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L'Atelier d'écriture de Villejean

18 mai 2021

Le cas Soulet / Raymonde

Le lendemain matin, lorsque Quand et Où se réveillèrent, ils ne savaient plus très bien, à force d'avoir bu la veille, lequel était Quand et lequel était Où. Où savait qu'il devait rencontrer Soulet aujourd'hui mais il ne savait plus où. Quand savait qu'ils devaient un jour aller à Toulouse mais il ne savait plus quand.

- On est bientôt arrivés ?

AEV 2021-31 Raymonde - eric-dupond-moretti

Où et Quand doivent siéger en tant que jurés pour décider du sort de Soulet qui a organisé un trafic de haricots coco de Paimpol à Toulouse. Il est défendu par maître EDM, garde des sots.

Quand et Où ne savent pas trop comment défendre ce pauvre bougre qui n'avait pas de mauvaise intention mais seulement l’envie de faire prospérer sa petite entreprise qui fabrique une recette qui vient de sa grand-mère qui elle-même la détenait de sa mère qui...

Problème : il n’y a pas de cocos à Toulouse. Pas de ça chez nous, ici le coco ne passera pas !

Alors Soulet s'est mis en cheville avec un cocotier (producteur de cocos) et il a organisé des fast and furious avec une équipe de bras cassés qui devaient ramener une cargaison de cocos en voitures rapides. Mais l’équipe n'était pas fiable, trop portée sur la bouteille !

Quand et Où ont de la compassion : c’est pas un crime de boire un petit coup, c’est agréable...

AEV 2021-31 Raymonde - Coco-paimpol-grains-800x532Alors, premier contrôle au péage et bingo ! Toute l'affaire est par terre, c’est la fin des haricots ! EDM n’a pas bien défendu son client, il a pédalé dans la choucroute. Où et Quand sont très attristés.

La presse et les médias se sont emparés de l'affaire. Le cas Soulet est devenu un sujet de discorde au sein des familles. Quand et Où sont allés se restaurer, ils ont pris un couscous, ils ont trinqué à la santé de Soulet.

Et le soir, ils terminèrent leur récital en envoyant " T'as le look coco " et se dirent qu'au moins ils savaient où et quand ils pourraient se reposer de cette journée bien remplie, c’était ici et maintenant et c’était déjà quelque chose. 

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18 mai 2021

Les Multiples de Sète / Jean-Paul

AEV 2021-31 Jean-Paul - Où et Quand sur Etsy

Le lendemain matin, lorsque Quand et Où se réveillèrent ils ne savaient plus très bien, à force d’avoir bu la veille, lequel était Quand et lequel était Où. Où savait qu’ils devaient aller rencontrer aujourd’hui les Multiples mais il ne savait pas où. Quand savait qu’ils devaient aller un jour à Sète mais il ne savait pas quand.

Après avoir savouré leur petit-déjeuner, Quand et Où prirent congé de l’aubergiste. Celui-ci, encore émerveillé du concert qu’ils avaient donné la veille au soir, leur fit cadeau de deux bouteilles de « bière braxéenne » pour la route. Il y avait une Anna-Marly et une Morterille.

210518 285 009

- Elles sont fabriquées où ? demanda Quand.

- Du côté de Toulouse !

- C’est drôle qu’elles s’appellent la Braxéenne, commenta Où, parce qu’aujourd’hui nous on va dans la ville natale de Georges Braxens !

Ils arrivèrent à Sète sur le coup de midi. Ils se posèrent à la gare parce qu’Où était sûr d’y trouver une horloge. Ca rassurait Quand de connaître l’heure. Porter une montre ça aurait pu être pratique pour le type d’amnésie qu’il manifestait, qui n’était ni anosmie, ni agueusie et encore moins symptôme de Covid, mais il avait en plus la malchance d’être allergique au nickel et détestait porter, bracelet, alliance ou bague. Quant à Où, il ne se souvenait jamais de l’endroit où il avait posé la sienne.

