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L'Atelier d'écriture de Villejean
4 novembre 2015

Lettres N et O du Dictionnaire des idées reçues / Hélène

AEV 1516-07 Hélène 02

Navire : Qui permet de prendre le large seul ou à plusieurs pour les personnes « à mer ».

Nectar : boisson fruitée qui enivre de plaisir les palais délicats préférant boire et conduire.

Noblesse : titre, qui se perd et se disperse, attribué à des personnes qui se disent « de la haute » ; appelée aussi « prout prout ma chère » !

Oasis : nom publicitaire d’une boisson chimique qui ne désaltère que les enfants ayant une soif avide en plein désert.

Ordre : consignes de rangement qui opposent inéluctablement les mères à leurs enfants.           --->                                

Optimiste : gai voyageur qui trouve toujours en chemin une destination qui le satisfait.

Oreiller : en plumes ou non, il aide les doux rêveurs à prendre leur envol.

Orthographe : Ce mot va bientôt disparaitre du dictionnaire. Auparavant destiné à écrire correctement les mots selon des règles bien établies, il est actuellement bafoué de la langue française au profit de l’écriture phonétique.

Œuf : petit nid douillet protégé par une coquille servant à recueillir un petit être en devenir. Pour les enfants, chocolat cachant une surprise plus communément appelé Kinder.

Oiseau : Kinder à plumes qui nous permet de voyager en le regardant voler.

Original : exemplaire unique pris à la source qui aime se faire remarquer.

Obus : suppositoire gros modèle faisant tout péter !

AEV 1516-07 Hélène 01



Odeur (des pieds) : délicate ivresse qui fait fuir de près comme de loin tout individu non enrhumé. Plus communément appelé jus de chaussettes.

Ours : individu poilu ou non qui se retranche dans sa tanière.

Oméga : Complémentaire de l’Alpha. Se retrouve dans les huiles alimentaires et pas que grecques.

Nerveux : Tic- Tac Toc (Nous ne parlons bien évidemment pas du balancement très irritant de certaines horloges et toc !)

Nègres : Personnes chez qui l’on voit la vie en noir. Péjoratif ; est devenu synonyme de personnes à qui l’on rend la vie noire.

Négresse : riche épouse du nègre. Ensemble ils voient la vie en rose.

Normands : personnes fières de leurs vaches et de leurs camemberts.

Notaires : transmetteurs de biens qui se servent au passage.

Nation : station de métro parisienne. Difficile de penser à un pays dans ces termes à l’heure actuelle.

Orgue : casse-tête retrouvé principalement dans les églises qui accompagne au plus haut les chants sacrés.

160411 265 N 112

 

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17 novembre 2015

Le dernier bottetrain de Paris / Jean-Paul

C’est une idée qui nous bottait depuis longtemps : aller à la rencontre des petits commerces du temps jadis, entrer dans les bistrots qui affichaient autrefois sur leur devanture « Ici on peut apporter son manger », visiter l’échoppe d’un réparateur de machine à écrire à boule, etc.

Le hasard a fait que, ayant à faire rue de la Pompe, nous sommes passés devant le magasin de M. Jeannot. Les volets de la boutique ont déjà de quoi vous attirer l’œil : semblables à un tableau du peintre belge René Magritte, ils représentent les sabots d’Hélène, les bottes de sept lieues du petit Poucet, la pantoufle de vair de Cendrillon, les souliers de satin de Paul Claudel, le dernier des mocassins Mohicans, la godasse de Samuel en attendant Bécaud, les escarpins d’Iznogoud le fourbe qui rit, les chaussons d’Ernest, les Tatanes que Titine cherche après et d’autres chaussures d’elles-mêmes comme les mules du pape qui signifient qu’on vous attend de pied ferme ici.

Mais, contrairement à ce que l’on pourrait croire, M. Jeannot ne s’occupe pas de chausser les petits petons de Valentine, d’habiller le talon d’Achille ou de soigner les chevilles des personnalités qui enflent. Il faut entrer dans sa boutique et admirer son impressionnante collection de… fessiers princiers !

Car avant que la jet-set ne se délocalise au Pôle Sud, M. Jeannot a tiré le portrait de ces fesses de faces de cul-pincé. Moulés dans une résine synthétique souple, ils sont offerts, moyennant un léger financement, à votre roturière et pédestre vindicte. Comment ça marche, le bottetrain ? C’est simple ! Vous choisissez le séant de la personnalité que vous détestez le plus, vous chaussez le bottetrain – une ranger de pointure 78 – et vous vous défoulez en défonçant le postérieur de l’empaffé(e) notoire que vous avez choisi(e). Une variante consiste à envoyer votre pied dans le derrière en fichant le projectile dans une carabine Lebel de Cadix rebaptisée "fusil à pompe Mariano".

Nous avons testé la chose : cela fait beaucoup de bien. Avant de vous inviter à faire de même, nous laisserons le mot de la fin à M. Jeannot que nous avons interviewé :

- C’est, forcément, logiquement, une affaire qui marche, qui a marché et marchera toujours. Sans cette industrie qui est la mienne, la société ne peut pas avancer. Nous exerçons un rôle tout à fait positif, prépondérant et j’oserai l’affirmer, fondamental dans la marche en avant du progrès. C’est d’ailleurs ce que dit depuis des siècles la devise de notre famille : « Il ya des coups de pieds au cul qui se perdent ? Venez chez nous les retrouver ! ».

Pour prendre votre panard, une seule adresse : « Au coup d'pied dans l'cul », rue de la Pompe à Paris.

Plonk 01 Bottetrain

 

 

8 mars 2016

Haïkus de Valence / Jean-Paul

160220 265 004

Dans le dépôt-vente
Un trois-mâts embouteillé :
Secret de Licorne

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Débâcle au musée :
J’ai fait disparaître Isaure,
Ame incontrôlable

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Arômes d’été :
Des randonneurs affûtés
Dans le Puy-de-Dôme

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Appâter, douceâtre…
Faire miroiter l’alcôve…
Mais d’abord… dînette !

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Attachés au mât
Les marins-pêcheurs d’Ulysse
Déjouent l’enjôleuse

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Pour les hommes mûrs
L’entraîneuse au noir corsage
L’entrebâille, ment.

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Crêpes ! Confettis
Costume de Cléopâtre !
C’est la Mi-Carême !

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Dame à sa fenêtre
De château moyenâgeux :
Jamais multitâche !

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Enchevêtrement
De pistes, d’intrigues folles :
L’enquêteur patine.

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Oter le torchon,
Constater, dans le panier,
L’oubli d’ouvre-boîte !

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Désir entêtant :
Sauter sur la mulâtresse
A brûle-pourpoint

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Naître pâlichon
Puis illuminer la nuit :
Bombyx du mûrier

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Jouer du flûtiau
Pendant une extrême-onction
C’est assez fâcheux

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Le vent de noroît
Sème des chants entêtants
Dans tes portugaises

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La jolie flûtiste
Comme je la frôlerais
Si n’était l’évêque !

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Blâmable bêcheuse
La Sévigné a pondu
Beaucoup trop d’épîtres

Dès l’apéritif,
Bâfré sans prévoir ! Gâchis !
Dessert : Forêt-noire !

Ce bâtard de Temps
Oblige à poser la plume
Et gâche la fête !

 

 

 

 

23 septembre 2016

Famille Thénardier, je vous hais ! / Jean-Paul

Ils continuent de ne pas s'embêter, à l'Université de Rennes 3 ! L'équipe de chercheurs un brin farfelus formée par le Pr Isaure Chassériau et les trois frères Park (Luna, Jurassic et Central) envoie toujours dans le passé son véhicule-robot baptisé Tornado afin d'en ramener des trésors (?) non parvenus jusqu'à nous. Il en est ainsi du poème ci-dessous, un  pastiche de Victor Hugo écrit par André Gide et que l'auteur a sans doute jugé bon de déchirer un peu avant de recevoir le prix Nobel de littérature en 1947. Remercions l'Université de Rennes 3 d'avoir récupéré ce document très intéressant pour l'histoire littéraire du XXe siècle.

FAMILLE THENARDIER, JE VOUS HAIS ! (un poème retrouvé d’André Gide)

AEV 16-17-02 dubout5

Si tu veux foutre le bordel
Au nouvel an chez ta belle-doche
Tu débarques en porte-jarretelles
En brandissant un tournebroche
Garni de blanches tourterelles !

Surtout, n’fais pas dans la dentelle,
Au nouvel an chez ta belle-doche !
Vas-y déguisé en poubelle
Avec des restes de cantoche
Dans ta chevelure poivre et sel ! 

AEV 1617-02 5176981

Comme Lady Gaga l’infidèle
Tu te recouvres de bidoche,
Tu joues au vieux Polichinelle
Et tu accroches en haut de l’échelle
Les plus turbulents des mioches moches
De ta belle-sœur Isabelle.

C’est fastoche de faire un festoche
De mauvais goût un peu cruel !
Je sais d’infâmes ritournelles
Extraites des « Fiancés de Loches »

Du genr’ « Le chat d’la mère Michel
Mixé dans la pâte à brioche » !

 A la petite Pimprenelle
Tu confisques sa vieille totoche,
Tu la lui caches dans l’eau d’vaisselle
Et à sa grande sœur, la gazelle
Qui crèche rue du Maréchal Foch,
Pendant qu’elle touille son vermicelle
Tu lui roules deux ou trois galoches !

AEV 1617-02 dubout6

Si tu veux foutre le bordel
Au nouvel an chez ta belle-doche
Tu viens avec la varicelle,
Avec la peau qui s’effiloche !
J’ai un pote qui boss’ dans l’cinoche,
Il connaît toutes les ficelles
Du maquillage gore qu’on s’accroche
Pour faire trembler les jouvencelles !

 Si t’es du genre intellectuel
Tu viens avec Aldo Ripoche !
Il jouera sur son violoncelle
Le « Concerto pour la main gauche »
Du dénommé Maurice Ravel
Ou de frondeuses tarentelles
Composées par Gérard Filoche :
Y’a pas plus chiant comme saltarelle ! 

AEV 1617-02 albert-dubout-le-prince-des-humoristes-7-m

Si ta famille, par les bretelles,
T’envoie ramasser une gamelle
Sur le pavé de la place Hoche
Tu as gagné ! C’est dans la poche !
Tu ne paieras plus la gabelle
De cette sinistre bamboche :
Tu ne fais plus partie des proches !

Et l’année prochaine, à Noël
Moët et Chandon plein la valoche,
Caviar de Russie à la pelle,
Tu pourras te taper la cloche
Sans te farcir les sales caboches
De ces messieurs et demoiselles !

Tu pourras te faire un cinoche,
Mireille Darc dans « La grande sauterelle »,
Un film avec Juliette Binoche,
Un vieux polar avec Bébel
Ou rester devant ta téloche
En te gavant de caramel !

AEV 1617-02 62d7064d

Famille, je vous Gargamelle !
Vous ne méritez que taloches,
Horions et coups de manivelle !

Et je signe, sans anicroche :
Gavroche, rebelle de la Bastoche.

 

 

Les illustrations sont d'Albert Dubout et empruntées ici et là sur le web. Merci à l'artiste et aux généreux partageurs.

4 octobre 2016

Ernest et Bernadette vont à Lourdes. 1, L’étape de Rohan / par Jean-Paul

Le premier soir ils firent étape à Rohan. Ils avaient pédalé toute la journée sous un très beau soleil sans rencontrer grand monde sur le chemin de halage au long du canal de Nantes à Brest, enfin de Brest à Nantes, puisqu’ils venaient de Carhaix.

Bernadette était ravie.

- Après nous, on peut tirer l’échelle ! lança-t-elle en franchissant la dernière écluse, située juste avant l’entrée dans la riante cité morbihannaise.
- Moi je tire déjà la charrette, ça me suffit ! avait protesté Ernest.
- Et la gueule aussi, on dirait, cher voisin !
- Dame ! C’est que je n’ai plus ton âge, très chère, ni ton énergie. Bernadette, ça rime avec Paulette. Ton père était facteur ? Tu avais fait en le suivant tous les chemins environnants à bicyclette ?
- C’est vrai, j’ai toujours aimé pédaler, et même parfois dans la semoule, à l’école.

Pour bien savourer la première répartie de la jeune fille il faut se souvenir que le canal de Nantes à Brest, entre Pontivy et Rohan, présente un dénivelé certain et qu’il a fallu construire 54 écluses sur 20 kilomètres pour en assurer la navigabilité. A vélo, on n’est pas exactement sur du plat. Sans être obligé de changer de braquet pour autant, il faut appuyer un peu plus sur les pédales.

Arrivés au camping du Val d’Oust ils posèrent leurs vélos contre le mur de la réception et entrèrent. Pendant que Bernadette réglait les formalités d’inscription Ernest se caressait la barbe et s’éventait le béret tout en lisant, sur le panneau de liège, la légende des photographies épinglées.

- C’est notre camping et on l’aime !
- On y vient depuis quarante ans tous les ans !

Et de fait, c’étaient toujours les mêmes têtes qu’on voyait, celles d’accortes grand-mères à cheveux violine, blanc, poivre et sel, roux, bleu ou noir d’encre : la teinture n’est pas faite pour les chiens non plus, enfin on verra plus loin que peut-être si ! Toutes ces braves dames posaient par groupes de deux ou trois devant leur caravane, leur camping-car, sous leur auvent aux motifs et couleurs fleuris et les reflets dispensés par un soleil breton pour une fois généreux donnaient à leurs peaux tannées des couleurs qui n’étaient pas sans rappeler les premiers shows psychédélique du Pink Floyd de 1967 dans le swinging London sous acide de leur préadolescence.

