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L'Atelier d'écriture de Villejean
5 mai 2020

L'alien / Eliane

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Hein ? Je suis censé connaître cet alien poilu ? Jamais rencontré de ma vie ! Il est effrayant non ? De quelle planète vient-il ? Comment ça « de la Terre » ? Alors de quelle profondeur insondable ? De quelle hauteur inaccessible ? Personne ne l'a jamais vu jusqu’à ce jour.

Comment ça « C'est moi » ? Vous plaisantez, j'espère ! Je suis beaucoup plus beau. Ma famille me le dit chaque jour.

Comment ça « C'est pour me faire plaisir » ?

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28 avril 2020

Pensées éparses / Eliane

Un appel vibre
Allô, qui est à l'appareil ?
Profond silence ?

Ca m'énerve à la fin
Je ne répondrai plus

***

Ma chaussette est seule
Je ne sais où est sa sœur
Perdue dans la machine.

***

Un enfant pleure
Un enfant en souffrance
Pleure mon cœur

***

Le chien erre, perdu
Jeté par la portière
Départ en vacances

***

Le bateau coule
Jack se meurt dans l'eau glacée
Sortent les violons

AEV 1920-28 eliane titanic


***

Elle sort des toilettes
Toute l'assemblée ricane
Jupe dans la culotte


***

Séchage des cheveux
Surprise, cheveux cramoisis,
Rouge de honte

***

Ne me repousse pas
Je t'aime, je t'aime tellement
Son regard froid la glace

*** 

Tap, tap, tap au plafond
Un regard sur la pendule
Dit « minuit passé »

Ma voisine est seule sur terre
Dans mon lit je ronge mon frein

***

Encore une fois

Une chaussette s'est fait la malle
La machine la mange

Encore une disparition
Qui reste un vrai mystère

AEV 1920-28 eliane chaussette


***

Où ai-je mis mes clés ?

En règle le sac est fouillé
Mais rien, je panique

***

Sommet de montagne
Vue à couper le souffle
Vertige, vertige

***

Beau vieillard ridé
Toison de neige, belle prestance
Regard si clair

Qui transperce l'âme
Tout chez lui n'est que séduction

***

Le Covid 19
Nouvellement apparu
Ennemi tueur

Oblige à se terrer

Comme un animal sauvage

***

Fragile construction
A la merci d'attentats,
De séismes, de tornades

Humain si fort mais si fragile
Léger esquif sur la terre.

***

Marcher dehors
Simple plaisir semble hors de portée
Attendre qu'il revienne

***

Serrer dans ses bras
Ceux qu'on aime et qui nous aiment
Si belle perspective

***

Programme du jour
Longues heures inoccupées
Trier, ranger, jeter

AEV 1920-28 eliane tri

Sur la platine
Un CD égrène notes et paroles
Juste savourer

21 avril 2020

Un printemps / Eliane

Un printemps ! Quel drôle de printemps !

AEV_1920_27_Eliane_geste_barri_reCela avait commencé bien avant les premiers jours d'avril.
La lettre du Président était formelle :

Il fallait éviter de se frotter à ses concitoyens,
D'abord respecter une distance de sécurité,
Se laver les mains souvent, dès que nous étions sortis
Et pas d'embrassade, se saluer avec le coude.

Puis il fallut rester confiné dans sa maison
Même s'il s'agissait d'une maison vide. 

AEV 1920-27 ElianeAffiche prévention-Coronavirus

Ce que je crains, disait le président,
C'est que le virus se propage à la vitesse de la lumière,
Que les malades se multiplient,
Envahissent les urgences, les salles de réanimation,
Que les soignants soient débordés
Ne puissent plus nous soigner.

Nous étions assommés,
Nous n'avions plus aucun libre arbitre,
Nous nous sentions comme
Un morceau de bois balloté par les événements
Dans une mer d'anxiété.

Mais comme il ne faut pas partir déjà
Nous nous sommes montrés bons élèves
Et avons respecté les consignes.

Pour certains la route était devenue solitaire,
Une chanson devenue vite trop monotone :
La joie est tombée dans l'herbe.

On se disait « Que c'est long ! »
Mais nous devions nous accrocher
Sinon la terre tournerait sans nous,
L'ennemi invisible aurait gagné.

