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L'Atelier d'écriture de Villejean

23 septembre 2014

Tonton Nestor / Jean-Paul

- Qu’est-ce que tu fais là ? a demandé Tonton Nestor.
- Rien, Tonton ! Avec mon copain Archibald, on joue juste à l’Ecoute-aux-portes !
- Poussez-vous donc un peu, les mômes ! Je n’ai pas très envie que vous renversiez cette grande potiche. Elle vient de Chine, elle coûte une fortune. Allez jouer dehors, garnements !
- Mais… Tonton Nestor. C’est qu’il pleut abondamment, bien plus que dans la Bretagne et la Belgique réunies !
- Alors va-t-en voir là-haut si j’y suis, Augustin !

On ne se l’est pas fait dire deux fois. La maison de Tonton ressemble à un musée et rien ne nous plaît plus, à mon copain Archie et moi, que d’en explorer les coins et les recoins chaque fois que Maman nous laisse en garde chez Tonton. Ce jour-là, du coup, comme on avait la permission, on est allés jouer aux aventuriers dans le grenier.

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Chez Tonton Nestor, le comble des combles c’est qu’on n’y trouve aucune poussière. Tout l’amoncèlement d’objets exotiques, hétéroclites, insolites et cosmopolites qui se trouve là est propre comme un sou neuf. La petite statuette à laquelle il manque une oreille semble avoir été sculptée la veille, la collection de plumeaux de Tonton semble avoir été nettoyée au plumeau et le vieux scaphandre orange est comme prêt à servir.

- Messieurs a clamé Archibald du haut de ses neuf ans en refermant la porte, allons faire à présent la tournée des boxons !
- Du boxon, Archibald !

On a fouiné un peu partout et on a commencé par ouvrir un coffre aux trésors dans lequel il y avait surtout des vêtements de femme. Ça nous a paru surprenant parce que Maman m’a toujours dit que Tonton Nestor était resté « vieux gars » et c’est vrai qu’il n’y a jamais personne du sexe féminin à lui rendre visite chez lui du moins quand Maman a son bridge et qu’elle me dépose chez Tonton avec un de mes copains. Tonton Nestor, depuis que je suis tout petit, c’est mon baby-sitter préféré !

- Attends une minute Augustin. Retourne-toi, je te prépare une surprise !

J’ai fait ce que mon pote demandait, j’ai contemplé le tableau du pirate barbu avec son chapeau à grandes plumes et sa caravelle au loin sur la mer pendant qu’Archibald, je m’en doutais bien, enfilait un déguisement.

- Alors mon rat ? Est-ce que je te tente ?

Mon Dieu, ce que c’est tout de même que de nous ! Cet idiot d’Archibald s’était vêtu d’une robe rose à manches courtes et bouffantes et il s’était mis des fleurs sur les oreilles !
- Remball’ tes os, ma mie, ai-je répondu. Tu es bien trop maigrelette à mon goût !
- Allons, ne te défends pas ! Avoue que je te plais ! Tu me plais, viens donc, beau militaire !
- Je suis le maître à bord ! Sauve qui peut ! Le vin et le pastis d’abord ! Chacun sa bonbonne et courage ! » criai-je en m’enfuyant à l’autre bout du grenier.
- Je suis un p’tit poucet perdu ! Je suis seule et j’ai peur ! Ouvrez-moi par pitié !
- Le bon Dieu me le pardonne, mais chacun pour soi !

Là-dessus, parce que la virtuosité est une affaire de balourds, ce gros malin d’Archie, bien que ses frêles mollets fussent empêtrés dans les dentelles de sa robe trop longue, a quand même réussi à m’agripper et a entrepris de m’embrasser !

- Arrête, crétin, ai-je dit. J’ai vu par la lucarne qu’il a cessé de pleuvoir et que le soleil brille. On peut retourner jouer au foot dehors.
- Le temps, madame, que nous importe ? Les femmes adultères, d’abord, n’en ont que faire !
- Attends, je ne suis pas une femme moi ! T’as dû te gourer dans tes répliques ! Je suis un pirate porté sur la bouteille !
- Les poivrots, le diable les emporte ! Reviens plutôt au coffre essayer d’autres déguisements !