Il soufflait un Mistral à décorner tous les boucs habitant les romans de Jean-Claude Mourlevat. Ils cassèrent la graine – quoi de plus normal pour des perroquets ? – en terrasse d’un bistrot appelé « Chez Marinette » et passèrent leur marché habituel avec la patronne, une matrone aux mamelles accortes et par ailleurs natives, avec tout le reste corrézien et corps et biens, de Brive la Gaillarde. En échange d’un concert donné le soir même par les deux drôles d’oiseaux, elle leur assurerait le gîte pour la nuit et le couvert pour le soir et le lendemain matin.

De leur étonnante besace magique qui ressemblait tellement au foulard porte-bébés des cigognes alsaciennes que c’en était un, ils sortirent des flyers (What else for birds ?) et des affiches avec un espace blanc sur lequel l’organisatrice n’avait plus qu’à inscrire la date et l’heure de la prestation : « Ce soir, ici à vingt heures, Où et Quand ».

Puis vint le moment d’aborder le motif de leur venue au pays du fumeur de pipe à guitare.

- On nous a conseillé de venir à… On est où déjà ? commença Où.
- A Cette mais en fait ça s’écrit Sète depuis je ne sais plus quand, répondit Quand.
- Pour rencontrer des gens qui s’appellent les Multiples.

La tenancière, madame Marinette, parut d’abord surprise puis elle questionna, un peu méfiante :

- Vous n’avez rien contre le royalisme ?
- Nous ? Non. On est musiciens, on ne fait pas de politique.
- Alors vous pouvez aller voir Louis. Il habite dans le quartier de la Pointe courte, traverse Agnès Varda.
- A quel numéro ?
- Ben…Quatorze !
- Et c’est quoi son nom de famille ?
- Ben… Quatorze !
- Non, mais le numéro on l’a, c’est son nom qu’on vous demande.
- Quatorze, je vous dis ! Louis Quatorze, qui demeure au n° 14 de la Traverse Agnès Varda.

« Sète foi encore, on est tonbé ché dé gen bizar », pensa Où qui ne savait plus où il avait rangé son orthographe.

***

190502 Nikon 216

Avec les tous les travaux qu’il y avait dans Sète derrière la gare ils durent voler pour se retrouver dans le pittoresque quartier de petites maisons de martins-pêcheurs.

Ils frappèrent au carreau du 14 parce qu’il n’y avait pas de sonnette. Ils furent étonnés de voir le costume du papy qui vint leur ouvrir. Il portait des bas de soie, un manteau d’hermine et une perruque grand siècle.

AEV 2021-31 Jean-Paul - Louis Quatorze

- Monsieur Louis Quatorze ? On nous a dit que vous étiez un des Multiples de Sète.

- C’est tout à fait vrai, messieurs, et plutôt deux fois qu’une. Mais entrez donc vous installer dans mon palais. Ce n’est pas Versailles, mais c’est tout à fait habitable. Vous prendrez bien un petit bourbon ?

- Ce n’est pas de refus, accepta poliment Où.

La petite maison était coquettement entretenue mais sentait le poulailler que c’en était une horreur. Trois poules picoraient sur le sol de terre battue et un grand coq lançait son cocorico toutes les trente-cinq secondes à l’intérieur de la cuisine.

- Tenez messieurs, voici vos bancs. Quant à nous, nous nous maintenons dans ce fauteuil auquel nous astreint notre grand âge de quatre-vingt-onze ans. Ne vous souciez pas de ces dames de la basse-cour et du petit marquis pérorant. Qu’est-ce qui vous amène à venir consulter la fontaine de science que nous sommes ?

- Eh bien, avoua Quand, nous aimerions savoir comment on fait pour savoir où et quand en même temps.

- Où est Caen ? N’allez pas penser que je louvoie mais il me semble que c’est dans le Calvados, non ? Je crois même que c’est le royaume du Very Bad Trip ?

- En fait, précisa Où, nous voulons savoir plutôt quand et où.

- Quand et où… En même temps ? Dans le même espace-temps ? Vous voulez parler du temps qu’il fait ou du temps qui passe ? Est-ce que je vous ai déjà raconté l’histoire des quarante-deux fillettes ? Et vous connaissez celle de la femme aux trente-cinq cœurs ?

