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L'Atelier d'écriture de Villejean

26 mars 2019

Laure et Arthur / Anne-Françoise

Elle avait vu voler trois éléphants roses dans le ciel du soir.

Laure s’était entrainée toute la journée : brasse le matin dans le grand bassin et après-midi sur le dos. Elle avait mal au bassin, le sien. C’est en nageant sur le dos, qu’au soleil couchant, elle avait vu voler trois éléphants. La tête lui tournait. Pour reprendre pied avec la réalité, elle chercha la tour, qui à son tour, lui joua des tours en se penchant vers elle et lui disant : « L’or du soir voudrait maintenant, ma belle Laure, que tu ailles retrouver Arthur ». Elle écouta la tour et sortit de l’eau.

AEV 1819-20 AF Florence

Elle marcha dans la ville, passa sur le pont où les petites échoppes chantaient et jouaient de la guitare lorsque les Florentins, que l’alcool rendait gais, ramenaient leurs bouteilles à la consigne. Sur la place, les petites maisons faisaient la ronde, guidées par un animateur avec une mandoline.

Le conseil d’administration de Florence trônait sur une estrade bancale. Il fit stopper la musique et déclara : « Tous et toutes ici sur la place, devez danser ». S’adressant à Laure, il poursuivit : « Mademoiselle, veuillez, s’il vous plaît, onduler du bassin. Si vous n’obtempérez pas, vilaine, vous irez en prison dans cette petite maison. » Laure, qui n’en pouvait plus d’entendre parler de bassin, obéit puis, un peu plus tard, s’enfuit discrètement de la place.

Au détour de la tour, épuisée, elle vit des images défiler devant ses yeux : un gros homme tout nu sur le dos d’une tortue qui bavait, des inventeurs farceurs qui construisaient les maisons des champignons, un Jean-Paul qui s’était fait pape pour l’amour d’une tortue, son amie d’enfance Isaure…

AEV 1819-20 AF Florence tortue Boboli

Elle arriva enfin chez elle, prit un bain (dans le petit bain) et se prépara pour aller dormir. Elle salua les champignons rouges qui séchaient en terrasse. C’est alors qu’Arthur entra. La belle dame majestueuse était habillée de dentelles qui magnifiaient son architecture. Il s’avança vers elle et l’enlaça. Dehors, plic, ploc, plonk et replonk, quelques gouttes de pluie se mirent à tomber. Ils se dirigèrent vers la terrasse. A côté d’elle, il ne resta pas de glace et commença à fondre.

Elle regarda, au-dessous, les toits : « Quelle belle ville, j’en… J’en ai une impression toute bizarre, j’ai l’impression de flotter… Et toi ? » Arthur lui répondit : « Je me la suis coulé douce aujourd’hui… Ma Laure, mon or, j’aime avec toi l’aurore, euh, tu viens, on dort ? »

Ce jour-là débutèrent les carrières d’Arthur et de Laure, deux jeunes Florentins sur leur terrasse, capturés au moment où ils s’embrassaient dans un filet fait de la dentelle des éléphantes infantes de la couronne royale de Florence.

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20 mars 2019

Consigne d'écriture 1819-22 du 19 mars 2019 : Généalogie fictive

Généalogie fictive et Tintinesque

 

L'animateur a lu dans le "Nouveau nouveau magasin d'écriture" d'Hubert Haddad l'entresort n° 8 dans lequel il est dit :" S'inventer une généalogie extravagante à partir de la lecture d'une vieille liste de mariage d'un de vos ascendants."

Il suggère que chacun.e s'invente une généalogie fictive à partir des pages de garde des albums de Tintin d'Hergé. Autrement dit : tous ces personnages sont des membres de votre famille d'un jour. Racontez-nous qui ils sont.

 Page 1 G réduite

 Page 2 réduite

   

 Page 3 G réduite

 Page 4 D réduite

19 mars 2019

Mon cousin Tintouin / Anne-Françoise

AF 6Mon cousin Tintouin est toujours dans la lune ! C’est le gaffeur, le maladroit, l’illuminé, l’étourdi de la famille. Il est souvent dans sa bulle. Pas la peine de lui demander quoi que ce soit, il n’a pas les pieds sur terre.

 

AF 7


Mon oncle Jack, du côté de la famille Haddock, aime le hockey. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il porte ce bonnet avec le pouce sur la tête. Bien que plus très jeune, il est adepte des réseaux sociaux et poste des « like » sur tout ce qu’il lit. Il lit tellement que des fois, il en est KO.



AF 4AF 3Mes oncles jumeaux Roland et Laurent sont les ambitieux de la famille, quitte à avoir les dents qui rayent le parquet.

 

 

 

AF 5

 

 
Mon oncle Raphaël Mc Whisky ne suce pas que de la glace. 

Il habite Monaco et a apposé une plaque de devin à l’entrée de chez lui.

Il lit l’avenir dans la mousse de bière ou les bulles de champagne.

 

AF 8

 Ma tante Cathy Fort aime jouer à se déguiser en poule. 

Elle se met une crête sur la tête, un bec pointu sur le nez, une jupe bouffante pour figurer les ailes et les plumes et une main dans le dos pour la queue.

Ayant pris cette position, elle caquette et cocoricote jusqu’à ce qu’on lui amène une omelette au pain dur (qu’elle mange sur un mur).

