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L'Atelier d'écriture de Villejean

17 février 2013

Bref ! (3) / par Maryvonne (séance du 29 janvier 2013)

Bref je suis comme tout le monde.

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J’ai bien essayé d’être originale mais ça ne me va pas. Je porte des vêtements qui pendent de tous les côtés pour faire bohème alors que je n’ai pas le physique. Je fais semblant d’être décontractée et « je m’en-foutiste » alors que vous me verrez toujours pile à l’heure et à l’heure pile. Je suis organisée, j’ai presque toujours un repas prévu d’avance pour me libérer. Je suis en général gentille même quand j’ai envie de mordre.
Je n’aime pas me regarder dans la glace et je me regarde quand même. J’aime les voyages et j’aime rester chez moi. Je suis pleine de contradictions.
Quand je regarde les autres je les trouve équilibrés, sauf les fadas bien entendu.
J’ai essayé d’écrire : mes textes ne durent pas plus d’une minute donc je remballe mon ambition d’écrivaine. Dans ma vie j’ai essayé tous les arts et n’ai réussi que les artichauts.
Je passe de la fierté d’une réussite au désespoir d’un ratage quelconque. J’ai des hauts, des bas, des printemps, des étés. Je suis à l’automne de ma vie et me demande quand va commencer l’hiver. J’ai déjà la neige dans les cheveux. Je crains la grosse chute, les glissades, m’interroge sur la fin :

Bref je suis comme tout le monde.

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17 février 2013

Bref ! (2) / par Maryvonne (séance du 29 janvier 2013)

Bref j’aime bien cette photo.

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Je ne me rappelais plus que j’avais été mince !
Mince alors ! Pourquoi, dans mon souvenir, je suis toujours ronde ?
Ronde des clichés dans ma tête, je regarde vite fait, à l’endroit, à l’envers, ils sont tous négatifs.
Négatifs qui n’ont pu être trafiqués car il n’y avait pas « Photoshop » à l’époque.
A l’époque où finalement j’étais beaucoup mieux que je ne croyais. Comment peut-on être si peu objectif ?
Objectif qui devait être tenu par quelqu’un qui m’aimait bien et qui me photographiait sous mon meilleur angle.
Angle, j’ai dit, pas grand angle puisque j’étais mince et mignonne.
Mignonne c’est peut-être exagéré il ne faut pas non plus tomber dans l’autosatisfaction.
L’autosatisfaction ? Pourquoi pas ? Au moins je suis souriante.
Souriante, ce n’est pas donné à tout le monde, moi ça me fait les yeux en amande.
Amende honorable : c’est quoi ce narcissisme ?
Bref j’aime bien cette photo.

N.B. Il s'agit ici d'une photo de Mylène Demongeot à qui Maryvonne ressemble effectivement... sur la photo de son permis de conduire !

17 février 2013

Bref ! (1) / par Maryvonne (séance du 29 janvier 2013)

Bref j’étais à côté de cette fille en atelier d’écriture.

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Le crayon courait sur sa feuille à toute allure. Ben dis donc, elle en a de l’inspiration ! Elle en est à la page 42 de son cahier et ça avance, ça avance ! Elle tient sa tête avec sa main c’est qu’elle doit être lourde de toutes ses idées qui coulent le long de son crayon orange assorti à son pull orange. Et voilà qu’elle vole de ligne en ligne, pas une rature, pas une erreur, je sais, je lui ai piqué sa gomme ! 

Ah ! Si, tiens, une hésitation ! Elle a une autre gomme au bout de son crayon. Et….Et….Elle fait une croix sur trois lignes. Ah ! Ah ! Elle doute.

Maintenant elle rétrograde, s’arrête, tourne la page précédente. Voilà qu’en plus elle cherche à être cohérente : elle relit !

Pendant ce temps-là je n’ai toujours aucune idée pour mon texte.

Elle regarde sa montre elle cherche à rester dans la minute qui nous est impartie. Sérieuse, la fille, elle veut respecter la consigne. Oh La La ! Grosse bêtise, elle reprend sa gomme. Ça merde ! Ça merde !!! Je reprends la gomme… BUT ! Non, raté, la passe était trop courte. Nouvel engagement : toujours pas d’idée, je dribble, je feinte, et… panier!!! Texte au panier !