Toutes, absolument toutes, et c’est cela qui interpellait Ernest, avaient un caniche noir couché à leurs pieds ou fièrement assis sur leurs genoux cagneux. Pas une seule photo de mec en revanche ! Il fallait bien quand même quelqu’un, un Robert, un Roger, un Jean-Paul, un Jean-Claude pour parcourir au volant, en polluant le paysage avec une large caravane ou un camping-car de plus en plus gros au fil des ans, les quelques kilomètres qui les séparaient de ce paradis indéboulonnable. Ce n’était pas qu’elles fussent veuves, assassines ou lesbiennes. Les Pierre, Paul et Jacques existaient bien mais ils passaient leurs journées entre eux, cent mètres plus loin, hors du camping, installés le long du canal avec leurs cannes à pêches, leurs bourriches, leur amorce Dudule « pour que le poisson pullule ! », leur épuisette, leur clope au bec et leur vague à l’âme dans les mirettes.

Ils ne rentraient retrouver Denise, Josiane ou Maryvonne que le midi, pour grailler, et se dépêchaient après le café de regagner leur terrain de chasse. Car ils s’étaient, au fil du temps, les pêcheurs, habillés comme les autres porteurs de carabines : treillis kaki, casquette de militaire, bottes noires et tant pis si comme ce jour-là il faisait vraiment chaud voire orageux. On tombait la veste, on ouvrait une autre Kro et on réécrivait la France en marcel – le maillot de corps, pas Proust, bien sûr ! – ou en T-shirt lettré, orné d’un « Cerné par les cons » par exemple ou d'un autre slogan choisi parmi les milliers de possibilités vestimentaires d’un goût incertain que l’on vend ici et partout. 

AEV 1617-4 JP 107558906

 - On se pose où on veut, Ernest ! Pas d’emplacement numéroté ! J’ai commandé du pain et des croissants pour demain matin.

Ernest remit son cul endolori sur la selle en fox à poil dur de son vétété d’Ertétiste.

Ils repèrèrent les sanitaires afin de planter Céline Dion – c’était là le nom que Bernadette avait donné à sa canadienne – à bonne distance.
- C’est pas pour la vue c’est pour l’odeur ! avait-elle commenté dans un grand rire. Et puis aussi pour ménager tes oreilles sensibles. A cause des Hollandais qui passent leur vie là-dedans à claquer les portes, faire du barouf, bavasser d’une cabine à l’autre et ce même la nuit ! Tu vois comme je prends soin de tes insomnies, hein, Ernest ?

C’est vrai, Ernest avait le sommeil léger. Un rien le réveillait et le réendormissement n’était pas toujours au rendez-vous. Pour ce voyage-là, il aurait préféré séjourner à l’hôtel mais ça ne faisait pas partie du programme. Et de toute façon, à l’hôtel aussi, il s’en payait des nuits à moitié blanches.

- Ici, peut-être, ça ne serait pas mal ?
- OK. De toute façon, j’suis crevé, je rends les armes !

Ils étaient le dos au canal, sur un emplacement tout plat, tout gazonneux, genre « Le cul dans l’herbe tendre » de Michel Simon et Serge Gainsbourg.

 AEV 1617-4 pelouse Adrienne
Photo d' Adrienne

Pendant qu’ils montaient la tente, le ciel se couvrit. Lorsque la dernière sardine fut enfoncée, le dernier tendeur mis en place, ils n’eurent que le temps de se précipiter sous leur abri de toile. L’orage éclatait.

Une averse carabinée se précipita sur le camping. Ca sonnait comme des rafales de mitraillette. Ca ne s’arrêtait pas. Les belligérants au-dehors gueulaient comme des putois : « Fermez le portillon, les gars ! ».

- Quand on ferme le portillon, interrogea Ernest, il fait moins froid dehors ? Ca empêche la pluie de tomber ?
- Je crois que c’est rapport aux caniches noirs ! Tu as remarqué ? Tout le monde a un caniche noir ici ! Elles ont peur que leur cabot se fasse la belle. Qu’il aille faire du vagabondage sur le chemin du halage !
- Que leur clébard ne se barre ! Ils peuvent bien aller se noyer s’ils le veulent. Moi je n’ai jamais eu de chien. Ou alors y’a longtemps. Ou il sentait pas bon.
- « Chien mouillé » ils n’ont pas encore osé le lancer, ce parfum-là, Dior et Givenchy !
- Merde !
- Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
- J’ai le cul mouillé. La flotte… elle rentre dans la tente.
- J’aurais dû emmener un tapis de sol.
- Elle ne rentre pas, la flotte, elle remonte. On est installés dans une flaque. Ca ne serait pas arrivé si on avait choisi l’hôtel.
- Allons, Ernest, ne sois pas aussi bougon ! Je parie que dans vingt ans, tu t’en souviendras encore du camping de Rohan. C’est ce genre de mésaventure qui fabrique les meilleurs souvenirs. Un train qui arrive à l’heure ne reçoit jamais la légion d’honneur !
- C’est peut-être vrai mais en attendant…

Dix minutes après la pluie cessa et le ciel bleu se réinstalla au-dessus d’eux. Ils s’ébrouèrent puis démontèrent le campement pour aller le replanter vingt-cinq mètres plus loin sur du terrain plus propre et plus sec.

C’est Ernest qui fit la cuisine ce soir-là. Faire la cuisine est un grand mot. Il ouvrit une boîte de cassoulet et une bouteille de vin blanc. Encore fallut-il pour cela que Bernadette aille emprunter un tire-bouchon au voisin de la caravane d’en face. Elle avait oublié cet ustensile indispensable à Carhaix. Elle revint de cette expédition complètement pliée de rire.

- Le voisin d’en face… C’est le sosie craché de Bill Clinton comme toi tu es celui de Che Guevara ! Et sa femme n’arrête pas de faire le ménage avec une petite balayette à poils bleus !

Bien qu’il fût fatigué voire esquinté par les coups de pédale et les kilomètres parcourus, Ernest eut du mal à s’endormir ce premier soir. Il découvrit que Bernadette ronflait et que quand on dort, même si on est une jeune fille bien élevée, on n’a aucune retenue. De temps en temps en effet elle lâchait des pets plus ou moins tonitruants pour accompagner ses ronflements. Le cassoulet faisait son effet. Quel charmant voyage cela allait être jusqu'à Lourdes !

AEV 1617-04 JP Che Guevara à vélo

 

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8 novembre 2016

99 Dragons : exercices de style. 38 Métro-nomique / Jean-Paul

1
Le dragon qui sort de sa grotte
A tout d’abord l’œil qui frisotte :
Pas habitué à la lumière
Il cligne, cligne des paupières.

Orléans ! Clignancourt ! Nation ! Porte Dauphine !
Bienvenue, mon Parnasse !

Quelle jolie Laumière en ce début du jOurcq !
Comme il faisait frisquet à la station Glaciaire !

AEV 1617-07 Le-métro-Glacière-à-Paris

2
Bientôt ragaillardi,
Se sentant d’appétit,
Le voilà qui chemine
Direction la cantine.

Bœuf en daube ? Censier Daubenton ?
Le Normand qui débarque en plein cœur de Paris,
Plein de Gaîté place des fêtes,
Il fait parfois son trou à l’entrée des Lilas !

AEV 1617-07 dragon 2

3
O divine et belle surprise !
Laisse ta faim maladive en prise !
Voilà ton repas de midi :
Un troupeau de blanches brebis !

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Danton ? Robespierre, passe encore !
Quelle mouche La Motte-Piquet ?
Qui tire les ficelles du Pantin d’Italie ?

4
Mais, sorti du château voisin

Voici qu’accourt un argousin :
C’est un énorme Saint-Bernard
Qui a dû se tromper d’histoire

Vraiment ? Comme c’est Corvisart !
Voilà qu’il a dit « Corvisart » !
Il a Cité, en Chemin, Pré-Vert et Maurice Chevaleret :
Qui va causer dégâts station Ménilmontant ?

AEV 1617-07 dragon 3

5
- Flambe-les, dit le chien au dragon. Ou tout comme !
Je vais les asperger de mon tonneau de rhum ! ».
Or c’était de l’essence. Ayant ainsi agi, il s’écarte du lieu.
L’autre peu malicieux lâche flamme et…prend feu !

Bêtes à gros museaux, méfiez-vous des saints placides !
Il n’y a plus d’après à Saint-Germain-des-Prés
Et plus de Pyrénées quand on a l’allant Ternes
Et les neurones Invalides.

Faites plutôt emplette à Richelieu-Drouot
D’un club de golfe clair qui rend le marc Cadet
Des soucis des bons poissonniers
Et permet de les Dugommier, les clébards qui gardent le Temple

AEV 17-07 Métro-Poissonnière-Paris

6
On mangea du dragon rôti tout cet hiver.
Saint-Georges ayant raté la bonne correspondance
S’est farci quant à lui les timbrés d’Angleterre
Et leur panse de brebis !

MORALITE

Ne faisons pas Trocadéro (Trop de cas des héros) :
Ils perdent quelquefois
Leurs couronnes, comme les rois.

D'une voix presque muette,
Ils murmurent Cambronne
Et restent sur le cul
Et restent sur le quai
De la Râpée.

10 novembre 2016

Consigne d'écriture 1617-07 du 8 novembre 2016 : Imagidés

Les imagidés


C'est un jeu de l'éditeur Gigamic. Il est composé de douze dés qu'on lance et avec lesquels on raconte une histoire. Pour cette séance, nous n'en avons utilisé que 6.

Nous avons tiré ceci :

Le lieu de l'histoire : une maison
L'émotion qui doit transparaître dans le récit : la colère
Un élément du corps humain : le pied
Un animal : un chat
Un élément fantastique : un fantôme
L'histoire doit comporter un volcan

AEV 1617-07 Imagidés tirage 1

Nous avons effectué un deuxième tirage pour celles et ceux qui écrivent court
ou pour donner le choix entre deux histoires.

Le lieu de l'histoire : une grotte
L'émotion qui doit transparaître dans le récit : la surprise
Un élément du corps humain : l'oeil
Un animal : un chien
Un élément fantastique : un dragon
L'histoire doit comporter un château

AEV 1617-07 Imagidés tirage 2

 

4 décembre 2016

Il pourrait bien neiger / Jean-Paul

Il pourrait bien neiger, quand même, non ?

Le temps s’est mis au froid. Quand on va dehors on met autour du cou son écharpe irlandaise, on coiffe sa casquette irlandaise et on entame sa balade irlandaise, sifflotant « The Irish rover ». Gilles Servat la chante aussi car il l’a traduite en français, cette ballade nord-irlandaise, sous le titre français « Le cul cousu d’or ». 

Si on avait réellement le derrière bordé de nouilles on aurait de la neige à Noël, non ? Après tout, c’est l’hiver qui frappe à notre porte ! comme chantait Rika Zaraï. Pour un peu on écrirait à la façon de Philippe Delerm sur la première gorgée de vodka, celle qu’on verse dans le chocolat chaud aux premiers signes de laryngite.

On a eu fait ça bien à l’avance, cette année, au retour du concert en plein air à Villecresnes. On y avait chanté dehors avec juste deux tee-shirts sur le dos. Jusqu’à deux heures du matin. C’était en septembre. On a soigné la chose et depuis on a une pêche d’enfer.

Le cardiologue vous dit que votre cœur bat encore. On en est ravi ! Une chance, dites donc ! Et il n’y a rien à redire à l’électrocardiogramme. Bien sur la tension artérielle monte à 15,5 - 9 mais comme cela n’a lieu que dans le cabinet médical ; il n’y a pas lieu de s’inquiéter ; « c’est tout à fait normal, dit l’homme de l’art. Vous ne pouvez rien à cela. ».

Alors, quoi ? Où est le souci ?

Il n’y a pas de souci ! S’il y en a un peu plus, laissez-le moi ! Je me fiche de mon plus gros défaut ! Faut pas arrêter Roland Garros sous prétexte qu’il va pleuvoir ! De toute façon je regarde jamais le tennis qu’en V.O. : la voix du doublage, je l’aime pas !

Bref je ne suis pas encore rendu au point où l’on fait les derniers pas au ralenti. Il y a juste que c’est maintenant qu’il faut en profiter.

Alors, oui : il pourrait bien neiger quand même, non ?

 

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27 septembre 2017

Consigne d'écriture 1718-03 du 26 septembre 2017 : Les titres de chansons qu'on n'imaginait pas

Les titres de chansons qu'on n'imaginait pas.

 

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L'animateur distribue une liste de chansons dont le titre peut être jugé pour le moins "inattendu". Elle est extraite du livre d'Alister, "ANTHOLOGIE DES BOURDES ET AUTRES CURIOSITÉS DE LA CHANSON FRANÇAISE" paru aux éditions La Tengo.

Il est demandé de réécrire une ou plusieurs de ces chansons "hon", comme disait Philippe Meyer, en utilisant si on veut des éléments des autres titres de la liste.

