Moi je t'offrirai la Belgique, ce plat pays, frontalier du mien, où je faisais encore du vélo dehors, - j’ai maintenant un pédalier d’intérieur -, où les mémés (celles de Toulouse et de Nougaro aiment la castagne) boivent de la bière.
Pour ne pas perdre le Nord je bois de ma Champagne natale des bulles non champenoises. Peu importe la provenance, pourvu qu’on ait les bulles.
Il y a grand monde au cabaret Pour présenter ses meilleurs vœux Aux jeunes mariés très heureux.
C’est ici qu’on cherche fortune Lorsque la lune est plus sereine ; Aristide a trouvé la sienne !
Elle est jolie, s’appelle Blanche Et la semaine et le dimanche Elle rend la vie plus amène.
De ce bouge un peu dégueulasse La gamine a fait un palace Et l’enrichit de ses chansons.
On n’reconnaît plus l’Aristide : Le Bruant devenu timide Est tout aux soins de sa poupée.
Elle a fleuri d’amour en cage «Le Chat noir» et tous ses parages : Les fleurs embaument le quartier.
Le chat, sur l’enseigne, est inquiet : Voilà le petit canari Qui parle de quitter Paris !
Se pourrait-il que d’aventure On transborde en sous-préfecture Son populaire paradis ?
Il sait qu’il y mourrait d’ennui Alors, patiemment, il attend Que dans la nuit noire monte un chant
Du genre, forcément alléchant Pour son museau, : « Ouvrez ouvrez la cage aux oiseaux... ».
LA PRINCESSE JAUNE
- Il me vient une idée » A dit la princesse jaune.
« Mon tout petit pays Entouré de royaumes ennemis
Peut faire à tout moment L’objet d’une invasion.
Réunissons les rois, Carreau, Coeur, Pique et Trèfle.
Enseignons-leur le goût De lutter pour des nèfles.
Promettons-leur Que je serai le prix Que je serai la proie De choix Du vainqueur D’un tournoi. »
Ils sont venus, ils sont tous là. Elle leur a expliqué toutes les règles. Elle a donné toutes les cartes Elle a servi le vin de Sarthe Et depuis, jour et nuit, ils jouent à la belote En descendant Jasnières et Coteau-du-Layon.
Elle vient le matin Dans la chambre de chacun Voir si dans leur culotte Traîne encore un dragon, Histoire de redonner A ce carré de rois La force de rêver, En clamant « Dix de der !», Qu’ils l’auront à jamais Pour soi seul.
Elle se fend la gueule : Pendant ce temps qu’ils jouent Et descendent des verres, Ils ne font pas la guerre !
ZODIAQUE
- On a coupé la montre en douze quartiers égaux.
- Si t’as cinq minutes je t’explique !
On a coupé le ciel en douze signes zodiacaux.
- Si t’as cinq minutes je t’explique !
On se souvient d’Hercule Et de ses douze travaux.
- Si t’as cinq minutes je t’explique !
- On a mis douze mois dans l’année ça vaut ce que ça vaut.
- Si t’as cinq minutes je t’explique ! Mais si tu fais tourner à rebrousse-temps la montre On arrivera au temps de notre non-rencontre Et tout repartira dans le même non-sens Alors, sois gentille : Rends-moi les aiguilles, Retourne le cadran, Allons de l’avant !
UN SOIR UN TRAIN
Moi je t’offrirai la Belgique, Une île de fantaisie Dans une pluie de perles !
Des gens qui restent-là Quand passent les Teutons !
Des sages qui font tout Pour ne pas perdre le Nord !
Des Flamandes qui dansent En silence !
Même quand le train a déraillé Et que la musique s’est arrêtée !
Samedi, c’est la fin de la semaine ! Super, super, super !
Simone est une sage secrétaire sténo-dactylo pendant la semaine. Ce samedi, elle fait les sacs en sifflotant : shorts, sandales, lunettes de soleil, sudokus et scrabble dans l’un ; sardines en boîte, saucisson, salami, salade et Saint-Nectaire pour faire des sandwichs dans un autre, savon, shampooing, serviette et sèche-cheveux dans un troisième. De son côté, Séraphin a laissé sa salopette sale de serrurier (et ses soucis !), souhaitant souffler pendant ce séjour en Saône et Loire.
En voiture, Simone ! Ils ont quitté la Sarthe sous la pluie ce matin sans stress, après une bonne nuit de sommeil. Il était 7 h 66 mn et soixante-sept secondes. Ils sont dans un doux songe en écoutant une sonate de Schumann.
