étendue de mes rebuffades devant toute violence est si touffue qu'il y a des jours où, carrément, je me donnerais des baffes !

Par contre pouffer de rire devant l'afflux de bouffonneries qui me viennent sous la plume le mardi soir en salle Mandoline, ce n'est pas du bluff mais ça, je kiffe !

28 mars 2023

Journée ordinaire ? Foutaises ! / Anne J.

Fichtre ! Notre affable animateur nous propose une drôle d'affaire : raconter une journée ordinaire. Je vais devoir réunir mon staff, soit un chat effarouché et moi-même pour en délibérer, à moins que je n'ouvre mon coffre pour y consulter mon Gaffiot entre deux bouffées de ma bouffarde préférée ! Non c'est du bluff, je n'ai jamais fumé !

Serait-ce faire preuve de suffisance que de suggérer qu'aucune journée n'est ordinaire ? Ce n'est pas que je vive ma vie à donf ou que je fasse beaucoup d'affaires mais j'aime a penser qu'aucune journée n'est ordinaire puisque chaque jour qui passe ne reviendra pas.

Hier, par exemple, quand je me suis levée, mon estomac criait famine. On pourrait dire que je me suis levée affamée ; alors j’ai sorti de mon buffet quelques tranches de pain que j'ai tartinées de confiture de fraise, parce que c'est meilleur que la paraffine. Comme j'avais aussi soif, j'ai bu non pas du ratafia mais du thé tout simplement ! Ordinaire sans doute !

Il était presque l'heure d'aller travailler des contes à l'atelier de la Maison de quartier. En passant dans le couloir j'ai vu une affiche : il y avait du théâtre ce soir, une troupe locale bien nommée les éServelés. Je kiffe, je piaffe, je frétille et je m'engouffre dans cette opportunité.

En attendant il me faut encore travailler mon piano et affronter ma nouvelle partition, avec ou sans effroi. Je file m'asseoir sur mon tabouret sans moufter et j 'offre une aubade à Felix, le chat qui se lamente : « C’est quoi, ce raffut ?! ».

Pour souffler un peu, je lui propose une séance de brossage car il a le poil touffu mais il faut faire gaffe car il a la griffe leste, le fieffé loufiat !

***

La pièce de théâtre était très drôle et on a beaucoup ri : une histoire de retrouvailles de vieux de 50 ans, anciens amis de lycée qui se sont perdus de vue et vont à un anniversaire avec son lot de surprises, de bluff, de bonne bouffe. L’un d'eux est devenu gay et a un look effémine, l'autre est un ecclésiastique heureusement pas trop effarouché ni perturbé par les effluves des compagnes, le troisième a une tenue d'officier qui fait se pâmer les filles et suffoquer les pouffes. Il y a aussi une fille dont tous les copains présents pourraient être le père !

AEV 2223-25 Anne J

C'est sans me rebiffer que j'ai rejoint mon lit vers 23 h 30, l’heure a sonné au beffroi. Pour sombrer, pas besoin de tafia !

Une journée extraordinaire comme toutes mes journées, ffalsambleu !

2 mai 2023

Il était une fois une ville / Maryvonne

2023-04-19 - Nikon 303 bis rue TacotDans une ville au nom inconnu vit Marine Biniou, violoniste, qui connaît la musique et qui habite rue de Tambour mais elle préfère garer sa voiture rue Tacot comme ça son voisin le Comte G. Chandon ne la surveille pas. Celui-ci a la fâcheuse habitude d'arriver chez-elle dès qu'il sait qu'elle est rentrée.

Tout comte qu'il est c'est un radin et il lui manque toujours un verre d'huile - bien qu'il se prenne lui-même pour une huile - ou un œuf ou une feuille de papier Krafft (ou kraft ?) pour emballer un colis. Mais voilà, il n'emballe pas du tout Marine.

Il n'ira jamais sonner chez Antoinette Paillard qu'il trouve vulgaire ni chez Leroy dont il est jaloux du patronyme. Leroy ! Quelle audace ! Chez Dominique D'Aupilhac, il n'ose pas car la particule l'intimide puisque lui, bien que comte, a perdu la sienne et il n'aime pas que l'on mette le doigt sur cette incongruité. En attendant c'est toujours sur la sonnette de Marine qu'il met le doigt.

2023-04-17 - Nikon 91

Elle préférerait tellement que ce soit Paul Douce qui vienne frapper, que dis-je, plutôt caresser sa porte et plus si affinités. De temps en temps elle a remarqué que ce Paul Douce va faire vibrer la cloche chez Françoise Carillon-Ramonet. Elle ne voit pas ce qu'il peut bien lui trouver avec son nom à tiroir et, sans se moquer du physique, franchement, il lui semble que ses pattes d'oie autour des yeux marquent bien son âge avancé.

