Elle avait vu voler trois éléphants roses dans le ciel du soir.
Laure s’était entrainée toute la journée : brasse le matin dans le grand bassin et après-midi sur le dos. Elle avait mal au bassin, le sien. C’est en nageant sur le dos, qu’au soleil couchant, elle avait vu voler trois éléphants. La tête lui tournait. Pour reprendre pied avec la réalité, elle chercha la tour, qui à son tour, lui joua des tours en se penchant vers elle et lui disant : « L’or du soir voudrait maintenant, ma belle Laure, que tu ailles retrouver Arthur ». Elle écouta la tour et sortit de l’eau.
Elle marcha dans la ville, passa sur le pont où les petites échoppes chantaient et jouaient de la guitare lorsque les Florentins, que l’alcool rendait gais, ramenaient leurs bouteilles à la consigne. Sur la place, les petites maisons faisaient la ronde, guidées par un animateur avec une mandoline.
Le conseil d’administration de Florence trônait sur une estrade bancale. Il fit stopper la musique et déclara : « Tous et toutes ici sur la place, devez danser ». S’adressant à Laure, il poursuivit : « Mademoiselle, veuillez, s’il vous plaît, onduler du bassin. Si vous n’obtempérez pas, vilaine, vous irez en prison dans cette petite maison. » Laure, qui n’en pouvait plus d’entendre parler de bassin, obéit puis, un peu plus tard, s’enfuit discrètement de la place.
Au détour de la tour, épuisée, elle vit des images défiler devant ses yeux : un gros homme tout nu sur le dos d’une tortue qui bavait, des inventeurs farceurs qui construisaient les maisons des champignons, un Jean-Paul qui s’était fait pape pour l’amour d’une tortue, son amie d’enfance Isaure…
Elle arriva enfin chez elle, prit un bain (dans le petit bain) et se prépara pour aller dormir. Elle salua les champignons rouges qui séchaient en terrasse. C’est alors qu’Arthur entra. La belle dame majestueuse était habillée de dentelles qui magnifiaient son architecture. Il s’avança vers elle et l’enlaça. Dehors, plic, ploc, plonk et replonk, quelques gouttes de pluie se mirent à tomber. Ils se dirigèrent vers la terrasse. A côté d’elle, il ne resta pas de glace et commença à fondre.
Elle regarda, au-dessous, les toits : « Quelle belle ville, j’en… J’en ai une impression toute bizarre, j’ai l’impression de flotter… Et toi ? » Arthur lui répondit : « Je me la suis coulé douce aujourd’hui… Ma Laure, mon or, j’aime avec toi l’aurore, euh, tu viens, on dort ? »
Ce jour-là débutèrent les carrières d’Arthur et de Laure, deux jeunes Florentins sur leur terrasse, capturés au moment où ils s’embrassaient dans un filet fait de la dentelle des éléphantes infantes de la couronne royale de Florence.