Après quelques heures de route dans le silence, Séraphin stationne après un bois de sapins. Plus loin, un scout fait de l’auto stop. Ils sortent de la voiture sous le soleil et s’étirent. Séraphin souffle et s’allonge dans l’herbe. Il se laisse submerger par la nature sauvage. Il sent le parfum de la sauge, de la sarriette et du serpolet. Simone cueille des soucis, sursaute quand une salamandre se glisse entre ses cuisses et qu’une sauterelle s’ébroue dans sa chevelure avant de sauter sur les cèpes.
Séraphin est séduisant, Simone est splendide ! Elle regarde sérieusement Séraphin, il la trouve si sexy… Un sentiment de sérénité et de sensualité les saisit et les submerge… C’est sublime !
Ils vont s’allonger sous un saule pleureur. Ils se susurrent des mots sucrés. Ils savourent, en retirant leurs strings, un moment d’amour qui n’est pas que spirituel ! On entend des soupirs de satisfaction, des sons surprenants. Soudain, un sanglier surgit et stoppe la scène. Ils se séparent, surpris de cette envie saugrenue, un peu sonnés.
Aujourd’hui, Séraphin a soixante-dix-sept ans et Simone soixante-seize. Ils se souviennent en souriant de cet instant sur une nationale 7 bien sympathique !
Une apocope, du grec apokoptein/ἀποκόπτειν («retrancher»), est une modification phonétique, parfois utilisée comme figure de style, qui se caractérise par l'abréviation du mot complet, en gardant uniquement son ou ses premiers phonèmes ou syllabes, par exemple « auto » pour « automobile. (Wikipédia)
Insérez un maximum des abréviations ainsi obtenues dans un texte dont l’action ne se situe pas de nos jours (récit historique, conte poème ou légende).
Comme chaque dimanche, Josette s’est mise sur son trente-et-un pour aller au ciné du patro. Fière du sac en croco qu’elle vient d’acheter avec son premier salaire de dactylo, elle l’ouvre, le referme et le pose sur ses genoux.
Jules, ancien para un peu folklo, se glisse près d’elle pendant les actus. Il lui murmure qu’elle est jolie et qu’après le film il l’emmènerait bien faire un tour de moto. Ils iront au resto et il la reconduira chez elle.
Josette, solitaire un peu naïve, se dit qu’elle pourrait passer une bonne soirée avec ce gars si sympa.
Le film est émouvant. Lorsque des larmes coulent le long de ses joues, Jules lui tend un mouchoir.
Ils sortent du ciné et se dirigent vers la moto. Josette est tout émoustillée lorsque Jules lui dit : « Mets ton sac dans la sacoche et monte », puis « attend, redescend une minute, j’ai un pneu dégonflé ». Surprise elle s’exécute. Rapido-presto, Jules démarre et file, emportant le sac et le portefeuille tout neuf de Josette.
Adieu le resto, la belle soirée, le beau sac en croco !
C’est sûr, elle le retrouvera cet anar, elle le cherchera avec son vélo et crèvera les pneus de sa moto !
En ce siècle dit des Lumières, Clémence étouffait dans la diligence qui la ramenait vers la ferme de ses parents. Elle pestait, la clim était une nouvelle fois en panne.
Le soleil tapait dur en cette fin d'après midi. La météo n'avait pourtant pas prévu cette vague de chaleur qui asséchait tout.
C'était d'ailleurs cette cata qui ramenait Clémence vers le lieu qui avait bercé son enfance. Les récoltes avaient brûlé, il allait falloir trouver une solution pour ne pas mourir de faim.
Elle avait donc quitté la riche Maison dans laquelle dans laquelle elle était servante depuis quelques années. Dans cette Maison les domestiques étaient logés dans un appart à part. Loin des pièces de vie des maître et loin des pièces de réception. Dans cet appart Clémence avait pour colocs l'autre servante Mado avec qui elle s'entendait bien et la vieille cuisinière qui prétendait tout régenter. Elle ne lui ferait certainement pas de pub à cette vieille chipie.
Elle n'était pas non plus fan des patrons. L'épouse un peu folklo qui ne s'habillait qu'en fluo et le maître féru d'haltéro pour la pratique duquel il avait fait aménager une salle spéciale. Il avait aussi fréquemment des hallu qui le faisaient errer l'air hagard le long des couloirs. Le fils aîné qui recherchait la mâle compagnie et qui pourtant lui faisait la cour. Homo ou bi ? Clémence n'avait pas encore tranché. Le fils cadet, anar, rêvait de renverser la royauté, sans bien réaliser que pour lui et sa famille cela signifierait la ruine. Mais catho comme le reste de ce petit monde.