Effectivement, Archibald a voulu me faire revêtir une autre robe d’apparat avec une coiffe blanche ridicule et pour rire encore plus, m’a affublé d’un miroir orné de marguerites mais j’ai refusé et j’ai jeté mon dévolu sur une superbe veste blanche avec un nœud papillon de la même couleur. Une fois que je l’ai eu enfilé, Archie m’a appelé.

- Hé ! Augustin ! Qu’est-ce que c’est que ça ?

Il s’était arrêté devant une grande malle verticale sur le couvercle de laquelle une étiquette disait « Fermé jusqu’à la fin des jours pour cause d’amour ».

- Tu crois qu’on peut l’ouvrir ? C’est peut-être dangereux ?
- Je ne sais pas ! Essaye pour voir ! Tu vas peut-être trouver dedans la femme ou l’homme de ta vie ?

Archibald a fit glisser deux petits boutons métalliques ronds. Cela a libéré deux fermetures à ressort puis il a soulevé le petit cliquet au milieu, ouvert le couvercle de la malle et alors nous sommes restés pétrifiés quand une voix d’outre-tombe est sortie de l’horreur à bandelettes qui était à l’intérieur.
- Merci ! Qu’on pût encore me désirer ce serait extraordinaire et pour tout dire inespéré ! Je ne suis pas bien grosse mais ça n’est pas de ma faute !
- Une momie ! » me suis-je exclamé en poussant Archie du coude.
- Et qui cause ! » m’a-t-il répondu d’une voix chevrotante. Il ouvrait de grands yeux hébétés et il me faisait mal à force de me serrer le bras. La momie poursuivit ce qui ne semblait être qu’un monologue.
- Mon cher, dit-elle, vous êtes fou ! J’ai deux mille ans de plus que vous !

Soudain il se passa une chose encore plus étrange. La momie pivota sur elle-même, ses yeux devinrent deux boules rouges phosphorescentes, elle fixa son regard sur moi et dit :

- C’est toi que j’aime et si tu veux tu peux m’embrasser sur la bouche et même pire !

Elle me tendit ses bras, ses lèvres, comme pour me remercier mais Archie réagit le premier et d’un coup sec il rabattit le couvercle de la malle. Nous repoussâmes les verrous tandis qu’à l’intérieur la momie protestait :
- Aïe ! Vous m’avez fêlé le postérieur en deux !

***

Quand l’incident a été terminé, nous nous sommes épongé le front et sans demander notre reste nous avons redescendu l’escalier quatre à quatre, encore haletants, les cheveux dressés sur la tête d’avoir ressenti un tel effroi.

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Pour donner le change à Tonton Nestor, une fois arrivés en bas, nous avons rectifié notre tenue et nous avons pris chacun un illustré dans sa collection de bandes dessinées. Puis nous nous sommes installés sagement sur le canapé du salon.

Tonton Nestor nous tournait le dos car il était en train de téléphoner. Nous l’avons écouté sans qu’il se rendît compte de notre présence :
- Non, Irma, disait-il à son interlocutrice. Je ne pourrai pas tout de suite. Quand je travaillais encore dans son château, Madame la marquise m’a collé des morpions. Ils ont grandi depuis et je suis en train d’en garder un. Quand j’aurai rendu Augustin à sa mère je viendrai te prouver que je n’ai jamais aimé que toi, ma Bibiche.

C’est donc ce jour-là que j’ai appris, tout à fait par hasard, à cause d’une momie nymphomane, que Tonton Nestor n’était pas mon oncle mais bel et bien mon père génétique ! Dès qu'il s'agit de cacher la poussière sous le tapis, les adultes sont décidément très forts !

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23 septembre 2014

Tonton Nestor et le Hezbollah / Dominique MD

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« Mon cher, dit-elle, vous êtes fou, j'ai deux mille ans de plus que vous ». Tonton Nestor n'en croyait pas ses oreilles. Lui qui avait mis la zizanie aux noces de Jeannette, lui qui avait mis un pinçon en son éminence charnue, lui qui n'avait pu, jamais, mettre un peu d'ordre dans sa tenue, ses propos, ses façons d'être, voilà qu'une statue, et pas n'importe quelle statue, une statue de reine, le tenait en respect, lui disait « pas touche !», l'enjoignait de garder ses distances, d'arrêter de maudire.