Bref j’étais à côté de cette fille.

17 février 2013

Bref ! Je sais pas dire non / Dominique (séance du 29 janvier 2013)

blouson-cuir-agneau-rose

Bref ! Je ne sais pas dire non.

La semaine dernière, c'était les soldes. Je cherchais un nouveau manteau noir. Je suis revenue avec un blouson rose.
Il plaisait à ma copine : ça change un peu tes couleurs.
Il plaisait à la vendeuse : il vous va vraiment très bien, c'est la mode des blousons moulants.
Moi, je ne l'aime pas. Mais, je ne sais pas dire non.

Beirut_Museum

Au mois de novembre, près du musée ethnographique de Beyrouth, j'attendais le car pour Byblos. Celui pour Tripoli est arrivé.
Le chauffeur m'a dit :
- Vous montez, madame ?
Je sais pas dire non, je suis montée.

L'an dernier, j'emmène ma nièce au cinéma. Le film que l'on a choisi passe dans deux heures. Mais dans trois heures, elle doit retourner à l'internat. Celui qui passe en ce moment est interdit au mois de 16 ans. Ma nièce a 14 ans. Elle a fort envie de voir un film interdit. Je sais pas dire non.

A l'hôpital, le chirurgien me dit « Alors, madame, on vous enlève cette vilaine tumeur au pied ?». Il me sourit dans sa tunique bleue, il a des yeux assortis. J'ai souri aussi, j'ai dit oui. Pourtant, je n'ai pas de tumeur au pied.

Bref ! Je sais pas dire non.

16 janvier 2013

Consigne d'écriture du 15 janvier 2013 : Berthoise, vie et oeuvre

Nous écrivons autour d'une blogueuse inconnue de nous qui s'appelle Berthoise. C'est un pseudonyme que cette dame utilise pour raconter sur Internet des choses du tout venant de sa vie. Son blog s'intitule d'ailleurs A tout venant.

L'animateur distribue la liste des titres des derniers billets parus sur ce blog (1), quelques billets courts, une liste d'expressions du type "brève de comptoir" qui n'ont rien à voir avec cela (2). Il demande d'écrire à partir de cela des pages d'une biographie imaginaire de cet auteur.

1

Lyon
Vous chantez ?
En piste
Choses lues à Rouen
Cantinière russe
Du malheur d’être grand
Vitalité ?
Douceur
Aléa de la vie professionnelle d'une remplaçante en milieu rural.
Vanité
Portes et fenêtres
Oh ! Chantilly !
Artiste
Chérubins et tout petit
Petite joie malsaine
Nouvelle technologie et vie du cœur
Musique indienne
De la nécessité de la petite laine
Hier comme Hopper
Pensées des morts
Champignons de toutes les couleurs
Amour maternel
Mes deux amours
Trifouilly-les-oies
Comme à Ostende
Opération Turbot
Sentimentale
Berthe Henri et moi
Fée du logis
Restons (cul)turels
A dada
Questionnaire
Mon cher duc, permettez que je vous appelle Henri
Turlututu, je suis reviendue
La tête ailleurs
Froid de canard
Poulette
Le Grand
Les mains de la chef de choeur
La maison de Concarneau

2

Autant qu’un curé pourrait en bénir
Le poids d’un âne mort pendu au plafond
Tu fous un coup de pied dans une poubelle, il en sort dix, des gars !
Visqueux, c’est parce que c’est mon choix
Ti bouffes ti bouffes pas ti crèves quand même. T’écris !

- Est-ce que quelqu’un veut un autre café ?
- Pas de ce genre-là, non merci !
- Prière d’un serré ?

Y’a une limite de tolérance à la connerie
Schön Konnerie ?

Sa sœur soigne son maradis. Son maradis ?
Son mari qu’a la maladie d’Alzheimer

Elle n’est heureuse que quand elle a un souci
Sinon elle est vacante

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15 janvier 2013

Interview de Berthoise / par Eliane (Séance du 15 janvier 2013)

-Bonsoir Berthoise. Je vous remercie de nous accueillir dans votre belle demeure. Pour nos téléspectateurs, je rappelle que vous êtes l'auteur de nombreux romans, essais, études psychologiques et autres. Vos écrits sont éclectiques. Vos multiples centres d'intérêt vous ont fait partir dans des directions très variées.