Je danse comme un pingouin - L’amour c’est moins con que le chant des oiseaux - Le jour où je deviendrai gros - La salope - Qu’est-ce que tu connais à la samba ? - Le zizi des zombies - Et toi, sexuellement parlant ? - Jean-Noël, c’est Noël ! - Le gibier manque et les femmes sont rares - Elle écoute pousser les fleurs - What tu dis qu’est-ce tu say - Ma fiancée traverse une crise d’obsession sexuelle - Le cœur cibiste, la tête walkman - Les amants sont maigres, les maris sont gras - Oui la mer a bercé tant d’amours dans le creux de ses vagues le temps d’un été - Quand on découvre qu’on est moche - Belles jambes mais alors quelle tête ! - Mes bourrelets d’antan - Chérie, donne-moi du chili - Rien qu’une pute - Laissez-moi crooner tranquille - Bwana Missié blanc - Je me suis retrouvé en tutu - Zombi Dupont - Kafka c’est dansant - Enfermé dans les cabinets avec la fille mineure des 80 Chasseurs - Aah ! la Garantie foncière ! - Ca baigne dans l’huile - Flapie la défonce - Une chanson qui sert à rien - Si j’étais Scott Fitzgerald - Je porte plainte contre mon cœur - Les papous - Je gerbe - Si vous connaissez quelque chose de pire qu’un vampire parlez m’en toujours, ça pourra peut-être me faire sourire - Si t’as levé le coude, lève le pied - Mon Chinois vert - Si j’avance toi tu recules comment veux-tu que - Qu’est-ce que c’est beau dans sa tête ! - Dodus les mollets - Le steak ou complainte de ceux qui ont le ventre vide, considérée comme une gaudriole par ceux qui ont le ventre plein - Erotisme conjugal - Le choix dans la date - Passe-moi l’ciel - Ye Souis un fou dou fandango - Elle faisait prout ! prout ! - La connerie - Ca porte bonheur - Je pue - Va t’faire avorter ma mignonne - So long Aïcha (retour en Irak) - Mon p’tit Q - Je ne suis jamais allé aux putes - L’Officier des chansons de Sardou - La saga des crottes de nez - Faut pas prendre les paysans pour des… - Precox ejaculator - Pas vraimambeau - Quoi de plus redoutable qu’un pet - Bière et fraulein - Mieux vaut ses cils que ses seins - Mr Schubert i love you - Vahiné des Vahinés - Il vendait des téléviseurs aux paysans - Mange pas les bras - La danse du balai, la danse du tapis - On n’est pas des grenouilles - Ringard Star - Métallo mégalo - Je t’hippopotaime - Baise m’encor - On est mieux chez soi qu’à l’étranger - Coucou me revoilou - N’oublie pas la capote - L’amour en verlan - Comment tuer l’amant de sa femme quand on a été comme moi élevé dans les traditions - Bleu blanc rouge et des frites - Qu’est-ce qu’il a ce petit con à marcher sur mon cœur ? - Ringard pour le reggae - J’ai perdu 25 kilos - Les tribulations d’un vendeur de voitures d’occasion - La main aux fesses - Sergent pépère - Bazooka Boum Boum (la reine des punks) - Vivement que ma petite amie soit morte - La barmaid du resto d’altitude des Ménuires - Pershing 2 - Come back to the bonbons - Qu’est-ce qu’il a de plus que moi ce négro-là ? - T’as beau bronzer beau t’as la marque du maillot - Les juifs (c’est pas qu’on les aime pas) - Sample-moi tout simplement - Badabing beng bong - Bon bisou bibi à bébé bambou - Le jour où j’ai rencontré elle - Le pluie ne mouille pas l’été - Les bigoudis par 12 - Les pelouses sportives - Si tu savais, Nelson Piquet - Danse et ferme ta gueule - Le cul sur la commode - Viva Ougadougou - L’amour c’est comme les melons - Tous les dauphins tous les cachalots - Avion, bête, camion, j’en passe et des meilleures - Comme dit Lionel Richie - J’aurais pas dû tuer les p’tits chats - Le parking d’Auchan - Muss es sein ? Es muss sein ! - Pizzaïolo - La mayonnaise - Les petits roberts - La vie commence à 60 ans - Tes lèvres ont le goût du beaujolais nouveau - Une petite fille qui fait des pâtés - J’en perds mes baskets - Où c’que t’as appris à faire l’amour comme ça ? - C’est pas moi, c’est ma sœur - Monsieur Fred Astaire, c’était mon grand père - On a trop fait l’amour ensemble - L’amour, l’amour, l’amour, l’amour - Comme Rambo - Cosmos 77 - La Sainte Totoche - Choux cailloux genoux époux - Fière et nippone - Ne bois pas trop pour Noël ! - T’es vieux, t’es moche - T’es con, t’es moche - T’es beau, t’es moche, t’es con

26 septembre 2017

Le gibier manque et les femmes sont rares / jean-Paul

LE GIBIER MANQUE ET LES FEMMES SONT RARES :
Supplique pour être opéré à l'Hôpital de la Timone à Marseille

se chante sur l'air de la "Supplique pour être enterré sur la plage de Sète" de Georges Brassens

1
Vous n’imaginez pas c’que j’ai fait comm’ boulots !
Explorateur d’enfers, métallo-mégalo
Marchand de casseroles au Harar(e)

J’ai vendu des télés aux paysans d’Ardenne
Mais dans ce grand désert où mon âme se traîne
Le gibier manque, les femmes sont rares.

01 Le gibier manque

2
L’amour c’est aussi con que le chant des oiseaux :
On n’prévoit pas le jour où l’on deviendra gros
Quand on est ivre en la gabare.

J’ai descendu des fleuves absolument grotesques
Et j’ai vu des pays abracadabrantesques
Où l’gibier manque, la femme est rare.

3
Dans les cabarets verts j’ai vu bière et Fräulein,
Ses bourrelets d’antan, muss es sein ? Es muss sein !
Ell’ me surnommait « Ringard Star ».

02 Biere_et_fraulein-1

La danse du balai, la danse du tapis…
Elle s’est envolée, eh bien, ma foi, tant pis !
Le gibier manque, les femmes sont rares

4
Si t’as levé le coude, alors lève le pied,
Rimbaud pas vraiment beau - poète, vos papiers ! -
J’étais vraiment un type bizarre.

Puis la mer a bercé tant d’amours cet été
Que dans le creux des vagues où j’étais balloté
J’ai rencontré la femme-cougar.

5
Ancienne jeune fille qui faisait des pâtés,
Belles jamb’s mais alors quell’ tête ! Mocheté !
Avais-je le choix dans la date ?

03 sacha-distel-le-bateau-blanc-1980-2

Je me suis retrouvé en tutu sur le pont
- O Bwana Missié blanc ! Pauvre zombi Dupont ! -
Avec la chtouille entre les pattes.

6
Ses lèvres avaient le goût du beaujolais nouveau ;
Tous les dauphins dansaient avec ce cachalot
Le dernier tango à la mode.

Tu as beau bronzer beau, t’as la marqu’ du maillot
Aux Ménuires elle était barmaid dans le restau
J’aimai son cul sur la commode.

7
Ma civière est posée sur le pont du bateau
Enivré de douleur, je file, pas vraimambeau,
En direction de la Timone.

Je ne danserai plus, pas même comme un pingouin
Je n’suis jamais allé aux am-putes à Saint-Ouen
Mais maint’nant, en voitur’ Simone !

8
Avion, bête, camion, j’en passe et des meilleures,
Je pourrais porter plainte, au fond, contre mon cœur
Mais je délire et je m’égare.

Antoto Akali Abitchou Chankora
Mindjar Cassam Rouella Hawache et Fil-Ouaha
Le gibier manque, les femmes sont rares.

9
Careyon et Gallas et guerre aux Aroussis
Le chirurgien découpe et ça sent le roussi
Ma sœur prie Dieu dans le couloir.

Galansa ! Boroma ! P’tits roberts ! Burkini !
Choux cailloux et genoux, époux d’Abyssinie,
Le cœur me manque les jambes sont rares.

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10
Si vous me confisquez mes membres inférieurs
Vos villes deviendront des cloaqu’s en chaleur
Vous ne trouverez plus d’ivoire.

Comm’ j’hippopotaimais cette amante irascible
Verlaine me hurla dessus – j’étais sa cible –
« Pwète à la manque ! Faiseur d’histoire ! »

05 je t'hippopotaime 4800

11
Ô Terre du Harar ! O portes de l’Eden !
Misères de ma vie finies à l’Est d’Aden !
On a trop fait l’amour ensemble !

Quoi de plus redoutable, au fond, qu’un pet sonore ?
Langage, emporte-moi, tue-moi ou baise m’encore !
Ô tant je t’aime que j’en tremble !

12
Ô Dieu ! Mon Chinois vert, passe-moi donc le ciel !
J’écouterai pousser les fleurs du violoncelle,
Mettrai les bigoudis par douze

Aux cheveux du Destin, aux chercheuses de poux
Et je te scanderai les chansons des Papous
Pour que se termine… ce blues !

7 juin 2016

Eloge de l'escargot / Jean-Paul

Amitié

Chez les escargots l’amitié est longue à venir mais quand elle est là, elle dure longtemps. L’escargot est très amical et pas du tout sectaire. Axel Bauer a chanté l’amitié d’un escargot avec deux nuits du Groënland.
Non, vous ne vous rappelez pas « Escargot deux nuits » ?

Et Jacques Prévert a infligé à moult escholiers l’histoire de ces deux escargots qui allaient voir pour la dernière fois une feuille tombée dans l’automne de sa vie et pas dans l’oubli cependant.

L’escargot est aussi comme moi, très ami avec les zeugmas. 


Couple

Lorsque, chez l’escargot, l’amitié devient amoureuse, Roméo ne fait pas de déclaration à Juliette, ni Tristan à Yseut, ni France Gall à Michel Berger, ni Jerôme Cahuzac à Madame l’Administration fiscale.
En effet l’escargot est hermaphrodite : il est tantôt il et tantôt elle et de fait on n’a jamais vu chez cet aimable gastéropode de manifestation pour ou contre le mariage pour tous.
Dans les villages d’escargots il n’y a de toute façon ni mairie, ni église, ni officier d’état-civil.
Quand ils veulent fonder un couple les escargots se mettent en ménage et ils vivent à la colle.

Art de se taire

Personne chez nous les humains n’organise de rendez-vous nocturne pour aller écouter, au plus profond de la Sologne ou ailleurs, en Bourgogne par exemple, le brame des escargots en rut.
L’escargot possède, tout comme la girafe, l’art de se taire dans les moments les plus intenses de sa vie. Son « Rhâââ lovely », son « Encore ! Encore ! », son « Mets ton doigt où j’ai mon doigt », son « Refais le me le », nul ne peut se vanter de les avoir entendus joints à des cris de joie ou des bruits de jouets jouasses quand en juin ou juillet l’escargot jouit ou se paie une toile (forcément de Jouy, si j’osasse).
C’est tout juste s’il émet un léger « Crac » lorsqu’un promeneur distrait écrase par mégarde son logis portatif. Alors que vous, il faut voir et surtout entendre les cris d’orfraie que vous poussez lorsque vous laissez tomber votre Iphone 6 et que son écran se brise ! 

Cuisine

L’escargot n’aime pas entrer dans la cuisine des hommes. Par nature il déteste l’odeur de l’ail.

Gendarme couché

Nous l’avons écrit plus haut, l’escargot est très amical. Il a bien voulu faire cadeau de son nom aux routiers sympas ou pas qui se traînent sur la rocade de Rennes ou sur le périphérique de Nantes afin de protester contre la loi travail ou l’emploi de main-d’œuvre des pays de l’Est dans les transports internationaux. Ce sont les fameuses opérations « Escargot » et quand il y en a les gendarmes ne sont pas près d’être couchés. Ils dévient le trafic et parfois même, quand ils ont quelque chose en eux de Tennessee, ils dévient Crockett.

Par contre là où le panneau de circulation indique un gendarme couché c’est l’escargot qui ne dort pas. Il lui faut en effet escalader chaque jour trente centimètres le long du panneau et en redescendre vingt la nuit. Comme le panneau mesure 1,80 mètre on demande à l’escholier de CM2 au bout de combien de temps l’escargot atteindra le sommet, sachant que l’année est bissextile, que le capitaine a 55 ans et que la baignoire perd O,25 litres tous les cinq litres depuis que Toto y a percé un trou avec la chignole à Papa.

Nudisme

La limace est une espèce d’escargot qui pratique le nudisme dans les jardins bien entretenus plutôt que sur les plages de sable fin. Elle est comme toute le monde, elle n’aime pas avoir du sable dans la raie des fesses.

Pour sortir de sa coquille cette grande folle un peu timide en a bavé mais elle n’est pas récompensée pour autant : en effet, même débarrassée de son dressing-room portatif, la limace à poil dur n’avance pas plus vite que l’escargot encore chargé de son home sweet home. Comme quoi rien ne sert de vouloir courir plus vite que l’ombre de la tortue qui se tire.

Helpdesk d’argot : Même si elle est aussi lente qu’un escargot, la limace est assez habile pour ne jamais se faire cravater quand elle se promène sans chemise et sans pantalon au nez et à la barbe d’un gendarme couché.

Ulysse

Quand Ulysse est rentré à Ithaque il a d’abord dû se farcir le décès de son chien, Argos, sous ses yeux. Le clébard était tellement ému de la réapparition de son maître qu’il a fait une crise cardiaque carabinée dont il ne s’est pas remis.
Puis il est allé retrouver Pénélope. Il a vu qu’elle avait dix ans de plus mais il s’est dit que lui aussi alors il n’a rien dit. Il a vu qu’elle était toujours aussi baba et cool et du coup ni l’un ni l’autre n’ont fait de crise cardiaque.
Mais quand il a vu la tapisserie toujours pas terminée, il n’a pu s’empêcher de demander :
- C’est quoi ce travail de gendarme couché ? »
Il faisait référence au problème de l’escargot qui escalade le panneau indicateur « Guerre de Troie » le jour et redescend la nuit et qui empoisonne la vie de tous les escholiers de la planète depuis que Charlemagne a inventé l’école.

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Sourire

L’escargot ne peut pas éclater de rire. C’est là une action beaucoup trop violente et beaucoup trop rapide pour lui. Tout juste esquisse-t-il, quand on lui conte une plaisanterie grasse, un long sourire d’acquiescement qui met du temps à disparaître. C’est pourquoi, malgré sa présence active dans le secteur de Chester, l’escargot a été dédaigné au profit du chat par Lewis Carroll lorsqu’il s’est agi de mettre dans ses « Aventures d’Alice au pays des merveilles » un personnage à sourire clignotant sur la branche d’un arbre magique.
De toute façon, l’escargot n’escalade que les panneaux indiquant un gendarme couché et ceux-ci n’existaient pas encore à l’époque.