S'accrocher, et puis après, demain,
Tu retrouveras la vie ;
Notre monde un jour retrouvera ses couleurs

Dans les rues, dans les villes, dans les campagnes,
Nous croiserons à nouveau les gens qui vont,
Nous nous réveillerons dans les matins bleus,
Il y aura un autre printemps plus lumineux
Bercé par la complainte de l'oiseau
Qui, lui, n'a jamais cessé de chanter.
 

14 avril 2020

Hôtel Osborne, chambre 379 / Eliane

hotel-osborne-chambre-379

Hercule est enfin dans sa chambre d'hôtel. Il se met à l'aise. Ote bottes, ceinturon, chemise. Tout cet attirail disposé en vrac a pourtant un petit côté « œuvre d'art ».

Mais Hercule n'est pas plus serein pour autant. Il relit le courrier déposé pour lui à la réception. Semble inquiet. La journée avait été mauvaise et ce courrier n'arrangeait rien. Il semble soudain s'affaisser des méninges, le birbe, se débattre dans le yaourt.

Il n'aurait pas dû aller à ce rendez-vous avec Zacharie. Ce matin-là, ce dernier avait la figure en coin de rue sinistrée. Ses paupières étaient gonflées comme des valises d'ambassadeur au moment d'une rupture diplomatique. Et avec la couche de mélancolie qui lui recouvrait le visage, on aurait pu regoudronner l'Autoroute du Soleil.

C'etait sûr il ne pouvait annoncer que de mauvaises nouvelles. Des nouvelles angoissantes.

Zacharie et lui avaient fait une grave erreur en s'attaquant à ce gros ponte. Ce dernier allait sûrement leur faire payer très cher.

Il les avait reçus. Donc tout semblait se dérouler au mieux. Sauf qu'il les avait simplement regardés. Et ce regard ça vous hypnotise depuis les crins jusqu'aux orteils en passant par la membrane médiane, le gros côlon (Christophe pour les dames) et l'artère iliaque interne.

Hercule en avait encore froid dans le dos. Et que je te sabre au clair, et que je t'allonzenfance pour un oui, un niet, une allocution, une allocation.

Et si on la voulait cette allocation, il allait falloir passer par les exigences du gros ponte. Ils ne savaient pas s'ils en seraient capables tant elles étaient dures.

Dans sa chambre d'hôtel Hercule réfléchit à la façon de sortir de cette fâcheuse situation. Plumeti, le petit chien fidèle qui l'accompagne dans toutes les aventures, toutes les galères, le contemple, perplexe.

Hercule ne trouve pas la solution espérée car il s'agit de se mesurer à Jojo la Défouraille, un loustic pas fréquentable condamné à mort par accoutumance, il croyait bien, et qu'on lui avait dit espadrillé en Amérique latoche.

Cette information était peut-être fausse. Mais même si elle était vraie le gus était revenu. Et personne n'était jamais revenu vivant d'une confrontation avec lui.

Alors que faire, pense Hercule, pour éviter ce morbide face à face ? Je ne me sens pas de taille. Mes forces ont mis les adjas. J'ai du carat et mes muscles ressemblent à des souvenirs.

Il se dit qu’il ne devait pas compter aller loin mais seulement s'arracher de la zone dangereuse. Le hic c'est qu'il ne sait pas comment faire. Alors il ressort son flacon de corrosif pour s'en téléphoner deux décilitres dans l'alambic devant l'oeil réprobateur de Plumeti.

Peut-être que Zacharie aura une idée.

7 avril 2020

Photo de famille / Eliane

La mère aux trois enfants dont un qui pleure)Je me suis portée volontaire, avec quelques cousins, pour vider la maison du vieil oncle qui vient d'entrer en Ehpad.

Je tombe sur un album photos, je le mets de côté pour le lui apporter. Il sera certainement heureux de replonger dans ses souvenirs. Et puis je découvre une boite à chaussures remplie de photos qui n'ont pas été triées. Elles sont toutes ratées, floues, mal cadrées. Pourquoi les a-t-il conservées ?

Je m'attarde sur l'une d'elle. Sa famille, femme et enfants. Même s'il y a peu de détails au niveau paysage, je pense qu'elle a été prise en Auvergne. Ils habitaient alors une vieille ferme, élevaient des chèvres et faisaient des fromages.

Je retrouve difficilement les traits de la vieille dame que j'ai connue dans ceux de cette femme dans la force de l'âge. Quant aux enfants, des cousins, je ne les ai connus qu'adultes.