Deux mille ans, diable ! Qui pouvait bien être cette femme ? C'était refroidissant.

Il arpentait un ancien cloître glacial, un soir de décembre, au Liban, à Tripoli exactement. La neige était tombée depuis plusieurs jours sur le Mont Liban, c'était magnifique.

 

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Il s'était joint à un groupe de joueurs de cricket pakistanais, rencontrés dans l'avion Paris-Beyrouth. Eux poursuivraient leur route vers l'Est, lui remonteraient vers le Nord.

« Le temps, madame, que nous importe ! ». Voilà ce qu'il aurait voulu répondre. Mais il n'avait pas eu le temps. Déjà le groupe se déplaçait, il ne voulait pas perdre ses joueurs de cricket. Avec eux, il s'amusait vraiment. Certes, il ne parlait pas l'ourdou, et ne comprenait pas non plus leur anglais chantant parlé à la façon indienne. Lui ne connaissait tout au plus que dix mots de la langue de nos voisins. Mais curieusement, la statue lui avait parlé dans une langue qu'il avait comprise. Ce n'est pourtant pas la Pentecôte, pensait-il !

Les joueurs de cricket s'engouffraient maintenant dans un car qui devait les emmener au restaurant à Byblos. Il se fit tout petit, cacha son visage et ses bacchantes dans sa casquette et monta incognito dans le car. A Byblos, il regretta un peu son initiative. En effet, les joueurs étaient accueillis dans un restaurant luxueux. Dans l'entrée, on servait du champagne et des mezzés. Mais bientôt, il faudrait s'asseoir à table or sa place n'était pas prévue. Il pensait passer le temps du repas avec le chauffeur de car mais celui-ci était déjà reparti pour essayer de garer son engin quelque part dans les rues étroites de la ville.

Il alla alors se cacher dans les toilettes, le temps du repas des joueurs. Mais au bout de dix minutes d'enfermement, il entendit une voix semblable à celle de la statue : « Etranger, sauve-toi d'ici, ou l'on donne l'alarme aux chiens et aux gendarmes !». Les gendarmes, il en faisait son affaire, il avait toujours su leur parler. Il avait fait ses premières armes à la foire de Brive la Gaillarde, où il s'était interposé entre quelques dizaines de gaillardes et des gendarmes mal inspirés. Mais les chiens, il en avait une peur bleue. Des chiens arabes, qui plus est !

Il se mit alors à écrire fébrilement sur le papier de toilettes, qui s'effilochait un peu : « Fermé jusqu'à la fin des jours pour cause d'amour !», et réussit à suspendre son libelle à l'extérieur de la porte, pendant un instant où il était seul. Le temps passait, il n'entendait plus rien, il se mit à craindre que les joueurs ne fussent partis sans lui dans leur hôtel près de la route de la corniche.

Il sortit des toilettes. Il n'y avait ni chiens, ni gendarmes. Le restaurant s'était vidé. Il restait seulement un serveur endormi, au fond du restaurant une femme de ménage  magnifique, belle comme la statue du cloître, qui rangeaient les tables abandonnées par les joueurs de cricket, et,  attablé au bar, un vieil irlandais, ivre probablement puisqu'il lui dit : «  C'est toi que j'aime, et si tu veux, tu peux m'embrasser sur la bouche et même pire ». Puis il continua : « Cher Monsieur, vous êtes un autre !».

Tonton Nestor était dans une situation inédite. Lui qui venait de Brive-la-Gaillarde n'avait jamais été confronté à un vieil Irlandais ivre, gay de surcroît. Il se rappela les leçons de son grand-père qui avait fait la guerre de 1870 contre les Prussiens. Il garda son sang-froid, et répondit « C'est aujourd'hui que je le perds ! ». Au moins pour la nuit, il aurait une chambre et un lit et de la compagnie. « Venez ! » dit l'Irlandais, « je vous montre le chemin, et vous conduis at home ».

