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L'Atelier d'écriture de Villejean
12 septembre 2017

Saltimbanque érudit / Eliane

Il vivait comme un saltimbanque, élevait ses enfants à la va-comme-je-te pousse et les nourrissait essentiellement de nouilles, seule chose qu'il savait cuisiner.

Leur mère était partie et depuis on ne lui avait connu aucune petite amie. En fait il y avait longtemps qu'il avait viré sa cuti.

Il disait volontiers : « Je pense donc je suis ….célibataire. »

Néanmoins il était cultivé. Et même s'il ne faisait rien de cette culture elle transpirait de-ci de là dans ses propos. Il citait Sartre, Camus ou Victor Hugo, racontait volontiers qu'il était allé sur la tombe de Rimbaud à Charleville-Mézières. Il avait les yeux remplis d'émotion en parlant de Michel-Ange dont il était fan.

Il disait :

« Si Michel-Ange n'avait pas été homosexuel, la Chapelle Sixtine aurait été peinte en blanc au rouleau, Et en deux jours l'affaire aurait été réglée. »

Lorsque ses enfants étaient endormis, il allait chercher l'extase dans les boites gay où, entre deux lambadas, l'affaire était conclue.

AEV 1718-01 michel-ange-la-creation-d-adam

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12 septembre 2017

Repas du soir / Eliane

Il était là, attablé, le coin de la serviette à carreaux enfoncé dans son col. Son gros ventre l'empêchait de suffisamment s'approcher de son assiette et il était obligé, en avant, de se plier en deux.

Il était concentré sur ce qu'il faisait, rien d'autre n'existait autour.

Se goinfrer, la tâche était essentielle pour lui. On ne peut pas dire qu'il mangeait, il bâfrait plutôt. La cuiller arrivait jusqu'à sa bouche et il avalait la soupe avec de grands bruits, avec de grands « Schulps ». Il nourrissait aussi sa moustache.

AEV 1718-01 Outremangeur

Sa femme prit place en face de lui avec grâce et élégance. Elle pinçait le nez, il y avait de quoi être au bord de la nausée.

Le potage terminé il se redressa, s'affaissa sur son dossier et rota bruyamment avant d'essuyer bouche et moustache d'un grand coup de serviette.

Elle n'en pouvait plus de ce spectacle, elle se leva.

- Mais quand apprendras-tu à manger correctement ?

Il la regarda goguenard.

- J'ai une réunion, dit-elle rapidement. Je te saurais gré de débarrasser et de remplir le lave-vaisselle avant mon retour.

Il se tapa sur le ventre.

- Je sais que tu as des envies de meurtre, mais si je t'aide je serais tranquille pour ce soir. On n'a jamais vu une femme tuer son mari pendant qu'il faisait la vaisselle. Pas vrai ?

Elle ne daigna pas répondre et sortit.

6 juin 2017

Deux oreillers, un polochon / Eliane

Deux oreillers s'aimaient d'amour tendre.

Les jeunes époux dont ils soutenaient les rêves dormaient enlacés, les oreillers se serraient donc l'un contre l'autre.

Cela dura quelques années, puis tout se brouilla, les amants enflammés d'hier se tenaient désormais chacun à un bord du lit en se tournant le dos. Les oreillers s'éloignèrent.

Ce n'était pas encore très grave, les mouvements involontaires des dormeurs les rapprochaient souvent.

Mais ils commencèrent à se quereller, chacun accusant l'autre d'être à la source de ce malaise. Le malaise laissait toutefois place à la tendresse quand il leur arrivait fortuitement d'être rapprochés, voire de se chevaucher.

La mésentente des époux gagna encore quelques degrés et, comme il n'y avait qu'un lit dans l'appartement, ils décidèrent de délimiter la place de chacun pour dormir à l'aide d'un polochon.

Ce polochon trônait royal au milieu du lit séparant les deux oreillers à tout jamais.

La frustation les fit devenir ennemis, chacun accusant l'autre de vouloir pactiser avec le nouveau venu.

Et, tandis que le polochon s'épanouissait à l'aise, chacun des oreillers se renfrognait, le froissait, se tirebouchonnait.

Bref, chaque matin le lit ne ressemblait plus à rien.

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6 juin 2017

Roman à succès / Eliane

 

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Son polar ne trouvait aucun éditeur. « Pas assez de sang, de sexe, de sauvagerie, consultez un writing-doctor ! » conseillaient-ils. 