Pourquoi mon oncle s'est-il précipité pour actionner le déclic ? Les protagonistes ne sont manifestement pas prêts !

Le but de la manœuvre devait être une photo bien mise en place, où chacun aurait été bien posé et souriant. Mais rien ne semble s'être passé comme prévu. Le bébé hurle et le fait d'être solidement maintenu par sa sœur aînée n'arrange rien.

La mère, toujours dans sa blouse de ménage, est dans une position peu gracieuse, ni à genoux, ni assise. De plus elle parle et semble en colère. Elle est bien loin de sourire.

Résultat de tant de précipitation, la photo est floue. Seuls les deux aînés des enfants semblent tirer leur épingle du jeu en affichant un franc sourire.

Cela ne suffit manifestement pas à sauver le cliché.

Mais à quoi pouvait penser Célestine, ma tante, à ce moment-là ?

***

Oh, là, là ! Têtu comme lui il n'y en a pas deux ! Je lui ai dit d'attendre, mais pas moyen. Monsieur est pressé ! Pressé de quoi ? On se demande !

J'aurais voulu mettre une jolie robe et le dernier collier qu'il m'a offert. Une photo de famille sera regardée par nos enfants plus tard et nos petits-enfants. Je ne voudrais pas qu'ils pensent que j'étais laide et négligée. Et puis Arsène pleure et se débat. Ce n'est pas facile pour un petit garçon de trois ans plein de vie, de garder la pose.

Allez ! J'essaie encore de convaincre le photographe :

- Attends un peu, rien ne presse. Je vais calmer notre gamin. Laisse-nous le temps de mieux nous préparer ! »

Rien à faire, il ne veut rien savoir. Je m'énerve, il s'obstine. Il dit qu'une photo c'est mieux si elle est prise sur le vif. Je bougonne : quelle piètre image cela va donner de notre famille !

 

AEV 1920-25 Eliane - chèvres

Pourtant il aurait pu faire une belle prise de vue, devant l'ancien corps de ferme joliment fleuri que nous habitons, avec pour fond les jolies montagnes arrondies sur lesquelles on aurait vu notre troupeau de chèvres !

Une fidèle représentation de ce qui constitue notre vie. Nous sommes heureux, même si nous travaillons beaucoup, Les chèvres il faut les garder, les traire, faire les fromages, les vendre. En plus, avec trois enfants, nous ne chômons pas.

Mais Clic, c'est dans la boîte.

Emile ramasse son matériel, replie son trépied. Je me demande à quoi il a bien pu lui servir ce trépied.

Arsène enfin lâché court rejoindre ses chères biquettes. Nous nous relevons..

Emile semble satisfait. Il le sera sans doute moins quand il verra la photo développée.

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31 mars 2020

Bonjour / Eliane

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Bonjour

Je voudrais écrire une petite bafouille de solidarité à tous ces objets inanimés qui passent le temps comme ils peuvent dans tous les foyers de mes compatriotes, sans pouvoir s'en échapper.

Qu'ils sachent que je suis de tout cœur avec eux, je suis un des leurs.

Je me présente, je suis le vieux canapé défoncé de Dame Eliane. Depuis le jour de mon acquisition je l'ai suivie dans divers logis.

J'étais magnifique, grand, moelleux, profond, infiniment confortable. D'une belle couleur anthracite pratiquement noire. Mais pas triste puisque la Dame m'avait égayé avec des coussins clairs, très féminins, en patchwork rose et bleu, garni de volants. Je les avais tout de suite adoptés. Je les aimais beaucoup, d'un amour un peu incestueux.

Il me fallait un angle pour me loger et je prenais énormément de place. Alors, au cours des deux déménagements qui ont suivi, Dame Eliane s'était assurée que le séjour offrait bien cette place en coin qui me convenait afin que je puisse y prendre mes aises.

Les années passant j'ai perdu de ma superbe. Mon beau noir de jais a passé, virant au gris sale. Le tissu de mes assises s'est usé puis déchiré. J'ai subi les outrages de l'âge. Les coussins non plus n'ont pas échappé à l'usure, ils se sont décousus.

parodie-couverture-bd-tintin-confinement-2Pour pallier cette catastrophe, j'ai vu apparaître une grande toile de jean noir avec laquelle j'ai dû apprendre à cohabiter, vu qu'elle me recouvre.

