Le Sculpteur de larmes / Anne-Françoise
Il sculptait les pierres,
L’aigue marine, délicatement,
Pour une bague, un collier ou un autre bijou,
Une rivière de diamants
Des émeraudes, vert vif, vert profond, vert foncé,
Toutes gemmes
Habilement, inlassablement,
Jais, jade,
Il cherchait la blancheur du jour, le khôl de la nuit,
Lapis-lazulis,
Lueurs mordorées,
Dégradés irisés du nacre,
Opale, onyx,
Il taillait, donnait sa noblesse
Au quartz rose, au rubis, au saphir, à la turquoise, à la topaze.
A ses yeux, chaque pierre était unique.
Il créait des liens avec chacune, entrait en dialogue
Et elle lui révélait ses secrets, tout ce qu’elle était.
C’était son équilibre à lui, sa vérité au rayon X, son yin, son yang, le zen.
Explorer l’âme de la terre,
De vulgaires cailloux en apparence faire advenir des pierres précieuses,
C’était son métier, sa passion, sa vie.
Mais il découvrit un jour autre chose dans les yeux d’une passante.
Des larmes avaient roulé sur ses joues.
Elles avaient un éclat et une beauté qu’il avait déjà découverts dans des pierres
Mais il n’avait jamais vu ce mouvement, ces variations et cette vie-là.
Il se saisit avec douceur de ces larmes et les observa longuement.
Il tailla chacune avec douceur, avec élan, avec flamme, avec fascination.
Il y vit les bonheurs, les colères, les peurs, les joies et peines infinies
De cette femme qui lui était restée inconnue.
Il en fut troublé, profondément…
Un jour, il croisa la femme dans la rue.
Il lui prit la main, l’emmena dans son atelier et lui montra ce qu’il avait fait de ses larmes.
Elle en fut surprise et attendrie.
Elle le regarda longuement.
Il plongea dans ses yeux, des joyaux magnifiques et merveilleux.
Il découvrit alors ce qui lui devint le plus précieux.