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L'Atelier d'écriture de Villejean
13 avril 2021

Monsieur Bidou / Josiane

Il avait fière allure, Monsieur Bidou, dans son uniforme de facteur ! C’était un gaillard bien fait de sa personne. Il faut dire que les longues tournées que lui imposait la poste n’y étaient pas pour rien. C’était le roi de la marche à pied. D‘ailleurs dans son village ne le surnommait-on pas Kilomètre ?

Monsieur BIDOU alias Kilomètre donc était au service de la poste depuis dix ans déjà lorsque je fis sa connaissance alors qu’il venait déposer chez ma marraine, chez qui je séjournais pour l’été, une des bafouilles que mon oncle Cheval avait l’habitude d’envoyer à sa soeur chaque mois.

AEV 2021-26 Josiane 01

C’était, pour la poste, des plis nommés « valises » à cause de leur taille. Mon oncle Cheval envoyait à sa soeur des croquis de l’avancement de sa maison qui, paraît-il, était fort originale.

En plus de son allure sportive, Kilomètre avait des yeux d’un bleu qui ne passait pas inaperçu. S’il m’avait proposé l’almanach des PTT je crois que je l’aurai acquis sans résistance aucune. Mais Monsieur Bidou avait femme et enfants et à l’époque on ne plaisantait guère, il n’était pas question de détourner Kilomètre du droit chemin.

Outre les bafouilles de l’oncle Chevalk , ma marraine, de son prénom Rosalie, recevait « Le Populaire du Centre », journal de la région. Monsieur Bidou passait donc tous les jours. J’appris ainsi à le connaître et m’aperçus que cet homme-là avait en plus de ses attraits des qualités non négligeables. Il était courtois, s’intéressait à la vie de ses concitoyens et ne refusait pas l’aide que lui demandaient certains d’entre eux lors de sa tournée quotidienne.

- Eh ! Kilomètre tu me rapporterais pas quelques timbres pour demain ? ».

- Dis-moi, Bidou, tu pourrais dire à ma soeur que j’irai lui rendre visite vendredi ? ».

- Mon Justin, ça se pourrait-y que tu fasses passer une douzaine d’oeufs à ma fille? »

Et lui, toujours souriant, s’acquittait de la commission pour laquelle il recevait quelquefois de beaux légumes tout droit sortis du potager, une demi-douzaine d’oeufs ou un verre de
cidre.

AEV 2021-26 Josiane 03A l’heure de midi, il y avait toujours une assiette de plus à table, au cas où Bidou voudrait casser la croûte. Elle m’avait toujours intriguée, cette assiette supplémentaire chez Rosalie. C’était la coutume et le facteur changeait chaque jour d’hôte en fonction de l’état de fatigue de ses guibolles de piéton.

J’appris aussi au cours de ce séjour en Limousin que Bidou avait commencé sa carrière comme brémard. Autrement dit, il transportait les « petits bleus » tant redoutés car souvent annonciateurs de mauvaises nouvelles. Ensuite, il avait travaillé au tri à « La Boulangère» équipe du matin qui travaillait comme son nom l’indique à l’heure des boulangers.

***

Elle est loin l’époque où je séjournais chez marraine et voilà qu’elle vient de nous quitter. Je séjourne donc en Limousin où je viens lui dire adieu. Sur la table nous avons mis le couvert que Rosalie ne manquait pas d’ajouter à la tablée.

Qui sait ? Peut-être qu’aujourd’hui Justin nous fera l’honneur de dîner à notre table car toujours vaillant malgré sa soixantaine affirmée, il entame une nouvelle année au service de la poste.

Il paraît que son prédécesseur, bien conservé par les kilomètres parcourus, vient de souffler ses cent bougies.

AEV 2021-26 Josiane 02

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6 avril 2021

Un Rêve / Josiane

- Où vas tu ce soir poursuivant un rêve ?

- J’aperçois les oiseaux par dessus le toit. L’arbre de la rue en abrite tant, chaque soir je viens me ressourcer aux ailes du vent qui les porte.

Il est loin le temps où les amis frappaient à ma porte, un an déjà, il ne me reste que le rêve et les poèmes d’Apollinaire, le vin vieux et l’amour. Ce qui somme toute n’est pas un aussi mauvais bilan qu’on voudrait le croire.