Etait-ce le bourbon, la chaleur méditerrannéenne, le grand âge voie l’Alzheimer du bonhomme ? A partir de ce moment le vieux se mit à bayer aux corneilles et à cligner des yeux comme prêt à s’endormir.

- Quand et où, en même temps ou séparément, la réponse est peut-être « aujourd’hui » ou « Hyères » ou « deux mains ». Ou « Ici et maintenant » ou « Partout ailleurs par Toutatis ! ». Tenez, avant que je ne m’endorme, lancez ces deux dés.

Où s’exécuta et sorti un cinq et un six. 

- La réponse à votre question se trouve dans l’allée 77 au cimetière marin, tombe n° trois sur la gauche. Excusez-moi, je vais devoir me rendre sur ma chaise percée puis aller faire ma sieste. C’est l’heure ou le malheur qui veut ça.

- Nous n’avions pas l’intention de prendre racine non plus, monsieur Quatorze. Nous vous remercions de votre conseil. Bonne fin de règne à vous et merci pour le bourbon, il était excellent.

***

190504 Nikon 177

Au cimetière marin, dans l’allée 77, la troisième tombe était celle d’un dénommé Wenceslas-André Stimane. Une inscription sur une plaque de marbre disait : « Merci de me venger si c’est possible. J’ai été lâchement assassiné le 7 juillet 1949 par des gens qui habitaient au n° 21 et qui étaient trois..»

Ils se rendirent au bureau du cimetière et demandèrent des explications sur ce crime commis par trois Sétois.

- Stimane, vous dites ? Trois ? Moi je ne sais pas trop, je suis la comptable, en place depuis quinze ans, c’est vous dire si je suis dure au mal. Mais si c’est trois, et ce n’est pas neuf, vous devriez partir tôt demain pour aller consulter la Gnangnan douillette.
- La Gnangnan douillette ? Elle habite où ? demanda Où.
- A Troyes !
- Et on partirait quand ? demanda Quand.
- A l’aube.
- C’est bien noté. Merci Madame.

190501 Nikon 035

Ils consacrèrent le reste de l’après-midi à arpenter les rues de Sète et à chercher des traces de Georges Braxens mais il y en avait peu. Ils montèrent par les petites rues et les escaliers du mont Saint-Clair admirer le paysage environnant. Puis ils trainèrent en ville, s'estasiant devant  les barques de pêche au pied de la maison de la mer.

A l’heure de l’apéro il y avait plein de monde chez Marinette. Ce soir-là ils terminèrent leur récital en envoyant « La supplique pour être renseigné sur la plage de Sète » de Georges Braxens et se dirent qu’au moins ils savaient où et quand ils pourraient se reposer de cette journée bien remplie : c’était ici et maintenant et c’était déjà quelque chose ! 


18 mai 2021

Cékankonvaou ?

AEV 2021-31 La Licorne - bar du vieux lyon

C'était le 19 mai. Quand et Où avaient fêté la réouverture des terrasses et vidé moult chopes de bière... avec leurs amis.

Le lendemain matin, lorsqu'ils se réveillèrent, ils ne savaient plus très bien lequel était Quand et lequel était Où. Où savait qu’ils devaient aller rencontrer aujourd’hui "un personnage beau et fort" mais il ne savait pas où. Quand savait qu’ils devaient aller à "Lyon" mais ils ne savait pas quand. »

Perdus dans les brumes de leur esprit embrouillé, encore bercés par les bras de Morphée, ils se grattèrent la tête, perplexes. Quand voulait prendre le train dès midi.

- Par Dieu, non ! répliqua Où. Attendons un peu ! Terminons notre sieste. Au lit on dort... et on réfléchit après.

Quand dit "D'accord".

Où finit sa grasse matinée, puis proposa une destination :

- Je pense qu'il faut aller à Belfort...ou à Beaufort !

Quand répondit : "Tu confonds, je t'ai dit Lyon !"

- A Lyon, il n'y a que des guignols, voyons !

- Et à Beaufort, il n'y a que des faux mages !