Dans le dernier appartement en date que nous occupons actuellement, impossible de me caser dans un angle. La dame a dû me séparer en deux morceaux. Vous imaginez le déchirement ! Mes chers coussins aussi ont disparu, remplacés par d'autres d'un beige fade que je ne puis faire autrement que tolérer.

Habituellement dans cet appartement nous, objets inanimés, sommes là en permanence, fidèles au poste. La Dame elle, va, vient, s'absente.

Quand elle n'est pas là, tout est figé, calme, sans un mouvement, sans un bruit hormis celui des voisins et des voitures à l'extérieur. Quand elle revient tout s'anime, redevient enfin vivant.

Mais voilà qu'une pandémie s'est déclarée, obligeant les gens à rester chez eux. Et nous ne pouvons plus souffler une minute. Les fenêtres s'ouvrent, l'aspirateur fait un bruit d'enfer, ce qui n'est pas nouveau. La télévision est très sollicitée, je ne sais pas ce qu'elle en pense, nous ne communiquons pas beaucoup.

Dame Eliane est maintenant plus souvent présente tout contre moi. Elle se cale comme elle peut sur les ressorts usés de la partie canapé-lit pour regarder la télé. En pestant parce que, dit-elle, ils lui ruinent le dos.

parodie-couverture-bd-tintin-confinement-3Sur la télé alternent les images de divertissements et les infos plutôt glaçantes. Moi je n'y comprends rien.

Quand elle se pose, avec un soupir de bien-être, sur la partie fixe de mon anatomie, c'est pour lire, faire des mots croisés, écouter de la musique.

Alors je la regarde avec tendresse. Je suis tellement habitué à elle ! Bien sûr, bien d'autres sont venus poser leurs fesses sur mes assises, enfants, petits-enfants, amis, mais jamais avec cette permanence.

Je ne sais pas très bien ce que j'éprouve. J'alterne entre le plaisir de l'avoir près de moi et la hâte de la voir reprendre ses activités pour pouvoir respirer un peu.

Voilà chers camarades inanimés. Peut-être éprouvez-vous de semblables sentiments, peut-être multipliés par le fait que, chez vous, il y a plusieurs personnes. Je serais ravi de les connaître.

24 mars 2020

Recette de quiétude / Eliane

CORONA ÉCOLE À LA MAISON

Ma maman disait toujours qu'il faut faire du mieux que l'on peut avec les éléments sur lesquels on n'a aucune prise. C'est une recette de quiétude morale.

Comment puis-je appliquer cette philosophie de vieux sage à la situation dans laquelle nous nous trouvons ?

Etat des lieux avec lesquels je dois m'efforcer de composer au mieux :

Voilà un peu plus d'une semaine que chacun est confiné chez soi afin de limiter le plus possible la propagation du virus. Avant que ne survienne la fin des haricots.

Il s'agit de rester vigilant, de ne pas s'endormir sur le rôti. Les contacts ne sont pas recommandés. Heureusement dans notre isolement nous avons le téléphone et les réseaux sociaux pour garder le lien avec nos proches, famille et amis. Mais en dehors c'est un peu le désert du point de vue relationnel.

Et c'est un peu un événement quand, au hasard de quelques pas dehors pour aller porter sa poubelle, on rencontre un ou deux voisins avec lesquels tailler une bavette. Petite, la bavette, portion congrue. Chacun des protagonistes reste à bonne distance. La conversation est brève et tourne toujours autour du même sujet : épidémie et confinement.

Bouffée d'oxygène que cet atelier d'écriture en ligne qui permet de solliciter nos neurones. Même si parfois on a l'impression de pédaler dans la choucroute pour tenter de pondre un texte qui se tienne. Cela aussi permet de garder du lien. Et c'est si agréable de lire ce que les ami·e·s ont écrit.

Que faire de ces longues heures qui s'étirent devant nous ? Bien sûr il y a la lecture. Mais au Secours ! J'ai épuisé mon stock de bouquins et la médiathèque est fermée. Je l'ai dans le baba, et j'en ai gros sur la patate.

Il y a aussi la télévision, qui permet de chercher le coupable avec les policiers des séries, de chercher à répondre aux questions des jeux ou de se replonger dans un vieux film.

Mais on n'échappe pas aux infos, et en ce moment elles sont plutôt anxiogènes. Car cette épidémie ne se contente pas de nous isoler, elle nous fait peur. Surtout aux personnes qui, comme moi, sont, parait-il les plus à risque car plus âgées. Jamais comme ces jours-ci je n'avais autant pris conscience de mon âge.