Mais il est des soirs tristes où, en manque, on espère la voix de l’ami que l’on ne voit plus, le grand soleil au dessus de la table dressée, le vin gouleyant qui rend gai et confiant, déliant les langues timides. Des jours et des jours où le temps est suspendu. "Tu ne dois plus" devient le crédo
quotidien. "Tu fais, tu ne fais plus, tu vas, tu ne vas plus". Notre vie se résume à ces actes proscrits.

Alors, quand j’aperçois l’oiseau par dessus le toit, je me prend à rêver que des ailes me portent. Je suis oiseau, libre. Le printemps a vêtu la campagne de mille fleurs aux couleurs éphémères et le souffle de l’air se réchauffe doucement. Je vole jusqu’à l’arbre dont les jeunes pousses commencent à éclore, je me pose sur la frêle branche d’un pommier dont les fleurs délicates viennent d’exploser.

AEV 2021-25 Josian oiseaux

Mais je ne suis pas l’oiseau et il faut redescendre quand le rêve prend fin.

Je m’autorise cependant des lendemains meilleurs où les amis frapperont de nouveau à la porte, où la table dressée attendra ses hôtes. Il y aura demain des baisers tendres et doux . Des baisers retenus depuis de trop longs mois.

Saurons nous alors nous souvenir de la leçon, apprécier les élans de nos petits enfants, les petits bras tendus et les bisous claquants ?
Saurons nous lézarder au soleil du printemps sur la terrasse où nous attend le petit noir bien chaud ?
Saurons nous savourer la douce musique des voix amies enfin rendues ?
Saurons nous ne plus être en attente de lendemains incertains pour goûter chaque instant de liberté retrouvée ?

- Où vas tu ce soir poursuivant un rêve ?

- Avec l’oiseau par dessus le toit.

9 mars 2021

Le Jeu de Judith et d'Hector / Josiane

AEV 2021-21 Josiane HectorDepuis qu’ils fréquentaient le même lycée et qu’ils avaient fait ami-ami, Judith et Hector avaient l’habitude de se voir chaque mercredi afin de travailler ensemble. Ils avaient tous les deux un penchant certain pour la littérature et pour eux la dissertation bi-mensuelle était un jeu d’enfant. A tel point que, lassés de n’écrire que sur commande professorale, ils décidèrent un jour d’aller plus loin afin de laisser libre cours à leur imagination fertile.

Réciter des vers était aussi pour eux un exercice vital, il leur fallait donc trouver comment concilier leur soif d’écrire et leur besoin de réciter des vers. Pas les vers à la noix que leur faisait étudier mademoiselle Bec, une célibataire un peu gâteuse et dont le seul plaisir consistait à instiller une forte dose d’ennui dans un cours qu’ils auraient aimé vivant et joyeux comme leurs seize ans.

C’est ainsi que l’idée leur vint d’un jeu partagé avec leurs camarades de classe. Plus on est de fous plus on … a d’imagination !

Rameuter une partie de la classe, celle qui s’ennuyait durant les cours de mademoiselle Bec et n’y trouvait pas son compte. D’autant que le baccalauréat se profilait à l’horizon et que autant chausser des skis et partir en vacances à la neige que de préparer cette épreuve avec « la fiole de dinde » comme ils surnommaient mademoiselle Bec en petit comité.

AEV 2021-21 Josiane Cartes

C’est ainsi que tous les mardis soir ils se retrouvaient à une petite dizaine, il y avait là Alexandre, David, Charles, Lancelot et Rachel autour de Judith et Hector au « Café des Nazes ».

AEV 2021-21 Josiane CocktailIls appelaient ce moment suspendu « Le jeu des poètes en herbe ». chaque semaine l’un d’entre eux arrivait avec un thème et des contraintes et, devant une menthe à l’eau, ils s’essayaient à rimailler.

Puis, leur oeuvre achevée, ils devaient monter sur une chaise et déclamer leurs vers devant les clients habitués qui se prononçaient sur l’issue de la compétition. Le gagnant avait l’insigne plaisir de faire un baiser souvent appuyé à Mélusine, la fille de César le patron du bar.

César, lui, était ravi. Cette rencontre hebdomadaire faisait augmenter sa clientèle chaque Mardi. Il faut dire qu’à Ay, petit village perdu au milieu des vignes champenoises il n’y avait guère de distractions et ce moment offert par les jeunes écrivaillons leur était précieux.

Il faut dire aussi que la petite troupe ne faisait pas dans la mélancolie, et c’était des jeux de mots à qui mieux mieux, des poèmes un peu tendancieux si vous voyez ce que je veux dire, des créations plus que loufoques qui enchantaient participants et spectateurs.