- Ah ! Ce Paul Douce, dit Marine, je suis un peu tournebonneau quand je le vois ! Enfin, tourneboulée, j'en perds mon latin.

2023-04-17 - Nikon 46 B rue du Marc recadréeElle est un peu midinette. Elle irait bien faire un tour avec lui. Oh ! Pas très loin, rue de Venise par exemple, juste pour l'évocation de la cité romantique. Ils iraient prendre un verre rue des Trois raisinets ou rue Marlot et pour finir un petit digestif rue du Marc en fin de soirée. Elle rêve, Marie Biniou.

Vous vous demandez où j'ai bien pu rencontrer cette jeune musicienne. C'était rue de la Grosse écritoire, nous avons sympathisé. Quand elle m'a parlé de son rêve j'ai promis que je raconterai son histoire - ou sa non-histoire ! - avec Paul à mon atelier d'écriture et que ce serait comme si ça existait vraiment.

C'est alors que Paul est passé avec Françoise Carillon-Ramonet. Ils allaient vers le Parc de la Patte d'oie, bras dessus bras dessous. Alors Marine leur a crié avec rage : « Bonne promenade, la rue de la Grue, c'est tout droit ! » Et elle a tourné les talons vers la rue du Clou dans le fer.

Pauvre Marine ! Je lui aurais bien dit :  « Parfois, rêver c'est comme pisser dans un violon ! ».

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17 janvier 2023

Viens marcher avec moi cette nuit ! / Jeanne

Viens marcher avec moi cette nuit !
Come walk with me tonight !

L’homme, dépourvu d’enthousiasme et d’optimisme pour la vie, méditait devant son verre de vin. Solitaire parmi tant d’autres ce soir-là, il fixa le liquide rougeâtre disposé devant lui, parvint à en sentir les effluves et tenta de boire par télépathie. Il pensait qu’il y arrivait très bien puisque l’ivresse détachée de l’alcool ça s’appelle la folie en son siècle et lui était fou. Enfin, c’est ce qu’il pensait mais il y pensait avec tellement de volonté et d’intentions malsaines pour lui-même qu’il y croyait comme il croyait en Dieu.

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Las de la soirée, las de vivre, il attrapa son verre et avant d’avoir avalé, saisit de son autre main la carafe de vin afin de remplir ce qu’il appelait son «désespoir». Il n’était pas saoul, rejetant tellement tout ce soir-là que même le flou de l’ivresse ne l’atteignait pas. Les habitués du bar le comparaient souvent à un Loup des steppes et lui-même, pitoyable dans la vision qu’il avait de son être, se comparait à cet animal solitaire. Malheureux il pensait que les douleurs de l’âme qu’il endurait étaient les pires ; comme tout homme qui souffre, il était le plus à plaindre, le plus à consoler, le plus à aimer.

Soudainement, il vit une forme rouge au coin du bar, une forme aux cheveux longs et aux jambes courtes. Très belle d’après son premier jugement, il observa que la jeune femme lisait ; il se dit que la lecture lui offrait une allure d’autant plus élégante. Pris d’une pulsion que d’habitude il ne prenait pas en compte, il agit brusquement : « Si elle aime lire, je vais lui donner de quoi lire ! » se dit-il. Habitué de littérature ancienne, il se mit à écrire un poème pour la jeune femme en rouge. Il aurait pu s’approcher et lui demander par quel ouvrage ses yeux étaient-ils passionnés, mais c’était un fou qui savait écrire. Dix minutes plus tard tout au plus, ces lignes étaient nées :


Viens marcher avec moi cette nuit,
Je te ferai goûter ma chère amie
A des plaisirs solitaires, marauds,
Que tu as sûrement touchés, salauds,
Seule et rouge comme toutes celles-là
Qui vêtues, d’un coquelicot aplat,
S’amusent seules sans savoir, malheureuse,
Qu’avec moi c’est sûrement mieux, peureuse.


Finalement, il était un peu saoul, il dit : le « salaud » c’est pour la rime, elle me pardonnera.

Il se leva avec son mouchoir de décasyllabes et s’approcha de la chanceuse qui tout de suite lui sourit. Puis on l’entendit rire dans tout l’espace du bar et lui on le vit rougir, comme un caméléon se camouflant avec la robe de la jeune femme. Après un long regard où se rencontrèrent espoir et désespoir, le joli coquelicot se leva, prit le bras du pauvre fou et bientôt, on ne vit qu’une tache grise au loin, avec, à ses côtés, une forme rouge.