On ne sait pas ce qu'il advint de tonton Nestor mais pendant la nuit la femme de ménage rémunérée par le Hezbollah pour espionner tonton Nestor, qui était aux aguets dans la chambre à côté, entendit une des deux voix dire « Qu'est ce que tu fais là ?», et l'autre répondre « Pousse donc un peu !».

17 septembre 2014

Consigne d'écriture 1415-02 du 16 septembre 2014 : Sept incipits

Sept incipits

 

L'animatrice propose sept débuts de roman. On en choisira un et on l'utilisera comme début de son propre texte.

KoboAbé – Rendez-vous secret

Sexe Masculin
Nom Néant
Numéro de code M-73F
Age 32 ans
Taille 1,76 m
Poids 59 kg
En apparence, maigre constitution, mais musclé. En raison d'une myopie moyenne des deux yeux, port de lentilles de contact. Cheveux légèrement bouclés. À la commissure gauche des lèvres, cicatrice à peine visible (séquelle d'une rixe d’étudiants, semble-t-il, quoique le sujet possède un caractère particulièrement doux). Fume moins de dix cigarettes par jour. Doué pour le patin à roulettes. A eu l'occasion de poser nu comme modèle. Actuellement employé par la société d’articles de sport Comète. Chef du service promotion des « chaussures de saut» (chaussures de sport dont la semelle est rembourrée avec une matière élastique spéciale : ressort en bulles d'air). Goût particulier : travaux manuels. En dernière année d'école primaire, a reçu la médaille de bronze à un concours d'inventions interscolaire organisé par le journal.


René Barjavel - La faim du tigre

Jamais je ne m'habituerai au printemps. Année après année, il me surprend et m'émerveille. L'âge n'y peut rien, ni l'accumulation des doutes et des amertumes. Dès que le marronnier allume ses cierges et met ses oiseaux à chanter, mon coeur gonfle à l'image des bourgeons. Et me voilà de nouveau sûr que tout est juste et bien, que seule notre maladresse a provoqué l'hiver et que cette fois-ci nous ne laisserons pas fuir l'avril et le mai.


Emil Ajar - Gros Câlin

Je vais entrer ici dans le vif du sujet, sans autre forme de procès. L'Assistant, au Jardin d'Acclimatation, qui s'intéresse aux pythons, m'avait dit :
- Je vous encourage fermement à continuer, Cousin. Mettez tout cela par écrit, sans rien cacher, car rien n'est
plus émouvant que l'expérience vécue et l'observation directe. Evitez surtout toute littérature, car le sujet en
vaut la peine.


Nicolas Bouvier - Le poisson-scorpion

Le soleil et moi étions levés depuis longtemps quand je me souvins que c'était le jour de mon anniversaire, et du melon acheté dans le dernier bazar traversé la veille au soir. Je m'en fis cadeau, le curai jusqu'à l'écorce et débarbouillai mon visage poisseux avec le fond de thé qui restait dans ma gourde.


Marie Darieussecq - Truismes

Je sais à quel point cette histoire pourra semer de trouble et d'angoisse, à quel point elle perturbera de gens. Je me doute que l'éditeur qui acceptera de prendre en charge ce manuscrit s'exposera à d'infinis ennuis. La prison ne lui sera sans doute pas épargnée, et je tiens à lui demander tout de suite pardon pour le dérangement. Mais il faut que j'écrive ce livre sans plus tarder, parce que si on me retrouve dans l'état où je suis maintenant, personne ne voudra ni m'écouter ni me croire.


Eugène Ionesco - Le solitaire

À trente-cinq ans il est temps de se retirer de la course. Si course il y a. J'en avais par-dessus la tête de mon emploi. Il était déjà tard, je n'avais pas loin de quarante ans. Je serais mort d'ennui et de tristesse si je n'avais pas fait cet héritage inattendu. C'est bien rare, mais il y a encore des oncles d'Amérique, à moins que le mien ne fût le dernier. En tout cas, aucun des collègues de la petite entreprise n'avait un père, un cousin ou un oncle américain. Ils s'en montrèrent jaloux : imaginez-vous, ne plus avoir besoin de travailler !