Certains avaient un personnage de prédilection qui revenait quasiment à chaque séance, Isaure Chassériau pour Hector, Laure Manaudou pour Rachel ou encore la sauge dotée de vertus intéressantes pour Pallas dont l’encombrant prénom en faisait la risée du lycée.


Ceci dura jusqu’à l’aube de l’examen tant redouté. Ils étaient devenus maîtres dans l’art de jouer avec les mots. Ils avaient vu, sur les visages des clients du bar, les sourires, les rires, la joie qui transparaissait quand ils leur prodiguaient leurs loufoqueries. Ce fut facile pour eux de manier la plume avec le plaisir que l’on imagine.

Toute la petite troupe de classe de première obtint des notes plus que convenables aux épreuves de français. C’est avec plus de sérénité qu’ils allaient aborder l’épreuve ultime qui les propulserait dans le monde des adultes.

Mais en avaient-ils envie ?

Quitter ce monde où le rêve s’écrit avec vingt-six lettres, du papier et un crayon de bois dans un siècle où règnent les écrans, Internet, Facebook et autres Instagram… Ils n’étaient que des joueurs, jonglant avec les mots.

Le siècle les rattraperait-ils ?

16 février 2021

Haîkus et tankas circonflexes / Josiane

Au jardin apparaît
La gracieuse pâquerette
Fini le carême.

*

 

 AEV 2021-19 Josiane 01



 C’est en nivôse
Par vent de noroît
Que l’enfant naîtra.

*



 Le gourmet opiniâtre
S’acharne sur l’ouvre boîte
Pour le poisson goûter.

*

 AEV 2021-19 Josiane 02

 

 Un prêcheur prêchait
Sous un pêcher

Le prêcheur se pâmait
Devant la pâleur
De la pâquerette.

*

 

Un prêcheur prêchait
Sous un pêcher
Un pêcheur pêchait
Sous le même pêcher.

Lequel avait péché ?

*

 AEV 2021-19 Josiane 03

 

 Quand Nivôse s’en va
Pluviôse n’est pas loin
Et Ventôse les suit.

*



 Vogue le trois mâts

Alors que blêmit le jour
Le marin dessoûlé
Rêve de pâturages
Et de vertes forêt.

*

 AEV 2021-19 Josiane 04

 

 

Un goûter savoureux
En son hôtel l’hôtesse
Prépare pour ses hôtes.

*

 

La porte fenêtre
De mes rêves éveillés
Ouvre sur la forêt.

*

 AEV 2021-19 Josiane 05

 AEV 2021-19 Josiane 06

 



Rêve, rêverie

Pâleur, pâmoison
Le poète s’ennuie.

*

 


Sur la pâture

Nivôse et son manteau blanc
Pâle parure

*

 AEV 2021-19 Josiane 07

 

Hâtez- vous mon hôte
La soirée est fraîche
Nivôse vient de naître. 

 

9 février 2021

Vols 714 / Josiane

Nous sommes le 14 Février 2025 sur le vol 714 en direction de Honolulu.

A bord de l’avion, une troupe de théâtre française composée de seize acteurs, compagnie très en vogue en cette période d’après COVID et quelques passagers dont nous parlerons plus tard. Depuis 2024 les théâtres ont pu rouvrir avec la fin de la pandémie qui avait mis à mal la culture, la privant de spectacles donc de spectateurs et par-là même de revenus. Les Français très en demande se sont rués dans les salles de spectacle et particulièrement dans les théâtres. Ils ont apprécié la qualité des représentations qui y ont été données. Des spectacles peaufinés pendant les années noires où la culture n’avait plus sa place.

Sur le vol 714 il y a aussi : 

Casting Tintin 15

 Un homme d’affaire, le sieur Gandin, lunettes rondes, barbe et moustaches brunes, bien mis de sa personne dans un costume trois pièces fort bien taillé ; 

 

 

 

Casting Tintin 04Un savant fou, lunettes rondes également, moustache et petite barbiche taillée en pointe, à demi chauve, cravate noire, gilet moutarde et pardessus de bonne coupe vert olive. Il répond au nom de Raoud Anatole et au surnom de Boule de cristal. Ce surnom lui a été attribué parce qu’il trouvait toujours avec son équipe le vaccin actif contre les variants avec une longueur d’avance sur les nombreux chercheurs sur le coup. 