Ce virus commence sérieusement à me courir sur le haricot. D'ailleurs… il ne pourrait pas aller jouer ailleurs ? Comme par exemple sur l'Antarctique où les individus sont beaucoup trop rares pour lui permettre de se développer ?

CORONA À LA MAISONMais à bien y réfléchir c'est quand même ce qui risque de lui arriver. Il y aura un moment où il n'y aura plus personne de libre au sein desquels faire des petits. Il ne pourra plus. Ce sera sa ménopause. Et qu'il ne compte pas sur nous pour le laisser bénéficier d'une procréation assistée. On serait plutôt pour une stérilisation massive.

Allez, pas de pessimisme, les carottes ne sont pas encore cuites. Cela aura forcément une fin et ce sera bien avant que je sucre les fraises.

Alors j'écoute ma maman et je fais du mieux que je peux.

17 mars 2020

Fin du monde ? / Eliane

Un vilain virus décime la population. Ce n'est pas comme la peste ou le choléra, on n'en meurt pas forcément. Quoique de la peste et du choléra je crois qu'on ne mourrait pas forcément non plus.

Alors pour éviter que les uns ne contaminent les autres, devant cette épidémie galopante, le gouvernement a pris des mesures drastiques. « Restez chez vous ! » est le mot d'ordre. Et c'est le confinement général. Eh bien, quand on habite en appartement, mieux vaut ne pas souffrir de claustrophobie.

Je suis ces consignes à la lettre. J'ai 87 ans et si cette bébête m'attaquait les dégâts pourraient être violents, je pourrais en mourir. Même si j'ai peut-être atteint la date de péremption, mourir ne fait pas partie de mes objectifs immédiats.

Alors je reste bien sagement à la maison. Mais il y a parfois des cas de force majeure. Comme acheter de la nourriture pour ne pas mourir d'inanition à défaut de mourir du coronavirus.

Donc lundi après-midi me voici partie pour la supérette voisine. Je pensais naïvement qu’en plein milieu de l'après-midi il y aurait fort peu de monde. Que nenni, le petit magasin était rempli comme un œuf par des gens qui, craignant des ruptures de stock, faisaient des réserves.

Impossible de respecter la distance d’un mètre préconisée. Encore plus avec cette petite vieille (au moins autant que moi) qui me collait.

Comble de contrariété, le rayon des viandes avait été dévalisé. Pour avoir une dose minimum de protéines je me suis rabattue sur des produits préparés, ce que je n'achète jamais d'habitude.

Je suis quand même sortie indemne de cette aventure. Reste une petite inquiétude, je crois qu'il y a une période d'incubation.

A partir du mardi le confinement est devenu plus rigoureux, dorénavant il faudra se munir d'une sorte de «laisser circuler» avec motif qui tienne la route.

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Me voici donc chez moi avec des provisions pour une bonne dizaine de jours. Les premiers jours ça va, je trouve de quoi m'occuper. Faire des bricoles que l'on remet toujours au lendemain car cela peut attendre. Et puis je lis, j'ai la chance d'avoir encore de suffisamment bons yeux pour m'adonner à ce vice. Je regarde la télé, je finis par m'attacher aux personnages que je vois. Et je surfe sur internet. Quoi, cela vous étonne ? Que croyez-vous ? Je me sens encore jeune dans ma tête chenue et toute ridée.

Dans cette pauvre carcasse il y a un petit cœur qui bat et qui sait s'émouvoir. Il y a aussi un cerveau encore en état de marche, alors je reste curieuse, je m''informe.

Bon, ce n'est pas le tout, il va falloir que je me ravitaille et donc que je me rende au supermarché.
J'aurai peut-être la chance de trouver des rayons approvisionnés.
Que me faut-il pour être autorisée à me déplacer ? Il faut une attestation de déplacement dérogatoire, à remplir sur l'honneur. Alors voyons :

AEV 1920-22 Eliane La Queue en brieMme Adélaïde de Chincholle
Née le 29 février 1933
Demeurant 2 impasse des Glaïeuls
94510 La Queue en Brie

Je coche la case indiquant «déplacement pour effectuer des achats de première nécessité» et me voici pourvue du précieux laisser-passer.

Et même si cela comporte des risques, cette sortie sera une bouffée d'oxygène, car cette assignation à résidence devient un peu pesante.