Ça agace mon oncle Corentin.

AF 9

 

Sa sœur, Catimini, a honte de Cathy Fort, son aînée. Elle préfère passer inaperçue. 

AF 11

 

 Mon oncle Corentin, que l’on surnomme Coco, lorsque sa sœur aînée l’énerve, lui vole dans les plumes, qu’il utilise ensuite pour se déguiser en indien.

AF moustachu

 

Leur père, président de l’Assemblée nationale, est au poulailler, bien qu’étant lui-même un peu déplumé…

  

AF 10Son frère, Phillippe (avec deux ailes), est un ancien boxeur poids plume. Il est aujourd’hui rédacteur en chef du Canard enchaîné.

 Leur sœur, quelle dinde celle-là ! Pas la peine de la chercher, on ne la voit pas dans la galerie de portraits : personne ne peut l’encadrer. Elle glousse à tout bout de champ(s). Bref, une dinde. On lui a payé un voyage en Amérique pour la fin de l’année...

18 mars 2019

L'Héritage d'Emile / Jean-Paul

Quand l’oncle Augustin a cassé sa pipe, c’est à moi qu’on a demandé de vider sa maison. Jamais de ma vie je n’avais vu un tel bric-à-brac. Sa demeure était située en plein centre de la petite ville d’Orgères, en Ille-et-Vilaine. C’était un ancien presbytère dans lequel il avait effectué de nombreux travaux en vue de le rendre praticable. Il y avait même fait installer un ascenseur mais une fois sorti de la cuisine équipée et de la salle de bains hypermoderne, tout le reste n’était qu’un amas de vieilleries innommables, bibelots, tableaux, médaillons, albums de photographies, trophées et souvenirs ramenés de ses nombreux voyages. 

Le seul intérêt que j’ai trouvé à ce souk breton c’est que tout était parfaitement étiqueté, décrit et daté. J’allais peut-être enfin, grâce aux travaux d’archivistes du tonton flingué que je connaissais très peu, reconstituer l’arbre généalogique de la famille Laverdure, cette branche maternelle avec laquelle Maman avait coupé les ponts. Elle n’en parlait que très peu et papa restait muet sur sa belle-famille. 

Les parents d'Emile

Augustin est le frère aîné de ma mère, Brigitte Laverdure. Maman a épousé Emmanuel Tanguy et je suis né tout de suite après. Ils ont quitté la Bretagne et se sont installés à Paris où ils sont toujours et où je vis moi aussi. J’ai trouvé dans le salon de l’oncle un double médaillon qui les représente « habillés en dimanche », sans doute le jour de leur mariage ou de leurs fiançailles. Mes parents avaient déjà sur cette photo la jovialité et la rondeur voire les rondeurs que je leur ai toujours connues. Cela n’a pas été facile pour moi de faire mon chemin dans la vie en tant que fils unique d’ un couple aussi uni, aussi fusionnel, toujours porté sur la bonne chère et la rigolade, sans cousins ni cousines de mon âge. Fils d’émigrés provinciaux honteux de leurs origines, je suis peut-être un fruit conçu dans l’ascenseur social des trente glorieuses ! Et je porte sans doute des valises emplies de secrets indicibles ou vides de sens ! 

Grand-père AmédéeJe pense que je ressemble plus à mon grand-père Amédée, l’officier de marine marchande qu’on voit dans ce petit tableau carré, saisi de trois quarts de face avec sa grosse moustache blanche et son air sévère. Lui avait deux frères marins-pêcheurs, Joseph et Désiré, qui sont restés à Concarneau à faire des ronds dans l’eau et des virées dans les bistrots de la ville close, quand il y en avait encore et que ce n’était pas encore devenu un lieu touristique paradisiaque pour les bobos de Rennes, de Nantes, de Paris et d’ailleurs.


 Joseph et Désiré
Désiré et Joseph

 

 Irma et Marie

 

Marie et Irma

Dupondt marins

J’ai découvert que l’oncle Désiré avait épousé Irma Kermarrec et qu’ils avaient eu deux jumeaux, Jean-Thierry et Jean-Roger. Tous deux étaient entrés dans la marine nationale. Même plus âgés on ne les distinguait l’un de l’autre que par une toute petite différence, sans doute volontairement entretenue au niveau de la moustache. Une astuce mnémotechnique du genre Jean-Thierry Je Tombe, Jean Roger Je Rebique. Un tableau les représente dans un costume folklorique grec. Ils portent une chéchia locale et… une jupette ! 

Dupondt en jupette

Dupondt en melonPeut-être est-ce au mariage de mes parents qu’ils ont été photographiés avec un chapeau melon et une canne dignes de Charlie Chaplin ? Ou bien il s’agissait peut-être d’un bal masqué. L’oncle Augustin a failli, pour le coup. Ces deux photos-là ne sont pas annotées au verso. Peut-être ont-elles été reçues par la poste, après coup. Il y avait sans doute déjà dans toutes les familles un fou de la photographie qui vous inondait de ses clichés pour que vous souveniez de lui, plus tard, comme de « l’oncle paparazzi » ?

Augustin semble avoir gardé de bons rapports avec ses oncles et avec le reste de la famille. En témoigne le tableau représentant  la tante Marie, l’épouse de Joseph, déguisée en cantatrice d’opérette.