11 avril 2023

Une interview de la célèbre romancière Agatha Christie

- Bonsoir madame Agatha Christie, vous êtes ce soir notre invitée dans l’émission «  Chefs d'oeuvre en péril » et nous en sommes très heureux.

- Bonsoir Madame.

- Vous venez de parrainer une association qui milite pour le maintien des emplacements de camping dans les aires désormais envahies de mobil-homes et de signer la pétition «  Sauvez la tente !». Pouvez vous nous expliquer pourquoi ?

AEV 2223-27 Anne J

- Voyez vous, avec mon deuxième mari, Max Mallowan, qui était archéologue, nous avons beaucoup vécu sous la tente et pratiqué le camping simple et il me semble important que les nouvelles générations puissent goûter à cette vie proche de la nature. Car j'ai accompagné mon mari sur tous les terrains.

- Pourtant pour une femme de votre génération ça ne semblait pas évident et vos débuts dans ce domaine n'ont pas été faciles !

- C'est certain mais voyez vous je ne vais pas frapper dans le buisson, mon premier mari Archibald m'a laissée tomber pour une intrigante qui travaillait avec lui dans sa compagnie d'assurances. Il faut dire que je l'ai épousé très jeune et dans l'urgence de la première guerre mondiale mais quand même j'ai été un moment l’arrière train de la blague et appelons une bêche une bêche j'ai été bel et bien trompée et trahie.

- Et vous avez très mal supporté cette trahison ?

- Et vous ne l'auriez pas pris comme cela à ma place ? Je commençais à gagner de l'argent avec mes livres et alors qu'il était dans des difficultés financières, il jetait l'eau dans la canalisation avec cette pouffe. Si je devenais une écrivaine célèbre, il allait mettre pas mal de plumes dans son propre lit et me cuire comme une oie, pas question !

AEV 2223-27 Anne J- Et donc le 3 décembre 1926 vous avez disparu en laissant votre voiture sur la rive d'un lac pour faire croire à un suicide et vous n'êtes réapparue que 2 jours plus tard dans un hôtel où vous aviez trouvé refuge en vous présentant sous le nom de la maîtresse de votre Archibald.

- Mon Archibald, qui avait quitté le navire et qui m'avait emmenée dans le jardin du voisin !

- Et la police vous a cherchée ?

- Bien sur, mais ils n'arrivaient pas à la cheville ni d'Hercule Poirot ni de Miss Marple, ils n'ont même pas interrogé ma fille Rosalind que j'avais mise dans la confidence : il y a de la lumière chez eux mais personne n'est dans la maison mais c'est sans importance, ce mystère a fait que mes livres se sont encore mieux vendus qu'avant, devenir aigre ce n'est pas ma tasse de thé.

- Donc vous souhaitez que l'on garde dans les campings des espaces pour ceux qui veulent vivre à la dure et dormir sous une toile de tente et non dans un bâtiment en dur ?

- Ah oui, rien n'est comparable au bruit de la pluie sur une toile quand on est bien au chaud et qu il pleut des chiens et des chats : à chaque nuage son coté argenté, c'est une excellente occasion de lire des romans policiers et puis les pluies d'avril amènent les fleurs de mai.

- Justement parlons un peu de votre œuvre !

- J'ai beaucoup écrit et cela depuis ma première jeunesse. Au dernier recensement près de 67 romans dont certains sont des bluettes romantiques et avec lesquelles il n'a pas de quoi écrire à la maison mais les petits coups font tomber de grands chênes. J'ai écrit aussi 190 nouvelles et 18 pièces de théâtre et beaucoup ont donné lieu à des films ou à des téléfilms plus ou moins réussis . J'écris tout le temps qu'il pleuve ou qu'il brille et mes livres se sont vendus comme des gâteaux chauds.

- Pourtant on les considère aujourd’hui comme xénophobes, voire racistes et on a débaptisé un de vos chefs d’œuvre intitulé «Dix petits nègres» pour « Ils étaient dix ».

- C'était mon époque mais c'est un peu la marmite qui rappelle la bouilloire, vous avez vu à quoi elle ressemble, votre époque ? Je ne voudrais pas mettre le chat parmi les pigeons ni planter ma rame mais il n'y a pas de quoi faire un nœud à ma culotte, avec mes livres j'ai rehaussé le toit et je me suis bien amusée. Et vous, vous avez passé de bons moments avec mes héros en livres ou en films.

