Assassinat / Anne J.
Le moustachu poussa la trappe qui menait au grenier avec difficulté et grimpa sur la première marche. Les hommes de la sécurité, tout vêtus de noir, se tenaient un peu en retrait et reculèrent saisis par la peur : des traces sanglantes descendaient du haut du ballon d'eau chaude jusque dans le bac de rétention d'eau. Le détective soupira et grimpa les marches suivantes avec lenteur.
Les voisins avaient appelé la police car le chat de cet étrange couple qui vivait dans la maison du coin de la rue ne cessait de miauler devant leurs rangées de salades . Ce n'était pas son habitude car c'était un paisible gros matou couleur de caramel qui d’habitude se frottait sur leurs jambes en réclamant des caresses . Il avait l'habitude de prendre leur potager pour sa pissotière privée mais après tout cela apportait de l'azote à leurs légumes.
Le couple qui vivait dans cette maison était un couple sans histoire apparente mais qui sait ce qui se passe dans le huis clos des salons feutrés et dans les cuisines à l'odeur de friture ? On n'avait pas vu le mari depuis plusieurs jours et tout le monde dans le lotissement s'étonnait de ne plus entendre à l'aurore le bruit de démarrage de sa vieille voiture diesel. Pourtant les vacances de Noël étaient finies, on avait échangé des vœux au jour de l'an et depuis plus rien. Seule la femme allait et venait mais sans plus de contacts qu'un petit signe de tête aux uns et aux autres.
Notre détective n'était pas au bout de ses surprises : roulé comme une écharpe autour du ballon d'eau chaude, un serpent de belle taille dormait, sa peau grise et verte luisant dans la pénombre du grenier.
Il s approcha prudemment pour ne pas réveiller le reptile et c'est là qu'il comprit : le haut du ballon avait été découpé comme un œuf à la coque et les jambes du mari dépassaient du sommet : il portait des pantoufles écossaises et d’horribles chaussettes noires.
Evidemment, personne ne l’ignore plus, dans les drames de ce genre le conjoint et en l’occurrence ici la conjointe est le principal suspect. Après quelques heures d'interrogatoire , elle reconnut avec un ton doux et paisible avoir frappé son mari avec la poêle et l'avoir noyé dans le cumulus découpé à la scie à métaux.
- Vous comprenez, expliqua t elle, il voulait élever des serpents dans le sous-sol et quitter son travail pour monter un élevage de serpents. Il prétendait les vendre pour faire une décoration de Noël originale et moi je ne supporte pas ces bestioles. Je les ai lâchées dans le jardin. Ils ont du aller goûter les salades du voisin et ça ne plaît pas au chat. Croyez moi , le mariage ce n'est pas toujours une armure contre le malheur, ni pour le bonheur d'ailleurs et les serpents à sonnettes ne valent pas les clochettes du père Noël.
L’histoire ne dit pas si ces arguments ont convaincu les juges et ce qu il est advenu de la meurtrière épouse ni du ballon d'eau chaude.