Castafiore

Haddock en monocleHaddockUne chose dont je suis absolument certain c’est que le dénommée Archie, un barbu à l’air bourru portant parfois le monocle et fumant très souvent la pipe n’appartient pas à notre famille. Qui était-il pour l’oncle Augustin ? Un ami d’enfance ? Un copain de régiment ? Un collègue de navigation ? Car mon oncle était commandant de bord sur un paquebot de la compagnie Paquet.

Pub Compagnie Paquet 3

Ce qui explique sa présence en tenues exotiques dans sa photothèque. Il semble avoir fait escale en Ecosse, dans les Andes, en Amérique et même en Chine.

 Tintin en Ecosse

 Tintin dans les Andes

 Tintin cow-boy

 Tintin et Tchang

Mais je crois que je vais refermer l’album de famille. A considérer tous ces barbus, ces moustachus pour lesquels il n’a noté qu’un prénom, un nom et une note sur 20, à le voir poser le bras affectueusement sur l’épaule de jeunes garçons, à constater l’absence effective de sujets féminins dans ses fréquentations, je réalise que j’appartiens peut-être à une famille d’homosexuels. Les cousins en jupette, les costumes de Maharadjah, de princes consorts, tous ces travestissements en militaire ou en chef indien, ces images d’efféminés à gomina me font penser au groupe musical Village People. L’oncle Augustin était peut-être une drag-queen ?

 Maharadjah

 Prince

 Chef indien

 Efféminé à gomina

féticheJ’ai appelé Maman au téléphone pour lui poser la question. Bien sûr, comme d’habitude, elle a éclaté de rire.

- Ce n’est pas grave si tu n’as pas trouvé la photo de tes tantes, Milou ! Ne t’embarrasse pas l’esprit avec toutes ces vieilles images. Elles ne parlaient plus qu’à mon frère. Tu fais venir un antiquaire pour les meubles et tu fourgues tout le reste chez Emmaüs. Ca ne vaut pas tripette !

- Tu es sûre, Maman ? Il me semble bien avoir repéré un fétiche Arumbaya. Il a bien une oreille cassée mais je suis sûr qu’il est authentique. Et ce tableau mi-figuratif, mi-abstrait qui représente Archie. Il est signé R. G.

- Ecoute, mon Milou, ne perds pas ton temps avec toutes ces vieilleries. La seule chose qui a de la valeur, c’est le presbytère dont tu me dis qu’il n’a rien perdu de son charme ni le jardin de son éclat. Tu vides la baraque et tu la vends. C’est toi le seul héritier après nous. L’oncle Augustin, Jean-Thierry, Jean-Roger, Archie et les travestis d’Orgères, c’est comme mon amant de Villejean. C’est du passé ! N’en parlons plus !

Hadock abstrait

13 mars 2019

Consigne d'écriture 1819-21 du 12 mars 2019 : Encyclopédie farfelue des compagnes et compagnons d'enfance

Encyclopédie farfelue des compagnes et compagnons d'enfance

 

Extrait de l'Entresort 52 du Nouveau nouveau magasin d'écriture d'Hubert Haddad :

" Il y a trois sujets : l'amour, la mort et les mouches. Il y a des années de cela, j'eus l'idée d'établir une encyclopédie universelle de la mouche. Je me suis néanmoins vite aperçu que c'était là une entreprise presque infinie." Augusto Monterroso -  La mouche

Plutôt que d'établir une encyclopédie universelle de la poussière, des prodiges, de la transparence, des ornements superflus, des mauvais plis ou de la distraction mentale, etc., comme le suggère Hubert Haddad, l'animateur demande à chacun.e d'écrire des notices de pas plus de dix lignes en vue de rédiger une "Encyclopédie farfelue des personnages et objets des contes, poésies, romans, images et films de notre enfance".

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12 mars 2019

Encyclopédie farfelue des personnages de notre enfance / Jean-Paul

Anne (Sœur)

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- Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?

- Je ne vois rien que le soleil qui poudroie, et l'herbe qui verdoie !
Ce personnage du conte « La barbe bleue » de Charles Perrault passe son existence au sommet d’une tour et scrute l’horizon en chantant la même rengaine à intervalles réguliers. Dans la mesure où le héros est un barbu sanguinaire et polygame, on peut se demander s’il n’y a pas là une satire prématurée de la société islamique au sein de laquelle la sœur Anne représenterait le muezzin sur son minaret !

 

 


Bottes de sept lieues

JK 02 Bottes 3162809216_1_2_OyqrBGDgAccessoire magique tiré du conte « Le Petit poucet ». Ces bottes permettent de franchir 28 kms d’un seul coup en posant juste un pied devant l’autre, ce qui est, convenons-en, la meilleure façon de marcher et un moyen très simple de ne pas polluer la planète Gritteugayne. Une fois qu’il a eu dérobé les bottes au pied du lit de l’ogre, le Petit Poucet est à même de quitter vite la forêt de Brocéliande et de se rendre au commissariat central de Rennes pour signaler au 17e régiment de cavalerie basé là qu’un dangereux anthropophage est en train, en forêt de Paimpont, de faire passer les prêtres pédophiles de l’époque pour des enfants de chœur. Dans certaines versions de ce conte il se fait dérober les bottes en chemin par un chat-pardeur (Cf l’entrée « Chat botté).