- C'est certain, et nous sommes heureux d'avoir un peu mieux fait connaissance avec vous. Encore merci, Madame Christie, pour ce moment passé avec vos lecteurs et vos lectrices !

AEV 2223-27 Anne J

7 février 2023

La Princesse Margaux / Dominique H.

Il était une fois une princesse, nommée Margaux, enfermée dans la tour d'un château. Elle était si belle que son père voulait la soustraire à tous les regards masculins aussi concupiscents que cupides. Le château, situé en haut d'une montagne, dominait une forêt de conifères. Dans le fond de la vallée coulait une rivière. Le site était à la fois grandiose et bucolique. Le promeneur qui découvrait dans son écrin de verdure ce château de Belle au bois dormant ne pouvait soupçonner le drame qu'il abritait.

Dans les veines du prince-patriarche coulait le sens de l'autorité que lui avait naturellement transmis par don ADN son patriarche de père, et il en était ainsi depuis la nuit des temps. Évidemment les épouses des princes-patriarches étaient soigneusement choisies pour que ce système ancestral se perpétue. Elles avaient reçu une éducation adéquate et avaient intégré que c'était dans l'ordre des choses que le patriarche ait les pleins pouvoirs. Elles consentaient à la soumission en échange d'une douce vie princière, servies par de nombreuses domestiques qu'elles se plaisaient à soumettre en retour selon les règles qui régnaient au château.

La jeune princesse, alors dans sa quinzième année, observait silencieusement ces jeux de pouvoirs quelque peu contradictoires avec les vertus religieuses qui lui étaient enseignées. Son éducation évitait d'aborder les idéologies qui auraient pu la polluer en l'écartant de l'esprit de soumission.Ses journées étaient donc agrémentées de musique de chambre et elle avait appris à jouer de la harpe. Évidemment, elle savait broder à la perfection et son nouveau précepteur commençait à l' initier à la poésie.

Une princesse médiévale et son précepteur à cheval 1

Sieur Guillaume le Clerc, avait été recommandé par l'abbé Grégoire du monastère bénédictin voisin qui s'était porté garant de sa moralité. L'abbé Grégoire était au sens propre le père spirituel de Guillaume puisque, vingt ans auparavant, quand il était prieur, c'est lui qui avait trouvé devant la porte de l'abbaye, un nouveau-né enveloppé dans une couverture, et c'est lui qui avait su convaincre l'abbé Daniel de garder l'enfant au monastère. L'enfant nommé Guillaume, sut se faire aimer et montra de grandes dispositions pour le latin et les textes sacrés, mais aussi pour l'astronomie, la géométrie et la poésie.

Grâce à cette éducation au monastère et à la recommandation de l'abbé Grégoire, Guillaume avait bénéficié d'emblée de l'entière confiance du prince-patriarche, il voyait en lui un ange savant. Pourtant le précepteur observait l'ordre qui régnait au château et contenait sa colère intérieure. Son comportement soumis rassurait tout à fait le prince. Et puis la mère de la princesse veillait aussi à ce qu'il respecte la jeune fille et sur ce point l'attitude du jeune clerc était également sans faute. L'éveil artistique de Margaux ne suscitait aucune méfiance. Guillaume choisissait soigneusement ses textes poétiques et personne ne pouvait imaginer que, après les sonnets de Pierre de Ronsard et de Joachim du Bellay, il l'initiait aux poèmes subversifs de Clément Marot et de François Villon. Il avait encouragé la jeune princesse à elle-même écrire de la poésie et le soir, devant la cheminée, elle lisait à ses parents des vers parsemés de roses et de crépuscules.

Margaux, en bonne élève, apprit rapidement le latin, ce qui renforça sa complicité avec Guillaume. La lecture de textes anciens lui ouvrit l'esprit. La vie s 'écoulait ainsi paisiblement mais l'orage se préparait. La jeune fille qui savait très bien jouer l'innocence, entreprit de convaincre son père de lui offrir une monture pour se promener dans la forêt. Le clerc était aussi bon cavalier et c'est à cheval qu'il se rendait au château chaque matin. C'est naturellement qu'il se proposa d'accompagner la princesse dans ses promenades . Évidemment, une dame de cour, bonne écuyère les accompagnerait. Guillaume renseigna le prince sur un haras réputé sis à quelques lieues du château. La confiance régnait entre les deux hommes. Le cheval choisi était calme mais puissant. Margaux joua les niaises une fois de plus en demandant que sa monture fût déguisée en licorne rose. Le père céda en souriant à ce qu'il considéra comme un caprice de petite fille.