Berthoise acquiesce en souriant.

- Oui, le vilain défaut de la curiosité me tenaille constamment.
- Un vilain défaut qui devient, en ce qui vous concerne, une grande qualité. Je cite pour mémoire et dans le désordre : « Vous chantez ? », « Vitalité », « Douceur », « Vanité », « Amour maternel », pour ce qui concerne le domaine psychologique. Vous voyagez aussi, pas très loin, vous restez en France.
- Oui, il y a tant de belles choses à voir et à connaître à l'intérieur de nos frontières. Tant de curiosités à découvrir, cela me comble.

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- Vous avez écrit : « Choses lues à Rouen », « Oh, Chantilly !», « La maison de Concarneau », où j'imagine que vous avez passé des vacances, et je me souviens d'un très beau passage sur Quimper et sa cathédrale que je vais citer pour nos téléspectateurs : « Je regarde souvent par terre, là où je mets mes pieds. Du reste, pas plus tard que lundi, j'ai trouvé dans un caniveau un pendentif en argent avec un œil de Sainte Lucie. Il paraît que ça porte bonheur. Je veux y voir le présage d'heures douces.
- Donc, je regarde par terre. Même quand je vais dans une église. Dans la cathédrale Saint Corentin de Quimper, les chapelles, le long du déambulatoire, ont chacune un pavé différent. Jolis pavés. »
- Ces textes sont des merveilles qui donnent envie de se rendre dans ces villes dont vous parlez. Avez-vous eu des coups de cœur pour d'autres cités ? Des trésors à nous faire découvrir ?
- J'ai un amoncellement de notes qu'il me faut mettre en forme.

Elle rit, malicieuse.

- Mais en ce moment je me sens paresseuse. Vous avez sans doute lu, dans une des pages de mon cahier de bord, le passage qui concerne : « Billet chiffon, comme billet tristoune. ». La volonté de perfection qu'exigeaient mes parents, a été, toute ma vie, le moteur qui me faisait avancer.
- Ce moteur qui vous a permis de fournir un gigantesque travail. Avez-vous le sentiment, aujourd'hui d'être parvenue à contenter vos parents ?
- Non, jamais. Comme je l'ai écrit, leurs exigences m'ont souvent paralysée alors je travaillais, j'écrivais pour secouer cette paralysie. Et maintenant que mes forces déclinent, je n'ai pas encore l'impression d'avoir atteint mon but. Alors, il me faut faire encore davantage d'efforts.

Elle rit encore, malicieuse.

- Je n'en sortirai jamais. Il n'y a que la grande faucheuse qui pourra m'arrêter. Pour le moment je n'ai renoncé qu'aux voyages à l'étranger. Car vous aviez tort tout à l'heure, j'ai parfois franchi les frontières.
- C'est vrai, excusez-moi, vous avez écrit : « Comme à Ostende », « La cantinière russe ». Mais il n'est pas nécessaire d'aller jusqu'en Russie, encore moins en temps de guerre, pour écrire sur une cantinière russe.

Elle rit de nouveau.

- Exact, mais je suis vraiment allée en Russie. Cette cantinière était la grand-mère d'une femme rencontrée là-bas.
- De même, vous avez parlé de la «Musique indienne ». Un séjour en Inde ?
- Oui, mon premier fiancé était indien. J'ai eu l'occasion de séjourner longuement dans son pays.
- Vous avez aussi, et c'est votre premier livre, un ouvrage volumineux, écrit sur votre enfance. C'est un peu le « Claudine à l'école de Colette ?
- C'est moins romancé, plus détaillé, plus touffu. Avec mes parents nous habitions une toute petite ville : Trifouilly les Oies, au cœur de la France. Une région où, en hiver, il fait un froid de canard. Ce que je relate dans le chapitre « De la nécessité d'une petite laine ».

Elle rit.