Cigale

Un animal qui chante tout l’été dans une fable de La Fontaine ne peut-être que sympathique. Sauf si c’est la nuit qu’il chante et que c’est sous votre fenêtre que ça se passe. C’est ce qui a dû arriver à madame Lafourmi-Papréteuz pour que, à la longue, elle finisse par s’énerver un peu contre sa voisine musicienne.

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Club des cinq

JK 04 Club des 5 60eb45c9a901c2592d3a03e295fd6909Série de romans parus dans la collection « Bibliothèque rose » de M. Hachette, parallèlement au « Clan des sept » et à « Oui-Oui » pour les plus petits. Ces livres pour enfants ont été écrits par une graphomane du Royaume-Uni qui s’appelait Enid Blyton et dont on n’apercevait jamais la bobine en quatrième de couverture ni ailleurs. Dans la traduction française, l’action se déroulait souvent dans des paysages de Bretagne. Les personnages du Club des cinq, deux garçons, deux filles et un chien se prénommaient François, Mick, Claude, Annie et Dagobert. Si vous voulez tout savoir sur moi, je vous avouerai que j’étais très amoureux d’Annie mais que, devenu adulte, j’ai plutôt épousé Claude, le garçon manqué. Si vous voulez tout savoir sur Dagobert, sachez que c’est là son prénom et que son nom est : MacHulott-Alenver.

 

Dragon

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Elément généralement intrusif et souvent constitutif de romans de chevaleries, space-operas et récits d’heroic-fantasy, genres un peu extérieurs à notre domaine d’étude mais pas tant que ça au finale.
La consigne « Réécrivez dans un style différent l’histoire de Saint-Georges et le dragon » a inspîré un des membres de notre atelier d’écriture qui a désormais à son palmarès 50 exercices de style sur ce thème.
Encore 49 et le record de Raymond Queneau sera battu !

Escargot

Ils vont toujours par deux à l’enterrement de la feuille morte mais quand ils arrivent c’est le printemps alors plutôt que de se désoler, Youpi tra la la, ils s’empapaoutent sur une musique d’opéra et cela s’appelle « Microcosmos » au cinéma.
Sinon, les escargots sont hermaphrodites et Jacques Prévert est un monsieur qu’il faut tenir en haute estime à cause de son « Notre Père qui êtes aux cieux, restez-y » et de son « Quelle connerie la guerre ! ». 

 

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 Jack

Ce jeune garçon qui faisait pousser des haricots géants jusqu’au sommet du ciel utilisait-il ou non des pesticides fabriqués par le Monsanto de l’époque ?

 

 

Morane (Bob)

JK 11 couverture-12637-vernes-henri-bob-morane-072-les-guerriers-de-l-ombre-jaunePersonnage d’aventurier inventé par Henri Vernes. Même après avoir lu – en classe de cinquième ! - en une quinzaine de jours une quinzaine de ces récits parus aux éditions Marabout et signalés par un beau rectangle jaune et un phylactère étoilé où le nom du personnage apparaît en blanc sur fond rouge, je ne me souviens plus que du riff de la chanson du groupe Indochine et du nom de deux autres personnages : Bill Ballantine et L’Ombre jaune. Et aussi d’un titre particulier : « Un parfum d’Ylang-ylang ». Evoquer ce personnage me ramène au « lycée » Franklin de Lille et de fait, ça ne me rajeunit pas. Bob Morane a été adapté en bandes dessinées par William Vance, le créateur de Bruno Brazil et de la série XIII.

 

Pim Pam Poum

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Bande dessinée américaine dont les gags tenaient sur une seule page. Deux garnements, Pam et Poum, leur tante, la tante Pim, un capitaine sujet à des crises de goutte, un astronome à longue barbe blanche, un cousin prénommé Adolphe, une petite Léna… [et une tante Ross]. Tout cela a l’air de tenir dans une pension de famille sur une île du Pacifique [nommée Bongo]. Avec surtout des tartes fourrées (apple pies ?) qui disparaissent de l’appui de fenêtre sur lequel on les a déposées pour qu’elles refroidissent. Une imitation française de cette série, due à un nommé Eugène Gire, a paru dans l’hebdomadaire Vaillant pendant de longues années. Cela s’appelait « La Pension Radicelle » mais il semble que je sois le seul désormais à en garder le souvenir.

 

Poppins (Mary)

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Pamela L. Travers traverse le Channel en 1964 pour venir enchanter avec son ami Walt notre enfance continentale avec ce personnage de nurse modèle qui range votre chambre en un claquement de doigt, vous emmène galoper dans la campagne sur des chevaux de bois échappés d’un manège ou faire le mariole sur les toits en compagnie de petits ramoneurs savoyards joyeux d’oublier un temps leur bergère en compagnie de Julie Andrews. Sa guimauve musicale et son morceau de sucre aident la médecine à couler mais elle prétend qu’il vaut mieux acheter des graines à la vieille dame de la cathédrale Saint-Paul pour nourrir les pigeons que de placer son argent à la banque. Encore une qui n’a rien compris au néo-libéralisme !