Philip K. Dick - En attendant l'année dernière

De l'édifice familier en forme d'aptéryx, s'irradiait comme à l'accoutumée une luminescence grise et vaporeuse. Eric Sweetscent replia son mobilo et réussit à le ranger dans le box minuscule qui lui était affecté. Huit heures du matin, songeait-il avec accablement- Déjà, son patron Virgil L. Ackerman avait ouvert les bureaux de la F.C.T. Penser que c'était à huit heures du matin que le cerveau de cet homme fonctionnait avec le plus de lucidité ! Voilà qui est en contradiction formelle avec les commandements clairement exprimés par Dieu, songeait le docteur Sweetscent. Le joli monde qu'ils nous fabriquent là ! La guerre excuse tous les égarements humains, y compris ceux du vieux. 

AEV 1415-02 Incipit

16 septembre 2014

Rendez-vous peu secret / Jean-Paul

Jamais je ne m’habituerai
Au fait que le printemps ait goût
Pour les travaux manuels de l’école primaire
Et la valse à mill’ temps de ses bourgeons qui gonflent !

Jamais ne m’acclimaterai
Au fait qu’au python familier
Les oncles d’Amérique accrochent leur melon
Avec accablement et parfois maladresse !

1415-02 le-fils-de-lhomme

Ne demandez jamais pardon
A quiconque ! Vous existez !
Le soleil s’est levé depuis déjà longtemps
Et vous avez gagné sa médaille de bronze !

Non jamais je ne m’y ferai
Au fait de poser nu ici
Année après année, surprendre, émerveiller
Comme si l’on était au concours d’invention.

Presque jamais soucieux du doute
Et rarement sujet aux poussées d’amertume,
Incertain d’éviter toute littérature,
J’écris dans un état second

Tout ce qui pardessue la tête,
Tout ce qui ouvre le cerveau,
Sans autre forme de procès, jetez-vous y !
Soyez le sujet vif qui allume les cierges !

1415-02 la clé des songes

Les mots sont matière élastique,
La phrase patinaroulette,
Le manuscrit s’expose à d’infinis ennuis
Mais l’avril et le mai ne m’échapperont pas !

A la commissure des lèvres
Fume une comète musclée.
Vous êtes-vous accoutumées, ô vaporeuses,
A mes luminescences en forme d’aptéryx ?

1415-02 les rencontres naturelles

Je mets mes oiseaux à chanter,
Prêt à perturber bien des gens.
Vous voudrez écouter tous leurs égarements
Qui sonnent juste et bien sur la portée du temps

De ce caractère si doux,
Pourquoi ressort en bulles d’air
L’écriture en bazar, vierge de cicatrices,
A qui cet atelier évite la prison ?

Si course il y a dans cet emploi
D’héritier de l’Inattendu
Mes chaussures de saut m’épargneront la chute :
Je ne mourrai jamais d’ennui ou de tristesse !

A fabriquer de jolis mondes
A s’égarer sans nulle excuse
Loin des commandements de Dieu ou des cousins
J’aurai finalement bien provoqué l’Hiver !

1415-02 jockey perdu

Qu’il se fasse à l’idée que l’âge n’y peut rien !
Qu’il s’habitue au fait que le Printemps a goût
Des travaux manuels à l’école primaire
Et, dans nos cœurs gonflés, de valse à mille temps !

16 septembre 2014

Un anniversaire / Marie-France

Le soleil et moi étions levés depuis longtemps quand je me souvins que c’était le jour de mon anniversaire, et du melon acheté dans le dernier bazar traversé la veille au soir. Je m’en fis cadeau, le curai jusqu’à l’écorce et débarbouillai mon visage poisseux avec le fond de thé qui restait dans ma gourde.

Les jours précédents j’avais bien lancé quelques invitations, mais tous ces gens-là, les pseudo-amis, la famille, étaient occupés ici et là. Nous étions en septembre, le mois était doux et chaleureux, ce dernier mois de l’été qu’on appelait l’été indien.

