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L'Atelier d'écriture de Villejean

20 avril 2021

Puisque tu es parti / Laura

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Puisque tu es parti,
Je reste seule devant les rochers :
"Les amoureux de Perros-Guirec", c'est fini,
Puisque tu es redevenu poussière.

Puisque nous avons visité
Le musée de Perros-Guirec
En 2016, c'était l'été.
Puisque c'était bien.

Puisque nous avons vu
Des pierres dressées
A Rodez ; il avait plu
Puisque l'amour nous protégeait.

Puisque je t'ai photographié
Devant le dolmen de Luriecq
J'ai saisi ton âme et l'ai aimé
Puisque c'était une pause.

Puisque ma douleur
A l'épaule gauche
Alourdit mes bonheurs
Puisque je penche la tête.

Puisque la souffrance morale
Endort le mal physique
Mais revient en rafale
Puisque je suis seule.

Puisque l'art m'apaise
Puisque nos paysages vivent
Puisque l'écrire te ressuscite
Puisque tu es parti.

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20 avril 2021

Tant de paysages / Laura

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Tant de paysages admirés

Tant de beautés en Aquitaine
Tant d'œuvres contemplées
Tant de musées, une centaine,
Tant d'absence, une ombre projetée
Tant de rivages, la Seine
Tant de valises préparées
Tant de mots, une migraine
Tant de chemins préparés.

20 avril 2021

Quand / Laura

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Quand je me réveille, prête à l'abordage
Et à vivre encore un peu mon existence ;

Quand entre oeufs et viande se fait l'arbitrage
Et que je décide de m'offrir beurre ou confiture ;

Quand j'ai été raisonnable et bien sage ;

Quand j'ouvre mes volets sur les collines,
Quand me sautent aux yeux les parages ;

Quand la couleur du thé dit sa saveur,
Quand l'amertume me coule dans l'œsophage ;

Avec l'air qui me saute aux yeux
Quand j'ouvre la porte sur le monde sauvage,
Que la terre reste stable sous mes pieds ;

Quand je n'ai pas de malaise, présage
D'une chute qui laisse des traces ;

Quand rien n'est calme, le naufrage
Menace la surface des choses ;

Quand tout finalement est image,
Que la représentation est reine
De nos vies en miroirs de visages
Loin des selfies vulgaires ;

Quand j'ouvre un nouvel ouvrage,
Catalogue ou polar, le plaisir est dans la vue ;

Quand les oeuvres viennent remplir selon l'usage
Ma solitude alors que de stupides histoires défilent
Quand tout mon être s'étale en pages
De journaux ou de livres, je suis presque heureuse ;

Essentiellement moi, il ne manque que toi,
Essentiellement toi comme le sel de ma vie.

20 avril 2021

Mon galet de coeur / Maryvonne

Mon galet de cœur

Puisque tu as un penchant pour moi
Voilà que ça me met en émoi
Je vais faire de toi mon roi
Puisque je n'ai pas un cœur de pierre

Puisque nous sommes au pays du granit
Sommes fait du même agglomérat
Ton grain n'est pas encore bien poli
Puisque ta rusticité éblouit

Puisque tu sais dire des mots doux
Ça justifie notre tendre joue à joue
Cailloux, hiboux, bijoux, mon chou
Puisque tu te pends à mon cou

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Puisque le sable s'écoule à nos pieds
Le temps s'égrène en légèreté
A chaque instant tourne le sablier
Puisque nous marchons vers l'éternité

Puisque les Bretons ont la tête dure
Notre appui est solide comme le roc
Comme le sont les dolmens qui perdurent
Puisque la celtitude nous réunit

Puisque nos rondeurs se ressemblent
Appuyons-nous l'un sur l'autre
D'un mouvement qui nous assemble
Puisque nos épaules sont soudées

Puisque c'est l'amour à la plage
Nous regardons vers l'horizon
Pour ensemble tourner les pages
Puisque nous n'avons pas peur du lendemain

Puisque nous unissons l'histoire et la géologie
Puisque nous sommes hier et puis demain
Puisque nous sommes la force et la beauté.