 

Sésame

JK 06 Ali Baba

« Sésame, ouvre-toi ! » est une formule magique employée dans un Conte des mille et une nuits. Le personnage principal, un nommé Ali Baba, prononce cette formule et pénètre ainsi dans une grotte secrète. Là est entreposé tout le butin amassé par les quarante voleurs qui détroussent tous les voyageurs de la région. Au lieu de se servir dans ce trésor et d’aller mener une existence dorée à Saint-Barthélémy le personnage rentre chez lui, écrit un roman intitulé « Le mythe de la caverne » qu’il publie sous le pseudonyme de Platon. Trois exemplaires vendus, le bide intégral ! Circonstances atténuantes : ni Télérama, ni France-Culture, ni François Busnel n’existaient à l’époque.

 

Thierry la Fronde

JK 05 cover-r4x3w1000-584fe2ce49886-thierrylafronde« Je m’appelle Thierry la Fronde,
J’ai une fronde en matière plastique
Que j’ai achetée trois cent francs à Prisunic ».

Ainsi parodiait-on dans les cours de récréation le générique de ce feuilleton télévisé.

Avant que n’apparaisse sur les écrans en noir et blanc de la télévision gaullienne ce personnage de résistant altermondialiste et pro-Brexit ou de zadiste au sourire Gibbs - magnifique Jean-Claude Drouot ! – les frondes étaient fabriquées avec une branche de bois en forme de Y à laquelle on attachait des lanières élastiques découpées dans des chambres à air de bicyclettes. Aujourd’hui les frondes sont réprimées à coups de fusil LDB. Celui qui se prend une de ces balles dans l’œil a bien du mal ensuite à se souvenir que les compagnons de Thierry-la-Fronde se prénommaient Bertrand, Jehan, Martin, Pierre, Judas, Boucicault et Isabelle. J’ai retenu par contre que l’actrice nommée Céline Léger qui tenait ce rôle féminin est la maman de la comédienne et réalisatrice Zabou Breitman.
 

Zébulon

JK 15 pollux10Tournicoti, Tournicoton ! Le manège enchanté, Margote, le Père Pivoine, Pollux dont j’aimais prendre l’intonation. Jacques Bodoin qui prêtait sa voix à ce chien anglophile est décédé cette semaine à l’âge de 97 ans. Adieu Philibert, sa table de multiplication, son « I go to the blackebo-ar-de » et sa panse de brebis farcie ! Merci, M’sieu Jacques, de nous avoir fait rire !

Zorro

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Un cavalier qui surgit hors de la nuit court vers l’aventure au galop. Cataclop Cataclop Cataclop !

Don Diego de La Vega, Bernardo, Tornado, le sergent Garcia…

Comme ils sont loin aussi les jeudis après-midis d’entre 1960 et 1970 !

 

 

12 mars 2019

Encyclopédie farfelue des personnages et objets des contes de notre enfance / Anne-Françoise

AEV 1819-21 princessePrincesse : héroïne de contes, avec un vocabulaire limité, pas toujours bien traitée (par sa belle-mère, en général).

Prince : accessoire de princesse, chose muette, maigrelette, désœuvrée et sans beaucoup de jugeote, invariablement juché sur un cheval blanc.

Bottes de 7 lieues : chaussures démodées depuis l’avènement du carrosse, du vélo, de la voiture, de la moto, du métro, du bateau, du train, de l’avion, du TGV et de la fusée.

Chaperon : accessoire vestimentaire tenant à la fois du chapeau, de la capuche et de la cape. Ancêtre probable du ciré et du K-way.

Bobinette et Chevillette : instruments obsolètes depuis l’invention du digicode, la disparition du verbe choir et de l’usage de la conjugaison dudit verbe au futur.

Maison en briques : construction autrefois réputée pour une prétendue solidité et résistance au vent (d’où son utilisation dans le Nord de la France)

Maison en paille et en bois : autrefois décriées pour le manque de noblesse de leurs matériaux et souvent construites par des ouvriers peu courageux, elles reviennent en force aujourd’hui pour leurs qualités écologiques.

Galette : ronde, blonde, elle roule sa bosse (qu’elle n’a pas !). Faite avec du blé ramassé dans le grenier. On l’a mise à refroidir mais elle aime mieux courir, jusqu’au panier d’une gamine assassine puisqu’elle l’offre, quelle horreur, avec un petit pot de beurre ( !) à une vieille qu’a pas d’bol et déjà trop de cholestérol.

AEV 1819-21 CarabosseCarabosse : fée qui sort d’on ne sait trop où… Elle porte toutefois un joli nom entre le carrosse, la cabosse de chocolat, la bosse de la sorcière et le marquis de Carabas.

Quenouille, Rouet : jolis mots, un peu désuets, obsolètes. Outils utilisés, avec les aiguilles, par des princesses maladroites ou des reines qui trompent un ennui mortel. Invariablement, toutes s’y piquent. C’est peut-être pour ça qu’aujourd’hui, les femmes les ont délaissés et que les grands couturiers sont des hommes. Objets aussi utilisés en pharmacologie par les reines et princesses  pour faire une prise de sang ou comme somnifère puissant. J’ai testé : je me suis piquée avec une aiguille, ça ne m’a pas fait dormir. Ne pas tirer de conclusion hâtive ça prouve d’abord que je ne suis pas une princesse.

