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L'Atelier d'écriture de Villejean
9 mars 2021

Le Jeu de Judith et d'Hector / Josiane

AEV 2021-21 Josiane HectorDepuis qu’ils fréquentaient le même lycée et qu’ils avaient fait ami-ami, Judith et Hector avaient l’habitude de se voir chaque mercredi afin de travailler ensemble. Ils avaient tous les deux un penchant certain pour la littérature et pour eux la dissertation bi-mensuelle était un jeu d’enfant. A tel point que, lassés de n’écrire que sur commande professorale, ils décidèrent un jour d’aller plus loin afin de laisser libre cours à leur imagination fertile.

Réciter des vers était aussi pour eux un exercice vital, il leur fallait donc trouver comment concilier leur soif d’écrire et leur besoin de réciter des vers. Pas les vers à la noix que leur faisait étudier mademoiselle Bec, une célibataire un peu gâteuse et dont le seul plaisir consistait à instiller une forte dose d’ennui dans un cours qu’ils auraient aimé vivant et joyeux comme leurs seize ans.

C’est ainsi que l’idée leur vint d’un jeu partagé avec leurs camarades de classe. Plus on est de fous plus on … a d’imagination !

Rameuter une partie de la classe, celle qui s’ennuyait durant les cours de mademoiselle Bec et n’y trouvait pas son compte. D’autant que le baccalauréat se profilait à l’horizon et que autant chausser des skis et partir en vacances à la neige que de préparer cette épreuve avec « la fiole de dinde » comme ils surnommaient mademoiselle Bec en petit comité.

AEV 2021-21 Josiane Cartes

C’est ainsi que tous les mardis soir ils se retrouvaient à une petite dizaine, il y avait là Alexandre, David, Charles, Lancelot et Rachel autour de Judith et Hector au « Café des Nazes ».

AEV 2021-21 Josiane CocktailIls appelaient ce moment suspendu « Le jeu des poètes en herbe ». chaque semaine l’un d’entre eux arrivait avec un thème et des contraintes et, devant une menthe à l’eau, ils s’essayaient à rimailler.

Puis, leur oeuvre achevée, ils devaient monter sur une chaise et déclamer leurs vers devant les clients habitués qui se prononçaient sur l’issue de la compétition. Le gagnant avait l’insigne plaisir de faire un baiser souvent appuyé à Mélusine, la fille de César le patron du bar.

César, lui, était ravi. Cette rencontre hebdomadaire faisait augmenter sa clientèle chaque Mardi. Il faut dire qu’à Ay, petit village perdu au milieu des vignes champenoises il n’y avait guère de distractions et ce moment offert par les jeunes écrivaillons leur était précieux.

Il faut dire aussi que la petite troupe ne faisait pas dans la mélancolie, et c’était des jeux de mots à qui mieux mieux, des poèmes un peu tendancieux si vous voyez ce que je veux dire, des créations plus que loufoques qui enchantaient participants et spectateurs.

Certains avaient un personnage de prédilection qui revenait quasiment à chaque séance, Isaure Chassériau pour Hector, Laure Manaudou pour Rachel ou encore la sauge dotée de vertus intéressantes pour Pallas dont l’encombrant prénom en faisait la risée du lycée.


Ceci dura jusqu’à l’aube de l’examen tant redouté. Ils étaient devenus maîtres dans l’art de jouer avec les mots. Ils avaient vu, sur les visages des clients du bar, les sourires, les rires, la joie qui transparaissait quand ils leur prodiguaient leurs loufoqueries. Ce fut facile pour eux de manier la plume avec le plaisir que l’on imagine.

Toute la petite troupe de classe de première obtint des notes plus que convenables aux épreuves de français. C’est avec plus de sérénité qu’ils allaient aborder l’épreuve ultime qui les propulserait dans le monde des adultes.

Mais en avaient-ils envie ?

Quitter ce monde où le rêve s’écrit avec vingt-six lettres, du papier et un crayon de bois dans un siècle où règnent les écrans, Internet, Facebook et autres Instagram… Ils n’étaient que des joueurs, jonglant avec les mots.

Le siècle les rattraperait-ils ?

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