Haïku

L’encyclopédie
De l’escargot Diderot :
Un simple haïkaï !

Rapports

C’est un escargot qui reçoit un SMS sur son téléphone :
« J’ai très envie de toi. Mais ce soir ce n’est pas possible. J’ai la garde des enfants. Et j’ai des principes ».

Il répond à son correspondant qu’il a soixante-dix ans et qu’il doit s’agir d’une erreur de destinataire.
Alors le premier confirme en répondant :
« Désoler » [sic].

Et l’escargot de demander, oralement, à son entourage :
- A votre avis, c’est un homme ou une femme qui m’a envoyé ce SMS ?

Moi j’ai tendance à penser que c’est une femme : les hommes n’ont pas de principe.
En même temps, j’ai tendance à penser que c’est un homme : les hommes n’ont que des rapports très éloignés avec l’orthographe.

Finalement, c’est très bien que l’escargot soit hermaphrodite !

7 novembre 2017

Bardamu et Lanervure / Jean-Paul

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C’est l’histoire de deux mecs. Je sais, chères amies du mardi, ce n’est pas idéal pour faire rêver, un incipit pareil !

Les deux mecs, le délabré et le baladin, quand le videur les amène dans le rond de lumière, on voit bien qu’ils n’ont pas bu que de l’eau minérale !

Le premier s’appelle Bardamu. Il a une tête de bedeau livide, pâle d’avoir dansé le laridé jusqu’à épuisement. Il a l’air de ruminer sa vengeance car quelqu’un lui a délivré un méchant gnon et il saigne de la lèvre.

Au fest-noz par ici, avec ou sans sosie d’Assurancetourix, ça barde ! Le nervi ne badine pas avec le blaireau, surtout s’il est aviné et taquin. Ici, sans vouloir médire, on cogne assez facilement sur le blair du débile en bermuda mauve !

Le deuxième s’appelle Merlin Lanervure. C’est autre chose comme vermine ! Un mineur de seize ou dix-sept ans, une espèce d’Aladin qui se fait reluire à la moindre occasion, un petit branleur, quoi ! On ne se lasserait pas d’admirer son œil bleu et gaulois, sa livrée idéale d’amiral en goguette, son air madré de type imbu qui a déjà avalé plus d’une brimade et culbuté maintes ribaudes en buanderie. S’il n’était pas accompagné de l’autre endive à barbe folle, on l’imaginerait bien en chef de bande malin à la tête d’une armée de ramiers veules prêts à partir en live, à libérer du délire vil, viril et velu, à mouliner à vent et à coups de chaînes de vélo au moindre signal du jeune merle.

Mais pour l’heure le videur reste calme sous son luminaire. On ne sait lequel des deux buveurs est le plus abîmé, le plus barré. Bardamu est parti éliminer sa bière : il urine contre la rambarde du pont sur la Vilaine. Lanervure brame des balivernes aux étoiles comme quoi un navire enivré ne se sent plus bridé par les valeurs.

Bref c’est l’histoire de deux mecs qui terminent leur nuit débridée en virade au drame ordinaire. Rien d’exceptionnel à mettre dans l’album cette nuit. Et zut !

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Le lendemain matin, à onze heures, Bardamu se sent comme enfermé dans une armure de plomb au réveil ! Il se lève, tire le rideau et la tronche. Une brume épaisse a envahi la ville. Pas moyen de trier le bon grain et l’ivraie. Ah la débine ! Il s’aperçoit qu’il a vomi sur la moquette vert amande de la chambre.

Merlin Lanervure pionce encore parmi ses livres et ses revues, le visage raviné et le sexe raide, en train de bander, au milieu de cette animalerie qu’est devenu leur gourbi.

Bardamu aimerait bien se libérer de l’emprise de Merlin. Ne ferait-il pas mieux de se barrer, d’aller se balader le long de la rivière, de mettre un terme à cette braderie sans rime ni raison de leurs jeunes années ? Après tout, n’est-il pas le mari d’une jeune femme, enceinte, un peu sotte, très bavarde, certes, mais qui pourrait dire, elle, où se trouvent le Mir laine et l’Alka-Seltzer ?

Bardamu et Lanervure…

Quelqu’un leur a jeté un sort à ces deux mecs. Ils sont les victimes d’un maléfice puissant.

Un peu comme Verlaine et Rimbaud, si vous voyez ce que je veux dire !

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14 mars 2017

J'IRAI VOTER QUAND MÊME !

Mais que font les ligues de vertu ?

Nous sommes là pour voir sortir de nos rangs le meilleur d’entre nous.

Nous lui accorderons, afin qu’il crée du lien, le grand sisal de la confiance qui tisse l’harmonie entre les citoyens et ouvre le chemin d’un avenir meilleur.

Nous lui signerons un visa de cinq ans pour qu’il gouverne le bateau et nous sorte des eaux troubles de la crise. Nous sommes sympathiques, nous. Et que se passe-t-il ?

Au fur et à mesure que nous écoutons les médias nous découvrons que dans l’arène où plus d’un homme d’honneur jadis boxa, là-même où l’on condamnait unanimement les retournements de veste, nous avons droit désormais à de la distribution de costumes, au remboursement, à l’aide de la cagnotte de l’Etat, de l’argent de poche des enfants de députés et nous sommes confrontés à une complexité quasi nodale en guise de manquement à la parole : un gordien vaut mieux que deux tu l’auras ! Bref, sous cette avalanche de nouvelles incroyables, devant ce spécialiste du ski hors-piste, nous restons cois. Sans doute parce que trop, c’est trop, Cadéro !

 

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On voudrait nous soûler au punch qu’on ne parviendrait pas au dixième de ce résultat-là. Le punch de l’actualité nous envoie valser au pied de la haie, groggys, désemparés, ne sachant plus où nous créchons.

Car de l’autre côté, la situation n’est pas plus gaie. Il va falloir que je relise le règlement de la primaire afin de comprendre pourquoi personne ne se tient à ce qu’il a promis. Tous ces partis qui explosent, ces girouettes qui volent dans tous les sens et tou(te)s les pata-quès, je suis désolé de l’écrire mais… les couilles m’en tombent !

Bien sûr je les ramasse, parce que je sais qu’en Bretagne tout peut toujours resservir.

Qu’en penses-tu, toi, Louisa ? Et que prépares-tu dans le fond du garage ? Comment ? Mais c’est mon matériel pour pêcher à la ligne ?

Non, non, soyons sérieux ! Disons que je n’ai rien dit. Laissons les poissons tranquilles. Le gars à qui on offre des costumes, ce sera bien quand même s’il se ramasse une veste… gratos !

30 mai 2015

Ganimède alors : un récit de Camille Cinq-Sens / Jean-Paul

La dernière fois qu’Isaure Chassériau a rendu visite à son oncle Camille Cinq-Sens, elle a eu droit à un règlement de conte en bonne et due forme. A force de fréquenter des artistes dans son café du Vieux Saint-Etienne, rue de Dinan, à Rennes, voilà que l’oncle Camille s’est mis en tête de devenir « conteur énervé » :

- Pour commencer ils ont supprimé l'option apprentissage du latin et du grec dans les collèges. Certains d'entre eux ont justifié la mesure en disant que c'était là un refuge pour les élites. Ils ont condamné l'entre-soi mais ne vivent-ils pas tous entre eux ? Les ministres n'épousent-ils pas des journalistes, les footballeurs des mannequins, les philosophes des actrices ?

Et puis après la destruction de Palmyre, ils n'ont pas voulu être en reste. Ils en ont remis une couche sur la sécurité : ils ont interdit les religions polythéistes. Ca n'avait absolument rien à voir avec le sujet mais c'est quand même comme ça qu'on s'est retrouvé tous au bloc, Hermès, Zeus, Héphaïstos, Vénus, Athéna et les autres.

Je ne sais pas comment on s'est fait piéger ni ce qu'on trafiquait dans la bibliothèque de l'Université de Rennes 2 mais quand l'alarme incendie s'est déclenchée tous les étudiants sont sortis et nous pas. Les pompiers qui sont entrés n'étaient pas de vrais pompiers. On n'y a vu que du feu. Ils ont lancé des fumigènes, se sont couvert le nez de masques, ont fait éclater des capsules spéciales. C'est incroyable comme ça gaze à l'Université de Haute-Bretagne depuis qu'ils ont refusé la fusion avec leur voisine de Rennes 1 ! Ils doivent avoir une UFR d'Info-com’ particulièrement soporifique parce que pour être endormis on a été bien endormis, enfumés, enchaînés puis enchristés.

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Car depuis on croupit à la prison Jacques Cartier. Personne n'en sait rien parce que ça fait plus de deux ans que la prison est vide. Ils ne savent pas ce qu'ils vont faire du bâtiment. Moi je peux vous dire à quoi il sert en attendant : c'est devenu le Guantanamo des dieux en voie d'oubli ! La prison Jacques Cartier de Haute Sécurité !

- Comprenez-moi, les gars, les filles, a dit le directeur de la taule. Les mômes d'aujourd'hui n'ont plus rien dans le citron. Avec ce qu'ils gurgitent sur Ternette ils ne savent plus aligner un sujet, un verbe et un complément. Alors du coup ils alignent les profs dès qu'ils leur causent histoire des religions ou éducation civique. Ils le traitent de raciste comme font le jazz et la java dans la chanson de Nougaro.
Vous, messieurs-dames, vous avez fait votre temps ! Ca fait plus de 2000 ans que vous enquiquinez le monde avec vos coucheries, vos fâcheries, vos numéros de magie, vos oripeaux fripés, votre mythologie et vos mites au logis.
En plus, comme dirait Janus, vous nous compliquez l'existence avec vos prénoms bilangues même pas classes : Vulcain-Héphaïstos, Zeus-Jupiter, Junon-Héra, Kama-Soutra, Mercure O'Chrome... Comment voulez-vous que les mômes s'y retrouvent là-dedans. Ils y perdent leur latin dans vos « monsieur et madame ont un fils » !
Et puis des dieux qui se transforment en taureau, en cygne ou en pluie d'or pour séduire des gonzesses, ça fait quand même un peu grosse tache à l'heure du mariage pour tous, non ? Pas un seul d'entre vous qui aille se faire voir chez les Grecs alors que vous en venez de chez la belle Hellène, c'est pas un drachme mais avouez que c'est limite homophobe, votre discours religieux, non ?

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Alors je suis sympa. Je laisse les portes des cellules ouvertes, vous vous baladez comme vous voulez dans la prison, mais pas de tentative d'évasion s'il vous plaît, OK ? De toute façon tout est hyper sécurisé ici."

On n'a rien entravé à son charabia.

Là-dessus le temps a passé. Supers-pouvoirs ou pas, Dieux de l'Olympe ou pas, il faut reconnaître que les mecs sont balèzes. Plus rien ne marche pour nous : Zeus ne commande plus à la foudre, l'enclume de Vulcain pèse juste le poids d'un édredon, Héra périclite et Vénus ne monte plus.

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Il n'y a plus que Neptune qui nous fait rire encore un peu de temps en temps. A la dernière visite médicale la doctoresse, Madame Trépas, lui a trouvé un profil d'étape des Pyrénées dans le tour de France au niveau de ses gamma-globules Marilyne ou de ses lipides amniotiques, on ne comprend rien ni à leur vocabulaire ni à leur écriture à ces Esculapes de seconde zone !

- Qu'est-ce que vous voulez que ça me fasse, Madame le Major ? qu'il a répondu. Vous ne croyez tout de même pas qu'on a le même sang de navet que vous autres les humains, Palsambleu ? On n’est pas de la même veine !

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Eh bien, colère ou pas, il a quand même eu droit à une deuxième prise de sang de contrôle qui n'a absolument rien donné par rapport aux critères des hominidés qui n’ont pas idée de ce que nous sommes ! Et là, gag : toute sa chimie est plus que normale, dans la fourchette prévue, pile-poil au milieu même !
C’est quand même bien bizarre, je vous l’accorde, qu’un sous l’eau comme ça ne développe même pas le début d’un embryon de cirrhose de la foi. Sans compter qu'avec sa fourche il se goinfre comme pas deux de choucroute de la mer et mange plutôt comme quatre. C'est normal : quand nous on a la dent, lui il a le trident ! La toubibe était drôlement vexée. Du coup elle lui a prescrit une analyse d’urine.

- Ah non, pas Wagner ! L'analyse du Ring, Wotan en emporte le vent ! Autant relire « Les Chevaliers de Königsfeld » et tourner en rond sur le circuit du Nürbürgring avec Michel Vaillant !
- Je ne vous parle pas d'analyse du Ring, je vous dis que nous allons analyser-vos urines de 24 heures.
- Dûment ?
- Je vous fais une ordonnance. Vous retournerez à l'infirmerie voir Mme Lapis-Couse.

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Le temps a passé. Neptune s'est occupé de sa quatre-chevaux dans l'écurie de la prison, à côté de l'endroit où Héphaïstos chantait avec Orphée la chanson des « Filles des forges », un tube local en acier.
Et puis le doute s'est insinué dans son peu de cervelle. A force de vivre sous la flotte, ses neurones prennent l'eau et le doute s'insinue parfois sous son crâne.

Il s’est dit qu’il n'avait jamais fait d'analyse d'urine de sa vie et qu’il aimerait bien savoir finalement comment ça marchait ce truc la, si ça ne débouchait pas sur une séance de touche-pipi avec Mme Lapis-Couse qui lui avait semblé jeune, jolie et désirable. Dans le « Dictionnaire des histoires drôles » d'Hervé Nègre qu'il avait dégoté à la Bibliothèque de la prison il avait lu des histoires de banque du sperme qui l’avaient bien fait marrer. Pourquoi ne pas se prêter au jeu de la médecine humaine ? Cela pouvait s'avérer drôle finalement, comme expérience !