20 avril 2021

Stupeur et tremblements / Adrienne

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Puisque tu ne veux plus vivre
brisée broyée brassée par les cailloux
que tu as fini le livre
puisque nous vivons

puisque tu ne veux plus te battre
contre les démons les fantômes
les masques cramoisis la vie grisâtre
puisque nous nous battons

puisque tu vois les vautours qui s’envolent
assassinant le ciel de leur cou décharné
ceux qui donnent des gnons et des torgnoles
puisque nous ne les voyons pas

puisque tu n’approuves pas les enfants que l’on arrache
le carcan qui sertit le cou du prisonnier
les coups de pied au cul et les coups de cravache
puisque nous approuvons

puisque tu n’admets pas le pauvre et le riche
et le mal et le bien et l’aumône et le poing
le fort sur son trône et le faible dans sa niche
puisque nous admettons

puisque tu n’acclames pas les meilleurs et les pires
les singes chamarrés les chiens qui font le beau
les hyènes les chacals les chameaux et les sbires
puisque nous acclamons

puisque tu ne tolères pas le bon dans la mélasse
l’enfer le feu la guerre la prison
les malheurs éternels l’imbécillité crasse
puisque nous tolérons

puisque tu dis non aux misères des hommes
tu as fermé le livre
un beau samedi d’avril

Adrienne exprime ici un peu de son désarroi face à la mort d’une jeune fille de 22 ans.

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13 avril 2021

Consigne d'écriture 2021-26 du 13 avril 2021 : Vocabulaire postal

Vocabulaire postal

 

Alors qu'il était en quête des paroles d'une chanson, l'animateur de l'atelier est tombé sur ce document :

http://docplayer.fr/3045741-Ressources-documentaires-la-poste-l-aventure-du-courrier.html

Il s'agit de pièces annexes d'une exposition tenue en 2002-2003 au musée Jacques Chirac sur le thème de la poste et du courrier.

AEV 2021-26 Consigne La Poste

On vous propose donc cette semaine d'insérer au moins dix mots de la liste ci-dessous dans un texte qui parlera de la poste, des timbres, des  lettres, des facteurs, des cartes postales, du courrier électronique ou de toute autre chose.

Ach  - Allégé  - Almanach  - Ambulant  - Arête de poisson  - Babillarde,  - Bafouille  - Bidou  - Bitume  - Blanchir une batterie  - Bloc  - Boite à cocus  - Bombe (partir en)  - Botte  - Boulangère  - Boulisterie  - Bout de ligne  - Brêmard  - Brigades  - Burelage  - Cabine  - Cage à poules  - Califs  - Camenbert  - Char - Cheval  - Chevalet  - Cheveu  - Cocotte  - Collier et étiquette  - Combine  - Contrerembour  - Côté  - Coupage-piquage  - Coup de collier  - Coup de feu  - Courir la poste  - Culotte  - Dentelure  - Dépêches  - Dépêche close ou directe  - Dépiautage  - Descente  - Distri  - Double toile  - Ecluser  - Embrigadé  - Entier postal  - Etre au pair  - Etre descendu  - Faire gare  - Fausse  - Feuille 12  - Filante  - Gogneuse  - Haut le pied  - Jésus  - Lanterneau  - Liasse  - Libourne  - Maximaphilie  - Mignonnette  - Mondaine  - Mougeotte  - Mule  - Nénette  - Odontomètre  - Ordre de service  - Pacha  - Passe  - Peau de lapin  - Petit bleu  - Philatélie  - Piéton  - Pneu  - Pochée  - Ponton  - Postier  - Poulain  - Pyjama  - Rayon de distribution  - Rebuts  - Rembour  - Remonte  - Restes  - Rouge  - Route  - Sauterelle  - Sédentaire  - Surnuméraire  - Tilbury  - Timbre à date  - Tirer la toile  - Trempolino  - Trousse-couilles  - Tubiste  - Tuer le courrier  - Valise  - Voyage  - Zinc . 

N.B. Le vocabulaire postal seul a été recopié ici dans un document pdf à part qui vous permettra d'obtenir la définition des mots trop techniques.

Vocabulaire  postal_:_liste  avec  définitions

 

13 avril 2021

Echange postal / Eliane

Voilà, Grand-Mère est installée dans une résidence sénior. Bonne alternative entre son domicile où elle ne pouvait plus rester seule et la maison de retraite.

La maison de famille est donc désertée de ses habitants. Le conseil de famille décide que c'est à moi, avec mon mari et mes enfants, que revient le privilège de l'habiter.

Nous en discutons car cette banlieue est plus éloignée de nos lieux de travail que l'appartement que nous occupons actuellement. Mais la qualité de vie est nettement supérieure : plus d'espace et un jardin. Nous acceptons.