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Le tourbillon de la vie était à peine commencé, mais tous s’y préparaient déjà : les fournitures de la rentrée, la course aux inscriptions d’activités pour l’année à venir, la dernière tenue de sport à trouver de préférence à la braderie du quartier, le dernier pique-nique de l’année, autant d’activités ne laissant guère de place au farniente ou aux repas de famille.

J’avais bien compris qu’ils avaient mieux à faire. J’allais donc m’organiser une belle journée en solitaire. Ce melon je l’avais mis au frais dans ma petite glacière, celle qui me servait autrefois au bureau. Je m’étais aussi préparé un thé vert. « Paul et Virginie » qu’il s’appelait : un thé très fruité et subtil que j’avais conservé dans mon grand thermos vert.

Ma destination serait ce parc verdoyant que j’avais découvert il y a deux ans déjà lors d’une ballade chantée. On m’en avait parlé d’ailleurs ces jours derniers, en me conseillant de m’y rendre, en me priant même. Je n’avais rien promis, j’avais d’autres préoccupations, ces invitations qui avaient tourné court. Je décidai toutefois d’y aller, n’ayant d’autre destination en vue.

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La balade à vélo était des plus agréables et quelle ne fut pas ma surprise en arrivant d’entendre de la musique, de sentir des odeurs de galettes-saucisses et de crêpes et de voir une foule de gens assis par terre ou sur des transats, écoutant du Brassens à toutes les sauces : du Brassens chanté, mimé, mis en scène, joué sur un orgue de barbarie…

Je me frayai un chemin au milieu de tous ces promeneurs du dimanche.
Là-bas, un peu plus loin, sous un grand chêne, une famille avait même installé des couvertures et mis le couvert, comme à la maison : la nappe à carreaux, les verres, les assiettes, ils étaient très affairés.

C’est en m’approchant de plus près que je reconnus tout d’abord ma sœur et son mari, puis les enfants, les petits enfants, ils étaient tous là, ils avaient réussi à bien garder le secret, même les petits. Ils m’accueillirent tout d’abord avec l’air étonné de me voir là, mais à la fin des embrassades, ils se mirent tous à chanter « Joyeux Anniversaire !».

J’étais très émue et je me suis sentie enveloppée d’une chaleur qui n’avait rien à voir avec l’air ambiant, mais qui m’enveloppait toute entière.

Mémorable « Ballade avec Brassens » et mémorable journée d’anniversaire !

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16 septembre 2014

Contre-portrait du printemps / Maryvonne

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Jamais je ne m’habituerai au printemps. Année après année il me surprend et m’émerveille. L’âge n’y peut rien, ni l’accumulation des doutes et des amertumes. Dès que le marronnier allume ses cierges et met ses oiseaux à chanter, mon cœur gonfle à l’image des bourgeons. Et me voilà de nouveau sûr que tout est juste et bien, que seul notre maladresse a provoqué l’hiver et que cette fois nous ne laisserons pas fuir l’avril et le mai.


A vrai dire dès le mois de mars la nature se met en émoi et chaque poème pour vieille institutrice un peu niaise exprime à sa façon cette préparation :

 

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Mars qui rit, malgré les averses
Prépare en secret le printemps
Pour les petites pâquerettes
Sournoisement lorsque tout dort
Il repasse les collerettes
Et cisèle les boutons d’or…
nia,nia,nia
(Th Gautier)

 

Je vous fais grâce de la suite, la poésie de Josiane étant autrement plus élaborée.

Les considérations générales et récurrentes sur les saisons ou autres événements annuels portent le nom de « marronnier » chez les journalistes. Ce marronnier est couvert de mille couleurs à l’automne, brillant de givre l’hiver, lourd de fruits à la fin de l’été mais voilà que pour Barjavel il allume ses cierges au printemps. Alléluia ! Il met ses oiseaux à chanter et gonfle son petit cœur à l’image des bourgeons. Platitude que cela !

Brel est autrement expressif et grave quand il chante : « C’est dur de mourir au printemps », même avec des cierges aux marronniers, et célèbre à sa façon le renouveau : « Je sais que tu prendras soin de ma femme ».