Arrivée à destination, Clémence se rendit avec ses parents dans la salle paroissiale où le bourgmestre avait branché l'ampli et les micros pour que chacun puisse entendre sans peine la conf sur la façon de gérer la crise au mieux. Le bourgmestre savait compter sur les écolos pour animer les débats.
Clémence avec son sens pratique avait déjà sa petite idée sur la marche à suivre : puisque tout était sec il était judicieux de ramasser assez de fourrage pour nourrir le bétail. On pouvait en ramasser des kilos et des kilos. Il faudrait aussi se procurer de l'eau. En étudiant les maths on apprenait qu'il suffisait de creuser des puits, il y avait de l'eau en profondeur. Bon, mais où creuser ? Certains intellos prétendaient savoir. A défaut d'autre chose on allait se fier à eux.
Les jeunes gens et les ados furent réquisitionnés pour manier la pelle et la pioche. On instaura un roulement hebdo.
Tout cela c'était bien beau et si cela permettrait peut-être de ne pas mourir de soif, cela n'allait pas arroser les champs. On n'avait pas de solution. On ne voyait que la prière. Une redif de la conférence fut programmée, à la suite de laquelle un gigantesque apéro fut servi. Il fallait remonter le moral des troupes, profiter des bonnes choses tant qu'on en avait. Tout le monde riait et chantait. Une vraie récré !
Clémence rentra à la ferme sous une chaleur que le soir n'avait pas dissipée. Elle rêvait d'enfiler un imper sous une pluie battante. Mais ce n'était qu'un rêve.
Il arrive que les rêves se réalisent. Le lendemain ce fut une sorte de miracle. Des hélicos traversèrent le ciel, déversant sur les champs des litres d'eau puisés dans le grand étang à quelques dizaines de kms.
Et, contre toute attente, quelques semaines plus tard on vit apparaître les premières pousses d'une future récolte. Clémence s'empara de son appareil pour quelques photos souvenir.
On remercia dans une même ferveur le ciel et les mécanos des hélicos. On fit une grande fête retransmise à la télé en mondiovision.
Images empruntées au film "Peut-être" de Cedric Klapisch (1999).
- Accusé, levez vous ! Vos noms, prénoms et qualité ?
- Mon nom officiel est Aristide Apocope mais tout le monde m'appelle l'ogre de la forêt, je gagne ma vie en coupant du bois dans la forêt et en le vendant au village d'à coté .
- Racontez-nous un peu votre parcours !
- Je suis né dans ce village il y a environ 37 ans, mes parents étaient des prolos sans histoire, plutôt réglos, tendance cathos de gauche, mangeant bio, franchement écolos et végans ; j'ai donc commencé à me démarquer quand je suis devenu ado.
- Ah oui ? Détaillez-nous un peu cette période !
- Je n'ai jamais aimé ce que les autres enfants du village adoraient, le foot, le basket, le volley, le hand, la spéleo ; ce n'était pas pour moi, pas plus que le vélo, la moto ou l'auto, non j'étais fan de muscu et d'haltéro et comme je mangeais 2 steaks de 500g par jour, je suis vite devenu impressionnant. J’oubliais, ce que je préfère à l’apéro c'est les frites à la mayo.
- En effet ! Et quand il vous a fallu choisir un métier, quel choix avez vous fait ?
- Mes parents voulaient que je fasse médecine ou que je devienne cardio, gastro, ostéo, opthalmo, oto-rhino, kiné, ou radio ou à défaut sténo ou dactylo ou même mécano mais c'était bien trop intello pour moi. J'aurais bien aimé faire archi mais il m'aurait fallu mon bac. J'ai choisi de reprendre le métier de mon grand père et de devenir bûcheron, ça contentait mon coté anar.
- Votre coté anar ?
- Oui, je n'ai jamais eu de goût pour les assos, je ne suis jamais parti en colo, je n'ai jamais voulu être mono, le coté socio, ça m'ennuie vraiment : jeune homme j'ai toujours habité seul dans un gourbi plutôt que de vivre en coloc, je n'ai pas la fibre pour vivre en commu mais je ne suis pas folklo non plus.