Alors le mois suivant, parce que du temps avait passé et que les dieux ont tout le leur, il a poussé la porte de l'infirmerie. Mme Lapis-Couse était au téléphone. Il a attendu patiemment, regardant la décoration murale le à base de toiles mi Picassiettesques, mi Pop-Artistiques mi Andywarholiennes.
A un moment donné, Mme Lapis à raccroché le bigophone.

- Bonjour. Vous aviez rendez-vous ?
- Je ne crois pas. C'est le docteur Trépas qui me renvoie vers vous pour une spécialité maison.
- Donnez-moi votre ordonnance et votre carte Vitale.
- L'ordonnance je l'ai, mais la carte Vitale, nous autres, dieux immortels, on en a pas besoin.
- Vous avez votre flacon?
- Un flacon ? C’est un peu amphore de café, le docteur ne m’a pas parlé de ça ?
- Je vois, a fait Madame Lapis-Couse visiblement excédée. L'objectif est de collecter vos urines pendant 24 heures. Je vous donne ce bidon de deux litres cinq. Un jour où vous restez chez vous…
- On ne peut pas sortir d'ici, Madame, c’est une prison. On est comme les verres de Saint-Etienne ou de Saint-Gobain, on est consignés.
- …Vous allez faire pipi dedans. Les urines du matin au réveil du premier jour ne comptent pas, vous les jetez. Les suivantes vous les lovez là-dedans.
- Ah oui ! Pisse and love, je connais, c’est mon trident mais à l’envers dans un rond.

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- Je ne comprends rien à ce que vous dites. Si le bidon ne suffit pas vous mettrez le surplus dans une bouteille en plastique.
- Formidable, a dit Neptune. Je commence demain et je reviens vous voir quand le bidon est plein.

Poséidon - c'était là son pseudo quand il coinçait la bulle entre deux vagues à l’âme et surfait sur le net - rentra chez lui et posa le bidon à côté de sa gamelle.

Il laissa passer un autre mois. Ca n'était pas aussi excitant que cela, finalement. Et puis quand même un jour il se dit que c'était peut-être au moment de l'analyse qu'il se passerait des choses avec la jolie infirmière.
Alors ce dimanche-là, précautionneusement, il pissa dans le bidon comme si c'était dans un violon, avec âme. Bien qu'il eût bu du café et quantité de vin au banquet du midi il ne remplit guère qu'un petit demi-litre.

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Quand il se présenta à l'infirmerie le lendemain à 8h00 il eut peur de paraître ridicule, genre le mec qui joue petit bras ou qui a la prébende un peu plus que molletière.
Mme Lapis-Couse lui fit juste remarquer qu'il n'avait pas rempli… les données nominatives sur l'étiquette du bidon.
Il le fit, mettant juste des croix là où l'on demandait la date de naissance.

- Vous avez commencé à uriner à quelle heure ?
- Je ne sais pas… A neuf heures ?
- Alors je ne peux pas les prendre. Il faudra compléter et revenir me les donner à 9h00.
- Mais attendez ! C’est que je vais au boulot, moi, et puis j'ai plus envie !
- On vous avait dit les urines de 24 heures ! 24 heures c’est 24 heures ! Je vais devoir noter que les conditions du test n'ont pas été remplies convenablement !
- Si vous voulez ! Je m'en fiche un peu du reste : je ne sais pas ce qu'elle cherche la médecine-woman ! Moi ce que je sais c’est que je ne suis jamais malade. On a tous une santé du tonnerre de Zeus et on a en permanence une forme olympique.
- Les résultats… vous passerez les prendre ou on vous les envoie ?
- Je passerai les prendre. J’adore avoir rendez-vous avec vous !
- Ils seront prêts demain soir. Tenez voilà le ticket pour venir les retirer.

Il le mit dans la poche intérieure de sa toge. Il attendit la suite mais rien d'autre ne vint.

- C'est bon vous pouvez partir. Vous attendez quoi ?
- Vous ne regardez pas mon pipi ?
- Non, on va l'envoyer au labo.
- C'est tout alors ?
- Oui c'est tout. Bonne journée !

Neptune est sorti un chouïa déçu et frustré.
Le temps a encore passé.
Il n'est jamais allé chercher les résultats.

V’là l’boute, ma chère Isaure. »

Isaure Chassériau a regardé son oncle Camille Cinq-Sens avec des yeux en billes de loto.
Quand il racontait ce genre d'histoire mi-iatrophobe mi-y’a trop bu elle se demandait toujours si c'était du lard ou bien du cochon.

6 juin 2017

Une semaine de vacances / Jean-Paul

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Deux oreillers s’aimaient d’amour tendre jusqu’à ce qu’un polochon vienne troubler la paix du ménage. Leur brouille naquit sur un tissu de mensonges, vous allez comprendre pourquoi très vite quand je vous aurai dit que cela se passe en juillet dans la maison de vacances de Roméo et Juliette.

Appelons comme ça ces deux quadragénaires. Ils travaillent tous les deux, ils sont cadres moyens, ils ont deux enfants et depuis qu’ils ont acheté cette résidence secondaire sur la Côte d’émeraude, ils viennent y passer tous les week-ends. Tout au long de la semaine, les deux oreillers brodés de leurs initiales, que nous nommerons R et J, ont la paix vu que Roméo et Juliette retournent bosser ensuite à Rennes.

Quand il n’y a pas d’humains dans la pièce les oreillers s’envoient en l’air. Le plumard, c’est le meilleur moyen qui existe pour ne jamais se plumer. Il faut voir comme ils n’arrêtent pas ! Quand Roméo et Juliette sont là, R et J vivent plus calmement. A tête reposée. Ils ne sont pas mécontents du tout de leurs propriétaires qui lisent beaucoup au lit. Par-dessus leurs épaules R et J ont ainsi des nouvelles des mondes imaginaires qui peuplent les romans.

Mais voilà : la maison a coûté cher et c’est la crise. Afin de rembourser leur emprunt Roméo et Juliette la mettent en location en juillet-août. Et on y est.

Voici donc la famille Tuyaudepoêle-Recomposé qui débarque. Il y a Monsieur Tuyaudepoêle avec ses trois garçons d’un premier lit, Madame Recomposé avec ses deux filles d’un premier canapé-lit et le petit dernier, Chevalier-Braillard Tuyaudepoêle-Recomposé qui est là pour sceller la nouvelle union.

Dans la famille Tuyaudepoêle, les enfants sont rois. Les trois frères, Georges, Jacques et William ont réclamé de dormir dans la chambre de Roméo et Juliette et l’ont obtenu, jurant qu’ils roupilleraient mieux là, bien sagement, le soir, épuisés qu’ils seraient par les jeux de plage et les bains de mer. Ils ont amené un grand traversin trouvé dans les placards et du coup on a mis R et J dans des coffres. Séparés, les coffres.

A l’intérieur du premier, R a vécu une semaine de promiscuité avec une couette en plume d’autruche. Dans le second J. a côtoyé de manière très proche un édredon et un coussin de bergère en forme de cœur.

De quoi était constitué le tissu de mensonges dont nous parlions au début ? C’est très simple : tous les soirs les garçons Tuyaudepoêle et les filles Recomposé se sont adonnés à d’homériques batailles de polochons. Ces parents modernes, avec leurs lubies de bains de minuit, de tour au casino, de restaurant en amoureux ou de promenade au clair de Lune de Chevalier Braillard dans sa poussette, c’est permissif à un point qu’on n’imagine pas !

Mais bon, la semaine est finie, ils sont retournés chez eux et Roméo et Juliette sont revenus mettre la maison en état pour la location suivante.

Mais pour R et J, ça n’est plus pareil.

Maintenant que les propriétaires sont repartis, chacun des oreillers se taie. Non, pardon, se tait.

J rêve d’un retour de la famille foldingue. Afin de retrouver ses compagnons de partouze.

R espère que le pavillon sera loué tout l’été à d’autres tribus du même type. Pour la même raison.

Il faudra que je demande à mon psychanalyste pourquoi les monte-en-l’air, inconsciemment, rêvent toujours de se faire coffrer. Il sait peut-être, lui !

6 juin 2017

Débordement / Jean-Paul

Une rivière en avait marre de vivre sous les ponts, de refléter le soleil puis la lune et quelques pêcheurs à la ligne. Elle décida de sortir de son lit. Il était temps, elle approchait les 50 berges !

Par bonheur pour elle, les hommes avaient inventé le réchauffement climatérotique. Tout le temps était tout le temps détraqué et un jour, deux jours, trois jours durant, il se mit à pleuvoir du pont. Du pont des Arts, pour être précis, il plut des cadenas et des rambardes.

Quand toutes ces amours ou preuves d’amour furent tombées dans l’eau pour y rejoindre les clés des cadenas et les amours de Guillaume Apollinaire, la Seine, car c’était elle, déborda de reconnaissance :

- Ah merci, merci, Pont des arts, Averse et Pluie de cadenas ! Depuis le temps que j’étais serrée dans ce lit ! Je ne pouvais même pas étendre mes bras ni sentir le sang affluer à mes joues ni même jouer à l’habile beau quai ! De quoi perdre la boule !

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Et la Seine d’envahir Paris, de se répandre en bavardages dans ce nouvel entourage, d’aller rire au nez et à la barbe du zouave du pont de l’Alma, de mettre la main, comme une sœur, dans sa culotte, de se moquer de sa chéchia.

- Fichez le camp sur le champ ! » ordonna la statue du militaire.

Ça tombait bien, le Champ de Mars n’était pas loin. Elle s’ébattit gaiement sur ce nouvel espace mais soudain elle entendit une grosse voix qui lui disait :

- C’est ça ! C’est ça ! Entrez dans mon cabinet sans rendez-vous ! Allongez-vous sur la canopée, pendant que vous y êtes !

- Oh je ne monterai jamais jusque là-haut, répondit la graine d’évaporée. Car il est dit dans le « Livre sacré des fleuves et des rivières » que l’histoire du patriarche de la Noë est une légende lutécienne non vérifiée. Mais qui êtes-vous donc, Monsieur ?

- E.I. Felturm, psychanalyste. Qu’est-ce qui vous amène ? Vous avez de la chance, je le suis aujourd’hui. Amène.

- Eh bien voyez-vous j’avais comme qui dirait une petite envie de m’épancher et j’ai trouvé une fenêtre de « j’me tire ».

- Allongez le pognon et vos fesses sur le champ et racontez-moi vos débuts dans la profession. Remontez bien à la source, surtout !

AEV 161729 4626- Eh bien voilà, Docteur Felturm, c’est assez oedipien comme comportement et somme toute naturel pour un fleuve : j’ai toujours eu envie de voir la mer ! Alors je me suis nourri de ce rêve, de l’eau qui tombait des nuages, j’ai grossi, j’ai tracé mon chemin, j’ai fait les quatre cents coups dans le calcaire, j’ai suivi ma voie, j’ai coulé des jours heureux, j’ai passé l’été en pente douce, puis j’ai décliné…

Il s’ensuivit tout un flot de paroles plaintives, une dégoulinade de souvenirs en cascade, d’épanchements de Seino-vie que le psychanalyste écouta impassible. Ou plutôt il entendit tout ce roman-fleuve comme un clapotis de potins, des bruits de vagues et de ragots de virago, une remémoration de murmures sous ramure qui l’endormirent presque. Il se demanda si la cliente ne lui montait pas un bateau-mouche tant elle versait de larmes sur son sort de voyageuse énurétique en perpétuel transit avec des aspirations au voyage vers le large à la longue étouffées sur les bords. Quand elle eut vidé suffisamment son sac il l’arrêta et lui dit :

- Rentrez chez vous, remettez-vous au lit et laissez faire les choses. Ne traitez que le courant. Vous allez la voir bientôt, la mer. Vous allez le trouver, votre havre de paix. Si vous êtes pressée, vous n’aurez qu’à regarder le film homonyme d’Aki Kaurismaki en DVD. Ou alors en streaming.

- Merci beaucoup, Docteur Felturm. Je vous dois combien ?

- Il est d’usage qu’on me paie beaucoup et en liquide mais pour vous ce sera gratuit. D’habitude on me casse les pieds avec de vieilles histoires mais vous, vous me les avez lavés avec des rêves d’avenir. J’ai juste une chose à vous demander.

- Oui ?

- Vous avez une voix de crécelle un peu énervante. Aussi, quand arriverez aux Andelys…

- Oui ?

- Bouclez-la !

P.S. Cette histoire d’inondation de Paris était totalement imaginaire mais il est tout à fait possible – vous m’en verriez alors ravi - que certaines et certains d’entre vous l’aient… crue !

AEV 1617-29boulevard-haussman-crue-de-la-seine-1910

Pour voir d'autres images de la Seine en crue, c'est ici.