2 octobre 2018

Les prénoms de la Maison de quartier de Villejean / Eliane

AEV 1819-04 Eliane 3094517787_1_3_0IgkWikoMandoline de Villejean porte des jupes longues, des chaussures compensées et des fleurs dans les cheveux. Elle est adepte du « Faites l'amour, pas la guerre. » et de l'amour libre. Elle a deux enfants et ne sait pas très bien qui en est le père. Elle laisse la communauté en être responsable autant qu'elle-même.

On lui a rapporté qu'un soir où il faisait particulièrement sombre, après avoir fumé plus que d'habitude, elle déambulait dans le quartier en demandant inlassablement : « Mais qui a éteint la pleine lune ? ».

Elle ne se pose pas la question de savoir ce que sera son avenir ou celui de ses enfants, elle pense qu'il y aura toujours quelqu'un pour elle. Elle pense que le passé n'a jamais épuisé l'avenir. Que tout est possible, qu'elle s'adaptera à la situation.

Mais elle finira sans doute par se poser et devenir une parfaite petite bourgeoise très sage.

***

AEV 1819-04 Eliane les fonctionnairesGaston de Villejean travaillait aux PTT (Postes, Télégraphe et Télécommunications). Il était commercial, chargé de vendre des abonnements téléphoniques. Tâche dont il s'acquittait très bien. A 40 ans il était encore célibataire. Trop sérieux, trop tatillon. Les jeunes femmes s'ennuyaient très vite en sa compagnie. Et comme il n'était pas porté sur la bagatelle, il n'insistait pas. Il aimait bien son petit train-train quotidien.

Lors des réunions professionnelles, aux moments des pauses, il y avait toujours un petit rigolo pour lui lancer : « Eh, Gaston, y a le téléphon qui son ! » Cela ne le déridait même pas, il n'avait aucun sens de l'humour.

***

Rosalie est une femme toute mignonne, rousse, bouclée. Elle est mariée depuis presque 10 ans avec Marius de Villejean. Ils habitent un coquet pavillon près de Rennes, ont deux enfants, ont des amis, reçoivent.

Rosalie s'acquitte très bien de son rôle d'épouse et de mère. En même temps elle s'investit dans une association d'aide aux devoirs à la Maison de quartier de Villejean à Rennes.

Marius est cadre bancaire.

Marius et Rosalie forment un couple exemplaire aux yeux de tous.

Mais que sait-on vraiment de leur intimité ? J'aimerais demander à leur porte d'entrée de livrer ses secrets. Car une porte regarde aussi bien dehors que dedans.

Pourtant il ne faudrait pas divulguer ses confidences car la parole est comme un œuf, à peine éclose elle a déjà des ailes.

AEV 1819-04 proverbe-malgache-49630

18 septembre 2018

Echanges entre voisines / Eliane

Eh ! Charmante voisine
Je ne vous ai pas vue à la fête hier
Où étiez-vous ? Tombée dans la ravine ?
Pleine de boue, les quatre fers en l'air ?

Non, vilaine commère, j'étais dans la ville voisine
Mon fils avait une permission inespérée
J'ai couru le rejoindre avant qu'il se débine
Roucouler avec sa belle à la nuit tombée.

Une visite à ton fils ! Rare et fabuleux !
A peine arrivé il repart pour sa garnison !
Avait-il au moins l'air heureux ?
Je sais, de son absence tu dois te faire une raison.

Raconte-moi plutôt ce qui s'est passé à la fête.
L'animation venait-elle des mêmes trublions ?
La belle Shéhérazade faisait-elle tourner toutes les têtes ?
Qu'avez-vous fait après la disparition du soleil à l'horizon ?

AEV 1819-02B sheherazade____by_rare124

 

Les musiciens étaient présents avec leurs instruments
Les gens ne se sont pas fait prier pour danser.
Se sont éclipsés vers d'autres squares quelques nouveaux amants
Et chacun a fait semblant de les ignorer.

Quand je suis rentrée Square de Normandie
La fête était déjà finie.
Le feu d'artifice, je crois, partait du square de Gascogne
Eclairant, je le sais, des hommes la trogne.

La nouvelle venue propose demain square d'Anjou
Un thé où ne sont pas conviés les époux.
Ils regarderont le grand prix du Dauphiné
Avec des bières de Flandre, placis de l'Orléanais

Laissons-les à leurs délires
Chacun ses plaisirs
Et le soir venu, retrouvons-les avec bonheur
Au sein du foyer partager la chaleur.

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