Une première visite me permet de faire le point. Petits travaux à envisager. Quels meubles garder et quels meubles donner ? Je vide armoires et placards, enfouis tout dans des grands sacs poubelle, direction la déchetterie ou Emmaüs.

 

AEV 2021-27 Eliane - vieilles-lettres-T-uzcVS9

Dans un tiroir je tombe sur un paquet de lettres entourées d'un ruban bleu. Puis sur un autre paquet de lettres en vrac dans une boite à chaussures. Ce sont des lettres d'amour. Comment se fait-il que Grand-Mère ne les ait pas emportées ?

Les lettres dans la boite à chaussures sont datées, je les remet dans l'ordre chronologique et ainsi reconstitue l'échange de courrier entre mes grand-parents.

A quel moment se sont-ils écrit ? Maman m'apprend que peu de temps après leur mariage, alors que Grand-Père travaillait au bureau de poste de Paris, Grand-Mère avait obtenu son premier poste d'institutrice en province, du côté de Bourges.

J'emporte les lettres avec moi et je me régale à les lire à mes moments perdus.

« Mon aimé

Ca y est je suis installée dans la petite maison qui jouxte l'école. C'est coquet. Dommage que tu ne sois pas avec moi. Demain je ferai connaissance de mes élèves. »

Toutes les lettres de Grand-Mère se terminent par « Je t'embrasse. Tu me manques. Prend soin de toi ».

AEV 2021-27 Eliane - Train_postal_-_Supplément_illustré_du_dimanche_du_Petit_Journal_-_28_mars_1909« Ma petite épouse chérie.
J'attendais ta lettre avec impatience. Tu me manques aussi.

Ici c'est la routine. Cette semaine je fais partie de la brigade des ambulants. Nous trions le courrier sur les rails entre Paris et Melun. Aller et retour. L'équipe est sympathique, nous rions beaucoup.

Arrivés en bout de ligne il ne nous reste plus qu'a blanchir la batterie. Nous ficelons les sacs avec des cheveux et nous accrochons les colliers. Les sacs sont alors prêts à être envoyés.

Mon aimée si tu ne comprends pas tous nos termes techniques, rassure-toi ! Je t'expliquerai quand je viendrai te rendre visite. Je suis impatient.
Je t'embrasse tendrement, à bientôt. »

"Mon chéri

Pour ce qui est des termes techniques je crois que je les devine assez bien.
Aujourd'hui j'ai fait la connaissance de mes élèves. Nous avons établi les règles et l'emploi du temps. Ils sont attentifs.

La principale difficulté sera la grande variéte de leurs âges. Il me faudra faire cours à quatre niveaux différents de la maternelle jusqu'à l'entrée en 6ème.

Comme tu le vois je suis très occupée, mais les soirées solitaires sans toi me pèsent. »

« Ma petite femme adorée.

Voici une nouvelle petite bafouille pour te dire de quoi sont faites mes journées.

Pour avoir les moyens d'aller te voir plus souvent, j'ai obtenu d'assurer des Califs. Cela occupe bien toutes ces heures sans toi. Ainsi je suis en renfort pour les coups de feu, les coups de collier, ce qui évite que nous prenions la culotte.

Aujourd'hui je suis resté au poste central. J'ai dû vérifier la fermeture des sacs dans un premier temps et participer au char. Ensuite j'ai trié le courrier dans la cage à poule. Et là crois-moi, il ne faut pas se laisser distraire.

Ce soir, grâce aux califs, je ferai partie de la mondaine. Ainsi seul chez moi la soirée sera beaucoup moins longue. »

Ainsi continuait l'échange de courrier entre mots tendres et occupations de chacun.

Si Grand-Mère devinait les termes techniques il n'en était pas de même pour moi. Il me faudra trouver un lexique pour décrypter les lettre de Grand-Père . Par exemple qu'est-ce que c'était qu'un pyjama, une peau de lapin, une sauterelle, etc ?

J'allais m'y atteler. Ces lettres étaient un véritable trésor.

13 avril 2021

La Vie du facteur Cheval / La Licorne

AEV 2021-26 La Licorne DSCF3758

S'il est un facteur cher à mon coeur, c'est bien le facteur Cheval.