- C'était vraiment très dur, mon père était maréchal ferrant, ma mère se contentait d'être une fée du logis. Mais c'était une mère attentive, je parle d'elle dans « Amour maternel ». Quant à moi, j'allais à l'école où j'avais pour consigne d'être parfaite. J'ai longtemps gardé des relations avec mon institutrice, ce qui a inspiré le chapitre, en partie fictif, « Aléas de la vie professionnelle d'une remplaçante en milieu rural ».
- Votre grand-mère habitait la même ville. Vous alliez souvent lui rendre visite. Elle avait tout un répertoire d'expressions savoureuses dont vous gardez un souvenir attendri.

Elle rit à nouveau.

 

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- Ah, oui ! Par exemple quand il y avait une quantité importante d'une quelconque chose, elle disait : « autant qu'un curé pourrait en bénir ». Une fois, d'un lustre volumineux dans une maison voisine, elle a dit qu'il pesait « le poids d'un âne mort pendu au plafond ». C'était vraiment savoureux. Je me souviens aussi de ce jour où, invitée à prendre le café chez cette même voisine, et le trouvant trop pâle, elle a répondu « Non, pas ce genre-là, merci, prière d'un serré. ». J'étouffais un rire. En faisant ses course elle rencontrait souvent une vieille dame ronchonne. Elle disait d'elle « Celle-là, elle n'est heureuse que quand elle a un souci. Sinon, elle est vacante ». Cela ne s'invente pas, il n'y avait qu'elle pour trouver des expressions pareilles.
- C'était une délicieuse grand-mère.
- Elle me faisait souvent rire mais c'était aussi un amour. Lorsque j'avais un chagrin d'amour, qu'un garçon m'avait quittée, elle me consolait avec cette phrase ; « Tu fout un coup de pied dans une poubelle, il en sort dix, des gars. »
- C'est ce que vous avez fait, shooté dans une poubelle ?

Elle rit :

- Non, j'avais besoin d'estimer mes amoureux.
- Pour rester dans ce domaine de l'amour, je voudrais citer ce passage écrit sur la culotte, et le lire si vous le permettez, si ce n'est pas trop osé.
- Non, allez-y.
- Je cite : « Parlons dessous. Parlons sens dessus dessous, parlons de ce qui éveille les sens par en dessous. Culotte, oui culotte, je n'aime pas le mot slip. Le mot slip est unisexe, étranger, il claque comme un élastique trop tendu. Comme le string. Autre bizarrerie. La culotte glisse, enveloppe, donne de la rotondité au cul. Si je n'aime le slip, si je n'aime pas le string, j'aime bien le cul. Le mot cul. Il a un petit côté vulgaire qui sied aux choses du sexe. La culotte donc. Blanche. Blanche parce-que propre. En coton. On peut aimer le cul, le confort et le propre. Une culotte en coton blanc qui monte sur le ventre mais dévoile la cuisse. Le haut de la cuisse, là où la peau est douce. Où la jambe devient cul. Où quand on ôte la culotte, le cul et la cuisse se confondent. La culotte vient cacher ces choses-là pour laisser la place à l'attente et à l'émerveillement. »

- Voilà ! Cette note érotique clôt notre entretien. Il me reste à vous remercier d'avoir répondu à mes questions avec autant de gentillesse et de naturel.

N.B. Les photos sont empruntées à Berthoise

15 janvier 2013

Berthoise / par Josiane (Séance du 15-01-2013)


- Berthoise nous a quittés, hier à vingt heures ».

Le journaliste a pris le ton souffreteux qui sied à celui qui annonce une mauvaise nouvelle. Au réveil, on a l’habitude. Des mauvaises nouvelles en ce moment, il n’y a que ça. Mais, pour la mort de Berthoise il aurait pu faire plus gai. Elle n’aurait pas aimé nous rendre tristes dès l’aube, elle qui toute sa vie n’avait cessé de nous faire rire. Car, il faut dire que Berthoise c’est - enfin, c’était -, entre autres choses, la reine des brèves de comptoir.

Marie-Chantal

Ma première rencontre avec elle date de mes quinze ans avec « Questionnaire ». Petit exemple :
- Mettez- vous un serre-tête à un moment de la journée ?
- Jamais ! Ça me file la migraine. Et puis le serre-tête donne un air « Marie Chantal » qui me va mal au teint. Déjà que je m’appelle Berthe, si en plus je ressemble à Marie-Chantal, où va-t-on ?