- Ecrivez avec vos tripes ! » ordonna le doctor es-lettres, puis il ajouta : « Ecrivez votre prochain roman à l'encre rouge exclusivement et je vous garantis que le succès viendra ». Le succès ne tarda pas, mais pas celui tant espéré.

Il commença donc son histoire à l'encre rouge mais bien sûr cette encre appelait le sang. Il inventa alors des scènes de crime plus gores les unes que les autres. Ses assassins étaient d'une imagination débordante pour infliger les pires sévices à leurs victimes.

Les scènes lui apparaissaient si nettement qu'il en faisait des cauchemars la nuit et se réveillait en hurlant dressé sur son lit et en sueur.

Sa femme, d'abord compatissante, le rassurait : « Ce n'était qu'un rêve !». Puis elle s'irrita, lui intimant de se rendormir et enfin elle fit chambre à part. S'il voulait qu'elle réintègre le lit conjugal qu'il finisse ce fichu roman au plus vite !

Il ne souffrait pas de cette désertion, le sexe étant pour l'heure le cadet de ses soucis, du moins dans la réalité car, il le savait, il lui faudrait très vite en parsemer son roman. Pour ce sujet en particulier il n'avait pas vraiment d'idées, sa vie sexuelle avec son épouse étant plutôt plan-plan.

Alors il acheta des revues spécifiquement masculines. Il regardait ces filles qui s'offraient sans émoi. Il alla voir des films pornos, il relut le Kama-Sutra, il regardait tout cela avec un œil professionnel et il inventait des situations pas possibles, sans aucune morale, des trucs sado-masos dont il n'avait même pas idée jusque-là.

Il alla même jusqu'à aller voir les putes. Il leur trouvait une imagination débordante, et il écrivait, il écrivait.

Son commissaire-héros était dépassé, tout comme il l'était lui-même et pourtant l'un des imitateurs d'un tueur en série particulièrement machiavélique commit une erreur. Le commissaire et toute son équipe s'engouffrèrent dans la brèche, ils arrêtèrent plusieurs assassins mais ne parvinrent pas jusqu'à celui qu'ils traquaient depuis des mois. Il y aurait donc une suite, il sentait qu'il tenait un bon filon.

Il envoya son manuscrit à plusieurs éditeurs. Tous, enchantés, souhaitaient le publier, alors il choisit le plus offrant.

Le livre parut mais, contrairement à tous les espoirs mis en lui, il n'intéressa qu'un petit nombre d'amateurs. Il allait devoir réviser sa copie.

Mais un fait divers remit tout en question. Un crime particulièrement abominable fut commis. Une femme fut violée, éviscérée, énuclée et retrouvée sous une couverture de pétales de roses.

Très vite le bruit courut que le criminel s'était inspiré de son récit pour accomplir son œuvre. Une foule se précipita pour acheter le bouquin et dès lors il fut célèbre, son nom était sur toutes les lèvres, dans tous les journaux. Il ne s'en réjouit pas : il était donc responsable de cet acte odieux, il avait réveillé les instincts pervers et sadiques d'un malade, qui selon toute vraisemblance, si on ne l'arrêtait pas à temps, commettrait d'autre crimes tout aussi atroces.

Il en avait la nausée, ce n'était pas de cette gloire là qu'il avait rêvé.

AEV 1617-29 scène de crime

30 mai 2017

Une jeune fille aux yeux pers / Eliane

AEV 1617-28 serveuse

Elle avait les yeux pers, il avait les yeux vairons.

Elle portait une robe incarnat sur sa peau d'albâtre.

Il la contemplait, admiratif, mais elle ne le regardait pas. Elle était au bout du rouleau, elle avait servi des cafés, des cafés au lait, des cacaos toute la journée mais bien sûr il ne le savait pas. Il ne savait pas qu'elle avait dû sourire à des clients acariâtres, éviter les mains baladeuses de quelques abrutis ou réparer les dégâts de quelques « absents » qui avaient renversé leur tasse.

Il ne voyait rien de tout cela, animé du désir de lui être agréable. Il avait envie de lui offrir du champagne, des roses rouges et même, et surtout, de l'emmener au septième ciel.