- Et avec les femmes ?
- Vous voulez savoir si je regarde des films porno ? Eh bien c'est non ; je suis normal, hétéro mais je n'ai rien contre les homos, les pédés, les bi, les nymphos et les trans, chacun ses goûts, j'ai donc épousé Marie, la plus belle fille du village, ses parents sont yougos et elle joue du saxo et elle m'a fait sept filles.
- Les sept filles que vous avez mangées !
- Monsieur le juge, je vous jure que c'était une erreur ! C'est le gamin qui m'a trompé, il a coiffé mes sept filles des bonnets que portaient ses frères ! J’ai eu des hallus quand j'ai vu ce que j'avais fait, d'habitude je suis réglo mais là j'avais trop bu avec les copains et surtout j'avais faim car le ragoût de l'auberge était dégueu, à la limite de la gastro, soyez indulgent ! Est ce plus grave que le trafic de stups ?
- Je le pense ! Je le pense ! Accusé, le jury vous condamne a 20 ans de prison avec une perm par an pour faire d'autres filles à votre pauvre femme… et encore je suis sympa ! Et tant pis pour vous si vous êtes claustro ! Et puis tiens, c'est mon jour de bonté, je vous abonne pour 20 ans à Libé, ça vous fera de la lecture !
Mes parents ont déménagé et jeté beaucoup de mes affaires. J'étais deg ! Mes rédacs de français et de philo auxquelles je tenais, les souvenirs de mes instits et de mes profs étaient balayés avec la poussière du grenier.
A mon retour je n'étais plus ado mais dans la vie, à peine adulte, et pour quoi faire ? Je ne souhaitais pas rentrer à la fac ni en classe prépa, ne me sentant pas assez intello. De toute façon pour quelle matière ? Je n'étais pas bonne en maths, pas assez en géo ni en éco.
J'étais bonne en gym, mon père me disait que je pourrais toujours finir dans un cirque mais je ne savais si il y avait une fac de cirque. Si encore j'avais été catho pour entrer au couvent mais même pas en rêve.
Je n'avais pas envie de rentrer à la sécu et j'ignorais beaucoup de métiers. Nous n'avions pas beaucoup d'infos à l'époque. Kiné, ostéo ? Voilà des formations inconnues pour moi. Deux personnes sortaient du lot dans mon patelin : la postière et l'instit. Avec le concours des pétété (PTT) je risquais de partir à Paris. Bien entendu je pouvais rester dans le bistrot de mes parents servir des apéros mais, franchement, ça m'aurait saoulée. Servir dans un resto ? Pourquoi pas ?
J'ai fini par faire une demande d'instit remplaçante et j'ai passé le concours pour l'Ecole d'assistante sociale. Bingo ! J'ai eu deux réponses positives. J'étais extra-contente mais il fallait choisir. J'ai opté pour le métier avec des minots et aussi les vacs et les récrés, surtout les récrés , c'est bath ! J'espère quand même que j'ai été une bonne pédagogue.
C'était le jour où j'ai vu mon mari pour la première fois.
Comme je viens de vous le dire je ne suis pas allée à la fac pour y faire des études mais j'étais fan de l'ambiance.
Toutes mes copines y étaient en maths, en géo et en italien. Je n'avais pas d'appart mais une petite piaule rue de La Chalotais au dessus du restau « La Chope ».
Après huit ans d'internat toute la bande avait besoin de se libérer. Nos soirées étaient plutôt folklos. Outre les bars Rennais où, quand nous avions l'oseille, nous pouvions boire l'apéro, nous fréquentions le club de Géo de la fac où la bière coulait à flot.
Certains matins c'était la cata pour se lever à l'heure. Heureusement mes petits élèves de 5 ans ne remarquaient pas ma tronche de cake et à cette époque les darons ne rentraient pas dans les écoles. A la sortie nous appelions les enfants au micro pour les rendre à qui de droit. J'avais réussi à trafiquer une carte d'étudiante pour manger au restau U avec mes potes. On n'y parlait pas encore de menu bio mais c'était surtout bon marché.
De temps en temps il y avait aussi ciné dans un amphi et c'est là, en papotant avec mes copines et en me tournant vers l'entrée que je l'ai vu arriver avec sa veste pied de poule, un peu « english », les mains dans les poches, placide et l’œil aux aguets.
Nous nous sommes revus au club de géo et le reste ne vous regarde pas. Il y a maintenant plus de 50 ans et nos potes sont toujours les mêmes.