30 mai 2017

Un léger sentiment d'Eugène / Jean-Paul

IL 170529 Amaury-Duval par DevériaEugène Amaury-Duval (1808-1885), dont un site anglo-saxon prétendait jadis, à tort, qu’il écrivait sous le pseudonyme d’Isaure Chassériau, n’a jamais vu aucun de ses manuscrits littéraires édité. Si j’en crois les perles que j’ai relevées dans son roman « La Couleur des sentiments », il y a quand même de bonnes raisons pour que les éditeurs aient laissé cela à l’état de relique dans mon grenier déjà trop plein de vieilleries :

« Quand l’heure du crime sonne, le roi s’empourpre. C’est qu’il est indigné quand l’un dit « go » et que l’autre se désape. »

« Bien souvent, quand on est mis K.O., on va au tapis. Le tapis n’est pas vert mais par contre, parfois, l’œil est au beurre noir. Comme la raie du combat signifiée par l’arbistre. »

« Heureux celui qui voit la vie en rose s’il a fait faire la paix aux rouges qui affrontaient les blancs. »

« Il n’est jamais totalement hilare, celui qui rit jaune, sauf si c’est un Bouddha au restaurant chinois. »

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« Difficile de rester impavide si tu commandes du rosé et que tu vois le barman mélanger du rouge et du blanc. »

« Par-delà la beauté de leurs pelages fauves, de leurs robes alezanes, leurs crinières tourdilles, si un cheval bai vient à déposer son crottin, on peut très bien être incommodé par cette odeur. Aucun parfumeur jamais ne baptisa un de ses produits « Écurie » ou « Fumier ». Ça se saurait ! »

« On peut rester interdit devant ce panneau : un trait rouge horizontal sur un fond circulaire blanc. Est-ce bien sensé, tout cela ? »

« La moutarde monte au nez de l’irascible dont la maison aux murs moutarde fut ornée cette nuit d’un tag noir anthracite. Pour un peu il en broierait. »

« Lorsque la rose est réséda, le croyant, incrédule, ne sait plus à quel saint se vouer. L’incroyant non plus ! »

« Les enfants joyeux s’élancent dans une danse capucine. »

« Libérée de l’obscurité elle met le nez dehors et voit le soleil se lever.
Libérée de l’obscurité elle met le nez dehors et voit le soleil se lever.
Libérée de l’obscurité elle met le nez dehors et voit le soleil se lever.
Libérée de l’obscurité elle met le nez dehors et voit le soleil se lever.
A la quatrième taupe, il était six heures du matin. »

IL 170529 Amaury-Duval Hyppolite Bayard et Bertall, coll« Quelquefois, on est à la noce. Et ce n’est pas forcément une mariée en blanc qui vous emmène au septième ciel. Cela vaut mieux, d’ailleurs, pour tout le monde : il n’y a plus que les homosexuel(le)s qui se marient aujourd’hui. Ça limite les occasions d’être à la noce. »

« Parfois Tartuffe battait sa coulpe : il lui serrait la haire chair avec une discipline aubergine. »

« De voir toutes ces vieilles photos, ça peut vous foutre le bourdon. Surtout si vous avez vécu à l’époque où la vie était en noir et blanc et si vous avez des souvenirs sépia. »

« On peut avoir le cœur au bord des lèvres et conclure par le dépôt d’une gerbe au monument aux ors mais il faut avoir sacrément forcé sur le curaçao pour que le vomi soit turquoise. »

« Elle était attendrie par mes côtés fleur bleue : lui offrir un bouquet de violettes la faisait fondre. Quand elle n’était plus qu’une flaque j’avais les nerfs en pelote. Je l’ai quittée, ce glaçon. »

« Bienheureux les pauvres en esprit ! Ils peuvent désormais se façonner un savoir dans l’argile écru de Wikipedia et se fabriquer une culture incolore en regardant Youtube dans le blanc des yeux ! »

IL 170529 Amaury-Duval photo« Les gars qu’on asticote, ils prennent la mouche, ils en font tout un fromage. C’était juste une blague, même pas amarante, certes, mais qui ne justifie pas ces expressions de douleur soufre, d’orgueil enflammé, d’ascension de grands alezans. »

« On peut errer comme une âme en peine dans un purgatoire blafard ou glauque, surtout si c’est un labyrinthe zinzolin. Rappelons-le : le zinzolin s’obtient à partir de la graine de sésame. »

« Cette jolie jeune fille en robe champagne, sa seule contemplation l’avait mis d’humeur pétillante. Il avait même réussi à troquer sa mine de papier mâché contre une teinte assez bulle. »

« Monsieur le curé était décontenancé par la couleur du vélo que ses paroissiens venaient de lui offrir : cyclamen ! »

IL 170529 Amaury-Duval naissance de Vénus« Quand le FC Nantes perd 5 à 0 contre les Rouge et Noir (Rennes) le canari est d’une humeur massacrante. Et pourtant c’est lui, le massacré ! »

« Si vous êtes débordé, déprimé, que le travail vous rend chèvre, mettez-vous au vert. Allez en élever dans le Larzac ! »

« Quand elle est d’humeur folâtre, elle s’habille en rose saumon ; quand elle est d’humeur saumâtre, elle s’habille en bleu Folon. »

« J’étais désorienté : elle avait des yeux verts en amande, des petites fesses grosses comme des noisettes et elle était partie d’un fou-rire gigantesque lorsque, me voyant nu comme un ver elle avait trouvé mes noix acajou. Alors qu’elles n’étaient qu’auburn. Est-ce que je me mêlais des couleurs de son abricot, moi ? »

19 décembre 2017

De Rimbaine à Verlaud. 5, Paske et Pourkwa / Jean-Paul

M. Arthur Rimbaine
Agence d’exploration de villes extraordinaires
et d’us et coutumes à mettre dans les annales
8, quai Arthur Rimbaud
08000 Charleville-Mézières

Monsieur Paul Verlaud
Société de géographie des Maladives et du Miraginaire
73, rue Sonneleur
62812 Vent-Mauvais

Oukipudonktan, île de Porqué-Portquai, le 19 décembre 2017

Mon cher Paul

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Je crois que trop c’est trop. Dans un sens comme dans un autre. Si on écoute la radio, regarde la télé ou lit les journaux, on entend le discours de gens qui sont des savants absolus. Ils ont réponse à tout, même aux questions qu’on ne leur pose pas, même aux questions qui ne se posent pas. Rien ni personne ne peut arrêter leur débit mais ce n’est jamais drôle très longtemps de les écouter. Ils sont capables de nous pondre des phrases, des thèses, des romans sur le fameux incipit de Marcel Proust «Longtemps je me suis couché de bonne heure et j’ai toujours mis trois plombes à ne pas trouver le sommeil» sans qu’aucun ni aucune ne fasse le rapprochement avec l’histoire de la princesse au petit pois !

Le petit Marcel a du mal à s’endormir et en plus ce rigolo néglige de surveiller sa literie ! Sur un matelas Epéda multispores il y a tellement d’acariens que tu peux devenir asthmatique et cet idiot-là l’était ! Supposons qu’il soit né sous une étoile mystérieuse : les multispores de l’Epéda peuvent donner naissance à des champignons qui grossissent, grossissent et éclatent en faisant «Schploff» ou «Pffflurt». Va-t-en t’endormir avec ça si tu n’es pas aussi sourd que Tryphon Tournesol ! Si ça se trouve, sous son matelas, à Marcel Proust, il y a le crayon de bois de Jean d’Ormesson ! Une farce de Céleste Albaret !

Bref, si je suis devenu explorateur c’est pour rencontrer les gens qui n’en savent pas plus que moi et qui sont curieux de naissance plutôt que Messieurs Jesaistout, Fermela et Cémoikikoz. Et alors là, mon cher Paul, chez les Pourqwa-Pourkoi chez qui tu m’as envoyé, j’ai été servi !

Dès la descente du bateau – Porqué-Portquai est une île – les habitants te sautent dessus, t’enguirlandent, t’emmènent dans leur case et commencent à te bombarder de questions saugrenues :

Pourquoi y a-t-il des papous à poux et des papous pas à poux ?
Pourquoi les occidentaux ne vont plus à la messe le dimanche ?
Pourquoi, en échange, se précipitent-ils à l’approche du 25 décembre dans les temples de la consommation de la rue Le Bastard ou dans les hyper-Noëls des alentours de Rennes-au-nez-Rouge-et-Noir ?

Un beau jour, les Pourqwa-Pourkoi ont fait comme moi. Ils se sont équipés d’un petit dictaphone et ils ont enregistré les réponses que les visiteurs apportaient à leurs questions. Ils ont déversé les enregistrements dans un ordinateur central mais comme il n’y a ni archiviste ni bibliothécaire chez eux personne ne va compiler les résultats pour en faire une encyclopédie ou un dictionnaire ! Car, à vrai dire, les Pourqwa-Pourkoi se fichent du savoir comme de leur premier slip aéré ! Autant les Passe-queue-Paske dont je parlais au début de cette lettre se fichent de nos questionnements, autant les Pourqwa-Pourkoi ne s’intéressent pas aux réponses qu’on leur apporte. Eux sont sur terre pour poser des questions, alors ils les posent. Quel est la couleur du cheval blanc d’Henri IV ? Quelle est la différence entre un écureuil et une brosse à dents ? Pourquoi y a-t-il un h à «rhododendron» ? Pourquoi n’y en –t-il pas à «rodomontade» ?

Le plus cocasse survient à chaque fois qu’on leur répond «Je ne sais pas» ! Les Pourqwa-Pourkoi éclatent alors d’un rire tonitruant et ils viennent nous taper sur l’épaule en disant «Mais c’est pas si grave !». Comme tous ces échanges s’effectuent en buvant de leur alcool de mangue de cinquante ans d’âge vieilli en fût de chêne et que cette boisson frappe un maximum l’hilarité vous gagne très vite et on assiste alors à des échanges de questions-réponses d’une drôlerie inimaginable. Et tenez-vous bien, on en redemande ! J’en ai tellement bu que je vois double et que je te vouvoie, dis-donc !

Tout allait donc pour le mieux sauf qu’à un moment de la soirée la jeune fille de la maison est entrée dans la case. Très jolie, très sympathique, on me l’a présentée mais elle était bien plus collet monté cul pincé lèvres gercées que son géniteur et sa génitrice.

Elle ne m’a posé qu’une seule question.

- Monsieur Rimbaine, vous qui avez beaucoup voyagé, savez-vous pourquoi on nous appelle les Pourqwa-Pourkoi et pouvez-vous me dire à quoi correspondent ces différentes graphies d’un même phonème ?

170419 Nikon 010Comme j’étais arrivé au bord de l’ivremortitude, j’ai trouvé très malin de lui répondre : «Je ne sais pas» pour la faire rire ou au moins pour la décoincer. Mais ça n’a pas marché avec elle. Elle n’est pas venue me taper sur l’épaule et ça, en tout cas, je l’ai bien vu, ça a jeté un froid.

- Il faudrait que vous sachiez, Monsieur Rimbaine. On ne construit rien sur du sable et on ne laisse aucune trace dans l’histoire du désert si on n’a pas aux pieds des tongs de l’UMP.

- Des tongs de l’UMP ? ai-je demandé. Qu’est-ce que c’est ? Un genre de semelles de vent ?

Là j’ai senti que j’avais commis un impair phénoménal. Les parents de la jeune fille, redevenus sérieux comme des papes, se sont levés. Ils ont retrouvé toute leur dignité, ils m’ont accompagné dehors jusque sur la plage et là ils m’ont indiqué un hamac dans lequel je pourrais passer la nuit. Ils m’ont retiré la guirlande de fleurs et la bouteille d’alcool de mangue et ils sont rentrés dans leur paillotte qu’ils ont fermée à double tour.

Le lendemain matin le père est venu m’expliquer que chez les Pourqwa-Pourkoi les étrangers ne devaient jamais poser de questions et surtout pas aux filles métisses que les habitantes de Porqué-Portquai ont eues avec des missionnaires blancs.

Voilà pourquoi, mon Cher Paul, j’ai quitté le pays des Pourqwa-Pourkoi.

Joyeux Noël et bonnes fêtes de fin d’année à toi !

20 février 2018

Cinq anagrammes renversantes / Jean-Paul

AEV 1718-20 mouton de panurge

Monsieur Tout le monde !

Ressaisis-toi ! Cela fait des années qu’on te taxe quelque chose comme 138 euros par an afin que tu te fasses balancer dans la tronche des choses aussi palpitantes que Derrick, les Grosses têtes, des radio-crochets, les Feux de l’amour ou les vérandas royales de Stéphane Bern ! En plus tout cela est entrecoupé de publicités au son beaucoup trop fort qui rapportent déjà gros à ce service télévisuel d’état qui n’intéresse même plus les jeunes générations !

Et toi tu acceptes de te faire bourrer le mou 3 h 30 par jour ! Même le président Macron l’a dit : « C’est une honte ! ». Shame on you, Monsieur tout le monde ! Je ne chanterai pas, moi non plus, que « j’aime tes genoux » !

Ressaisis-toi, Monsieur Tout le monde ! Eteins ce bousin ! Fais la fête avec tes voisins, va te balader, ouvre un bon bouquin ! N’attends pas la publicité pour aller pisser ! Envoie paître dès maintenant ta télécommande !

Si tu ne fais rien de cela je finirai par penser que tu es le mouton endormi !

 ***

Miguel de Cervantes Saavedra déri déra et tra lala

S’il avait fait du haïku, du limerick, bien plus de cas,
Nul dès lors n’aurait su son nom, son abattage,
Son immense talent de noircisseur de pages !

Il fut auteur de Don Quijote de la Mancha,
Individu rêveur, malingre, squelettique,
Qui rêva d’aventures et toujours se fourra
Du fait de sa myopie, dans des plans pathétiques !

Sancho son écuyer, plein de bon sens et gras,
Peut bien gueuler derrière des paroles de sage !
Le chevalier ne l’entend pas. Toujours il va,
Fonçant vers son destin, sa chute, son naufrage !

Miguel de Cervantes Saavedra déri déra et tra lala
S’il avait fait du haïku, du limerick, bien plus de cas
Aurait pu dire en une phrase ce que disent ses mille pages :
« Rien ne sert de cavaler au vent des mirages ».

AEV 1718-20 Don Quichotte


Le commandant Cousteau
était prédestiné à devenir le maître à bord du Calypso. Je parle ici du bateau et non de la musique de Trinité et Tobago et je me justifie en vous racontant le début de son conte de fée :

Son père allait nager le samedi après-midi à la piscine municipale de Saint-André de Cubzac. Ulysse Cousteau - tel était le patronyme du paternel – enchaînait les longueurs à la ligne d’eau numéro 7 quand un beau jour de l’année 1905 une jeune fille un peu fofolle de ces années-là, qui se nommait Pénélope Manaudou, en provenance directe du tremplin de trois mètres, plongea devant son nez et lui coupa la route.