La saison des champignons arrivant, leur cueillette offrit un prétexte innocent aux promenades équestres. L'usage courant du latin, qu'eux seuls pratiquaient, permit à Guillaume et Margaux d'échanger facilement sur leur plan d'évasion. Le clerc savait observer les signes du ciel, et, un matin, il décela qu'un orage se préparait pour la soirée. Les bagages de la princesse avaient été acheminés, de jour en jour, dans une cahute de la forêt.

Ce jour de fin août, encore ensoleillé en début d'après midi, les trois cavaliers partirent à la cueillette des girolles. Vers seize heures la foudre tomba sur le château perché et un début d'incendie se déclara. Le prince patriarche s'agita, jurant et donnant des ordres contradictoires à ses domestiques. L'incendie mit du temps à être maîtrisé. La princesse-mère resta terrée dans sa chambre, en prière. Pendant ce temps, Guillaume et Margaux distancèrent très vite la dame de cour dont le cheval, effrayé par l'orage, ne cessait de ruer.

Un château médiéval sous l'orage

Ce soir là, la princesse dormit à l'entrée du village du précepteur, hébergée par une femme lettrée qui connaissait bien les plantes et qu'on appelait «  la sorcière ». Elle était en sécurité. Une nouvelle vie commençait pour elle. Elle se sentait reine de son avenir.

Mots utilisés :
montagne foudre + orage ;
château balle + suicide ;
pieuvre école + bonhomme ;
léger licorne + princesse ;
reine champignons + girolles.

7 novembre 2023

Texte-devinette n° 3 de 3 / Anne J.

AEV 2324-07 Anne J

On dit de moi que je procrastine beaucoup et c'est sans doute vrai : un exemple ? Déclarer le dégât de cheminée dû à la tempête Ciaran m'a pris quatre jours, tant il est vrai que ce genre de choses m'ennuie. Et ne parlons pas d'acheter un objet ménager quelconque !

Pour me corriger, je pourrais écrire cent fois cette expression ou bien me la répéter à longueur de journée comme un mantra, ce serait plus facile pour moi que de mettre cette action en branle : j'ai peur de cet animal et je ne me vois pas l'attraper par cette partie conique et courbée qui trône sur son front comme une arme guerrière.Et puis après je fais quoi ? Je le suspends comme décoration dans mon salon ? Je décide d'aller faire mes courses grimpée dessus ? Je le traîne derrière moi comme un toutou en laisse ?

Non , je continuerai de procrastiner encore longtemps et même quand l'Ankou sera devant moi , sans doute dirai je :  «  Attendez un peu , s'il vous plaît, je ne suis pas encore décidée !»

***
 

De quoi s'agit-il ?

Réponse (cliquez ici, maintenez enfoncé et tirez la souris vers la droite) : prendre le taureau par les cornes

3 octobre 2023

Le Dinosaure et le chat / Anne J.

AEV 2324-04 DinosaureIl était une fois un petit dinosaure qui se mourait d'ennui sur sa planète. Il faut dire qu'il n'y avait pas grand chose pour s'amuser sur la planète Terre à cette époque là . La bien-aimée du petit dinosaure était partie gagner sa vie sur une autre planète et notre héros tournait en rond sur son domaine. Personne ne voulait passer du temps avec lui car il faisait peur : 2,50 m au garrot, un long cou flexible, des écailles puissantes et acérées sur le dos et une petite tête mais aucune dent pointue, juste des grosses molaires pour mâcher des feuilles, des branches ou des pousses de bambou car le petit dinosaure était strictement végétarien.

Un soir, lors de sa promenade vespérale destinée à chasser ses insomnies, le petit dinosaure rencontra un drôle d'animal, noir, poilu, avec des grands yeux vert-jaune et de longues moustaches blanches autour de la bouche. L'animal était perché sur un grand balai et fendait les airs à une vitesse vertigineuse. Il portait des bottes et un superbe chapeau de mousquetaire avec une plume blanche immense qui lui servait de balancier. Il atterrit avec beaucoup de grâce au pied du dinosaure dont il ne semblait pas du tout avoir peur. Le dinosaure sursauta et mit en branle le peu de cervelle dont il disposait pour poser la question fatidique :

-  Qqqqui es-es-es-es-tu, toi ? (J'ai oublié de vous préciser que notre ami était bègue )

AEV 2324-04 Chat noir- Je suis le chat noir et j habite sur la planète Lune chez une abominable vieille sorcière qui ne me nourrit que de croquettes et de boîtes de thon avarié. J'ai décidé de la quitter et de m'en aller découvrir d'autres mondes et tu vois pour voyager plus vite, je lui ai piqué son balai !