Mais le printemps est plus malin que tout cela, il peut se déguiser un soir de septembre en une douce nuit, il peut se draper dans une gangue de glace au mois d’avril, il peut siffler à vos oreilles en plein milieu du mois de mai. Il est instable, dépressif, bipolaire. Allez donc organiser une fête au printemps ! Vous n’êtes sûr de rien. Entre les giboulées de mars, les saints de glace et les ponts de mai qui n’enjambent que des files de voitures, le printemps vous nargue.

Les pays plus au Sud ont bien compris l’arnaque, ils passent directement de l’hiver à l’été jouant ainsi à saute-pollen. Car j’ai failli oublier les allergies, les rhumes des foins, les courbatures parce que les herbes repoussent au printemps et surtout les mauvaises.

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Et le fameux ménage de printemps ? Vous m’en direz des nouvelles !
A l’automne on va voir les morts, l’été on va voir la mer, l’hiver on ne va voir personne, il y a du verglas gla gla ! Mais au printemps pas d’excuse, il faut aller voir tante Suzette et tonton Marcel, faire le tour du jardin car le printemps est revenu. Mais c’est peu productif le printemps. Les tomates ne sont pas encore mûres, ni les fruits ni les bonnes petites rattes du tonton. On revient juste avec un bouquet de muguet et, avec un peu de chance, quelques roses en bouton.

Vous devez me trouver un peu ronchon. Pourtant j’ai failli partir sur un parallèle entre la préparation du printemps et celle du bal des débutants avec de jolies comparaisons : les filles en robe comme des pétales de fleur, les garçons en bouton. Les filles en bonbons pastel, les garçons en tiges poussées trop vite et ce beau petit monde valsant au son des chants d’oiseaux… Mais non j’ai préféré être ronchon !!! Allez parlez-moi de l’été !

10 septembre 2014

Consigne d'écriture 1415/01 du 9 septembre 2014 : Les Saints bretons modernes

Les Saints bretons modernes

 

A partir de l’aquarelle de Roger Morel qui vous a été distribuée, dressez la liste de ce que vous considérez comme les valeurs sacrées de la Bretagne. Il peut s’agir de lieux, d’objets, de symboles, de traditions, de gastronomie.

Dans un deuxième temps, vous déclinerez vos choix sous forme d’une entrée dans un dictionnaire des saints bretons modernes. Epuisette deviendra Sainte Epuisette, Gilles Servat deviendra Saint-Gilles Servat, etc.

Dans un troisième temps, vous développerez avec des souvenirs ou des ressentis personnels, de manière plutôt humoristique,  ce que ces valeurs sacrées vous inspirent. Remplir au minimum trois entrées de ce dictionnaire collectif.

Exemples : Saint Café du port, Saint Fest-Noz, Sainte Galette-saucisse, Sainte Gigouillette, Saint Putiphar d’Eckmühl, Sainte ville-close de Concarneau, Sainte Bécassine, Saint Menhir de Carnac, Saint Alan Stivell, etc.

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9 septembre 2014

Les saints bretons modernes / Marie-France

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En pèlerinage à Trégastel sur la côte de granit rose, Marie-Annick nous embarqua sur la Sainte « Deudeuche » pour la visite de la région. Depuis des décennies, Victor son mari vouait une dévotion sans faille à sa Sainte Patronne et la bichonnait, peut-être plus encore que sa femme.

Après un démarrage bien énergique, nous voilà parti vers l’Ile Grande. Notre Sainte s’époumona à plusieurs reprises en grimpant les raidillons et nous devions parfois descendre pour l’alléger et prier pour qu’elle ne nous laisse pas en rade. Brest était encore bien loin, mais l’exploration de la rade locale nous suffisait amplement.

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Les paysages se succédèrent tous plus beaux les uns que les autres. En fin de journée il nous fallut regagner le bercail dans notre véhicule sacré et c’est toutes voiles dehors que nous refîmes le chemin inverse. Notre chauffeur ne semblait pas connaître l’usage de tous les attributs de sa dévouée serviteuse et notamment la pédale de freins.

