Alice - « Little Miss Sunshine » comme la surnommait affectueusement son grand-père -, trop éprouvée par le décès de ce dernier, n'avait pas gagné le concours des Miss. Trop rondouillette dans sa robe kitsch, elle avait essuyé les moqueries du public, surtout des garçons.
« Ho !», « Huhu !», « Kss ! Oh, làlà ! » « Pff !» « Turlututu ! ». Elle subissait une double peine et revenait chez elle en pleurant et en se lamentant « Bouh ! Sniff ! Ouin-ouin ! Bouh ! Bouh ! ».
Son père Robinson et sa mère Iseut ne savaient que faire ni que dire pour la consoler.
Robinson lui suggéra d'aller nourrir la poule Picotta. Elle aimait tellement les animaux. Justement il y avait du vieux pain dans la cuisine.
Mais Picotta ignora l'offrande. C'était pourtant un mets dont elle était habituellement friande.
La petite fille essaya de l'encourager. « Miam, miam le bon pain ! » En vain, la poule resta indifférente et alla picorer plus loin. Elle n'aimait plus le pain dur, voilà tout !
Abattue, les épaules basses, la fillette rentra.
La maman était en train de ranger la robe à froufrous dans la penderie. « Pouah ! Tu peux la jeter, je ne la mettrai plus jamais ! ».
- Taratata, il ne faut jamais dire « jamais », rétorqua Iseut, tu ne sais pas de quoi demain sera fait. »
- Bof, je m'en moque. Papy me manque et je ne suis pas Miss, rien ne pourra m'arriver de pire. »
Iseut, également éprouvée par le décès de son parent se contenta de murmurer « Humm... ».
Sa fille alla se réfugier dans le panier de Rantanplan le chien. Au moins lui il la comprenait.
Rantanplan, qui n'était pas une flèche, ne comprenait pas bien de quoi souffrait sa petite maîtresse, mais il était sensible à sa peine et lui faisait ses yeux tristes, ses yeux de vieux cocker.
Le portail du jardin grinça : Couic !
- Coucou ! appela Tristan le jeune voisin. Alice, tu es là ? Hou-hou ! Eh ho !
Alice se leva pour aller jusqu'à la porte.
- Je n'ai pas envie de jouer aujourd'hui !
- Pourquoi ?
- C'est une mauvaise journée !
Déçu, le petit garçon dut se contenter de cette réponse. Peut-être en saurait-il davantage plus tard.
Pour la famille la journée s'étira en longueur. Alice ne voulait pas manger, ne voulait pas lire, pas regarder son émission favorite, ni se promener, ni aller voir un film. Elle voulait juste avoir de la peine dans le panier de Rantanplan.
Elle accepta toutefois de regagner son lit et s'endormit.
« Crac ! Boum ! Floc ! Pouf ! » Des bruits de chute réveillèrent toute la maisonnée.
Robinson descendit au rez-de-chaussée. Voilà ce qu'il vit :
Rantanplan était perché au-dessus du buffet. Il tremblait de peur et de froid « Brrr... !». Comment était-il arrivé là ? Mystère !
Au milieu de séjour une masse sombre se distinguait dans l'obscurité. Robinson, armé d'un couteau de cuisine fit de la lumière. Iseut et Alice se serraient l'une contre l'autre dans l'escalier. Cadichon, l'âne de la voisine les accueillit d'un sonore « Hi-han ».
Pauvre Cadichon, il était inoffensif mais avait donné une belle frayeur à tout le monde.