Voilà, le ton était donné et peut être aussi un indice sur son vrai prénom Berthe.
Berthoise, elle est née en 1924 comme mon père, c’est pour ça que je m’en souviens. Berthoise, elle faisait beaucoup parler d’elle, surtout à cause de ses nombreux mariages. Combien ? Ça je ne m’en souviens plus, par contre lorsqu’elle était en période de célibat, elle avait coutume de dire afin que l’on sache bien que sa vie n’en était guère affectée :
« Tu fous un coup de pied dans une poubelle, il t’en sort dix, des gars ! ».

J’ai suivi son parcours au fil de ses publications, rien qui ne vaille le Goncourt certes, mais ça mettait un peu de gaîté dans nos vies. Pourtant ses titres ressemblaient plus à des titres de polars qu’à des recueils à disposer au rayon des œuvres comiques. « Comme à Ostende », « Opération Turbot », « Froid de canard ». Et à chaque fois, la gueuse nous servait ses drôles de trucs qui décoincent.

Dans les années quatre-vingts - elle avait alors plus de cinquante ans - avec l’arrivée de l’informatique, elle se mit à pester contre l’outil et écrivit un de ses plus beaux chef d’œuvre : il aurait pu servir d’exutoire à tous ceux qui, dépassés, refusaient de prendre le train en marche et appelaient comme elle la souris un mulot et le lecteur de disquette un grille-pain.

Ensuite, elle écrivit : « Aléa de la vie professionnelle d’une remplaçante en milieu rural ». « Ne jamais circuler dans la campagne en automne ! » y disait-elle après avoir expliqué que la campagne betteravière coïncidant avec la récolte du maïs rendait les routes de campagne impraticables. Implacable !!!

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Elle s’élevait aussi contre tous ceux qui faisait du bio un dictat :
« Ti bouffes, ti bouffes pas, ti crève quand même » avait-elle dit devant un Mimi Drucker qui n’en croyait pas ses oreilles. Aussi, pourquoi l’avait-il invitée, la reine du dérapage incontrôlé ? Y’a une limite de tolérance à la connerie tout de même !
Et voilà que Berthoise vient de fermer son parapluie, à bientôt quatre-vingt dix balais. Moi, je vais relire « Turlututu, je suis reviendue », c’est elle qui me le souffle d’où elle est maintenant. Et que le zozo du journal de six heures en prenne de la graine ! Il pourrait annoncer par exemple : « Ce matin, des mauvaises nouvelles, il y en a autant qu’un curé pourrait en bénir, entre autres, la mort de Berthoise que nous aimions tant parce qu’elle au moins elle nous faisait rire. »

Mais, le voilà qui poursuit, le perfide : « Ses cendres seront dispersées au large des côtes d’Angleterre ».

Elle voulait faire un dernier pied de nez, car lorsqu’on lui disait : « Stones ou Beatles ? » elle répondait : « Les Beatles, et George était mon préféré ».
Je garderai d’elle cette répartie alors qu’invitée il n’y a pas si longtemps à une de ces émissions où l’on mange tout en causant, l’animateur posa la question « Est-ce que quelqu’un veut un autre café ? ». Elle répondit : « Pas de ce genre-là, non merci ! ».

15 janvier 2013

Une préface à la vie de Berthoise / par Jean-Paul (séance du 15 janvier 2013)

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Ce n’est pas forcément une bonne idée de demander à un natif du Nord émigré en Bretagne d’écrire la préface à la biographie d’une Bretonne émigrée dans l’Oise ! Marie-Berthe de Chantilly-Ribot que tout le monde connaît d’avantage sous son pseudonyme de Berthoise écrit dans son roman « Il a plu »qu’elle est "Bretonne et Brayonne" à la fois. En vérité, nous sommes tous citoyens du monde et si nous nous sommes croisés dans nos trajets, elle et moi, c’est assez bizarrement au niveau de Lyon et en nous arrêtant, au parc de la Tête d’or, devant la statue du faune et de la centauresse qui s’embrassent. A part l’amour des bouchons lyonnais et des bières, surtout belges, Berthoise et moi avons un goût très commun et très surprenant pour les mots et les choses du sexe et, je n’en doute pas, elle a dû, elle aussi, s’interroger sur la manière de coïter de ces deux entités-là. Sur cette statue, du reste, force est de constater que chacun des deux partenaires a une queue de cheval. Au repos, certes, pour l’un, mais le fait est là, ne nous crêpons pas le chignon à propos de ce qui se passe sous la couette.