Nous arrivâmes toutefois à bon port, non sans quelques frayeurs et avec de bonnes courbatures, notre monture n’ayant guère d’amortisseurs.

Merci à cette madone pour ce moment de grande liberté.

Et maintenant une pause gastronomique.

Nous voilà tous attablés autour de Sainte Galette-saucisse et son comparse Saint-Cidre. Notre voyage au pays des Saintes Statues de granit rose nous avait bien aiguisé l’appétit et c’est notre Victor qui pendant tout ce temps avait grillé les Saintes-saucisses que nous étions en train de déguster.

Le grand air, les montées et descentes de la Sainte « Deudeuche », les courbatures, le Saint Cidre et autres victuailles eurent raison de notre fatigue et nous emmenèrent tout droit dans les bras de Morphée.

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Cela dura un moment, je ne saurais dire : une heure, deux heures ou plus encore, quand soudain une armée de Saints-Korrigans vint nous sortir de notre sommeil pour nous entraîner vers Saint Fest-Noz, frère de Saint Fest-Deiz, dans une danse endiablée qui dura jusqu’au petit jour.

Point besoin de partir au Qatar ou dans un autre pays lointain pour passer de bonnes vacances ! Vive notre Sainte Bretagne !

9 septembre 2014

Sainte Maison blanche aux volets bleus / Jean-Paul

JRMorel 07N’en déplaise à Maxime Le Forestier, on ne trouve que très peu de maisons bleues aux volets blancs adossées à la colline aux coralines dans la Bretagne qui est si belle quand il pleut sur le Festival Jean-Michel Caradec.

L’inverse par contre est assez répandu et tout photographe épris de vrais clichés ne manquera jamais d’immortaliser, ainsi que l’a fait sur cette aquarelle M. Jean-Roger Morel, cette sacrée maison blanche aux volets bleus qu’on voit dans le port de Ploumanac’h, de Trégasoil ou de Ploumazout car les maisons blanches aux volets bleus, c’est comme les marées noires, elles ont envahi tout, elles sont partout. 

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Le cérémonial n’est complet que si des hortensias poussent dans le jardin et si, au voyageur, des rideaux de dentelles aussi épais qu’un string essaient de cacher l’habitante déjà bien dissimulée dans l’ombre. Car la maison a beau être blanche, l’intérieur en est toujours sombre.

La locataire, on l’imagine très bien portant par-dessus son chignon la sainte coiffe bigoudène et confectionnant sur la sainte crêpière Billig la sainte galette au chèvre et au miel.

Mais on est très déçu par la réalité quand on la voit sortir de la sainte maison blanche aux volets bleus. Elle est jeune, jolie, percée de partout, tatouée sur les bras et les jambes, elle porte un short en jean déchiré et des collants noirs, elle a des cheveux bleus et un iphone collé à l’oreille.

C’est que voyez-vous, braves gens, depuis 1914 Sainte-Bécassine a eu le temps d’avoir une descendance, des enfants, des petits-enfants, des arrière-petits enfants et celle-ci s’en va retrouver son coquin dont elle espère bien qu’il lui en fera, à elle aussi, une tripotée qu’ils nommeront Timothée, Victor, Mélanie, Ernestine ou Auguste. Oui, comme vos arrière- arrière-grands-parents. Pourquoi est-ce que le monde nous rajeunirait ?

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9 septembre 2014

Sainte Fraise de Plougastel / Jean-Paul

J’ai vérifié sur Pagesjaunes.fr : aucun dentiste à Plougastel ne s’appelle autrement que Le Goff ou Le Coz, noms bretons très courants par là-bas. Du coup aucun n’a de raison valable de ramener sa fraise plus qu’un autre, sauf s’il fait partie du cercle celtique local. Auquel cas, qu’il se soit rétamé ou pas aux dernières élections municipales, il ramassera sa belle veste rose/mauve et prendra le bras de sa douce en vert, bleu, rouge et blanc pour aller défiler au Saint-Pardon local pour lequel, rappelons-le, on n’a pas besoin de présenter de mot d’excuse. Présenter bien suffit.

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