 

Casting Tintin 02Un marin breton vainqueur du Vent des gobes 2022, casquette de marin vissée sur la tête, pipe au bec et vareuse lie de vin. Il répond au nom de Le Garrec et au sobriquet « Le Crabe ». 

 

 

 

Casting Tintin 05Des jumeaux en tous points semblables : petite moustache brune, taillée à la perfection au-dessus d’une lèvre fine, les yeux pétillants et curieux, costume trois pièces bleu marine foncé et chaîne de montre gousset apparente sur le gilet à six petits boutons. Ils répondent au nom de François et Jean TIBET.

 


Casting Tintin 17

Une femme blonde aux belles rondeurs, décorée comme un sapin de Noël avec ses bijoux aguicheurs. Allure de diva et sourire communicatif. Elle se nomme Angéla Borzonni.

 Chacun a une bonne raison de se rendre à Honolulu. L’Amérique n’est pas pour eux le seul attrait de ce voyage. Chacun a un objectif à atteindre, un rêve à réaliser.

***

Il est dix-neuf heures trente-sept lorsqu’un des acteurs de la troupe à la mine fort patibulaire se poste au milieu de l’allée centrale et sort un revolver : c’est un détournement. Voilà tout notre petit monde parti pour une destination inconnue.

Après maintes péripéties, une escale au Congo, plusieurs nuits à la belle étoile, une mystérieuse apparition, un séjour sur une île où ils rencontrent une licorne, tous oublient la destination première car se sont liées des amours singulières ainsi que des amitiés incongrues. Nul ne veut retourner à sa vie d’avant y compris les auteurs du détournement.

A Honolulu il y a des pleurs car le vol 714 ne donne plus de ses nouvelles. Des fiancé·e·s attendent leur bien aimé·e, des scientifiques désespèrent de trouver le futur vaccin salvateur contre un variant de la Covid apparu à nouveau en Angleterre sans l’aide du professeur Raoud. C’est la panique.

***

- Stop ! Stop ! Quel mauvais scénario ! Personne ne croira à votre histoire ! Trop farfelue, des personnages sans intérêt !

Le génial Ludo D. Rodriguez en avale son stylo-plume. Jamais personne n’a osé lui parler de cette manière. Il avait son casting, son réalisateur, tout était bouclé du côté finances et voilà qu’un petit rigolo avec un toupet sur la tête venait mettre du poil à gratter dans des rouages bien huilés.

Oui mais voilà, le petit rigolo s’appelle Jules BONATOUT et son papa c’est le réalisateur victime d’un accident d’avion survenu sur le vol 714, bien réel celui-là !

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2 février 2021

Tonton Riri / Josiane

Tonton Riri avait un quotidien bien huilé, une sorte de train-train que rien ni personne n’aurait pu mettre en péril.

Il se levait à l’aube et préparait dare-dare son petit café dans lequel il versait quelques gouttes de lait. A la suite de quoi il sortait précautionneusement du placard une boîte en fer sur laquelle on pouvait voir Riri, Fifi et Loulou, ses héros favoris de bande dessinée lorsqu’il était enfant. Elle lui avait été offerte par sa tante Mimi et il y tenait comme à la prunelle de ses yeux. De la boîte il sortait trois petits gâteaux secs en forme d’étoile dont je n’ai jamais su le nom. Où se les procurait-il ? Ceci était toujours pour moi un mystère. Jamais quatre, jamais deux….toujours trois qu’il trempait dans son café au lait et dégustait religieusement avant de refermer la boîte, de la mettre en lieu sûr et, vous n’allez pas le croire, de filtrer avec une passoire à mailles très fines le reste de café au lait qu’il débarrassait ainsi des morceaux de gâteaux tombés dans le bol. Puis goulument, il dégustait son café au lait débarrassé des miettes indésirables.

AEV 2021-17 Josiane - 01 Chat

Ensuite venait le tour de Lady Gaga, sa chatte angora. Il lui préparait un repas aux petits oignons. Des crevettes décortiquées coupées en minuscules petits morceaux sur lesquels l’animal se jetait chaque matin avec la même voracité.