- Et tu vas où ?

- Je vais en Écosse, c'est un pays magnifique, leur spécialité, ce sont les fantômes mais on m'a aussi demandé de rendre visite à un ami à toi. Je crois qu'il vit tout au Nord dans un endroit appelé le Loch Ness.

- Et il a un problème ?

- Oui, une étrange maladie de peau. Il est couvert de plaques dorées du plus bel effet mais qui le démangent et le brûlent horriblement, je crois que ça s'appelle « être riche ».

- Riche ? Je ne vois pas. Et tu as un remède pour lui ?

- Oui ma pingre de sorcière fabrique un savon magique qui guérit de la richesse, on devient pauvre et en plus invisible ; c'est à la fois mieux et pire.

- Et comment tu sais tout ca ?

AEV 2324-04 Télescope- J'ai passé beaucoup de temps à regarder les planètes et les coins perdus de la Terre avec le télescope que m'a légué mon grand-père. C'est un objet magnifique qui permet de voir très, très loin des choses très petites.

- Petites comme quoi ? Tu crois que tu pourrais voir une petite dinosaure sur une autre planète ?

- Bien sûr !

- Et je peux partir en voyage avec toi ?

- Si tu veux ! On ira voir le monstre du Loch Ness et ensuite on ira où tu veux !

Le petit dinosaure devint rouge comme une tomate et se mit a bafouiller en roulant des gros yeux.

- Tu crois qu'on pourrait retrouver ma chérie ?

- Avec le téléscope, sûrement !

AEV 2324-04 Banane- Elle adore les bananes, tu sais où on peut en trouver ?

- Beurk ! fit le chat avec une mine dégoûtée, les bananes ? Ouais , ça pousse au Sud. On cherchera avec le télescope ou on demandera en route.

Le chat jeta un œil sur le balai de la sorcière, il était petit mais robuste et le dinosaure n'avait pas l'air si gros . Il prit alors le télescope par le mauvais bout ; le dinosaure apparaissait tout petit dans la lunette, il le prit entre ses mains et l'accrocha à la plume de son chapeau.

Juste avant d'enfourcher son balai, le chat inspecta les environs : tout était bien jusqu'au moment où une banane volante se posa juste devant lui. Elle avait envoyé balader tous les régimes pour vivre sa vie. Le chat évita de justesse la collision en pestant. Décidément il n'aimait pas les bananes.

Quand ils arrivèrent en Écosse, il pleuvait bien sûr mais Nessie était au rendez vous. Quand il fut l' heure de repartir, le petit dinosaure était si bien qu il demanda à rester encore un peu au fond du Loch, ce qui le sauva de la météorite qui anéantit tous les dinosaures.

Quant au chat on n’entendit plus jamais parler de lui mais je le soupçonne de s'être établi dans une bonne maison où les croquettes sont fraîches et les caresses délicieuses. Près de Lannion peut être ?

30 janvier 2024

Va y avoir du sport ! / Maryvonne

AEV 2324-17 Maryvonne - Barre fixe

Quand j'étais suspendu à la barre fixe au dessus du vide j'ai eu un coup de chaleur. Je me voyais en pièces détachées et j'étais mort de trouille. Tout ça parce que le boss voulait savoir où j'avais planqué le magot.

AEV 2324-17 Maryvonne - Surveille tes arrières

J'avais beau lui redire « Ne nous énervons pas !» ça n’y changeait rien. Au rendez-vous des tordus je me disais qu'il allait me chatouiller sous les bras et que j'allais lâcher prise. J'étais entrain de raconter la scène à la fille de mes rêves en mimant l'action sans me rendre compte que la minute du mensonge venait de s'égrener à l'horloge du coup tordu.

Jules m'avait bien dit « Surveille tes arrières !». La reine des pommes qui me serinait « Fais-moi confiance » était entrain de me doubler. Elle avait changé de camp ! C'est le bouquet ! Ça n'arrive qu'à moi !

Mais je n'ai pas dit mon dernier mot. Le butin en petites coupures est volumineux et ce n'est pas dans ton string que tu vas planquer ça. Avec ta taille de guêpe et ton petit sac de pouffe, tu vas pas envoyer la fumée si les cognes te serrent !

AEV 2324-17 Maryvonne - Les Sentiers du désastre- Adieu ma jolie, tire-toi avant que je me fâche, je me retourne et je te course, je te poursuis et ce sera les sentiers du désastre derrière toi.