Dans son dernier ouvrage, paru aux éditions « Fée du logis » et qui a pour titre « Exercice-culotte » Marie-Berthe n’a pas craint non plus d’endosser la personnalité de la grande duchesse de Gérolstein. Ses variations sur « Ah que j’aime les militaires » ont pris la forme d’une véritable ode amoureuse au duc d’Aumale, un de ses ancêtres qui posséda jadis le château de Chantilly, dépendances et domesticité comprises, et qui n’avait qu’un mot à la bouche : « Rectifiez la position ! ». Dans le chapitre « Berthe, Henri et moi » on peut lire d’étranges phrases comme : « Craignant d’avoir été abusé par mes sens ensommeillés, je suis allé vérifier : la marquise gouttait ». Voilà ce que c’est quand on sort à cinq heures en chantant sous la pluie que « Tout va très bien » ! J’ai noté aussi : « Le chat ne se laisse jamais oublier ». Nous sommes loin ici des glauques étalages d’Henry Miller et Anaïs Nin auxquels, désastre des temps, ont succédé les bien pires encore "50 nuances de Grey". Chez Berthoise, aristocratie des ancêtres oblige, on ne manque jamais de tenue. La poésie naît justement des joies simples, naturelles, largement répandues et si leur pratique n’est jamais secrète elle n’est jamais ostentatoire. Tout est dit sobrement, en phrases courtes, posées et jouissives. De Marie-Berthe de Chantilly-Ribot on peut- dire ce que l’on disait déjà de son oncle Jean-Amédée Walrus : « Jamais laconisme ne fut plus parlant ».

Biographie Berthoise

En découpant en trois parties à peu près égales la biographie qu’elle consacre à notre amie commune, Adrienne Finzi-Contini ne pouvait mieux faire ni avoir une vision plus juste de la personnalité de l’artiste. La première partie est consacrée à la vie d’une diariste habitée par le doute. Elle s’intitule « Vitalité et vanités de la vie en Vexin pour Vénus ». Il fallait effectivement que lui fassent pendant « Le désir permanent du voyage » et « La musique adoucit les mœurs comme elle raffermit l’humeur ».

En cette époque troublée où trop de choses déliquescent, où je néologise à tour de bras, où l’administration pèse pour tout fonctionnaire zélé le poids d’un âne mort suspendu au plafond et nul ne sait ce qu’il pondra si on lui tire la queue, quand il pleut sur la ville close de Concarneau autant de seaux d’H2O qu’un curé pourrait en bénir, lorsque le vent remplace le soleil et les idées grosses de l’extrême droite celles de la droite pas fine au Nord du bassin parisien, on se dit qu’il y a une limite de tolérance à la connerie et que James serait en droit de faire un bond en disant « Schön ». Impitoyable plus encore que Clint Eastwood, l’envie d’aller voir ailleurs se fait alors pressante, surtout si le jardin ne donne rien en guise de fleurs jaunes. A croire que Berthoise n’est heureuse que quand elle a un souci et que sans cela elle est vacante et rêve de vacances, de larguer tous ces mômes accrochés à ses basques pour aller mettre la main au panier de Léon de Bayonne, là où vit le sous-marin jaune des Beatles et celui qu’elle préfère s’appelle George.