Ce facteur-là, il faut le dire, fut un postier assez spécial. Toujours sur les routes, puisqu'il effectuait sa tournée à pied, il transporta dans sa vie autant de cailloux que de courrier et sans doute même un peu plus. Jésus, Marie, Joseph ! Il fut le piéton le plus obstiné de toute l'histoire de la Poste, toujours à courir la campagne afin de trouver de nouvelles pierres pour son futur "palais". Il usa ses bottes sur les chemins, tout autant que les pneus de sa brouette, qui, en général, ne faisaient pas long feu.

Il s'en était fallu d'un cheveu qu'il ne soit jamais facteur car au départ, il était boulanger près de Lyon. Mais lui et sa boulangère, poussés par la misère, durent changer de métier, déménager et finalement poser leurs valises dans le village d'Hauterives. Il fut alors chargé de la "tournée de Tersanne", une tournée au rayon de distribution très large, une tournée pédestre de près de 30 kilomètres qu'il effectuera quotidiennement et consciencieusement jusqu'à sa retraite.

Dès lors, il transporta chaque jour dépêches, almanachs, bafouilles et liasses de lettres en tous genres et à peine en était-il allégé qu'il passait à son deuxième métier, celui qui lui tenait vraiment à coeur : constructeur de rêve.

Pendant 33 ans il collecta pendant ses longs voyages de facteur des tonnes et des tonnes de pierres, choisissant avec soin les plus étranges, les plus tarasbicotées, des pierres bizarres avec des creux, des bosses ou des dentelures pour les assembler selon une esthétique qui n'appartenait qu'à lui, une esthétique étrange et un brin "surréaliste" qui suscita d'abord les moqueries avant de susciter l'admiration.

Il en connut des doubles et des triples journées, des déjeuners sur le pouce, avec juste un bout de pain et un camembert, des coups de collier et des coups de feu quand l'orage menaçait et qu'il fallait faire vite. Il connut la fatigue extrême, les points de côté, les mains rouges et les soirs où, après être descendu au chantier, on remonte à la maison, chargé comme une mule, parce que l'on a peur de se faire voler un bloc de pierre particulièrement intéressant.

Il en connut des peines et des difficultés, oui, mais en bout de ligne, il arriva à son but : un jour, son "Palais idéal" fut terminé et ce jour-là, il s'assit et se sentit fier de ce qu'il avait réalisé.

Ferdinand Cheval, le petit facteur d'Hauterives, le maçon ambulant, l'architecte autodidacte, avait, grâce à sa ténacité hors norme, construit le Palais le plus original et le plus intrigant de toute l'Histoire et, enfin sédentaire, il pouvait maintenant, en toute tranquillité, s'y reposer comme un pacha ! (*)

(*) Ce qu'il ne fit pas, bien entendu...car, poussé par sa passion, il se consacra très vite à d'autres constructions...

13 avril 2021

Lettres / Anne J.

Il y a les lettres
qui n'existent que dans ma tête
conversations silencieuses
murmurées en moi même
et chuchotées au chat
comme une dépêche sans destinataire
voyage sans interlocuteur

Il y a les lettres
écrites dans la fièvre, au petit matin
en pyjama après une nuit d'insomnie
à la vitesse d'un cheval au galop
raturées, gribouillées, lues et relues
coincées sous l'almanach
et pour finir jetées dans la poubelle
d'un geste rageur

AEV 2021-26 - Anne J 

Il y a la lettre télégramme
d'un seul mot
la lettre liasse de quinze pages
qui parle trop
que le destinataire ne lira pas
Il y a celle qui s'égare
sur la route du postier

AEV 2021-26 - Anne J

Il y a la lettre technologique
le fameux courriel
froid
pensé trop vite, mal écrit
envoyé d'un clic
et que l'on aimerait annuler
trop tard

Tant de mots jetés
comme des bouteilles à la mer
dans l'espace et le temps
papillons volages
entre deux âmes mortelles
qui veulent se parler

AEV 2021-26 - Anne J

13 avril 2021

La Dernière lettre / Jean-Paul

Marseille, le 9 novembre 1891

                                                                                                                               Mon cher Ernest

AEV 2021-26 - JK Lettre de Rimabud à delahaye

Plus on avance en âge et plus on s’aperçoit qu’on ne sait pas grand-chose de la marche du monde. Et pourtant je ne suis pas un sédentaire, elle a bourlingué, ma valise, j’en ai usé et abusé, du voyage ! J’en ai envoyé des bafouilles et des babillardes à ma mother !

