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L'Atelier d'écriture de Villejean
1920-24 objets confines
31 mars 2020

Adrienne parle aux objets / Adrienne

Vous l’aurez remarqué, ce qui fleurit le mieux, c’est l’humour au temps du corona et c’est très bien.

Une des petites phrases rencontrées au tout début du confinement disait que parler aux objets, quand on est seul à être confiné, c’est tout à fait normal.

Que ça ne devient inquiétant que si les objets vous répondent.

L’Adrienne parle aux objets depuis toujours. Ça commence même dès le matin, comme dans ce poème de Paul Van Ostaijen, Marc groet ‘s morgens de dingen (Le matin, Marc dit bonjour aux choses) que tous les petits enfants apprennent par cœur à l’école.

En tout cas les petits enfants du temps où l’Adrienne l’était 😉

Dag ventje met de fiets op de vaas met de bloem

ploem ploem
dag stoel naast de tafel
dag brood op de tafel
dag visserke-vis met de pijp
en
dag visserke-vis met de pet
pet en pijp
van het visserke-vis
goeiendag
Daa-ag vis
dag lieve vis
dag klein visselijn mijn

Par bonheur, jusqu’à présent, aucun objet ne lui a répondu ;-)

***
Source de l’image ici et des vidéos d’humour belge au temps du corona à voir ici :

 https://www.rtbf.be/embed/m?id=2617291&autoplay=0
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31 mars 2020

J'ai une poussière dans l'oeil ! / Maryvonne

En ces temps troublés, des grandes plumes, scientifiques, écrivains, cinéastes, chanteurs, s'expriment avec talent pour nous faire partager leur ressenti face à la crise sanitaire. Et moi pauvre plumette de niveau encrier d'école primaire quel récit puis-je vous proposer sur mon confinement ? Je regarde dans ma maison mes objets qui vont confiner avec moi et que vous dire ? Il y a bien mon lit qui me tend les bras, mais pas de ça, ma vieille, il faut lutter debout. Des tas de livres que j'avais boudés me font de l’œil. Dans ma véranda une lirette* commencée il y a un an et abandonnée cherche à retisser des liens avec moi. Je viens de laisser de côté un tapis de gym quand je me suis aperçue que je n'arrivais plus à faire la chandelle ni les roulades arrières !

AEV 1920-24 Maryvonne 9782092509937-475x500-1Il me faut de l'air, de l'aventure, Je fais fi de ma plumette et pars avec mon plumeau et plus si affinité : éponges, chiffons, vieille brosse à dent, détergent. Embarquement immédiat pour un voyage au fond de mes placards. Première escale dans ma cuisine, haut lieu stratégique du confinement. Ce que j'aime dans les voyages ce sont les rencontres : je viens de croiser mon vieux moule à baba au rhum qui m'est tombé dans les bras, ça me donne des idées. Cachés derrière le moule à gaufres, deux «covid-19» morts. Ah non, plutôt des toutes petites araignées. Araignée du matin chagrin ! Ce n'est pas de bon augure.

Dans le premier tiroir j'ai rencontré de plein fouet un couteau sournois qui m'a percuté le doigt. C'est le majeur gauche : comme les dégâts sont mineurs, nous avons fait un constat à l'amiable et après les soins d'usag, désinfection, pansement, gant de protection, j'ai pu reprendre ma route. Beaucoup de dénivelés avec les montées et descentes de l'escabeau pour atteindre le fond des plus hauts sites.

Les poignées que je croyais propres sont crasseuses dessous et là je croise le souvenir de mon père qui disait : « Ce sont souvent les plus coquettes qui n'ont pas les dessous propres ». Je ne sais pas d'où il tenait cette théorie mais ma mémoire fait de curieuses associations.

Armée jusqu’aux dents de ma vielle brosse à chicots je m’aperçois que mes charnières ont une hygiène dentaire qui laisse à désirer, l'ennemi est partout et retarde ma progression.

A genoux devant mes tiroirs les plus bas je revois les pénitentes qui traversaient ainsi la place devant Notre-Dame de Fatima au Portugal. Elles venaient implorer la sainte de leur accorder une grossesse. Qu'est-ce que je demanderais bien à la sainte ? 

AEV 1920-24 Maryvonne - ND de Fatima

- Je vous en prie, ne me faites pas mourir du coronavirus, ce serait idiot de ne pas profiter un peu de ma cuisine propre.

Plus haut je retrouve un paquet oublié, une préparation pour faire un cake au caramel.


Ce sera parfait pour le quatre-heures avec tous les sachets de thé divers et variés que je viens de redécouvrir. Ce sera parfait. Ce n'est pas très raisonnable, ce n'est pas comme ça que je vais pouvoir refaire la chandelle, tant pis ! Me voilà arrivée à mon étagère de recettes de cuisine et je suis en extase devant le monde entier. Des recettes qui font voyager, il y a même le cahier de recettes de maman et de belle-maman. Non, non, il ne faut pas prendre cette route, c'est « Voyage interdit dans les souvenirs ». Déjà, j'ai mis juste un doigt de pied au-delà de la frontière et c'est douloureux. Je pense aussi à la maman de mon amie Anne qui souffre isolée dans son EHPAD.