Partir, oui, mais comment ? La technologie la transporte malgré les difficultés qu’elle rencontre, comme tout un chacun, à décrypter le mode d’emploi de ces engins. Rien ne vaut le coucou suisse ou la pendule années 50 ! Et pourtant sa voiture rouge dispose, sans qu’elle le sache, d’un module d’auto-rétrécissement qui lui permettrait de doubler les camions de betteraves à 130 à l’heure en passant par-dessous leurs essieux. Son appareil-photo Lumix est doté d’une option « photo panoramique » mais elle peut d’autant moins la sélectionner que sa fille préférée, Poulette, a encore emprunté l’appareil pour photographier Dieu seul sait quoi, comme font tous les djeunns d’aujourd’hui qui se respectent (ou pas !) et déposent sur Facebook des horreurs insolentes qui ont le mérite de n’être drôles que pour des geeks comme eux. Mais de fait, eux comme nous, ne sommes-nous pas tous devenus des geeks ? Il nous faut connaître l’anglais pour travailler à la grandeur de la France alors que cette langue devrait servir à aller visiter Londres, à retourner en Inde, à expliquer à l’employé d’état-civil à Moscou qu’on est à la recherche de la cantinière russe qui est perchée dans l’arbre généalogique et ne voudra en descendre que pour accompagner Napoléon et son armée en France, jusqu’à Quimper ou Cayeux-sur-Mer s’il le faut, car elle a envie que son arrière-petite-fille puisse aller souventes fois à Paris où des expositions, des brasseries et des salons de thé LewisCarrolliens tendent les bras de leurs fauteuils à tous les affamés de la terre, oui, c’est bon, même si c’est très cher. L’essentiel est de rester (cul)turel ! Et du voyage, mon Dieu, gardons trace ! Des choses lues à Rouen, ne faisons pas bûcher. Dans la trentaine de romans que Berthoise a écrits il faut souligner, et nul n’est mieux placé qu’Adrienne pour le faire, la brièveté des séjours, l’enchaînement quasi alphabétique des petits événements, le peu de longueur des déplacements. A croire que rien ne vaut finalement le « Voyage autour de ma chambre au château de Chantilly » de Xavier de Maistre, le « Turlututu je suis reviendue » ou le « De la nécessité de la petite laine, de la bière qu’on sirote lentement, en la savourant jusqu’à ce qu’elle vous tourne un peu la tête » de Berthoise elle-même.

Je ne dirai rien du chapitre sur la musique qui s’étend de Rameau à Sanseverino, d’Offenbach à Bollywood. Le serpent, lui-même instrument de musique, se mord ici la queue car l’on revient au baiser du faune et de la centauresse. Comment comprendrait-on sinon l’hymne d’amour que constitue le best-seller de la dame : « Les mains de la chef de chœur ». Moi-même, si je n’étais pas secrètement amoureux de Lucie qui nous dirige, resterais je dans cette chorale où l’on bavasse presque autant que l’on ne chante ?

C’est là ce qui me plaît dans la vie et l’œuvre de Berthoise et qu’il convenait de définir avant que vous ne vous vous lanciez dans la lecture de cette foisonnante biographie. On est dans le quotidien, sur un marché aux puces, à un repas de famille, on cueille des champignons de toutes les couleurs, on s’engueule en voiture, au restaurant, on répond à mille questionnaires, on traverse la campagne en hiver, on visite une expo, on va à un concert, on photographie pour la centième fois le château de Chantilly, tout le monde a fait ça mais chez elle ce n’est jamais anodin ou inodore : il y a toujours, jusque dans ses silences ou ses phrases de trois mots et demie, quelque chose qui brille : une flamme intérieure.

Bonne lecture à vous.

P.S. J’aurais pu faire encore plus long mais, comme a dit Romain Gary, "il faut toujours connaître les limites du possible". Surtout quand on est soi-même un être impossible et pris par le temps : je dois m’en aller maintenant rédiger la préface au recueil de chansons de Joye traduites en bas-breton par Sklabez. Préfacier, ce n’est pas un métier facile. Il faut trouver la bonne longueur d’ondes et savoir stopper sa faconde. Maintes fois par le passé, quand je ne le fis pas, les émules de Gary me coupèrent !

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10 janvier 2013

Chats et chiens / Dominique

« La personne qui convertit les chats en chiens dans notre quartier est instamment priée de cesser son manège ».

Il venait de lire cette annonce sur le panneau en liège de la boulangerie, à côté des offres de baby-sitters pleines d'expérienceou des jeunes diplômées de langues étrangères qui proposaient des cours de soutien en italien, estonien ou tchétchène.

Dans la queue devant la caisse, plusieurs dames à chevelure violette et cannes à pommeau dorées en parlaient à mots couverts.