- Pauvre mec, ton discours est genré ! Ne fais pas le clown, les nanas d’aujourd’hui savent envoyer des pruneaux. Un coup de planteur dans le pif et on décime, on suicide ! Prière d'incinérer après mon passage. L'argent facile c'est pour nous aussi. Finie la pauvreté des allocations familiales, je veux du beau linge. Faites-moi confiance je saurai mettre la main dans le sac à billets. C'est plutôt « Adieu mon joli », le valseur énigmatique a fini sa prestation miteuse. La musique est dissonante, c'est le tango des « losers. » Je n'aurai pas fait une formation à Villejean pour des haricots. Et tu pourras toujours venir te traîner à la queue de ta sirène en bavant : c'est bien mon tour de te regarder à terre. C'est nous les filles qui tenons la dragée haute et j'espère que tout le monde sont là pour entendre ça, parce que ça fait du bien !

14 novembre 2023

Fou, fou, fou ! Cinq poèmes de Lautréaval / Maryvonne

Pléonasme

Un plat plat
Un escalier qui monte
Un danseur qui danse
Un crépuscule du soir
L'aube du matin
Un parfum qui parfume
Et des bohémiens en voyage

AEV 2324-08 Maryvonne - bohémiens

***

Alchimie de la douleur

Aïe ! Aïe !
Aspirine, doliprane
Cocktail anti-douleur
Aïe ! Aïe !
J'ai mal au cœur.

AEV 2324-08 Maryvonne - 1312416-Caricature_de_Charles_Baudelaire

***

Beaudelaine a mis fin à ces époques nues avec ses vêtements ondoyants et nacrés.
A une mendiante rousse, fière de sa beauté
J'ai donné un manteau en peau de chat
Brumes et pluies ont fait l'irrémédiable
Le goût du néant a fini le travail
Et flic et flac !

AEV 2324-08 Maryvonne - petite-mendiante-rousse-c1843-1939_u-l-q1n0mru2fjqjt

***

Rhum, duellum, Delirium

Encore un verre mon bonhomme
Encore un vers de poésie
Pour faire plus joli
Encore un verre, dit le factotum
J'ai mal à mon duodénum
Encore un ver solitaire
Pour foutre ma vie en l'air
Et juste un dernier poème
Pour dire à la vie que je l'aime

julienlaforgue-julien-laforgue-alcool-ivresse-charles-baudelaire-poeme-spleen-poete-litterature-enivrez-vous

***

Albatros, élévation

Dans son bec vole la correspondance de l'homme de la mer à la servante au grand cœur.
Je n'ai pas oublié, dit le message encré, la beauté, le parfum exotique et cette volupté unique.
Je suis comme le roi d'un pays pluvieux
Je pleure des gouttes salées qui la nuit me tiennent éveillé
Dans ce ciel brouillé l'oiseau fera une percée
L'aube sera spirituelle
Pour que ce poème te caresse de son aile.

AEV 2324-08 Maryvonne - Albatros

28 novembre 2023

Une Ville atypique / Marie-Thé

Une ville détruite par des bombardements a été reconstruite à l’image de certains quartiers de la ville de New-York. Les rues sont rectilignes et les immeubles d’habitation ont la forme d’un carré parfait.

Chacun de ces blocs possède une singularité marquée par ses habitants ou bien par ceux qui y ont séjourné. On peut découvrir la partie française, la partie anglaise, le square Tartacover et bien d’autres quartiers encore.

AEV 2324-10 Marie-Thé - Foujita

C’est dans cette ville atypique que Mitsumasa a choisi de venir en résidence pendant une année. L’architecture droite et sans fioritures semble convenir à ce peintre japonais.

Dans le quartier Letton, au 2e étage de la 9ème rue, vit Coralie, dans un studio d’étudiant. Elle est amoureuse, fume du shit et a bien du mal à se concentrer sur le programme du bachot qu’elle doit passer dans quelques mois.

Elle se rend chaque semaine à la piscine de l’Hippopotame. C’est là qu’elle rencontre Mitsumasa et qu’il lui demande de devenir son modèle.
Ils se retrouvent chaque semaine dans la piscine après une séance de pose. Ensuite, Mitsumasa emmène Coralie dîner au restaurant de la Fourchette Royale avant d’aller dans son appartement pour faire ce que font tous les amoureux, c’est-à-dire dormir ensemble.

C’est la belle vie pour Coralie qui, de ce fait, ne travaille pas beaucoup et vit sur un petit nuage. « Je partirai avec Mitsumasa au Japon à la fin de l’année, c’est sûr ».