Alarmé, il vit un homme s'approcher d'elle. Un grand mec à la chevelure d'ébène et à l'air altier. Ouh, la, la ! La compétition allait être rude ! Mais la belle tourna la tête et regarda par la fenêtre. Sauvé pour cette fois-ci, mais il avait eu la frousse.

Brusquement, tous les hommes lui paraissaient être des ennemis, des dangers. Par exemple celui-là qui fumait un havane dans le fauteuil Club, ou cet autre, véritable statue de bronze, accoudé au bar.
Même celui-là qui ne payait pas de mine avec sa tignasse couleur carotte.

Bon, assez, il lui fallait être dans l'action. Quelle stratégie adopter ? Il ne fallait pas se planter, se faire rembarrer sous peine d'avoir le cœur lourd et de se traîner des tonnes de cafard. Tout cela le rendait anxieux.

Il en était là de ses ruminations quand brusquement elle se leva, prit son sac et sortit.

Il décida de la suivre.

Elle semblait d'humeur insouciante, un léger sourire grenat sur ses dents de porcelaine. Elle marchait d'un pas alerte, dansant, dans cette ville de pierres grises et d'ardoises brillantes de pluie.

Elle était comme délestée du poids qui, un instant avant, ployait ses épaules.

Curieux il la suivait, inquiet de sa destination mais charmé par cette ballerine qui évoluait devant lui.

Elle s'arrêta devant un grand porche marron, sonna, le porche s'ouvrit et se referma derrière elle.

Arrivé à son tour devant ce portail, il constata qu'il ne portait aucune indication, aucun nom, seulement une sonnette couleur argent.

Il sonna, on lui demanda qui il désirait voir. Il ne connaissait pas le nom de la belle. A tout hasard il dit : « Isabelle ». « Il n'y a aucune Isabelle ici. » Il resta coi, dégrisé, dépité.

Puis il sonna à nouveau : « Excusez-moi, mais il y a une jeune femme qui vient d'entrer, elle a perdu une barrette, une belle barrette incrustée de saphirs. Je voudrais la lui rendre. On lui demanda d'attendre puis on l'informa que non, nulle barrette de ce genre n'avait été perdue.

Contrarié, déboussolé, il ne savait que faire. Il tenait tellement à l'aborder, à lui adresser la parole, à tenter sa chance.

Il décida d'attendre, elle finirait bien par sortir, même si ce n'était que le lendemain.

Il alla s'asseoir sur un banc et resserra sa veste autour de lui. L'espoir était incrusté en lui.

Mais il avait froid et il avait faim. Il grelottait. Un passant compatissant lui demanda s'il avait besoin d'aide. Il lui lança un regard noir, haineux, en déclarant qu'il n'avait rien demandé. Le passant effaré passa son chemin.

AEV 1617-28 coralie

Le temps passait et, à la longue, il eut vraiment trop froid et trop faim. La mort dans l'âme, il se décida à entrer dans ce café, un peu plus loin, qui éclairait le trottoir d'un rectangle jaune.
Il se sentait amer, commanda un chocolat chaud. Il voulait bien aussi les quelques groseilles qui traînaient sur le bar.

Derrière celui-ci deux serveuses ronchonnaient. « Vraiment elle exagère, elle a maintenant une demi-heure de retard. » Le patron intervint : « Finalement Coralie ne viendra pas ce soir, mais il n'y aura plus beaucoup de clients maintenant, Solange, tu peux partir. »

Il leva les yeux : « Coralie, cette jeune femme aux yeux pers, à la peau laiteuse qui aujourd'hui portait une robe rouge ? ».

Les serveuses acquiescèrent et il se sentit soudain envahi d'un doux bien-être. Voilà ! Elle travaillait ici, désormais il saurait où la trouver.

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23 mai 2017

Jour de kermesse / Eliane

C 'était un beau dimanche ensoleillé,
D'une journée festive et amicale la promesse.
C'était, au village, le jour de la kermesse.
Les filles s'en réjouissaient depuis la veille.

Aujourd'hui, dans leurs sacs,
Juste de quoi assurer leurs dépenses,
Bonbons en vrac,
Pour un plaisir immense.

Un clown grimace,
Ramasse une limace
Puis la jette, la repousse ;
Elle atterrit dans la mousse.
Pauvre limace
Sans carapace !
Les filles font la grimace.