- Mais tu as la joue mouillée ?


- Non ! Avec tout ce remue-ménage j'ai juste une poussière dans l’œil !

31 mars 2020

Mise à plat / Jean-Paul

200401 265 001

 Ils nous font bien rire avec leur confinement !

Nous, ça fait des dizaines d’années qu’on est confinées, dans des boîtes, dans des albums, dans des buffets, dans des greniers ou dans des caves.

Etre confiné, ce n’est pas la mort, quand même ! Tant qu’on ne finit pas chez un antiquaire, un brocanteur, un libraire ou chez un héritier j’m’en-foutiste, tant que personne parmi ces gens-là ne décrète que nous ne valons rien et sommes justes bonnes pour la déchiqueteuse, ça va, c’est qu’on est immortelles ! Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ! Regardez comme on apprécie Doisneau, Cartier-Bresson et Vivian Maier !

Le confinement ! Est-ce qu’on bouge, nous ? Ben justement oui, on vient de se taper quatre-cents kilomètres dans le coffre d’une bagnole ! Et depuis notre arrivée à Rennes nous vivons notre « second life » comme disent nos anciens proches voisins les Rosbifs de Douvres qui font la gueule depuis qu’on a interdit la promenade des Anglais alors qu’on permet encore la balade des clébards ! Oui je sais, à seulement dix mètres de leur domicile dans le Var, à Sanary-les-Bains ! C’est vrai que ça ne pisse pas loin, ces mesures de confinement du gouvernement !

Donc le dépositaire nous a sorties des boîtes et des albums, triées grosso merdo par famille ou par tranche chronologique, il nous a mises dans des enveloppes et maintenant, comme un confiné lambda qui promène son chien au soleil pâle du début d’avril, il nous fait prendre la lumière.

Qu’est-ce que c’est bon de susciter de l’intérêt, de faire causer, de « ramintuver » : ramintuver, c’est un mot ch’ti du patois d’Erchin comme le parlait la grand-mère. Ca veut dire « rappeler, raviver les souvenirs ».

Figurez-vous qu’aujourd’hui ça va être à mon tour d’être mise en vedette, dites donc ! Mon heure de gloire est arrivée ! Justement je suis une photo du dépositaire qui, maintenant, pour une raison que j’ignore, se fait appeler Joe Krapov !

Ils sont fous dans cette famille ! Pourquoi l’oncle Joseph s’est-il toujours fait appeler René ? Pourquoi la grand-mère portait-elle un autre prénom que l’officiel ? Pourquoi donne-t-on des prénoms, des surnoms, des diminutifs aux gens ? Pourquoi écrivent-ils tous sous pseudonyme ? Et pourquoi Marcel Prout, lui, c’est son vrai nom ? Comment, ça, « j’ai oublié l’s » ?

Jean-Paul et Jojo ca 1956Donc ici, avec l’enfant Joe, c’est son oncle Georges, le jeune frère de sa mère. Ils avaient treize ans d’écart, elle et lui. On le surnommait Jojo la Fleur ou Jojo la Fleur bleue ou, plus court encore, Jo. Comme Moustaki quand Edith Piaf en parlait. Sauf que ce Georges-là, Mustacchi, se prénommait réellement Joseph. Comme l’oncle René. Vous me suivez ?

Vous lui donneriez quoi, comme âge, vous, au gamin à bouille ronde ? Un an ou deux ? Marina Bourgeoizovna, la seule pièce rapportées de Bretagne dans cette famille de Ch’tis, a suggéré quinze mois mais ça ne colle pas bien. Quoique… Joe et Jo sont nés tous les deux à la fin juin. Ils ont huit ans moins un jour d’écart. Ils sont tous les deux en manches courtes avec un grand soleil qui vient taper sur leur tempe gauche, sur le sommet de leur crâne et sur les bords des grands chaudrons. Il ferait beau comme ça dans le Pas-de-Calais en septembre ? Me racontez pas de cacoules ou de carabistoules ! C’est comme si on prétendait qu’il ne pleut jamais à Rennes !

Et il se trouve où, ce marché ? Sur la place de Verdun ? Il a l’air de s’être beaucoup étalé avec ses seaux et ses bassines le Robert Lequelquechose qui vendait du chauffage, de l’électro-ménager et des télévisions à Machintruc-en-Gohelle (Montigny ? Loos ? Sains ? Givenchy ? Arleux ? Fresnoy ?).

Pourquoi il ne fait pas comme Parick Modiano, le Krapov ? Une petite enquête dans un vieil annuaire, un coup de bigophone à Robert Lequelquechose pour lui demander où il s’installait quand il venait sur le marché de L. ?