(un vent qui valait bien 10 sur l'échelle... de Beaufort).

Où se tut, vexé comme un pou. Puis, après réflexion :

- Ok, on va à Lyon, mais on fait la tournée des bars et comme d'hab, on paie en chantant !

- Bonne idée, ça me dit, mais quand ?

- Quand ta valise sera prête !

- Et on dort où ?

- Chez ma tata !

Quand boucla ses bagages en deux temps, trois mouvements et, comme dit, ils passèrent la journée à chanter dans les bistrots et à se faire payer des pots. Il paraît même qu'ils y croisèrent le beau Grégory !

Le soir ils terminèrent leur récital en envoyant leur chanson préférée, Hakuna Matata, et se dirent qu’au moins ils savaient où et quand ils pourraient se reposer de cette journée bien remplie : c’était ici et maintenant et c’était déjà quelque chose !

 P.S. : Exceptionnellement, cet article a été sponsorisé. :-)

11 mai 2021

Consigne d'écriture 2021-30 du 11 mai 2021 : Mots invariables

Mots invariables

 

Les mots de la liste ci-dessous, composés ou non, ont la particularité d'être invariables au pluriel.
Insérez en au moins cinq dans votre texte 

aller-retour - allume-gaz - avale-tout - avant-bras - bon enfant (adj.) - boute-en-train - bric-à-brac - casse-gueule - chauffe-la-couche - ci-devant - clic-clac - compte-gouttes - compte-tours - coq-à-l’âne - curriculum vitae - demi-sel - dessous de table - dessus de lit - dos d’âne - emporte-pièce - ex-voto - faire-part - fox-trot - fric-frac - garde-manger - gnangnan (adj) - hold-up - jean-foutre - knock-out - lèche-cul - lève-tard - no man’s land - nu-pieds - ouï-dire - panaris - pancréas - Paris-Brest - pare-brise - pare-balles - perce-neige - pète-sec - petit-nègre - pianoforte - porte-parole –

Cette liste est tirée de cet ouvrage hautement recommandable de Patrick Burgel :

AEV 2021-30 Consigne - Le-petit-dictionnaire-des-pluriels

11 mai 2021

D comme Demi-sel / Adrienne

AEV 2021-30 Adrienne

Du beurre de missel ? se dit mini-Adrienne. Décidément, les grandes personnes ont de drôles d’idées !

Il faut dire que depuis l’infarctus du grand-père, le sel est banni de la cuisine de grand-mère Adrienne et heureusement pour le beurre, au lieu de le mettre au garde-manger baignant dans de l’eau et du sel, maintenant il y a un frigidaire qui ronronne dans son coin.

Il faut jeter tout ce bric-à-brac, avait décrété la mère de mini-Adrienne, qui avait fait entrer chez elle tout le «confort moderne» que grand-mère n’acceptait qu’au compte-gouttes.

Les deux avant-bras tendus devant elle, elle tenait «du vieux brol» dont il fallait se débarrasser de toute urgence, mais auquel grand-mère tenait, comme cet allume-gaz «qui marche toujours très bien !».

Pendant ce temps-là, mini-Adrienne faisait des aller-retour entre la cuisine où se chamaillaient les grandes personnes et la pièce de devant, où était installé le lit de grand-père.

Lui qui n’avait jamais été un lève-tard (ni un couche-tôt) passait désormais ses journées entières sous l’épais couvre-lit de satin bordeaux, que grand-mère appelait une courtepointe, et ne se nourrissait plus que de soupe et de pilules.

Lui qui avait toujours été le boute-en-train, à rire, à chanter, à raconter des blagues, ouvrait à peine la paupière et ne parlait qu’en chuchotant.

Il lui faut du calme, beaucoup de calme ! avait dit le médecin, et mini-Adrienne prenait cette injonction tellement à cœur qu’elle ne marchait plus que nu-pieds, de peur de déranger le sommeil de grand-père.

Chaque jour qui passe est un jour de gagné, avait dit le médecin.

