- à Tchernobyl ; - à Mexico ; - à San Francisco ; - Sur le pont du paquebot Titanic ; - Dans la fusée d'Objectif Lune.
Pas envie non plus de retourner :
- A Mourmelon-le-Grand passer un an dans une caserne ; - M'égarer à l'entrée des installations de l'EPR de Flamanville ; - A l'abbaye de Solesmes un soir où on y donne un concert de chant grégorien ; - A l'opéra de Rennes dans une loge tout en haut au premier rang avec vue plongeante sur le vide ; - Au huitième étage de la tour, 2, rue Saint-Exupéry à 72300 Sablé-sur-Sarthe.
Par contre il se pourrait que j'aille un jour :
- à Palavas-les-Flots ; - à Sainte-Sévère-sur-Indre ; - à Colmar ; - à Honfleur ; - à Portmeirion (pays de Galles).
Je ne suis pas ici pour raconter ma vie mais je suis quand même bien étonné par la façon dont la fiction, la musique, la culture tiennent une si grande place dans mon rapport au monde.
Dans la troisième partie du questionnaire notamment, à propos des lieux que j’aimerais visiter, le désir de voyage est justifié par une curiosité littéraire ou cinéphilique.
Palavas-les-Flots, par exemple. Il y a peu encore, j’ignorais la situation géographique de cette cité balnéaire sur la carte de France. Si je m’y rends un jour, ce sera pour voir le musée consacré à Dubout et surtout pour photographier les lampadaires « rafistolés » réalisés d’après les dessins de cet illustrateur très actif dans les années 1930 à 1970. De même que les talons aiguilles et les aspirateurs associés sont très genrés, le style de dessin de Dubout, dont j’ignore le prénom - Albert, nous souffle Maryvonne - est passable aujourd’hui des foudres du mouvement #MeToo. C’est qu’on n’illustre plus impunément de nos jours le marquis de Sade, François Rabelais, le Kama sûtra et San Antonio de même que la caricature de grosses dames mariées à de tout petits messieurs est devenue taboue. Dubout, tabou, mets les bouts ! Si ce musée existe encore et si l’idée me vient de retourner à Sète, d’aller sur les traces de Charles Trénet à Narbonne et de pousser jusqu’à Palavas, j’irai le voir, ce château bâti sur les flots !
Sainte-Sévère-sur-Indre ne dit rien à personne mais doit sa célébrité à un film intitulé « Jour de fête ». C’est le village dans lequel Jacques Tati s’est déguisé en facteur de légende. Il n’y a certainement pas grand-chose à voir à Sainte-Sévère. Une place de village, une route, un pont ? Peut-être trois photos du film dans le hall de la mairie ? Un bistrot du coin ? Y a-t-il une gare seulement ? Une librairie ? Un hôtel restaurant ? A part « Le Défi du samedi » je ne vois pas quel journal serait assez fou pour envoyer Isaure Chassériau qui a troqué récemment le rose pour une garde-robe signée René Magritte mener l’enquête là-bas. Ce qui serait drôle c’est qu’elle y allât avec un grand sac Tati rose emprunté à Jack Palmer !
Honfleur c’est culturel. C’est la ville dans laquelle sont nés Erik Satie et Alphonse Allais. Il y a un tout petit musée au-dessus de la pharmacie paternelle dans laquelle on expose le crâne de Voltaire enfant et plein d’autres farces de l’oncle Alphonse, inventeur du café lyophilisé et de la peinture monochrome avant Malevitch même. Voir son « Combat de nègres dans une cave pendant la nuit » mais il ne faut plus utiliser ce vocable non plus depuis que l’on a rebaptisé le plus célèbre des romans d’Agatha Christie « Ils étaient dix ». Honfleur mérite sans doute qu’on y séjourne plusieurs nuitées, qu’on écoute les gymnopédies en faisant de l’exercice sur le port et qu’on visite, déguisé en légionnaire, le musée Eugène Boudin, admirable peintre de nuages normands.