AEV 1819-21 marchand de sableMarchand de sable, allumeur/extincteur de réverbères : métiers disparus, à réhabiliter d’urgence par la ministre de la santé. Les français ne dorment pas assez, moins de 7 heures par nuit en moyenne (c’est ce que les infos de ma radio m’ont dit aujourd’hui), la faute aux écrans, au stress, aux temps de trajets. Moi, je veux bien postuler pour marchande de sable. Je me vois sur un beau nuage au moment où la nuit tombe. Sur mon CV, j’écrirai « marchande de sable » ou « hôtesse de l’air ».

6 mars 2019

Consigne d'écriture 1819-20 du 5 mars 2019 : Le roman abrégé

Le roman abrégé

 

L'entresort 45 du "Nouveau nouveau magasin d'écriture" d'Hubert Haddad est intitulé
"Réduction d'un roman d'introspection sociologique à ses incipit sincipitaux". 

"Plus un roman est réaliste, volontairement descriptif et convenu en cela qu'il cherche à photographier son époque, moins sa diminution arbitraire ne change substantiellement le projet d'ensemble : réduit aux incipit, l'essentiel du message est conservé voire exalté dans la forme du texte court."

L'animateur distribue à chaque écrivant.e un roman de Patrick Modiano ou de Georges Simenon. Il est demandé d'inscrire sur une feuille, en les numérotant, l’une en dessous de l’autre, la première phrase de chaque chapitre puis la dernière phrase du livre.

Sans rouvrir le livre on écrit ensuite de quoi relier la phrase 1 à la phrase 2, la 2 à la 3 et ainsi de suite de manière à constituer un récit autonome et cohérent.

AEV 1819-20 Villa triste

6 mars 2019

L'Horizon / Dominique H.

AEV1819-20 patrick-modiano-lhorizonDepuis quelques temps Bosmans pensait à certains épisodes de sa jeunesse , des épisodes sans suite, coupés net, des visages sans noms, des rencontres fugitives. Les paysages aussi se mêlaient, ceux de Berlin et ceux de Paris. Un visage de femme revenait souvent, celui d'un amour de jeunesse justement.Il l'avait rencontrée à Berlin, l'espace d'un été, dans une librairie. Elle feuilletait un roman de George Sand. Etonné, il avait osé l'aborder, ou peut-être était-ce son physique de sylphide qui l'avait attiré. Elle était svelte, élancée, gracieuse, presque irréelle avec son visage aux traits fins.

Elle parlait bien le français. Elle l'avait suivi à Paris la fin de l'été mais leur idylle n'avait pas duré. Depuis il papillonnait de blondes anorexiques à d'autres blondes éthérées, à la recherche de son amour de rêve. L'an dernier il avait cru l'avoir retrouvé.

Le premier soir où Bosmans était venu la chercher à la sortie des bureaux, elle lui avait fait un signe du bras dans le flot de ceux qui passaient sous le porche.

Pendant plusieurs mois ils se sont retrouvés ainsi à la sortie des bureaux pour aller boire un verre à une terrasse, traîner dans une librairie ou aller au cinéma. Il restait parfois dormir chez elle. Avec le temps les désirs se sont dilués.

Avec le temps... L'autre jour, il suivait la rue de Seine.

Ses souvenirs se mêlaient. Il s'est cru à Berlin avec la femme de sa jeunesse. Avec elle il avait aussi marché dans Paris.Il rêvait d'elle encore la nuit.

Quelqu'un lui avait chuchoté une phrase dans son sommeil : "Lointain Auteuil, quartier charmant de mes grandes tristesses" et il la nota dans son carnet, sachant bien que certains mots que l'on entend en rêve et qui vous frappent et que vous vous promettez de retenir vous échappent au réveil ou bien n'ont plus aucun sens.

AEV1819-20 patrick-modiano-lhorizon-L-UOoBKUPendant des mois, il a traîné sa mélancolie dans les rues, le jour dans la brume de l'hiver, la nuit à la lumière blafarde des lampadaires.

Au lycée où il enseignait la littérature, il s'était lié à un collègue, le professeur Frene. Le professeur l'impressionnait un peu, il enseignait à l'université.
Il était venu dans l'appartement du professeur Ferne quelques vendredis soirs, le seul jour de la semaine où le professeur et sa femme sortaient jusqu'à minuit et où Margaret gardait les deux enfants.

Il accompagnait le couple le plus souvent au théâtre, mais leurs relations gardaient une distance certaine, se limitant à des conversations d'experts.
Une nuit, à leur retour, le professeur et sa femme lui avaient paru plus accessibles que les autres fois. Margaret n'était pas non plus pressée de repartir ce soir-là, et une conversation plus légère s'était installée entre eux quatre, autour d'un bon porto. Bosmans avait déjà remarqué Margaret, sa blondeur, sa grâce discrète. Elle faisait des études de littératures comparées et c'était une étudiante du professeur Ferne. Naturellement Bosmans raccompagna Margaret et c'est en marchant la nuit dans les rues de Paris que leur histoire commença. Margaret avait un côté réel que les femmes d'avant n'avaient jamais eu. Elle était bretonne. Ils faisaient des projets, cherchaient un appartement. Mais cette fois encore son amour lui échappa ou il ne sut le retenir.