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11 mai 2021

Lendemain de fête / Eliane

AEV 2021-30 eliane very bad trip

Paul émerge lentement. Le soleil inonde le bric-à-brac de la chambre, il a la gueule de bois avec un insupportable mal de tête.

Bien sûr il a toujours été un lève-tard, mais là c'est abusé, il est deux heures de l'après-midi. Il s'était endormi tout habillé sur le dessus de lit. Il s'appuie sur son avant-bras et pose les pieds sur le tapis. La tête lui tourne, la pièce est un vrai carrousel. Il faut qu'il se rende à la cuisine, il a besoin d'un café fort. Mais où donc a-t-il fourré l'allume-gaz ?

Sa tasse fumante à la main, il se dirige vers le living et s'arrête net, interdit. Mais qui est donc cette fille endormie sur son clic-clac ? Il se laisse choir dans un des fauteuils et tente de se remémorer les évènements de la veille.

Il avait reçu un faire-part l'invitant au mariage de deux de ses amis. Le ci-devant Rémi et le ci-devant Alex. Pendant la fête suivant l'échange d'anneaux à la mairie, les convives avaient beaucoup parlé, en passant souvent du coq à l'âne, beaucoup chanté, beaucoup dansé et surtout beaucoup bu.

Il se rappelle avoir surtout dansé avec une fille en particulier. Est-ce cette belle endormie sur son canapé ? Impossible à dire, sa mémoire est trop floue. Avec la fille de la fête, après quelques boogie-woogie endiablés et quelques fox-trot, ils s'étaient dirigés vers le bar et avaient partagé quelques verres.

Ensuite ? Ensuite c'est le trou noir. Il ne se rappelle plus comment s'est terminée la soirée ni comment il est rentré chez lui. Et pourquoi cette fille se retrouve sur le clic-clac plutôt que dans son lit ?

Il erre dans le no man’s land de sa mémoire défaillante quand la fille commence à bouger. Elle se frotte les yeux, s'assoit et regarde la pièce avec étonnement. Elle est manifestement dans le même état que lui. Elle ne souvient absolument pas du pourquoi et du comment elle a atterri ici.

Il va lui chercher un café, avise deux Paris-Brest qui traînent dans le frigo. Il les apporte aussi. Cela leur fera peut-être du bien de manger un peu. Pendant qu'ils avalent les gâteaux il lui demande qui elle est. Un instant hagarde elle lui demande s'il veut son Curriculum-Vitae. Il rit, bien sûr que non, son nom et son adresse suffiront. Il demande si elle se souvient être allée à la fête du mariage. Oui elle se souvient y avoir accompagné son cousin qui ne voulait pas y aller seul.

Alors ? Sans doute ont-ils fini ivres mort et une bonne âme les aura raccompagnés. Mais pourquoi est-elle arrivée ici ?

En téléphonant à quelques amis dans la soirée auront-ils la clé de l'énigme ? En attendant si elle voulait prendre une douche, la salle de bain était au bout du couloir.

***

Après s'être rafraîchis et avoir commandé des pizzas, quelques amis au téléphone éclairèrent leur lanterne. Après avoir bu quelques verres avec la fille du fox-trot, cette dernière l'avait largué pour un bellâtre aux yeux de velours. Il avait alors continué à boire non-stop pour noyer sa déconvenue, sa frustration. Il souhaitait inconsciemment arriver au knock-out.

Elle, elle faisait un peu tapisserie, son cousin était très occupé ailleurs et elle ne connaissait pratiquement personne. Elle s'était rapprochée de lui visiblement en détresse. Ensemble il avaient continué à boire en se racontant leurs malheurs. Comme ni l'un ni l'autre n'était en état de conduire, un des amis de Paul, beaucoup plus sobre, les avait raccompagnés. Simplement il ne s'embarrassa pas de chercher l'adresse de la fille et les déposa tous deux chez son ami.

AEV 2021-30 Eliane - GuerlainIl se regardèrent. Donc ils ne se connaissaient pas. Après avoir trouvé son sac sous un coussin ils appelèrent un taxi. Avant de refermer la portière sur elle, il lança son va-tout.

- On se revoit ?