Je ne m’étendrai pas sur Portmeirion, un village-musée au pays de Galles qui a été utilisé pour servir de cadre au feuilleton britannique « Le Prisonnier » de Patrick McGohan. On perçoit très bien d’après mes références datées que je ne suis pas un perdreau de l’année et d’avouer son âge n’est plus très en cour non plus à notre époque jeuniste où ne sont intéressants que les Youtubeurs, les Tiktokeurs, les comploteurs, les influenceurs , les politiqueurs-emmerdeurs de travailleurs et ta sœur qui bat le beurre.
Mais ai-je vraiment envie d’aller à Portmeirion ? Un collègue qui a fait le voyage autrefois m’a confié que l’endroit était bizarre, propice à des mésaventures. A savoir si, une fois rendu là, on ne m’y retiendrait pas prisonnier, affublé d’un badge et d’un numéro, avec l’impossibilité de regagner mon domicile où je me trouve si bien ces derniers temps que j’arrive même à y faire de vraies grasses matinées ? Je vais peut-être juste regarder une fois de plus les dix-sept épisodes de cette série des années 60 en dévédé sur mon ordinateur.
***
Comment ? Il est déjà 19 h 49 ? Alors comme ça je n’aurai même pas le temps d’expliquer mes rejets de destinations diverses par… l’absence de culture, de possibilité de rêver et la peur viscérale que ne soit mis un terme, accidentellement à mes curiosités enthousiastes de prolo-intello bon vivant ?
C’est pourtant bien le cas à Mourmelon-le-Grand, une ville de casernement en Marne où j’ai passé un an. Imaginez une rue, vingt-trois bistrots, des jeunes gens de vingt ans qu’on utilise un an durant pour qu’ils deviennent des hommes du rang, d’un seul rang, d’une seule tête, alignement Rogntudju ! On appelait ça le sévice militaire, je crois. Ou service mais c’était moins drôle qu’au tennis. Dans cet univers militaire j’ai quand même survécu. Je ne conserve de ce séjour que quelques photographies de jeunes gens idiots, basiques, plus ou moins alcoolos, et le souvenir d’avoir meublé les temps perdus en compagnie d’un guitariste normand quasi-mutique et d’un joueur d’échecs bordelais, musicien lui aussi et œnologue à l’occasion.
Tant pis ! Vous ne saurez rien de l’austérité du chant grégorien entendu dans l’abbaye de Solesmes, de la laideur constatée et de la dangerosité imaginée de l’EPR de Flamanville où nous nous égarâmes en cherchant le point de départ d’une randonnée. Vous n’imaginerez pas l’estimable opéra de Rennes où je ne vais plus, de peur de me retrouver à nouveau dans une loge du dernier étage avec vue plongeante sur le vide et le sommet du crâne de Yannick Jaulin : une situation insupportable pour un acrophobe.
Du coup, pour me voir monter dans la fusée d’Objectif Lune, désolé, vous ferez Tintin !
Madame commence par expliquer le plus simple : pour les villes, c’est toujours "à". Sauf que certaines villes ont un article, comme Le Caire ou Le Mans, alors bien sûr ça vous donne l’article contracté, n’est-ce pas ? Par exemple : Je vais au Mans.
Bien.
Voyons ensuite les noms de pays. Il y en a de deux sortes : les féminins (la Belgique, la France, l’Italie…) et les masculins (le Danemark, le Portugal, le Maroc…). Si c’est féminin, on dit "en" : en Belgique, en France, en Italie. Si c’est masculin, on dit "au" : au Danemark, au Portugal, au Maroc.
Bien.
Mais comment savoir si un nom de pays est masculin ou féminin ? Observez la colonne des noms de pays féminins, qu’est-ce que vous constatez ? Et dans la colonne des noms de pays masculins ? Oui ! Bien vu ! Les féminins se terminent tous par "e" ! Et les masculins par une consonne ou une voyelle autre que "e" : le Congo, le Kenya, le Venezuela.
Madame respire un grand coup : ici arrive le moment où il faut à nouveau détruire l’espoir des chers petits qui penseraient que pour une fois la matière est gérable, claire et nette.
Il y a les exceptions.
On peut avoir un nom de pays qui se termine par "e" mais qui est quand même masculin, comme le Mexique : donc on va au Mexique. Il y a des noms de pays masculins pour lesquels on emploie quand même "en" et pas "au" parce qu’ils commencent par une voyelle : en Afghanistan, en Iran, en Iraq.