Ulysse but la tasse puis refit surface en gueulant comme un putois :

- Mais ça va pas, non, de plonger sur les gens, espèce de sapajou ?! »

- Oh pardon, s’excusa Pénélope Manaudou qui faisait alors à Bordeaux, quand elle ne nageait pas, des études pour devenir attachée parlementaire. Puis-je vous offrir en dédommagement un rendez-vous galant au Café de la Saint-Médard ? »

Ulysse regarda la sirène à la voix chantante, jugea qu’elle n’avait absolument rien de désagréable et demanda :

- Vous avez un parapluie ?
- Oui, répondit-elle. Je l’ai volé ce matin même à une amie.
- Alors d’accord !

Au café de la Saint-Médard, ils y restèrent longtemps. Quarante jours plus tard ils y étaient encore !

Les biographes de Jacques-Yves Cousteau, le commandant fondateur du parti des bonnets rouges dont on n’entend plus guère parler dans ce monde du silence empli des bruits de la télé de M. Tout le Monde ont bien raison d’affirmer que pour lui tout commença dans l’eau.

AEV 1718-20 bonnets rouges


« La vraie vie est ailleurs ». « Il faut être absolument moderne ».

Si « Je est un autre » qui est-ce qui reste dans cette phraséologie rimbaldienne ?

La couleur des voyelles ? Le côté peu sérieux des jeunes gens de dix-sept ans ? Le proverbe de Paul Verlaine qui dit à ces cons égarés sous le vent et la pluie de Bretagne qu’il faut préférer l’imper au parapluie ?

Même pas ! Le vent a emporté nos vieilles semelles de Suzette. « La jambe de Rimbaud de retour à Marseille dérive en immondices à travers les égouts ». Le soldat aux deux trous rouges au côté droit a été enterré. Seule reste la Meuse. Entre Charleville-Mézières et Monthermé, n’ayant jamais des diamants de la même eau dans son lit, la rivière suit sa vallée. 

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La fin du monde est pour demain ! « La fin du monde est pour demain ! » hurle le savant Philippulus dans mes cauchemars d’après-lecture de "L’Etoile my"stérieuse" de Georges Rémi, dit Hergé, auteur des "aventures de Tintin pour l‘avenir car la fin du monde est pour demain.

N’ai-je pas bien fait de profiter de ces chemins ? Malgré l’agitation sans fin de ces personnages de bande dessinée – Tintin court partout tout le temps, Milou chasse le chat siamois, Haddock fuit la Castafiore et engueule les Dupondt, Alcazar, Abdallah, Lampion et les autres manifestent une vitalité ravageuse – j’ai toujours pris le temps quant à moi de longer les rivières en flânant, de trouer les brouillards et de sentir les fleurs.

Le monde peut finir sans moi s’il le désire. Je suis tout enivré encore de l’arôme fou d’un matin splendide !

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17 avril 2018

Cadavres exquis du 17 avril 2018 / Tous

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A l'atelier d'écriture, le mardi 17 avril. On fête la victoire d'Anne-Marie au concours "Encres d'automne". Avant que nous ne montions en salle Mandoline, une des écrivantes sort cet objet de son sac et demande :

- Qu'est-ce que c'est que ça ? 

Les dames sèchent. Le seul homme présent donne la bonne réponse.

- C'est un clitoris !

Cela en préalable pour vous expliquer la forte présence de ce mot dans les petits textes qui suivent ! Ce fut une séance de cadavres exquis. Pour qui ne connaîtrait pas encore ce jeu fort prisé des Surréalistes, on a donné les consignes utilisées ci-dessus.

***

1 Sujet - adjectif - verbe - complément de lieu - complément de temps

La ceinture de mon pantalon désaccordé chante dans la barque au crépuscule.

Le moulin à vent merveilleux dégoulinait à l’endroit où vivent les fées des sources à minuit passé.

Le jardin furieux s’offrait au vent du paradis au siècle dernier

La boussole complètement destroy enchante dans la bananeraie un jour d’août où il neige abondamment.

Le parapluie juteux éclabousse sur la route de Dijon aux aurores.

Le saucisson rayonnant pleurnichera sur le haut de la colline demain.


2 Si / alors

Si nous avions été à l’ère glaciaire la tempête médiatique se serait déchaînée !

Si le chat de la voisine avait la queue coupée les chauves-souris dormiraient la nuit !

Si la météo avait été plus favorable le chien musicien aurait aboyé plus fort.

Si les arbres poussaient à l’envers je mangerais mon chapeau.

Si l’atelier d’écriture avait lieu à six heures du matin plutôt qu’à six heures du soir les moulins à vent traîneraient Don Quichotte en justice.

Si les clitoris étaient fabriqués avec une imprimante 3D les lotus ne fleuriraient pas au Japon.

Si les moulins à vent étaient des moulins arrière, les radis pousseraient mieux les soirs de pleine lune.

Si on peignait les girafes plusieurs fois par an il faudrait être fou pour dépenser plus.

Si ma tante en avait, les opticiens ne vendraient pas de lunettes !

Si je portais des bretelles plutôt qu’une ceinture, avoir des pantalons en accordéon donnerait des boutons !

Si la ceinture des pantalons en accordéon s’était désaccordée plus souvent notre petite troupe aurait pu pique-niquer.

Si le soleil avait fait place à la pluie, j’aurais pris la poudre d’escampette.

Si le clito pouvait parler, les talons hauts seraient inutiles.

Si les hommes n’avaient pas existé les oiseaux chanteraient des airs d’opéra.

 

3 Quand + affirmation au présent

Quand le réveil sonne le matin mon parapluie perd ses baleines.

Quand je suis à l’atelier d’écriture tu fais ta tête de mule.

Quand le cormoran pousse son cri le soir au-dessus des jonques, il faut remettre son clito en place.

Quand tu te laves les dents les souris dansent devant le buffet !

Quand la nuit tombe à vingt heures, les enfants de choeur boivent le vin de messe.

Quand je me lève le dimanche le président de la République va chasser la baleine et revient avec une jambe de bois

 

4 Impératif à la première personne du pluriel + phrase au futur

Prenons nos parapluies quand les nuages roses sourient ! Il en restera toujours quelque chose, ne serait-ce qu’une béquille ayant appartenu à Jean-Arthur Rimbaud

Promenons-nous dans les bois pendant que le loup n’y est pas ! Demain sera ce que nous en ferons !

Soyons courageux la vie en vaut la peine : plus de mille boutons mêlant franchiront la barrière des rêves en même temps !

Allons, enfants de la patrie ! Nous n’irons plus au bois : le loup Macron mangera votre fraise des bois !

Fuyons la morosité ambiante ! Le concierge s’occupera toujours de votre courrier !

Partons, compagnons, les larmes au pied ! Ce sera alors la plus belle des années !

Soyons fous, rieurs et heureux, tout au long du chemin : j’irai dormir sous les palmiers !

 

5. Quatre alexandrins à rimes plates + une question

Le chant du coq, dès l’aube, fait sursauter le ronfleur :
Rien ne sert de courir, il faut partir à l’heure.
La vie d’un clitoris n’est pas toujours enviable,
Chaque fois c’est pareil : tout sort parait enviable
Le matelot quitte le quai tout guilleret ?

Le myosotis et puis la rose ce sont des choses.
Les jours moroses de l’année close ne sont pas roses :
Le puma affolé piaillait dans les betteraves
Du Stromboli rougeoyant on tâchait d’éviter la lave
[Quand quelqu’un demanda] : Et Dieu dans tout cela ?

Les canards cancanent et la basse-cour ricane ;
Tarzan porte à sa bouche une ample sarbacane ;
Alors, appliqué, de mon père suivant les pas,
- Aujourd’hui le sommeil et demain le trépas ! –
Sur le toit du monde trouveras-tu la réponse ?

Quand mon clito content sourit tout doucement
La douceur du temps me berce si [chaudement]
Que les palétuviers roses poussent derrière la maison close.
Il s’exclame : « Quel petit pied ! Quelle belle chose !
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? »

Rien n’est plus beau que le soleil à son couchant !
Quand Macron dit des croquignoles, c’est comme un chant
Sur le champ du printemps. Les pâquerettes sourient,
La tapisserie gris souris décore la nuit.
Emmanuel restera-t-il avec sa Brigitte ?

La nuit tombe et fait « splatch » sur le champ de bataille.
Il est très tard aussi il faut que je m’en aille.
Sur le bord des étangs poussent les iris d’or
Si tu parles à Macron tu vas dans le décor
Le pont de la rivière Kwaï siffle sa chanson
De son canasson pendaient de beaux jambons ?

Le zouave du pont de l’Alma n’a plus les pieds dans l’eau
Dans ces roseaux si hauts se mêle le chant des oiseaux
Je posai cette question : ceinture ou bretelles ?
L’abeille, en zézayant, fait de l’excès de zèle.
Fuyez, fuyez, brav’s gens ! Courez à tire d’aile !
Mais que faire en cas de danger ? Eclairez moi !

10 avril 2018

Alertez les bébés ! / Jean-Paul

Alertez les bébés ! Qu’ils se préparent à déployer le drapeau de la colère ! Qu’ils se le disent : il n’y aura pas suffisamment de champagne pour tout le monde ! Et pas plus de caviar pour les autres !

Alertez les bébés ! Il faut qu’ils viennent au monde avec la rage en dedans, qu’ils se préparent à la croisade des enfants ! Qu’ils se prévoient un vieux bras de fer avec un univers pourri dans un no man’s land irradié !

Alertez les bébés ! C’est aujourd’hui, la crise ! La planète Terre est un boxon où l’ange et le salaud doivent se côtoyer, où les robots parlent de l’amour sans savoir ce que c’est et où trois tonnes de TNT font plus d’effet qu’une symphonie des droits de ‘homme.

Alertez les bébés ! Qu’ils gardent un œil sur la bagarre, qu’ils aient le courage de vivre, la fuite dans les idées ! Qu’ils se méfient de ces prophètes proclamant « Ce qui est dit doit être fait » et qui le font ! Qu’ils ne croient pas ceux qui promettent « Demain ça s’ra vachement mieux... surtout si je vous arrache les yeux !" !

Alertez les bébés ! Ils vont tous faire l’objet d’une fiche anthropométrique. Pour peu que les flics fassent de l’excès de zèle ils devront danser la java des chaussettes à clous dans la gueule, coincés entre deux gares, huit jours en Italie avant retour chez eux ! Bonjour le coup de blues ! Autant fumer tout de suite sa dernière cigarette !

Alertons les bébés ! Criez, priez, les bébés ! Pas question qu’en plus vous exprimiez votre vague à l’âme ! Avouer « Maman, j’ai peur ! » serait faire preuve d’un sérieux manque de classe. Si tu as un poil dans la main, Bébé Cadum, fais demi-tour ! Pars en arrière ! Chope la soupape, envole-toi sur les ailes du silence ! Commencer une phrase par « Je rêve… » sera bientôt illicite. Ça l’était déjà d’ailleurs à l’époque de Martin Luther King.

Alertez les bébés ! Moi aussi un beau jour je suis tombé du ciel et j’ai souvent lu sur le menu de ma vie : « Aujourd’hui : blues ». J’aurais bien voulu les aider, les bébés, car en théorie on est là pour ça mais j’suis qu’un grain de poussière, un conquérant de l’inutile, un petit gars du genre tête en l’air, un Buster K. de pacotille. Quand je vois mon portrait dans la glace, je n’ai qu’une seule envie c’est de retourner dans mon aéroplane blindé. Chaque soir, en entrant dans mon lit, j’entends résonner l’hymne aux paumés et je me dis : « Encore une journée de foutue !». 

Il 2018 04 09 Higelin aéroplane blindé

La Cie "Hop là !" interprète "Dans mon aéroplane blindé"

Alertez les bébés ! Le minimum que je puisse faire pour eux, c’est de les prévenir, les bébés : Jacques Higelin ne sera pas plus secourable que moi. Il vient de nous dire « adios ! ». Il ne sautera plus six pieds en l’air, tel un aviateur dans un ascenseur. Exit le captain Bloody Samouraï ! Crashé en beauté, le captain Dodécaphonique Dada ! Fin de la chanson !

Ah la la ! Quelle vie qu’cette vie ! Alertez les bébés ! Un autre fou chantant vient de nous quitter. Si vous voulez vivre agréablement, il ne faudra pas Trénet à le remplacer ! On a mis Jack in the box et on a mis la boîte sous terre. Ci-gît une star.

A plus d’un titre, merci pour tout, Monsieur Jacques !

15 janvier 2013

Interview de Berthoise / par Eliane (Séance du 15 janvier 2013)

-Bonsoir Berthoise. Je vous remercie de nous accueillir dans votre belle demeure. Pour nos téléspectateurs, je rappelle que vous êtes l'auteur de nombreux romans, essais, études psychologiques et autres. Vos écrits sont éclectiques. Vos multiples centres d'intérêt vous ont fait partir dans des directions très variées.

Berthoise acquiesce en souriant.

- Oui, le vilain défaut de la curiosité me tenaille constamment.
- Un vilain défaut qui devient, en ce qui vous concerne, une grande qualité. Je cite pour mémoire et dans le désordre : « Vous chantez ? », « Vitalité », « Douceur », « Vanité », « Amour maternel », pour ce qui concerne le domaine psychologique. Vous voyagez aussi, pas très loin, vous restez en France.
- Oui, il y a tant de belles choses à voir et à connaître à l'intérieur de nos frontières. Tant de curiosités à découvrir, cela me comble.