Elle lui déplia la main et y inscrivit son numéro de portable avec son rouge à lèvres.

11 mai 2021

A la boulangerie / Anne J.

 

AEV 2021-30 Anne-J - Pâtisseries tunisiennes

C'est dimanche et je décide d'aller à la boulangerie du quartier, récemment rachetée par un pâtissier tunisien. Son étal est une merveille de délices sucrés couverts de miel et d’amandes, un bric-à-brac de sucreries de toutes les couleurs.

J'entre donc le nez caché dans un foulard noir qui me donne un air de terroriste. J'ai oublié mon masque et tente ainsi d'éviter l'aller-retour, pensant rester dans la boutique seulement quelques minutes.

Hélas, à la caisse de la boulangerie, se tient un homme d'âge moyen dans un vieux vêtement de pluie froissé

- Vous m'avez dit 13 euros au téléphone et maintenant vous me dites 19 euros pour ma tarte aux fraises !

- Vous avez mal compris, monsieur, répond le boulanger, mezzo forte, en se frottant les avant-bras, c'est 19 euros.

Le pète-sec insiste.

- Non vous avez dit 13 euros.

- Je regrette, reprend le boulanger un peu plus fortissimo c'est affiché 19 euros.

La conversation s'éternise sur ce ton et tous les lève-tard venus chercher leurs croissants à 11h s'impatientent. Le boulanger qui n'a pas de gilet pare- balles finit par céder pour 13 euros. Le ci-devant client sort sa carte bancaire en continuant de murmurer : « J'en suis sûr, il m'avait dit 13 euros, quand même ! ».

Le boulanger hausse les épaules, l'homme devant moi dans la file , impatienté, pose 2 euros sur le comptoir d'un air un peu excédé et dit :

- Pour moi c'est 2 baguettes et je vous pose 2 euros, merci !

Une jeune fille visiblement débutante avec des ongles immenses et peints de différentes couleurs essaie de comprendre le fonctionnement de sa caisse et tente de faire payer le ronchon, Pas de chance, le terminal bancaire refuse de fonctionner. Le boulanger s'excuse en tentant de servir les autres clients.

- Trois Paris- Brest, réclame un garçonnet nu-pieds.

- 6 baguettes bien cuites, dit une vieille dame, je les mettrai dans mon garde-manger.

Le client de la tarte aux fraises finit par sortir son carnet de chèques et réclame un crayon que la jeune caissière finit par dénicher dans l'arrière-boutique.

Mon tour finit par arriver et j'achète un carton de pâtisseries tunisiennes pour 9,90 euros. Je sors un billet de 10 euros, la jeune aux ongles multicolores hésite, tripote sa machine, tape le montant.

Le boulanger encore souriant - quelle patience ! - me tend une pièce de 10 centimes que j'empoche

Je sors en esquissant quelques pas de fox-trot, enfin !

20 minutes pour 6 pâtisseries, mais je n’ai pas perdu mon temps… j’ai mon idée pour l’atelier d’écriture !

AEV 2021-30 Anne-J - Pâtisseries tunisiennes 2

11 mai 2021

Prière / Josiane

AEV 2021-30 Josiane Sempé

Par ouï-dire cet homme-là était un pète-sec. Un peu lèche-cul, il avait atteint le sommet de la hiérarchie malgré son allure de va nu-pieds et sa tête à porter un gilet pare-balles en toutes occasions.

Je le rencontrais un jour de réunion dans l’entreprise où nous officiions tous les deux, moi qui faisait partie de ceux qui ne sont rien et lui qui se pavanait dans les tours.

J’étais le porte-parole de tous ceux qui avaient lieu de se plaindre de ses agissements. Une situation des plus casse-gueule qui soit, d’autant que j’étais plutôt du genre à passer du coq-à-l’âne de manière à retarder la confrontation qui me paraissait inéluctable.

Apres un début un peu gnangnan, mon plaidoyer monta en puissance et j’oubliai qui il était ou du moins le portrait qu’on m’en avait dressé pour distiller au compte-gouttes toutes les récriminations que mes collègues m’avaient demandé de porter haut et fort à cette table de négociation.