Au début, elle me marquait à la culotte, ma mère. Elle m’aurait volontiers embrigadé dans la bande à Jésus mais moi j’étais, je suis toujours une tête de mule ! Son ordre de service c’était : « Remonte un peu le niveau ! Prends l’ascenseur social ! Trouve une situation assise pour travailler dans un burelage – elle prononçait « burelage » pour « burlingue » ! – épouse une boulangère, donne un coup de collier, Arthur ! ».

Pour un peu elle m’aurait conseillé de devenir postier ou de fouetter le cheval de la diligence comme a fait mon frangin Frédéric. Ca a dû lui fiche un sacré coup quand j’ai été fourré au bloc à Mazas après avoir brûlé le dur pendant ma première fugue ! Mais bon, moi, ma route passait par Paris.

L’étoile filante de la Commune s’était éteinte quand j’y ai remis les pieds la deuxième fois en septembre 1871. Les Versaillais avaient arrêté la cocotte-minute à coups de fusil, éliminé les rouges pour un sacré bout de temps !

Alors je suis allé taper dans l’œil du Paulot Trousse-couilles ! Dans la cage à poule de ses beaux-parents, c’était du genre collier et étiquette et j’y faisais figure de marchand de peaux de lapin ambulant !

Avec Verlaine, on en a éclusé, des absinthes et des petits bleus sur les zincs des bistrots. Y’a même Fantin-Latour qui nous a tiré la toile, enfin, le portrait, sur un coin de table. On a pris de sacrées pochées et dans la boîte à cocus des poètes parisiens les gars ont avalé une arête de poisson quand je leur ai balancé « Le Bateau ivre » ! Chopez ça dans la dentelure, les nazes, feuille 12 à l’odontomètre, Arthur vainqueur haut le pied !

Après on a quitté ces rebuts, on est partis en bombe, on a joué au trempolino entre Londres et Bruxelles jusqu’à ce fameux coup de feu le jour où on a fait gare pour la dernière fois. J’ai failli être descendu, dis donc, et ça n’aurait fait aucun bruit dans le lanterneau !

Fin de la descente aux Enfers, changement de bitume !

Allégé de l’Europe et de ses bondieuseries, j’ai posé mon chevalet dans la corne de l’Afrique. J’ai vendu du café, des casseroles et des fusils aux pachas du secteur dont et y compris le roi Ménélik ta mère !

A force de combines j’ai fini par amasser une sacrée liasse. J’étais en passe de revenir au pays, d’y épouser une nénette mignonnnette et de finir rentier quand j’ai vu le bout de ligne se profiler.

Cette saleté de genou est devenue comme du camembert, plus moyen d’avancer autrement qu’en tilbury. Ce que j’appelais comme ça était un brancard bricolé avec les restes d’un ponton sur lequel j’ai souffert le martyre lors de mon rapatriement vers l’Europe. A Marseille on m’a amputé : je n’ai plus besoin que d’une botte sur les deux désormais.

***

AEV 2021-26 - JK LErnest_DelahayeA Charlestown j’ai pigé que je ne serais plus désormais qu’un surnuméraire alors j’ai voulu retourner à Aden. Trop tard ! Je t’écris de Marseille pour te dire adieu, l’Ernest. Je t’aimais bien, tu sais ! Ca cocotte l’éther dans tout l’hôpital, je vais sans doute y passer cette nuit. Y’a ma soeur à côté qui prie tout ce qu’elle peut pour le piéton aux semelles de vent mais pas question que cette sauterelle d’Isabelle me fasse intégrer à la dernière minute les brigades calotines de son brêmard divin ! Ça ferait trop plaisir à Claudel !

Seulement… Plus on avance en âge et plus on s’aperçoit qu’on ne sait pas grand-chose de la marche du monde. Tu le sais toi, ce qu’est une gogneuse ?

Ton copain Arthur

***

Cette lettre de Rimbaud a été retrouvée récemment au centre de recherche de La Poste à Libourne. L’auteur de la missive, n’ayant plus tous ses esprits au moment de fermer l’enveloppe, avait écrit «Emile Delahaye» au lieu d’ «Ernest Delahaye» et celui-ci n’habitait plus Charleville-Mézières depuis un certain temps déjà.

Ce genre de courrier impossible à délivrer s’appelle justement… une gogneuse !

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