Tonton Riri entonnait alors « Le petit quinquin » tout en enfilant une pèlerine hors d’âge et se coiffait d’un bonnet de laine, cadeau de Mémé Toc-toc. C’est ainsi qu’il nommait sa grand-mère car elle avait un petit grain de folie charmant qui permettait au petit Riri de passer des vacances de rêve auprès de cette femme qui admettait de son petit-fils tout ce que lui interdisaient ses parents, un couple de grincheux, toujours mécontents de leur sort et que Riri encombrait prodigieusement.

Une fois revêtu de sa pèlerine et de son bonnet, il chaussait des bottes trop grandes pour lui, qui faisaient flop-flop à chaque pas. A peine sorti, il sifflait Jojo, son berger allemand, et partait pour une longue promenade sur le sentier des douaniers tout proche de sa vieille chaumière. C’était alors pour lui le meilleur moment de la journée.

AEV 2021-17 Josiane - 02 nuages et lacLe soleil se levait à peine sur la mer et, seul sur ce sentier la plupart du temps battu des vents, il se croyait le maître du monde. Jojo gambadait devant lui puis le rejoignait pour s’éloigner à nouveau faisant ainsi deux fois le trajet de son maître.

Il profitait de chaque pas, de chaque respiration et s’enivrait des embruns et des parfums de la végétation qui s’éveillaient avec le jour naissant. Dire que d’autres partaient au bout de la terre, au mépris de la planète. Il recevait des cartes postales de tous les coins du monde : Le lac Titicaca, la grande muraille de Chine, New-York, Hong-Kong, le Mexique et son Popocatepetl, etc. etc. Tout cela n’était pour lui que de la poudre de Perlimpinpin destinée à montrer que l’on avait réussi et que l’on pouvait s’offrir le bout du monde. Mais il n’était pas nunuche, il préférait ses promenades planplan, pied ferme sur sa terre bretonne qu’il n’avait jamais quittée et qui ne le décevait pas.

Au quatrième kilomètre se trouvait la maison de Vroum-Vroum ainsi nommé parce qu’il circulait à motocyclette, une motocyclette qu’il avait un peu trafiquée et qui faisait un bruit d’enfer. Il s’arrêtait tous les jours chez VroumVroum qui lui offrait un petit remontant, histoire de tailler une bavette, puis il rebroussait chemin.

Le retour ne se faisait pas sans peine et dix heures sonnaient au clocher du village lorsqu’il déposait sa pèlerine au porte-manteau de l’entrée. A dix heures quinze il appelait Lulu son copain de toujours qui, moins chanceux que lui, avait dû se résigner à aller vivre en ville. Comme lui, il avait du mal avec le bling-bling des cités : qu’avait-on besoin de changer de vêtement à tout bout de champ, de s’offrir le dernier téléphone à la mode, de changer de voiture à la moindre panne. Ils avaient de longues discussions philosophiques se terminant toujours par une phrase cinglante à l’encontre de ces «villotins», bobos pas très futes-futes, plutôt olé-olé, qui préféraient les flonflons de la fête aux grondements de la mer et aux hurlement du vent.

Il était alors temps de songer à reprendre des forces et tonton Riri se coupait une large tranche de pain dans la miche qu’il avait pétrie et cuite la veille dans le vieux four à pain qui avait servi à son grand-père surnommé Fanfan la tulipe (à cause de son prénom, François, et de son penchant pour la gent féminine) et à son père. Il tartinait largement ce pain d’un bon fromage blanc tout droit venu de la ferme de la mère Juju sise à quelques tours de roue de vélo. Quelquefois il ajoutait à ce maigre repas une belle tranche de lard cuit qu’il partageait avec Jojo ou quelque oeuf sorti de son poulailler. Ses arbres fruitiers lui donnaient pommes et poires en suffisance pour passer l’hiver. L’été il se régalait de fraises, framboises, pêches et autres douceurs qu’il partageait volontiers avec le voisinage.

Venait ensuite l’heure de la sieste, l’hiver près de la grande cheminée et l’été sous un chêne sans âge. La sieste durait longtemps, si longtemps que d’aucuns pensaient qu’il avait dû rencontrer une mouche tsé-tsé malveillante.

Il n’était pas rare que cette pause dure jusque vers seize heures, au grand dam de Lady Gaga qui n’avait de cesse de réveiller le dormeur en minaudant comme une jouvencelle énamourée. Mais rien n’y faisait, Tonton Riri dormait profondément du sommeil du juste.