Ici et là sur les bancs on commence à suer.
Mais c’est quand on passe aux "travaux pratiques" que ça se corse – c’est le cas de le dire – parce que jusqu’ici Madame a sciemment omis de parler du problème des îles.
– Ah! les îles! fait-elle de son air le plus théâtral. Là c’est la pagaille. Tout est possible: "à", comme pour les villes (à Madagascar, à Cuba, à Chypre), "en" pour certaines îles qui sont des mots féminins (en Corse, en Crète, en Sicile) et "au" pour le masculin, comme les Seychelles, les Maldives… Mais attention! c’est pluriel ! Il faut écrire "aux".
Ouf, on a fait le tour de la question !
Et chaque année, sans surprise – ou très peu – Madame entend les mêmes noms de pays ou de villes qui reviennent quand elle demande aux élèves lesquels ils aimeraient visiter un jour et lesquels ils préfèrent éviter ! ;-)
Je préfère commencer par les cinq lieux où j’ai le plus envie d’aller :
Vienne en Autriche. Je n’ai pas repris l’avion seule depuis…et j’avoue que j’appréhende un peu. Y aller en train, c’est un peu long pour mon dos. Mon genou n’aime pas trop l’avion s’il ne peut pas s’étendre. J’ai failli y aller mais le covid a changé les horaires d’avion qui n’allaient pas avec mes dates ;
Milan : l’idée est d’essayer le nouveau train italien qui s’est incrusté chez nous, grâce à l’ouverture à la concurrence. Ça aurait aussi plu à mon mari mais ce n’est pas la question ;
Aller sur les continents où je n’ai jamais mis les pieds : l’Amérique, en particulier les Etats-Unis et plus précisément les villes ;
L’Australie ;
L’Asie dont je ne connais qu’Istanbul.
Parce que c’est négatif, je parlerai rapidement des lieux où je ne veux pas retourner parce que c’est trop douloureux et/ou que je les ai trop vus :
Ma région de naissance ;
Ma région de cœur, le Nord, celui de mon mari décédé et de sa famille ;
Casablanca parce qu’elle m’a déçue ;
Je terminerai par une note positive : les lieux que j’ai envie de revoir :
Paris, toujours et encore, même si la capitale est aussi liée à des choses douloureuses, Paris restera Paris ;
L’Île-de-France par Paris en train ;
Venise, notre voyage de noces pour y voir les nombreuses choses que je n’y ai pas vues, les îles par exemple ;
Une plage naturiste pour pratiquer ;
Des villes, des villes...
Comme je n’ai pas cité 5 lieux détestés, je rajoute 2 lieux aimés.
Des océans, des mers, des fleuves, des rivières pour m’y baigner ;
Des musées, des expos, des cinémas, des bibliothèques pour faire vivre la culture.
Ce couple d’illustrateurs américains a oeuvré en 1964 sur un recueil de chansons populaires du monde entier collectées et adaptées par Marais et Miranda, un autre couple de musiciens américains.
On vous distribue trois ou quatre des illustrations en noir et blanc – au trait ! - de ce livre.
La liste des titres, traduits approximativement, de ces chansons est la suivante :
Non, Dolly, Non ! - Viens marcher avec moi cette nuit ! - Un tas de plumes – L’Erablière – Quand je rentre à la maison – Assis près du feu brillant – Si un bateau a des jambes – Wo yé lé – Au coin de la rue – Petite Marguerite – Chanson de la pomme de terre – La Chanson du pêcheur – Hue, les chevaux ! - Pourquoi devrais-je, moi, jeune fille vive… - Quand tu voyages avec tes potes – Beau rêveur -La Vieille tante Koba – Oh non, John ! – La Belle Rosemarie.
Vous pouvez, au choix :
- essayer d’écrire une chanson ou un poème en rapport avec l’illustration fournie ; répéter cet exercice autant de fois que vous le souhaitez ;
- écrire une histoire dont le titre sera le titre de la chanson avec son illustration ;
- utiliser les illustrations et les titres comme bon vous semble pour en tirer un texte écrit.
Viens marcher avec moi cette nuit ! Come walk with me tonight !