Comment ? Il est sans doute mort, maintenant, le quincailler ? Mais qu’est-ce qu’ils ont tous à disparaître comme ça ? Elle est pas belle, la vie ? Ils ne connaissent pas l’immortalité ou quoi, ces gens-là ?

Mais je me tais : voilà que c’est mon tour ! Il m’a posée délicatement sur une vitre froide – Aglagla ! – il a appuyé sur un truc qui ressemble à une souris sans oreilles et Vlang ! Shazam ! Flashcube ! Je me suis pris un grand coup de lumière dans la tronche un peu comme quand ils passent un scanner à l‘hôpital !

Et puis… Miracle ! Me voilà clonée, dédoublée, agrandie, brillante ! Je suis toujours sur la feuille de papier chamois au format 9x14 cm mais j’apparais aussi sur l’écran lumineux.

D’après ce que m’a raconté la photo du grand-père pêcheur mon heure de gloire est arrivée ! Quand il m’aura insérée dans ce qu’ils appellent un billet de blog, deux milliards d’individus confinés chez eux vont pouvoir admirer la photo des affreux Jo-Joe ! 


31 mars 2020

La Chronique du vieux canapé / Madame C.

Hé oui, j’ose le dire, cette période de confinement me réjouit ! Je suis un vieux, direz-vous, un aigri, un pisse-vinaigre, un égoïste ? Pas du tout ! Je suis comme vous, j’essaie de sauver ma peau ! Si je puis m’exprimer ainsi puisque je suis un vieux canapé en cuir noir acheté en soldes dans les années 80 chez Roche et Bobois.

Inutile de vous dire que j’en ai vu de toutes les couleurs, surtout avec les jeunes qui ne sont pas soigneux. Eh bien oui, je suis content ! Fini la société de consommation, sale temps pour les vendeurs de canapés ! Mes frères avachis, tachés, démodés, défraîchis vont bénéficier d’un sursis. Ils ne finiront pas sur le Bon Coin ou, pire, sur le trottoir ou à la déchèterie.

AEV 1920-24 Madame C

Ce matin, ma patronne m’a enduit d’un baume régénérateur pour cuir enrichi à l’huile de vison. Je n’en revenais pas ! Cela faisait bien longtemps qu’elle ne m’avait pas bichonné ainsi. A mon avis, elle s’emmerde car je la vois plus souvent que d’habitude le chiffon à la main. Si vous pouviez me voir ! Je suis resplendissant sous ma peau de buffle !

Les petits jeunots de But, Ikea, Conforama peuvent bien se morfondre dans leurs entrepôts, pour nous les vieux, une nouvelle vie s’annonce ! Je pense, hélas, que quelques-uns ne résisteront pas. Voyez comme ils sont sollicités en ce moment : on en prend un coup avec ces séances télé qui n’en finissent pas. Certains sont scotchés des heures entières, ils ne décollent pas, et nous, on fatigue. L’AVC (Association des Vieux Canapés) pourra aider les plus affaiblis.

En attendant, on tient bon ! Gonflez les accoudoirs, redressez les dossiers, faites vibrer les ressorts. On ne va pas y laisser des plumes !

Recevez toutes mes salutations canapéennes !

31 mars 2020

La Rubrique des sœurs Poussières / Madame C.

AEV 1920-24 Madame C

Nous aussi, on est contentes ! On l’a constaté, c’est une évidence, notre patronne, Madame C., commence à s’emmerder. Armée de plumeaux, chiffons et aspirateur, elle nous traque. Ce matin, juchée sur un escabeau, elle est venue nous dénicher sur une étagère où nous croupissions depuis des siècles. Nous étions coincées entre de gros volumes et en plus elle nous infligeait, depuis peu, le voisinage de revues venues de la campagne qui ont des relents de moisi très désobligeants.

Nous flairions l’acarien, cet individu invisible et macho, cause de bon nombres de maladies et allergies. Je ne pourrais décrire notre joie quand on s’est envolées sur le balcon, nous libérant des quatre Lagarde et Michard où nous étions confinées ! Ils sont d’ailleurs restés, pages ouvertes, à prendre le soleil. Bien fait pour les acariens, ils vont en crever !!

Ne vous désolez pas, chères sœurs, je vois qu’autour de moi, on secoue tapis et literie, il flotte pour nous un air de liberté ! Il faut le dire, depuis mai 68, la vertu ménagère n’est plus à l’ordre du jour, il y a du laisser-aller ! Bien finis les grands nettoyages de printemps de nos aïeules, le bon temps où on savait tenir sa maison.

AEV 1920-24 Madame CVous me direz que tout le monde ne sera pas traité de la même façon. Nous, nous volons, nous nous posons ça et là au gré de nos fantaisies. Celles qui finiront dans le sac aspirateur avec miettes et poils de chien seront moins gâtées mais c’est la vie ! Même chez les poussières, l’injustice existe. En attendant, avec ce soleil et l’air devenu presque pur, volons, profitons, soyons légères !

Recevez mille nuées affectueuses !

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