AEV 1617-27 Eliane Peter_Paul_Rubens_014

Plus loin, juste devant le précipice,
Un homme dresse un rapace,
L'envoie jusqu'au piton qui dépasse.
La foule s'agglutine
Pour, d'un beau spectacle, les prémisses.

Indifférente, une abeille butine
Et la foule s'éparpille.

Les filles sucent des glaces à la myrtille
Quelques danseuses se trémoussent
Devant un bambin suçant son pouce.
La maman, une jolie rousse
Portant un tailleur,
Regarde ailleurs.
Les danseuses assoiffées crient « Pouce ! ».

Plus loin encore, dans l'impasse,
Un magicien fait un tour de passe-passe.
La foule de nouveau fait masse.
Les filles s'immiscent,
Espérant que les éblouir il puisse.
Le tour est raté.
Le magicien implore la clémence
Ravageant leur désir immense.
Leur attention est déconnectée ;
Leurs achats elles ramassent
Et pendant qu'un attelage passe-passe
Vers la sortie elles se poussent.

Une vieille dame propose des pamplemousses :
Elle déclinent, elles ont un herpès,
Disent devoir aller à la messe
Ou alors faire la moisson.
Sur le paillasson
La vieille rigole,
Les filles se gondolent.

AEV 1617-27 Eliane kermesse

 

 

2 mai 2017

La Beauté / Eliane

La beauté est dans l'oeil de celui qui regarde. La beauté ne serait donc que subjective, ne concernerait que le sujet observant, sans tenir compte de l'aspect physique répondant, ou non, aux canons de beauté reconnus par tous du sujet observé ? Alors la question se pose, qu'est-ce qu'un être, un paysage, un objet beau ? 

AEV 1617-26 Eliane beauté

Les canons de beauté seraient-ils une question d'équilibre, d'harmonie flattant la représentation interne que le sujet observant se fait du sujet observé ?

L'affirmation de la phrase « La beauté est dans l'oeil de celui qui regarde » semble dire que chacun a sa propre idée des proportions harmonieuses, de l'équilibre des lignes. Pourtant nous sommes unanimes à reconnaître que tel site naturel est beau, agréable à contempler. Alors pourquoi n'est-ce pas forcément le cas pour la beauté d'un être humain ?

Il est vrai que pour ces derniers beaucoup d'éléments entrent en jeu : le charme, le sourire, l'oeil qui pétille, la conversation, la façon de se mouvoir, la grâce.

 Bien sûr il en faut pour tous les goûts, c'est sans doute pourquoi la nature (Dieu pour certains) nous a  faits tous différents. D'abord cela permet de se différencier, de se reconnaître pour que chacun trouve ce qui le séduit en l'autre.

Pour apprécier la beauté il fallait un élément de comparaison, son opposé, des traits disgracieux, des personnages repoussants, c'est pourquoi Dieu créa la laideur dans un geste oblique.

2 mai 2017

Le Séducteur / Eliane

AEV 1617-26 Eliane Casanova

Le journal d'un séducteur est un large panorama de conquêtes féminines. Casanova, en voyant une belle femme, une femme qui l'attire, n'a de cesse de la séduire, de la conquérir et, pour tout dire, de la mettre dans son lit.

Ce but, durant le temps que dure l'opération, mobilise toute son énergie, occupe toutes ses pensées. C'est un aveu, il lui faut cette femme.

Pendant le temps que dure la conquête il ne voit pas les autres beautés qui passent à proximité. Elles ne l'intéressent pas, il lui faut simplement être victorieux de la résistance opposée. Comme il a une grande pratique, beaucoup d'opiniâtreté, il arrive toujours à ses fins.

Une fois le but atteint la dame ne l'intéresse plus, il n'est pas amoureux, il n'est pas conquis. Alors les autres femmes prennent corps et, parmi elles, la plus pure, celle qui ne se laissera pas facilement faire, celle-ci retient toute son attention, et la lutte commence tandis que pleure la conquête précédente.

Il s'agit simplement du jeu cruel d'un sale tordu.

2 mai 2017

L'Inconscient / Eliane

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L'inconscient est un lac obscur. Par définition même, nous ne sommes pas concients de la composition des remous de ce lac.

Pourtant, au moins pour Freud et quelques autres, ce serait ce lac qui guide nos pulsions, qui est le réalisateur de nos rêves nocturnes.