Leur relation était fusionnelle, un peu trop au goût de Margaret. Lorsque l'été arriva , elle lui annonça que le lendemain elle partait pour deux semaines à la montagne, "pour respirer le grand air," ajouta-t-elle. Il sentit que sa décision était prise et qu'il n'y pouvait rien. Il se consola en flânant dans les rues de Paris déserté. L'air du soir était doux et il était presque apaisé quand il alla la chercher au train.

Elle était arrivée à la gare de Lyon vers sept heures du soir.

Mais elle était accompagnée. Un homme la tenait fermement par le bras, elle portait des lunettes de soleil. Il l'interpela « Margaret ! » lui saisissant l'autre bras, mais elle se dégagea en disant : « Mais enfin Monsieur ! ». L'homme, également lunettes noires et chapeau , très chic, rajouta vivement « Vous faîtes erreur Monsieur,ma femme ne s'appelle pas Margaret ! ». Le couple s'éloigna d'un bon pas.

Bosmans resta sidéré. Une fois de plus il laissait son amour le quitter sans protester. Il continua à marcher la nuit dans Paris pour aussi échapper à un rêve récurrent qui le torturait : Une fille marchait devant Bosmans, en poussant une voiture d'enfant, et elle avait la même silhouette que Margaret.

Bosmans revoyait le professeur Ferne au lycée, mais, aussi bien l'un que l'autre, ils évitaient de parler de Margaret. Un autre collègue, professeur d'allemand, avait aussi connu Margaret chez le couple Ferne : André Pontrel. Bosmans, en traînant son spleen dans les rues de Paris, avait fini par rencontrer une nouvelle jolie blonde un peu écervelée. Il avait évité de la présenter à ses collègues, la conversation avec elle étant sans issue. Cependant les chemins se croisent et des deux collègues ce fut André Pontrel qu'ils rencontrèrent en premier.

AEV1819-20 patrick-modiano-lhorizon 3 jean HarlowPontrel était moins discret que Ferne et, la conversation à peine commencée, Pontrel lui apprit le plus naturellement du monde qu'il avait croisé Margaret poussant un landau !

Ce jour là marqua pour Bosmans la fin de quelque chose. Il prit un rendez-vous avec une psychanalyste mais, bien qu’elle soit mince et blonde, après deux séances d'élocution difficile, il renonça à comprendre le mécanisme de la répétition de ses amours de blondes et de ses renoncements aussi faciles. Il partit à Berlin.

C'était l'été à Berlin.
Il traîna dans les rues de Berlin et retrouva sa libraire préférée, mince et blonde.
Rod Miller lui avait dit qu'elle laissait la librairie ouverte très tard.

5 mars 2019

Rechercher Marilyn M. / Jean-Paul

Ils ont détruit l’hôtel de Verdun. Quelle idée aussi, au pays du Saint-Nectaire et des volcans éteints, d’évoquer ainsi les taxis de la Marne, l’ossuaire de Douaumont, les tranchées dans le lard d’une génération et la guerre préférée de Georges Brassens, celle de 14-18 ? J’y avais habité quelques temps à mon arrivée au Mont-Dore, au pied du Puy-de Sancy. Puis j’avais trouvé une pension de famille, moins chère, baptisée « Les Tilleuls ».

Que faisais-je à dix-huit ans dans cette station thermale réputée ? Eh bien, comme tout le monde, je m’y embêtais à cent sous de l’heure, sans idée de ce que serait mon avenir, de ce que je ferais plus tard, sans envisager le moins du monde qu’un jour je reviendrais, dans ce cœur de l’Auvergne, chercher le souvenir de Marilyn M.

150718 B 049

***

Elle était assise dans le hall de l’Hermitage, sur l’un des grands canapés du fond, et ne quittait pas des yeux la porte-tambour, comme si elle attendait quelqu’un. Quand je suis entré elle s’est levée, s’est approchée de moi. Elle faisait star de cinéma, gravure de mode comme le sont toutes les jeunes filles aujourd’hui mais cela ne m’impressionna pas.

- C’est vous qui êtes envoyé par l’agence Westminster ? Je suis Mademoiselle Modiano.

- Enchanté, Madame. Comme vous le voyez, nous ne sommes pas difficiles à identifier grâce à notre uniforme de groom jaune pétant et notre chapeau à la Spirou sur lequel le nom de l’agence est inscrit en lettres dorées. « C’est étudié pour » comme dit un comique local.


- Suivez-moi, nous allons monter dans ma chambre. Je vais vous présenter Trésor et Trésor.

AEV 1819-20 Domergue 1 76Nous prîmes l’ascenseur dans lequel le garçon, lui aussi sanglé dans l’uniforme de l’hôtel, me jeta un sale œil. Je n’étais pourtant pas venu lui piquer sa place à ce gros naze. Moi mon boulot consistait à promener dans la ville les clébards improbables de ces cocottes de la haute. Tant pis pour lui s’il devait se contenter de voir monter les poules de luxe sans les approcher plus.

Nous nous engouffrâmes dans le couloir. Une moquette à motifs orientaux étouffait le bruit de nos pas. Elle sortit sa clé et ouvrit la porte de la chambre 13.

A l’Hermitage elle disposait non seulement d’une chambre mais aussi d’un salon meublé de trois fauteuils à tissus imprimés, d’une table ronde en acajou et d’un divan. Un vieux type au crâne dégarni était assis à cette table. Il faisait du tri dans une montagne de correspondance et de dossiers divers. Un petit bichon tout blanc avec un nœud rose entre les oreilles était venu frétiller de la queue et respirer mes pompes quand nous étions entrés.

