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L'Atelier d'écriture de Villejean
7 avril 2020

Photo de famille / Eliane

La mère aux trois enfants dont un qui pleure)Je me suis portée volontaire, avec quelques cousins, pour vider la maison du vieil oncle qui vient d'entrer en Ehpad.

Je tombe sur un album photos, je le mets de côté pour le lui apporter. Il sera certainement heureux de replonger dans ses souvenirs. Et puis je découvre une boite à chaussures remplie de photos qui n'ont pas été triées. Elles sont toutes ratées, floues, mal cadrées. Pourquoi les a-t-il conservées ?

Je m'attarde sur l'une d'elle. Sa famille, femme et enfants. Même s'il y a peu de détails au niveau paysage, je pense qu'elle a été prise en Auvergne. Ils habitaient alors une vieille ferme, élevaient des chèvres et faisaient des fromages.

Je retrouve difficilement les traits de la vieille dame que j'ai connue dans ceux de cette femme dans la force de l'âge. Quant aux enfants, des cousins, je ne les ai connus qu'adultes.

Pourquoi mon oncle s'est-il précipité pour actionner le déclic ? Les protagonistes ne sont manifestement pas prêts !

Le but de la manœuvre devait être une photo bien mise en place, où chacun aurait été bien posé et souriant. Mais rien ne semble s'être passé comme prévu. Le bébé hurle et le fait d'être solidement maintenu par sa sœur aînée n'arrange rien.

La mère, toujours dans sa blouse de ménage, est dans une position peu gracieuse, ni à genoux, ni assise. De plus elle parle et semble en colère. Elle est bien loin de sourire.

Résultat de tant de précipitation, la photo est floue. Seuls les deux aînés des enfants semblent tirer leur épingle du jeu en affichant un franc sourire.

Cela ne suffit manifestement pas à sauver le cliché.

Mais à quoi pouvait penser Célestine, ma tante, à ce moment-là ?

***

Oh, là, là ! Têtu comme lui il n'y en a pas deux ! Je lui ai dit d'attendre, mais pas moyen. Monsieur est pressé ! Pressé de quoi ? On se demande !

J'aurais voulu mettre une jolie robe et le dernier collier qu'il m'a offert. Une photo de famille sera regardée par nos enfants plus tard et nos petits-enfants. Je ne voudrais pas qu'ils pensent que j'étais laide et négligée. Et puis Arsène pleure et se débat. Ce n'est pas facile pour un petit garçon de trois ans plein de vie, de garder la pose.

Allez ! J'essaie encore de convaincre le photographe :

- Attends un peu, rien ne presse. Je vais calmer notre gamin. Laisse-nous le temps de mieux nous préparer ! »

Rien à faire, il ne veut rien savoir. Je m'énerve, il s'obstine. Il dit qu'une photo c'est mieux si elle est prise sur le vif. Je bougonne : quelle piètre image cela va donner de notre famille !

 

AEV 1920-25 Eliane - chèvres

Pourtant il aurait pu faire une belle prise de vue, devant l'ancien corps de ferme joliment fleuri que nous habitons, avec pour fond les jolies montagnes arrondies sur lesquelles on aurait vu notre troupeau de chèvres !

Une fidèle représentation de ce qui constitue notre vie. Nous sommes heureux, même si nous travaillons beaucoup, Les chèvres il faut les garder, les traire, faire les fromages, les vendre. En plus, avec trois enfants, nous ne chômons pas.

Mais Clic, c'est dans la boîte.

Emile ramasse son matériel, replie son trépied. Je me demande à quoi il a bien pu lui servir ce trépied.

Arsène enfin lâché court rejoindre ses chères biquettes. Nous nous relevons..

Emile semble satisfait. Il le sera sans doute moins quand il verra la photo développée.

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