Vroum-vroum qui un après-midi lui rendit visite prit même peur, le croyant trépassé. Il essaya le tam-tam, les guili-guili, rien n’y fit. De guerre lasse, il lui versa un seau d’eau sur la tête ce qui réveilla notre homme mais le mit de fort méchante humeur. Vroum-vroum ne rendit plus jamais visite à Tonton Riri à l’heure sacrée de la sieste. Le réveil était difficile, la fin de l’après-midi se trainait en longueur, l’heure du dîner se faisait attendre, Tonton Riri prenait un petit en-cas, deux biscuits en forme d’étoile, jamais un, jamais trois. Le rituel était immuable.

Le diner était frugal, une soupe concoctée avec les légumes du jardin dans laquelle il taillait des morceaux de pain, et le fromage blanc de la mère Juju. Tonton Riri se couchait tôt, il dormait dans un lit alcôve avec Lady Gaga qui lui tenait lieu de bouillotte pendant les grands froids, Jojo le berger allemand veillait sur son sommeil couché sur une peau de chèvre au pied de son lit.

***

Tonton Riri s’est endormi pour toujours. Il n’a pas supporté le confinement et s’est laissé mourir. Ne plus pouvoir arpenter le sentier côtier, ne plus pouvoir rendre visite à Vroum-Vroum lui était sans doute devenu insupportable. C’est la mère Juju qui, ne le voyant pas venir quérir son fromage blanc de la semaine, s’ enquit de lui et le trouva privé de souffle au pied de son chêne.

Je suis son seul héritier, j’ai voulu faire un sort aux petits gâteaux en forme d’étoile qui m’intriguaient depuis toujours et auxquels Tonton Riri n’avait jamais voulu me faire goûter. Au fond de la boîte j’ai trouvé la recette…. Et devinez ce qu’ils contenaient ? De la farine, du sucre, du miel, des oeufs, de la levure et… du haschich !!!!

AEV 2021-17 Josiane - 03 Riri, Fifi et Loulou

26 janvier 2021

Énigme / Josiane

En ce temps-là nous savions que notre planète Terre avait été mise à mal, que la couche d’ozone avait pris un sacré coup de vieux et que nos déplacements, nos voyages, nos inventions du diable, notre poursuite de toujours plus et toujours plus vite empirait la situation à chaque instant où nous respirions sur ce qui fut une belle planète.

Ce que nous apprîmes cette année-là du grand professeur Delalune c’était qu’il y avait dans la stratosphère de belles âmes qui tentaient de réparer nos dégâts jour après jour.

Les croyants s’emparèrent de cette connaissance scientifique et conclurent de cette découverte qu’il s’agissait de créatures qui, pour gagner le ciel, devaient sans cesse réparer les dégâts causés par ceux qui avaient été leurs congénères. Paradis au rabais autrement dit, car réparer le ciel c’était la possibilité d’admirer au plus près la plus belle des créations, la star d’outre monde, le ciel étoilé.

Les mécréants eux, essayaient de donner une version plus cartésienne. Mais comment expliquer la présence de ces femmes belles à faire pâlir la nuit dont les astronautes nous rapportaient les images et que beaucoup auraient aimé voir sans voiles.

carte-bebert-plonk-1000

Il y avait aussi l’ange aux ailes de plomb qui surveillait cette nuée d’aiguilleuses du ciel comme on les nommait et leur indiquait l’endroit où elles devaient se rendre pour repriser encore et encore la voûte céleste.

Il était monté sur un magnifique pur-sang qui crachait du feu par les naseaux, provoquant une éclipse d’étoiles, laissant derrière lui comme un brin d’apocalypse.

Tout cela avait été rapporté par le professeur Delalune, grandspécialiste de l’espace. Lui prétendait que ces créatures avaient
toujours existé mais qu’étant donné les ravages gigantesques provoqués par les Terriens ces dernières décennies, elles étaient de plus en plus nombreuses. Nul ne savait d’où elles venaient et si elles se reproduisaient et si c’était le cas comment, car personne n’avait jamais vu d’équivalent masculin aux alentours.

AEV 2021-16 Josiane - L'Ange aux ailes de plomb

Les mâles vivaient ils dans la partie encore inexplorée de la stratosphère ? Les chercheurs essayaient désormais de résoudre cette énigme. Ils avaient tous leur théorie, cela faisait grand bruit et donnait un os à ronger aux journalistes de tous bords.

La théorie la plus probable selon Delalune était que l’ange aux ailes de plomb n’était pas pour rien dans la multiplication des beautés ravaudeuses : il était d’une grande beauté et restait éternellement jeune.

