Je suis troisième à vie / Maryvonne
Dans ma famille, j’ai toujours été la plus petite. Celle qu’on oublie dans une poche ou un sac.
Pour ma part , J’avais peut-être deux ,trois ou quatre mois j’ai été oubliée sur la banquette arrière d’une voiture et un monsieur s’est assis sur moi, ça a dû faire "ouin ! ouin !" comme les petits jouets à air que l’on comprime pour amuser les bébés.
En grandissant on m’a souvent appelé du prénom de mes sœurs. L’habitude sans doute, comme une seconde nature. C’est ainsi quand on est la plus petite : on use les blouses, les vélos et les prénoms.
Mais aujourd’hui mes deux grandes sœurs ont perdu leurs centimètres. Madame ostéoporose est passée par là et je suis la plus grande des trois. Cela n’est pas important, ce qui compte c’est que je suis à vie la plus jeune, un qualificatif qui me sied à entendre : "Ah ! Oui ! C’est toi la plus jeune des filles !"
Ça me fait du bien ! Même quand j’aurai 90 ans... J’aurai profité de tout : de leur expérience, de leur sollicitude, de leur générosité, de quelques claques aussi mais tellement méritées. De leur protection surtout.
C’est important la place dans la fratrie. Je n’aurais pas aimé être l’aînée ni la cadette. Je suis bien à ma place dans ce triumvirat plaisant.
Un jour, peut-être, le plus tard possible, je mettrai ma jeunesse à leur service…..ou pas. C’est imprévisible la vie.
On pourra mettre sur le journal, à côté de l’annonce de la conférence d’Eric Zemour (gratuite pour les ecclésiastiques) un entrefilet : « La famille Illusion a le regret de vous faire part du décès d’un vieux rêve : Ouest-France parlera toujours des curés et les trois sœurs Aubrée, militantes d’un athéisme paisible, sont mortes avant la fin des guerres de religion, même la plus jeune".