On pourrait se demander ce qui l'a formé et de quoi il est composé : souvenirs d'enfance enfouis ? Séquelles d'éducation ? Incomplétude, manque d'amour ? Désir de se faire une place ? C'est bien compliqué, bien mouvant, bien refoulé.

Nous n'aurions donc pas notre libre arbitre, notre pouvoir de décision, de choix de chemins. Nous serions dirigés, poussés, malmenés par cet inconscient. Il nous ferait agir contre notre volonté, responsables de nos actes manqués et autres. 

Nous n'avons pas le mode d'emploi pour le déverrouiller nous-mêmes, pour le mettre au grand jour et ainsi pouvoir, peut-être, agir en opposition à ce que ce puissant inconscient veut  nous imposer.

Alors on peut conclure que celui-ci n'est finalement qu'un blanc inconnu sous clé stricte.

25 avril 2017

Images / Eliane

Elle plongea sa plume dans l'encrier et inscrivit le mot « plage ». Des coquillages enluminèrent la page. Amusée, elle trempa de nouveau sa plume dans l'encrier et écrivit le mot « soleil ». Une multitude de parasols multicolores parsemèrent la plage.

AEV 1617-25 Eliane deauville-parasol-istock-encrier

C'était amusant. Elle allait tenter, avec un simple mot de mettre le décor en mouvement, elle écrivit le mot « vent ». Aussitôt les parasols se couchèrent ou prirent la poudre d'escampette. Des petits bonhommes en maillots de bain s'agitèrent en tous sens pour les rattraper, ils enfilèrent des tee-shirts, emplirent leurs sacs de plage de toutes les affaires éparses autour d'eux et rappelèrent leurs enfants. Le vent qu'elle avait écrit soufflait fort.

AEV 1617-25 Eliane aquarelle-pastor-bigoudene-vent

Elle ne voyait plus le temps passer, sa caméra intérieure bifurquait jusqu'à la promenade qui surplombait la grève, des Bigoudènes d'un âge respectable retenaient leurs coiffes à grand peine.

Pourquoi ne pas continuer sur cette voie ? Elle inscrivit le mot « tempête », de la houle se forma dans le port faisant dangereusement danser les bateaux qui tiraient sur leurs amarres.

Elle s'amusait beaucoup. Poussant plus loin dans le scénario catastrophe, elle inscrivit « chalutier ».
Elle se trouva immédiatement au milieu des marins. Ils étaient vêtus de cirés jaunes et de bottes. Ils l'aidèrent à enfiler le même uniforme. Elle recevait des paquets de mer et tentait tant bien que mal de conserver son équilibre sur le pont de ce bateau qui roulait d'un bord sur l'autre, tandis que le capitaine maniait la barre au mieux pour négocier les vagues. C'était pénible, elle avait froid, alors sur le cahier elle écrivit « calme ».

Aussitôt la mer se calma, le soleil réapparut et elle fut miraculeusement transportée sur un chemin de campagne. Le décor était bucolique, les oiseaux pépiaient, se répondant à l'envie, des vaches placides la regardaient passer en ruminant consciencieusement, un petit ruisseau chantait. Elle longea un moment le cours d'eau, elle était envahie d'une grande paix. Mais le sujet s'épuisait, elle écrivit « ville ».

Une place se dessina, au milieu une fontaine, autour des maisons à colombages, des rues pavées, des boutiques. Des passants pressés et d'autres musardant. Sur le dessin le soleil brillait toujours, alors elle inscrivit « été ».

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Les gens sur la place changèrent d'allure, se parèrent de robes légères, de bermudas, de sandales et de lunettes de soleil. Des enfants s'éclaboussaient avec l'eau de la fontaine pendant que leurs grand- parents se reposaient sur des bancs à l'ombre des tilleuls.

Cette place lui rappelait celle où elle avait passé son enfance. Mais ensuite elle avait grandi. Sa plume traça « boite de nuit », elle se retrouva dans un lieu plutôt sombre et bruyant : musique disco, lumières psychédéliques, boissons colorées dans lesquelles des glaçons tintaient contre le verre. Lumière noire intermittente. Des garçons la serraient de près qu'elle repoussait autant qu'elle le pouvait. Soudain elle se sentit épuisée, alors elle écrivit « maison » et se retrouva dans sa réalité, dans son salon douillet. Sur le bureau, un cahier avec des mots sans suite. Elle sourit.

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