- Vous vous rendez compte ? « Convertir un chat en chien » mais ce devrait être interdit par la loi ! Je me demande où « ils » font ça. "
« Ils », bien entendu, car ce ne pouvait être l'oeuvre que de plusieurs.

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Imaginez un peu : un chat de gouttière, saisi en pleine maraude, au bord d'un toit ou dans un jardin, le pauvre animal, bâillonné, ligoté, emmené de force dans une chapelle. Oui, il s'agit de la chapelle des « chiens innocents », et là, obligé de pratiquer un culte impie, revêtu d'une voilette violette, muselé, la queue coupée, car les chiens se différencient des chats par la petite taille de leurs queues, obligés de faire des ablutions, or les chats n'aiment pas l'eau, baptisé par un chanoine à l'eau de « chien-Yorre », ce qui lui fera perdre la tête.

Et, on ne sait pas tout. Personne n'a pu vraiment épier jusqu'au bout leurs cérémonies initiatiques. Qui sait si les chats les plus rétifs, les chats laids ou les chats lents, ne sont pas tout simplement transformés en chapelure ou en brosse à chiendent ?

- Je connais un chasseur dans le quartier.
- Moi, aussi.
- On devrait leur demander de faire une expédition punitive, un soir de temps de chien. Revêtus d'une chasuble, et cachés sous leur chagoule, armés de leurs vieux chassepots, et de quelques pots de peinture noire, ils pourraient recouvrir la chapelle d'inscriptions chagrines : « Non aux conversions forcées !», « Stop à l'invasion canine !», « On n'est plus chez nous !», « Vive les félins nationaux !», « Supprimons l'espace de chienne-gen !».
- Ma chère, vos menaces sont bien trop charmantes. Moi, je serais moins charitable. Il nous faut un vrai charivari avant les élections. Faisons sauter la chapelle des chiens-innocents !".

 Il se trouvait maintenant devant la caissière. C'était une jeune femme, très douce et très jolie, qui se prénommait « Shalom ». Il était très inquiet de toutes ces conversations entendues. Il craignait que l'ambiance en ville ne se dégrade encore à l'approche des élections. Il savait qu'il allait se faire chapitrer par son secrétaire général. Que se passera-t-il quand descendront dans la rue des escadrons de chats bleu marine, tatoués, vaccinés ? La jeune femme était résolue à l'aider. Tout d'abord, il fallait retirer cette petite annonce du tableau. Mais une inscription identique, ils le savaient, se trouvait dans la supérette et à la poissonnerie. Il fallait agir discrètement. Ne pas alerter ce fou qui activait de telles rumeurs, laisser toute cette agitation retomber. Mais maîtrise-t-on une rumeur ? Maîtrise-t-on une rumeur en période de crise ? Elle avait quelques amis courageux, certains étaient d'émérites graffeurs, plus agiles que des chats de gouttière, plus artistes que des Chagall. Il fallait lancer une campagne de tags sur les murs et les toits. Cent chats bien portants allaient fleurir et s'épanouir, crier au monde leur authentique bien-être et leur bonheur d'être des chats tigrés, des chats noirs, des chats rouges ou des chats verts.

chat-ni-dieu-ni-maitre

Rasséréné, il paya ses croquettes, et s'en revint à pas lents chez lui. La caissière était fort jolie, il lui aurait bien parlé d'autre chose que de chats et de chiens. Mais il était timide et ne savait pas aborder les gens, sauf sous l'angle professionnel. Il en avait presque du chagrin. Arrivé chez lui, il s'aperçut qu'il n'avait pas besoin de croquettes puisqu'il n'avait ni chien, ni chat. En revanche, il avait oublié ses châtaignes. Il était encore temps de retourner à la boulangerie.

 

20 novembre 2012

Et à l'oral ça donne quoi ? / Gwenaëlle (consigne du 20 novembre 2012)

Texte écrit puis lu sur une proposition de Dominique: prendre une expression au pied de la lettre.

Ici, avoir la langue bien pendue :

https://soundcloud.com/gasteropod/suicide-linguistique

 

Et en bonus un texte que je n'ai pas fait en atelier.

https://soundcloud.com/gasteropod/la-langue

 

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