AEV 2324-10 Marie-Thé

Un jour qu’elle passe devant le café Diapason en revenant de ses cours, elle le voit attablé face à un Asiatique, le Docteur Hérisson, bien connu dans la ville pour sa médecine basée sur l’acupuncture. Ils font une partie d’échecs au son d’un concert de rock. Mitsumasa lui sourit lorsqu’elle entre et s’assoit à côté de lui.

A la fin de la partie, ils discutent de choses et d’autres, en particulier de l’art de vivre du Japon et le Dr Hérisson demande à Mitsumasa si sa femme n’aurait pas eu envie de l’accompagner dans son voyage.

Coralie se décompose. Elle ne savait pas que Mitsumasa avait une famille !

Blessée, elle renverse le jeu d’échecs, crie à tue-tête « Tu es un traître !». La musique s’arrête. Les clients se taisent et regardent Coralie. Pour ne pas montrer ses larmes, elle quitte le café Diapason en claquant la porte comme dans un film tragique.

Il a fallu à Coralie quelques semaines de repos pour digérer cet affront et sa déception.

Et puis, aidée par ses amies de la fac, elle a retrouvé une vie normale et s’est remise à préparer sérieusement son bachot.

20 février 2024

Des incipit en veux-tu en voilà / Jean-Paul

 

Qui veut noyer son œuf l’accuse d’être arrivé par le cul de la poule. Pareil pour le chagrin d’amour. Qui veut noyer son chagrin d’amour accuse son ex d’avoir choisi un nouveau coq.

***

Le pape ? Combien de followers et de coalisés ?

***

 Tant va le samouraï au bowling qu’à la fin il se vautre, bourré à la tequila et serti de delirium tremens.

***

 Le fait de patrouiller sur la Loire en Zodiac ne fera pas pour autant de toi un marinier. Il convient que tu écluses dignement et que tu ne cherches pas la bagarre au pilote de la gabare. Te voilà prévenu. N’est pas uraète qui veut surtout s’il est né d’un ganga et n’a pas la notion du transfuge de classe.

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Ça ne sert à rien de mettre un bonnet phrygien à un poulet en peluche : les prochains Jeux olympiques n’en seront pas plus féeriques.

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Quand l’animateur d’atelier d’écriture est bourré, les plumes des écrivantes dansent au son de musiques auvergnates. Cela peut aller du « Paso doble de Bourg-Lastic » au « One-step de Saint-Nectaire ».

***

Jamais le torero n’affronte d’esturgeon au milieu de l’arène.

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A force d’évincer l’idée d’une dernière pelletée on finit par se consumer dans une flammèche tout sauf grandiose et on termine dans une urne alors même qu’on n’allait plus voter aux élections.

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Sur la lancée de ses études, suivant qu’il brille ou pas, le lycéen peut devenir notaire, écrivain ou chargé d’entretien chez un installateur d’éoliennes.

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Il vaut mieux arborer la rosette de la Légion d’honneur qu’un œil au beurre noir ou une bosse sur le front bien badigeonnée d’arnica.

***

Le pacha a beau être ignifugé, ça ne l’empêchera pas, en cas d’bus de piment des Caraïbes, d’avoir le feu au cul.

*** 


La première fois qu’Aurélien entendit Bérénice chanter en soliste dans l’oratorio, il la trouva réellement, franchement faible. Il s’abstint de le lui avouer car elle était aussi championne olympique du lancer de vitriol pour un oui ou pour un non.

***

Derrière le mur mitoyen c’est la propriété d’un écrivain, natif du capricorne, qui est rebelle à l’hyménée mais qui ne boycotte pas pour autant les relations tarifées. Il paie en piécettes d’or les filles de la contrée qui se moquent après coup de son blason burelé et de ses jouissances tardives, voire de la taille de sa pipette.

***

On aura beau faire et beau dire, « azur » ne sera jamais un synonyme de « trépied ». Et pourtant ce jour-là le ciel de Normandie ressemblait à un strapontin : tout gris, manquant de ressort, n’ayant rien à voir avec ceux de Boudin Eugène.


***

On avait installé, en surplomb du prévenu, une épeire de Damoclès. L’araignée géante tissait au plafond du palais de justice une toile symbolisant la dureté de la loi – Dura lex sed lex – et l’homme mis ainsi sur la sellette n’en menait vraiment pas large. Même un samouraï aguerri se serait senti un peu faible en songeant aux funérailles molles que l’arachnide profilait.

***

Longtemps je me suis abreuvé, de bonne heure, de la chicorée de l’aube. Dès le petit matin, je broyais du noir.

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L'Atelier d'écriture de Villejean
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