Pour défendre son hypothèse, il collecta des fonds gigantesques et envoya une mission pour observer cet «Ange» qui n’en était pas un car ce que la mission rapporta ne peut être décemment révélé dans ces pages.

 

 

19 janvier 2021

Deux soeurs / Josiane

AEV 2021-15 Josiane deux soeurs 01- Je ne sais pas pourquoi, en ce moment je ne pense qu’au grand amour romantique et passionnel. 

- Si tu veux je peux te présenter ma soeur, elle adore ça !

Et c’est ainsi que quelques jours plus tard je rencontrais Brenda, une grande brune aux lèvres pulpeuses et aux jambes sensuelles.

Au début, tout se passa bien. Je le tenais mon grand amour romantique et passionnel. Je lui offrais des brassées de roses rouges et nous restions tous les deux comme deux pigeons enamourés dans notre deux-pièces de la place du Calvaire dans la bonne vieille cité où nous avions vu le jour tous les deux, Rennes.

AEV 2021-15 Josiane deux soeurs 02Nous trainions dans les bars de la rue de la Soif, allions au restaurant (c’était avant 2020 ) où je lui offrais les roses que proposaient des vendeurs à a sauvette.

Cependant il lui arrivait d’avoir des baisses de moral et au matin elle me susurrait à l’oreille :
- J’ai toujours peur qu’il ne m’arrive un truc moche.
- Et mon p’tit bisou tu le veux où?

C’était la formule magique… Alors elle m’enlaçait langoureusement et nous chavirions tous les deux, elle était rassurée.

Mais, comme le dit la chanson, « Les histoires d’amour finissent mal en général ». Celle-ci n’échappa pas à la règle et comme pour tout combat perdu d’avance, il y eut des prémices.

Un matin elle se leva de fort mauvaise humeur, avec cette moue au bord des lèvres que je lui avais déjà vue en d’autres circonstances.

- Sincèrement, je crois que j’ai gâché ma jeunesse.

- Allons, allons, une petite tisane à la camomille ?

Ma réplique ne lui plut pas du tout.

- Et tu sais quoi ? Le sexe j’ai décidé d’arrêter.

A quoi je répondis.

AEV 2021-15 Josiane deux soeurs 03- Et moi, je suis Cléopâtre !

Elle prit fort mal la chose et me fit remarquer :

- Tu vois pourquoi on dit « Les femmes sont en général plus distinguées que les hommes » !

J’avais mon honneur de mâle à défendre tout de même et rétorquai aussitôt :

- Là, on flirte avec la connerie !

J’étais allé trop loin, elle piqua une colère dont les voisins doivent encore se souvenir. Je lui demandai de se calmer, de reprendre ses esprits et d’accepter le petit bisou réconciliateur.

- Non, je ne me calmerai pas !

- Je sais, t’es connue pour ça !

Nous avions franchi la limite et ne pouvions dès lors revenir en arrière. Je lui assénai alors la phrase qui tue.

- Ça va être dur mais je te quitte.

A quoi elle me répondit:

- Ouaaah ! La chance !.

Tout était dit, mon rêve de grand amour romantique et passionnel s’achevait là. Je laissai Brenda, sa bouche pulpeuse et ses longues jambes de rêve dans le petit deux pièces de la place du Calvaire tout en lui glissant :

- Méfie toi, ces derniers temps, je pars au quart de tour.

Et elle de répondre :

- Si tu veux, je peux te présenter ma soeur, elle adore ça.

25 décembre 2020

L'oiseau qui venait de nulle part / Josiane

AEV 2021-12bis Josiane - Voeux 1

AEV 2021-12bis Josiane - Voeux 2

AEV 2021-12bis Josiane - Voeux 3

8 décembre 2020

Le Choix / Josiane

Ronald Searle 5B Comme il est adorable

 

 

Diantre, se dit le chat
Contemplant le poisson,
Auraient-ils décidé
De me faire engraisser
Pour à la Noël me manger ?

Ronald Searle 8B Pour vous







Que faire ?

Leur offrir des fleurs 
Pour les amadouer 
Et ne pas terminer
En cocotte, en civet ?

Ronald Searle 2B Il est terriblement sensible







Ou alors me cacher,
Prendre de la hauteur ?
Je suis beaucoup trop lourd.
Ne vais-je pas tomber ?

Ronald Searle 9 B Happy ending







Une autre solution,
Je choisis l’évasion.
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