L’homme, dépourvu d’enthousiasme et d’optimisme pour la vie, méditait devant son verre de vin. Solitaire parmi tant d’autres ce soir-là, il fixa le liquide rougeâtre disposé devant lui, parvint à en sentir les effluves et tenta de boire par télépathie. Il pensait qu’il y arrivait très bien puisque l’ivresse détachée de l’alcool ça s’appelle la folie en son siècle et lui était fou. Enfin, c’est ce qu’il pensait mais il y pensait avec tellement de volonté et d’intentions malsaines pour lui-même qu’il y croyait comme il croyait en Dieu.
Las de la soirée, las de vivre, il attrapa son verre et avant d’avoir avalé, saisit de son autre main la carafe de vin afin de remplir ce qu’il appelait son «désespoir». Il n’était pas saoul, rejetant tellement tout ce soir-là que même le flou de l’ivresse ne l’atteignait pas. Les habitués du bar le comparaient souvent à un Loup des steppes et lui-même, pitoyable dans la vision qu’il avait de son être, se comparait à cet animal solitaire. Malheureux il pensait que les douleurs de l’âme qu’il endurait étaient les pires ; comme tout homme qui souffre, il était le plus à plaindre, le plus à consoler, le plus à aimer.
Soudainement, il vit une forme rouge au coin du bar, une forme aux cheveux longs et aux jambes courtes. Très belle d’après son premier jugement, il observa que la jeune femme lisait ; il se dit que la lecture lui offrait une allure d’autant plus élégante. Pris d’une pulsion que d’habitude il ne prenait pas en compte, il agit brusquement : « Si elle aime lire, je vais lui donner de quoi lire ! » se dit-il. Habitué de littérature ancienne, il se mit à écrire un poème pour la jeune femme en rouge. Il aurait pu s’approcher et lui demander par quel ouvrage ses yeux étaient-ils passionnés, mais c’était un fou qui savait écrire. Dix minutes plus tard tout au plus, ces lignes étaient nées :
Viens marcher avec moi cette nuit, Je te ferai goûter ma chère amie A des plaisirs solitaires, marauds, Que tu as sûrement touchés, salauds, Seule et rouge comme toutes celles-là Qui vêtues, d’un coquelicot aplat, S’amusent seules sans savoir, malheureuse, Qu’avec moi c’est sûrement mieux, peureuse.
Finalement, il était un peu saoul, il dit : le « salaud » c’est pour la rime, elle me pardonnera.
Il se leva avec son mouchoir de décasyllabes et s’approcha de la chanceuse qui tout de suite lui sourit. Puis on l’entendit rire dans tout l’espace du bar et lui on le vit rougir, comme un caméléon se camouflant avec la robe de la jeune femme. Après un long regard où se rencontrèrent espoir et désespoir, le joli coquelicot se leva, prit le bras du pauvre fou et bientôt, on ne vit qu’une tache grise au loin, avec, à ses côtés, une forme rouge.
Assise près du feu brillant Une douce torpeur m'envahit Mes paupières se ferment Et je m'endors
Je ne suis plus une jeunesse, c'est sûr Et depuis que je suis entrée par erreur Dans ma soixante dixième année Je pense à mon futur Un peu mais pas trop quand même
Dans les brumes du rêve - ou faut il dire du cauchemar ? - Voilà qu'apparaît La vieille tante Koba
Assise auprès de son poêle Dans son fauteuil à bascule favori La cafetière à portée de main Un pied trempant dans l’eau chaude Pour soigner son rhumatisme Les yeux fermés de béatitude Les bras croisés sur son corps amaigri Les cheveux en pétard Elle somnole et se souvient
Mais ce pyjama vert Je le connais ! Ces bottines à lacets Me rappellent quelque chose ! Ce grain de beauté sur le bras droit Ces gros orteils trop longs Mais Ce sont les miens ! Mais ce n’est pas tante Koba C’est moi Moi très bientôt Sur ce fauteuil a tète de chats Qui est dans mon salon Depuis qu’est partie Tante Koba
D’ailleurs j’entends Le grincement de la charrette de l’Ankou Et le tintement des os Et au moment où elle s’approche Avec sa grande Faux Je me réveille en sursaut Cauchemar ou prémonition ? Qui pourrait le dire ?