- Comment vous appelle-t-on, Monsieur de Westminster ?

- Vous pouvez m’appeler Patrick, Madame Modiano.

- Eh bien Patrick je vous présente Trésor et Trésor. Le Trésor plein de poils s’appelle Trésor et le trésor sans poils sur le caillou s’appelle Jean-Philippe Meinthe. C’est mon secrétaire.

- Enchanté ai-je répondu.

- Vous viendrez chercher Trésor et le promènerez le matin de 11 heures à 12 heures. Puis, c’est convenu ainsi avec votre agence, de 18 h à 19 h.

- C’est aussi ce que j’avais noté.

- Si vous n’y voyez pas d’inconvénient je vais vous accompagner pour la première promenade. C’est aussi inscrit dans le contrat.

La cliente est reine. Je n’ai pas tiqué. J’étais prêt à tout accepter de ces foldingues en villégiature. Je n’étais pas en mesure de réclamer quoi que ce soit dans ce boulot de larbin. C’était mon premier contrat de travail à temps partiel. De 9 h à 10 h je sortais le lévrier de madame Simenon qui résidait au Grand hôtel des Thermes. De 14 h à 15 h c’était le caniche noir de la princesse Troubetzkoï. Le reste du temps je bouquinais dans le parc s’il faisait beau ou dans ma chambre aux Tilleuls les jours d’intempérie.

***

Il suffirait que je retrouve l’un des programmes édités par le syndicat d’initiative, couverture blanche sur laquelle se détachaient en vert le casino et la silhouette d’une femme dessinée à la manière de Jean-Gabriel Domergue pour que, immédiatement, parce que c’était elle sur le croquis, je retrouve son parfum, son charme et sa désinvolture.

Etait-ce le prestige du ridicule uniforme jaune ? Etait-ce ma juvénilité empreinte d’une totale naïveté ? Fut-ce un caprice de star, une lubie du mannequinat, un besoin irrépressible dû à une nymphomanie chronique ? Toujours est-il que quelques jours plus tard j’ai quitté les Tilleuls pour habiter avec elle à l’Hermitage.

Le soir nous prenions sa Facel Vega, la Facellia, cette voiture qu’on a appelée ensuite « le piège de cristal »et nous nous rendions dans un café de La Bourboule qui s’appelait « L’Âne rouge ». C’est elle qui conduisait à l’aller avec Meinthe à la place du mort et moi à l’arrière. Au retour le secrétaire prenait le volant tandis qu’à l’arrière de la berline nos lèvres se touchaient et nos mains se baladaient.

Quand nous sommes entrés la première fois dans ce bistrot typiquement auvergnat Meinthe a regardé attentivement l’homme en imperméable qui rangeait les verres derrière le comptoir. Puis il lui a serré la main et il a plaisanté.

- Je suis désolé, Colombeau, mais j’ai embouti votre 403. Je vais vous envoyer la facture du garage. C’est à vous de la payer. Vous étiez stationné en zone bleue et votre disque était absent du apre-brise.

- Qu’est-ce que je vous sers, madame Modiano ?


- Tu peux l’appeler Marilyn, toi aussi, si tu veux. Et on dit mademoiselle aux actrice. Quelque chsoe de léger.


- Une Suze ?


- Un porto.


- Un Saint-Pourçain blanc ?


- Un porto, le plus clair possible, mon petit, répète Meinthe.

Je trouvais bizarre que ces gens de la haute, enfin, des superstructures de la haute société, viennent s’acoquiner tous les soirs avec des prolétaires du coin dans cette gargote typique du début des années soixante. Il y avait derrière le comptoir, outre les cartes postales des clients, des photos de Louison Bobet, Jean Stablinski, des trophées de courses cyclistes, une coupe hideuse que le patron ou quelqu’un de sa famille avait dû gagner dans les boucles des gorges d’Avèze ou lors d’une ascension du Puy-de-Dôme.

Cette coupe, où se trouve-t-elle maintenant ? Si l’hôtel de Verdun n’existe plus, le bistrot « L’Âne rouge » n’a pas dû survivre bien longtemps lui non plus. J’irai le vérifier demain à La Bourboule.

Le temps a enveloppé toutes ces choses d’une buée aux couleurs changeantes, tantôt vert pâle, tantôt bleu légèrement rosé.

AEV 1819-20 slider_Suze-690x363

***

C’est arrivé un soir simplement. C’est son troisième porto clair. Meinthe et Colombeau jouent au 421.

Elle m’embrasse goulûment et je n’en peux plus d’être ici avec une érection incandescente qui ne s’éteindra… jamais.

De son sac elle sort une enveloppe volumineuse et me la remet sans un mot. Puis elle sort, seule, et on entend la Facel Vega qui démarre.

***

Ce fut à peu près à cette époque-là que Marilyn Monroe nous a quittés.

Et Marilyn Modiano aussi. Je ne l’ai jamais revue, je n’ai plus entendu parler d’elle. On aurait dit une sentinelle qui rapetissait, rapetissait. Un soldat de plomb.

AEV 1819-20 Domergue 2

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