A ma grande surprise nos premiers échanges furent plutôt du genre bon-enfant. Il était tout sucre et tout miel. Et tout à coup clic-clac je ne vis rien venir. Ce jean-foutre me cloua comme un papillon de nuit dans son cadre. Il proféra des propos d’une violence que je n’aurais pas pu imaginer. Je crus ma dernière heure arrivée quand il se leva le poing en avant…

J’attendais, pris de panique à la vue de ce colosse aux yeux exorbités prêt à en découdre. Ne s’attaque pas qui veut à ce genre d’individus. 

J’étais prêt, moi l’incroyant notoire, à aller déposer un cierge dans la première église venue. Prêt à jurer qu’en remerciement de la protection divine j’offrirais un ex-voto à mon protecteur, quand, tout à coup le colosse s’écroula, terrassé par une crise cardiaque.

 J’étais sauvé et ma prière ayant été entendue, il ne me restait plus qu’à tenir ma promesse.

AEV 2021-30 Josiane Ex_voto_Betharram

11 mai 2021

Les Mots singuliers sans pluriel / Maryvonne

 Les mots invariables au pluriel ont cela de particulier qu'ils sont tout à fait singuliers.

Pour peu que nous ayons l'esprit différent au moment où l'on cherche à les employer ils peuvent faire des sorties de route et nous entraîner sur des chemins de traverse.

Par exemple, me voilà d'humeur vacancière, le nez au vent, l'âme voyageuse, je suis attirée par : pare-brise, lève-tard, nu-pieds, Paris-Brest, Aller-retour.

Si c'est la malhonnêteté qui me tente, même si c'est casse-gueule, j'irai faire un hold-up ou un fric-frac sans oublier mon pare-balles car par ouï-dire on n'est jamais trop prudent.

Si c'est juste un petit dérapage bon-enfant du genre dessous-de-table évitons tout simplement d'en faire-part en se croyant malin.

Si vous êtes un vieux jean-foutre libidineux, chaud comme un allume-gaz, votre regard coquin se braque sur : « dessus de lit, dos d'âne, boute en train » et si vous avez trouvé le bon clic-clac un genre d'aller-retour particulier.

Si vous êtes une cuisinière, vous remarquerez de suite : le demi-sel, le compte-gouttes, l'emporte-pièce, le garde-manger, le Paris-Brest et si possible le client avale-tout.

Voyez comme les mots nous mènent par le bout des yeux, Ils sont nos porte-parole, nos véhicules à phantasme. A leur vue notre compte-tours s'emballe jusqu'à nous mener du coq-à-l'âne ou dans le « no man's land » du surréalisme. Ils sont aujourd’hui notre récréation.

AEV 2021-30 Maryvonne - magritte-lair-et-la-chanson-1962-1024x693

11 mai 2021

Des clics et des claques / Liliane B.

AEV 2021-30 Liliane B

«Clic-Clac» fait le pistolet armé par le gangster dans le film noir que je regarde allongée sur le clic-clac. Il est tard et j’attends Jacques, attentive au clic-clac que fera sa clé dans la serrure. Jacques est toujours en retard. Déjà, c’est un lève-tard qui traîne le matin, nu-pieds dans la maison. J’ai été séduite par son côté boute-en-train et par ses délicieux Paris-Brest au beurre demi-sel mais franchement, il m’énerve. Moi qui suis une couche-tôt, je suis là à l’attendre devant ce film stupide. Il va m’entendre, je vais lui faire part de mon agacement. C’est vrai, je suis un peu pète-sec.

Je m’allonge sur le clic-clac et commence ma nuit. Je ne connaîtrai jamais la fin du film. Dans mon sommeil, j’entends clic… puis clac… Très lentement, pour faire discret, c’est la clé qui tourne dans la serrure. Il s’allonge à côté de moi en silence. Je suis sa chauffe-la-couche. Il pose ses pieds gelés sur mon ventre. Quel Jean-Foutre ! Il y a des claques qui se perdent. Demain, je prends mes cliques et mes claques et je claque la porte.

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