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- Vous avez écrit : « Choses lues à Rouen », « Oh, Chantilly !», « La maison de Concarneau », où j'imagine que vous avez passé des vacances, et je me souviens d'un très beau passage sur Quimper et sa cathédrale que je vais citer pour nos téléspectateurs : « Je regarde souvent par terre, là où je mets mes pieds. Du reste, pas plus tard que lundi, j'ai trouvé dans un caniveau un pendentif en argent avec un œil de Sainte Lucie. Il paraît que ça porte bonheur. Je veux y voir le présage d'heures douces.
- Donc, je regarde par terre. Même quand je vais dans une église. Dans la cathédrale Saint Corentin de Quimper, les chapelles, le long du déambulatoire, ont chacune un pavé différent. Jolis pavés. »
- Ces textes sont des merveilles qui donnent envie de se rendre dans ces villes dont vous parlez. Avez-vous eu des coups de cœur pour d'autres cités ? Des trésors à nous faire découvrir ?
- J'ai un amoncellement de notes qu'il me faut mettre en forme.

Elle rit, malicieuse.

- Mais en ce moment je me sens paresseuse. Vous avez sans doute lu, dans une des pages de mon cahier de bord, le passage qui concerne : « Billet chiffon, comme billet tristoune. ». La volonté de perfection qu'exigeaient mes parents, a été, toute ma vie, le moteur qui me faisait avancer.
- Ce moteur qui vous a permis de fournir un gigantesque travail. Avez-vous le sentiment, aujourd'hui d'être parvenue à contenter vos parents ?
- Non, jamais. Comme je l'ai écrit, leurs exigences m'ont souvent paralysée alors je travaillais, j'écrivais pour secouer cette paralysie. Et maintenant que mes forces déclinent, je n'ai pas encore l'impression d'avoir atteint mon but. Alors, il me faut faire encore davantage d'efforts.

Elle rit encore, malicieuse.

- Je n'en sortirai jamais. Il n'y a que la grande faucheuse qui pourra m'arrêter. Pour le moment je n'ai renoncé qu'aux voyages à l'étranger. Car vous aviez tort tout à l'heure, j'ai parfois franchi les frontières.
- C'est vrai, excusez-moi, vous avez écrit : « Comme à Ostende », « La cantinière russe ». Mais il n'est pas nécessaire d'aller jusqu'en Russie, encore moins en temps de guerre, pour écrire sur une cantinière russe.

Elle rit de nouveau.

- Exact, mais je suis vraiment allée en Russie. Cette cantinière était la grand-mère d'une femme rencontrée là-bas.
- De même, vous avez parlé de la «Musique indienne ». Un séjour en Inde ?
- Oui, mon premier fiancé était indien. J'ai eu l'occasion de séjourner longuement dans son pays.
- Vous avez aussi, et c'est votre premier livre, un ouvrage volumineux, écrit sur votre enfance. C'est un peu le « Claudine à l'école de Colette ?
- C'est moins romancé, plus détaillé, plus touffu. Avec mes parents nous habitions une toute petite ville : Trifouilly les Oies, au cœur de la France. Une région où, en hiver, il fait un froid de canard. Ce que je relate dans le chapitre « De la nécessité d'une petite laine ».

Elle rit.

- C'était vraiment très dur, mon père était maréchal ferrant, ma mère se contentait d'être une fée du logis. Mais c'était une mère attentive, je parle d'elle dans « Amour maternel ». Quant à moi, j'allais à l'école où j'avais pour consigne d'être parfaite. J'ai longtemps gardé des relations avec mon institutrice, ce qui a inspiré le chapitre, en partie fictif, « Aléas de la vie professionnelle d'une remplaçante en milieu rural ».
- Votre grand-mère habitait la même ville. Vous alliez souvent lui rendre visite. Elle avait tout un répertoire d'expressions savoureuses dont vous gardez un souvenir attendri.

Elle rit à nouveau.

 

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- Ah, oui ! Par exemple quand il y avait une quantité importante d'une quelconque chose, elle disait : « autant qu'un curé pourrait en bénir ». Une fois, d'un lustre volumineux dans une maison voisine, elle a dit qu'il pesait « le poids d'un âne mort pendu au plafond ». C'était vraiment savoureux. Je me souviens aussi de ce jour où, invitée à prendre le café chez cette même voisine, et le trouvant trop pâle, elle a répondu « Non, pas ce genre-là, merci, prière d'un serré. ». J'étouffais un rire. En faisant ses course elle rencontrait souvent une vieille dame ronchonne. Elle disait d'elle « Celle-là, elle n'est heureuse que quand elle a un souci. Sinon, elle est vacante ». Cela ne s'invente pas, il n'y avait qu'elle pour trouver des expressions pareilles.
- C'était une délicieuse grand-mère.
- Elle me faisait souvent rire mais c'était aussi un amour. Lorsque j'avais un chagrin d'amour, qu'un garçon m'avait quittée, elle me consolait avec cette phrase ; « Tu fout un coup de pied dans une poubelle, il en sort dix, des gars. »
- C'est ce que vous avez fait, shooté dans une poubelle ?

Elle rit :

- Non, j'avais besoin d'estimer mes amoureux.
- Pour rester dans ce domaine de l'amour, je voudrais citer ce passage écrit sur la culotte, et le lire si vous le permettez, si ce n'est pas trop osé.
- Non, allez-y.
- Je cite : « Parlons dessous. Parlons sens dessus dessous, parlons de ce qui éveille les sens par en dessous. Culotte, oui culotte, je n'aime pas le mot slip. Le mot slip est unisexe, étranger, il claque comme un élastique trop tendu. Comme le string. Autre bizarrerie. La culotte glisse, enveloppe, donne de la rotondité au cul. Si je n'aime le slip, si je n'aime pas le string, j'aime bien le cul. Le mot cul. Il a un petit côté vulgaire qui sied aux choses du sexe. La culotte donc. Blanche. Blanche parce-que propre. En coton. On peut aimer le cul, le confort et le propre. Une culotte en coton blanc qui monte sur le ventre mais dévoile la cuisse. Le haut de la cuisse, là où la peau est douce. Où la jambe devient cul. Où quand on ôte la culotte, le cul et la cuisse se confondent. La culotte vient cacher ces choses-là pour laisser la place à l'attente et à l'émerveillement. »

- Voilà ! Cette note érotique clôt notre entretien. Il me reste à vous remercier d'avoir répondu à mes questions avec autant de gentillesse et de naturel.

N.B. Les photos sont empruntées à Berthoise

28 novembre 2016

Souk au gynécée ! / Jean-Paul

 

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Acte III, Scène 3

La scène représente une plage : parasols, 1 cabine de bain, serviettes, transats de « Transat en ville » empruntés à la ville de Rennes. Les dames du harem, les disparues, les évadées en fait, sont assises ici et là, en maillot ou peignoir de bain, se passent de la crème solaire sur les bras, lisent "Biba", font des mots fléchés, papotent ou glandent comme on le fait tous dans ce genre d’endroit.

 

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RUADE – Alors ? Bonne baignade, chère Daurade ?

DAURADE – L’eau était excellente ! Quelle merveille ! Quelle lumière ! Quand je pense qu’il y a trois jours encore, nous étions confinées dans l’ombre du harem !

ORANGEADE – C’est une honte ! La pire des brimades ! Le sultan devrait savoir que la beauté ne se mange pas en salade ! Mais que nous avons besoin d’autant de soins et de lumières qu’elles ! Nous sommes faites pour resplendir au soleil, nous, pas pour moisir dans le bac à légumes de son réfrigérateur !

MASCARADE – Et puis quelle façon riquiqui de nous rendre hommage ! On enferme 365 femmes dans le gynécée et elles n’ont droit qu’à une seule sortie dans l’année. Et quelle sortie : juste une nuit de roucoulade avec ce gros cochon de Haroun Zeclock !

CANTONADE – Il paraît que le changement d’herbage réjouit les veaux ! Il y avait là de quoi pousser des jérémiades ! Les 364 autres jours, en attendant, on devait se farcir la chanson de l’eunuque. Tu parles d’une sérénade, toi !

SERENADE – Hého, doucement, les filles ! Je n’y suis pour rien, moi ! C’est vrai que je m’appelle Sérénade mais ce n’est pas moi qui les ai chantés ni pondus, les couplets de l’Hannibal sans ses balles !

Elles entament "La chanson de l’Eunuque" :

Croé moé, croé moé pas
Quèqu’part en Alaska
Un sal’ jour qu’y neigeait des glaçons

J’ai eu comme une envie
D’soulager ma vessie
Comme un con j’ai baissé mon caleçon

Ca m’a mis en peine
De quitter mes gégènes
Mes jolis génitoires
Ah vraiment quelle histoire !

Ca n’dure jamais longtemps
Quand il gèle à pierre fendre
Tu vois tes gosses descendre
Tu deviens un transgenre

Quel beau dommage ! Tu t’retrouves au chômage !

AILLEPADE – N’empêche on a bien rigolé ! Le pauvre n’a jamais su qu’on l’avait surnommé Débandade !

BALADE – En tout cas, c’est un vrai plaisir d’avoir mis les voiles ! Enfin, de les avoir enlevés ! On est quand même mieux à poil au soleil que sous ces épaisseurs de tissu cossu qu’on ne pouvait enlever qu’une seule fois dans l’année !

 

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EMBRASSADE – Et encore ! Si vous saviez ! Moi je m’appelle Embrassade et je suis celle qui officiait le dernier jour de l’année. Eh bien il y a des années où il était tellement gavé de loukoums et de liqueurs qu’il ne me déshabillait même pas !

CAVALCADE – C’est ce qu’on appelle « p’end'e à la hussa’de » !

EMBRASSADE – Attends, Cavalcade ! Il y a même une année où il ne m’a même pas honorée !

CAVALCADE – C’est ce qu’on appelle êt'e « Schokolade » !

COUILLONNADE (sortant de la cabine de bains en combinaison d’homme-grenouille) – Eh dites donc les filles ? Comment vous trouvez mon nouveau maillot de bains !

TOUTES – Nul à chier, Couillonnade ! C’est quoi ce truc ? 

COUILLONNADE – Ca s’appelle un burkini ! Je laisse tomber, alors ?

TOUTES – Oui ! Ôte le haut et demain tu enlèveras le bas ! Et le tuba aussi !

Entrent Shéhérazade et ses suivantes. Toutes l’applaudissent et la saluent de « hip hip hip hourra »

SHEHERAZADE – Mes chères amies, un peu de calme, je vous prie. Je sais bien que vous me devez la liberté. Mes servantes ont soudoyé les gardiens du palais pour qu’ils vous laissent partir une à une puis quatre par quatre. Mais vous savez que j’ai un objectif beaucoup plus important. Je veux vous apprendre à devenir maîtresses de vos destins. Je veux que vous sachiez désormais tenir les hommes à distance, les faire tourner en bourrique pour finalement les mener par le bout du nez… ou par le bout du bout !

Elles éclatent de rire.

SOUTIFDAUBADE – Oui, camarade Shéhérazade ! Conte-nous tes odes et tes méthodes ! C’est pour t’entendre les conter que nous avons fui ce palais où nous étions réduites à l’état d’esclaves sexuelles. Apprends nous à faire languir l’émir, à serrer la haire du janissaire, à mettre le souk chez le mamelouk, à enfiler le caoutchouc au bachi-bouzouk, à tenir à distance son éminence, à mettre en chaleur sa sérénissime splendeur, à rendre flamboyant le commandeur des croyants, à l'étreindre puis à l'éteindre et le faire geindre. Qu'ils deviennent fous de nous et se traînent à nos genoux ! Dis-nous comment on fait enfler leur désir, comment on leur flanque le tracsir, comment on renverse la vapeur, il faut que ce soient eux qui aient peur de ne pas être à la hauteur, il faut que nous soyons actrices et qu’ils cèdent à tous nos caprices. Comment emberlificoter, bécoter, fricoter, tripoter, les transformer en empotés et faire que nous soyons maîtresses de leurs altesses ?

SHEHERAZADE – C’est simple ma chère Soutifdaubade ! Pour commencer, interrogation orale ! Vous allez me chanter la chanson que je vous ai apprise hier !

Elles se regroupent comme une chorale et entonnent « Déshabillez-moi » de Juliette Gréco.

18 novembre 2018

Mon amant.e de Villejean n° 0 d'août 2018

Notre atelier d'écriture s'est associé au projet de la Maison de quartier de Villejean et de la Maison Internationale de Rennes pour célébrer les dix ans de Médiapart le vendredi 23 novembre après-mid à la MQV. Nous avons planché sur l'idée d'un journal local qui offrirait, au travers de la fiction et de l'écriture ludique, une vision décalée de Villejean.

Bouton nouvelle fenêtreVous trouverez ci-dessous le n° 0 d'août 2018. Pour le visualiser en plein écran , cliquez sur l'icône "fenêtre externe". 

 

Bonne lecture et bon amusement à vous ! 

 Mon amant.e de Villejean n° 0 de juillet 2018

 

6 mars 2019

Consigne d'écriture 1819-20 du 5 mars 2019 : Le roman abrégé

Le roman abrégé

 

L'entresort 45 du "Nouveau nouveau magasin d'écriture" d'Hubert Haddad est intitulé
"Réduction d'un roman d'introspection sociologique à ses incipit sincipitaux". 

"Plus un roman est réaliste, volontairement descriptif et convenu en cela qu'il cherche à photographier son époque, moins sa diminution arbitraire ne change substantiellement le projet d'ensemble : réduit aux incipit, l'essentiel du message est conservé voire exalté dans la forme du texte court."

L'animateur distribue à chaque écrivant.e un roman de Patrick Modiano ou de Georges Simenon. Il est demandé d'inscrire sur une feuille, en les numérotant, l’une en dessous de l’autre, la première phrase de chaque chapitre puis la dernière phrase du livre.

Sans rouvrir le livre on écrit ensuite de quoi relier la phrase 1 à la phrase 2, la 2 à la 3 et ainsi de suite de manière à constituer un récit autonome et cohérent.

AEV 1819-20 Villa triste

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