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L'Atelier d'écriture de Villejean
15 avril 2020

Consigne d'écriture 1920-26 du 14 avril 2020 : Hergé Hopper San Antonio

Hergé Hopper San Antonio

 

Grâces soient rendues à Xavier Marabout ! Sa réinterprétation des tableaux d'Edward Hopper dans lesquels il fait figurer les personnages d'Hergé est un régal. Mais pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Pourquoi ne pas adjoindre à ces tableaux quelques mots de San Antonio (Frédéric Dard) ? C'est ce que l'animateur propose cette semaine.

vacances-en-buick-roadmaster

1) Vous choisissez un tableau dans la galerie "Hergé-Hopper" de Xavier Marabout

2) Vous écrivez un texte à partir de cette image. Attention : vous ne devez pas utiliser les noms des personnages d'Hergé même s'ils sont représentés sur le tableau. Le jeune homme à toupet sera rebaptisé Félix, Antoine Manaudou, Théodore Chassériau ou ce que vous voudrez mais surtout pas T*nt*n !.

3) Vous insérez dans votre texte deux ou trois citations choisies dans la liste ci-dessous ou ici.

Il émet quelques bouts de râle et se fout aux abonnés absents.

Il périlie en force, mon cher valeureux mammouth. Il ferre de lance. Il abordage.

Quand des gens passablement évolués te donnent pour vérité des abracadabrances, c’est que ces abracadabrances se sont bel et bien produites.

Il s’agit de Jojo la défouraille, un loustic pas fréquentable, condamné à mort par accoutumance je crois bien et qu’on m’avait dit espadrillé en Amérique latoche.

Mes forces ont mis les adjas. J’ai du carat et mes muscles ressemblent à des souvenirs.

Les anciens pétomanes ! Les anciens musiciens ! Toujours nouveaux cons, quoi qu’il advalsedevienne.

Il semble s’affaisser des méninges, le birbe. Se débattre dans le yaourt.

Lorsque tu es de nature marginale, tu trouves toujours un petit turbin pour affurer ton minimum vital.

Allons boire le dernier de la journée, je crève de soif depuis le temps que je m’aiguise la menteuse sans mouiller la meule.

Il ressort son flacon de corrosif pour s’en téléphoner deux décilitres dans l’alambic.

Toujours pareil quand on algarade en ville ! les badauds pullulent comme des cellules en tumeur.

Prof et King viennent de franchir le seuil de la caverne alibabesque.

Tout en gouaillant, je fais gaffe parce que si cet olibrius prenait la fantaisie de m’aligner un taquet, sûr et certain que ça ferait travailler mon dentiste.

Alinéa jacte à l’aise !

Faire Allemande honorable.

Et que je te sabre au clair, et que je t’allon-z’enfance pour un oui, un niet, une allocution, une allocation !

Attends, ma libellule, attends, j’ai des projets plus ambidextres pour toi.

Je franchis des Himalaya de réprobation, j’annapurnise dans le désenchantement.

Le canari que j’ai acheté à Toinet pour son annif piaille à gorge d’employé.

Le ziguche qui fermait la marche me reçoit plein cadre car j’ai à-piedjointé sur sa poitrine.

Lormont blêmit, rougit, jaunit, verdit, violit, marronit (comme Saint-Laurent du), orangit, arc-en-ciélit puis reprend tant bien que mal sa couleur initiale.

Les temps ont changé, se sont durcis. Tu tolérerais jamais ce genre de pirouette arnaqueuse.

D’emblée je m’assure qu’elle n’est pas trop craignos. Ces arpenteuses de nationales ont souvent tendance à négliger leur service entretien et ma pomme, si une gerce n’est pas rigoureusement clean de partout, je préfère abstiner

Je me disais que je ne devais pas compter aller loin mais seulement m’arracher de la zone dangereuse.

Et ça vous hypnotise depuis les crins jusqu’aux orteils en passant par la membrane médiane, le gros côlon (Christophe pour les dames) et l’artère iliaque interne.

Le sexe masculin est ce qu'il y a de plus léger au monde, une simple pensée le soulève.

Mesdames, vaut mieux une chiée de types qui posent leur pantalon en votre honneur, qu'un seul qui vous le fait repasser

Ce matin-là, il avait la figure en coin de rue sinistrée. Ses paupières étaient gonflées comme des valises d'ambassadeur au moment d'une rupture diplomatique et avec la couche de mélancolie qui lui couvrait le visage, on aurait pu regoudronner la Nationale 7.

L’an dernier j’étais encore un peu prétentieuse, l’an prochain je serai parfaite.

Toulouse-Lautrec (score final 0-0)

Maintenant, je savais ce qu'elle valait, la gloire ! Un piédestal de sable, voilà ce que c'était ! Rien de plus ! Les hommes juchés sur ce promontoire se croyaient des élus éternels mais au premier coup de vent, ils s'écroulaient !

Quand le respect de la gonzesse s'effiloche dans une nation, la débâcle n'est pas loin, mes fils.

La lumière de l’été est plus rasante qu’un discours électoral.

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14 avril 2020

Cinquième semaine de confinement solitaire / Dominique H.

« A côtoyer la mort, tu te raccroches à la vie. » (Frédéric Dard).

Préambule : vous retrouverez, autour de l'anti-héros Félix, des personnages de sa vie qui ont déjà fait de brèves apparitions : Yolanda sa bécane domestique, Bénédicte sa bonne voisine psychiatre en retraite, Louise sa sereine-mère, Françoise sa grande sœur originale et Béatrice, sa préférence, à peine évoquée la première semaine de confinement, mais qui fait un retour en force à cette cinquième semaine.

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AEV 1920-26 Dominique Doisneau

Félix a encore mal dormi. A vrai dire il s'est une fois de plus réveillé à l'aube dans cet état d'hyper-vigilance qu'il connait bien. C'est un état particulier d'hyperactivité cérébrale difficile à décrire. Il va d'ailleurs en parler à Bénédicte et lui demander ce qu'elle pense de cette frénésie neuronale. C'est comme une chorégraphie de fourmis industrieuses, chacune portant sur son dos une idée qu'elle transporte rapidement d'une aire cérébrale à l'autre. Dans «Des gueules d'enterrement» Frédéric Dard exprime exactement cette agitation : «Sa tête ressemble à une cour de récréation, les idées galopent dans tous les sens».

Dans ces moments particuliers Félix écrit des vers dans sa tête, des rimes, compte les pieds, s'emberlificote dans les mots et les associations poétiques qui surgissent. Hélas cette matière est aussi foisonnante qu'évanescente et le matin il n'en reste que de vagues volutes. Quand il est dans cet état-là, il lui arrive parfois de saisir l'instant et de se vider la tête en tapant sur son autre bécane domestique, Max, un MacBook Air, un autre confident. Il écrit alors très vite, au kilomètre, des phrases courtes, centrées, sans ponctuation La relecture à froid quelques jours plus tard de ces élucubrations nocturnes et souvent poétiques lui confirme que c'est bien lui Félix qui en est l'auteur et qu'il s'agit bien des méandres profonds de ses propres circonvolutions corticales. Ceci dit, avec ces nuits toutes répétitives, il est en dette de sommeil.

Au réveil, il jette un œil à sa figure en coin de rue sinistrée. Ses paupières sont gonflées comme des valises d'ambassadeur au moment d'une rupture diplomatique. Heureusement il se souvient alors de la maxime de Frédéric : «Certains, plantés devant leur miroir, croient qu'ils réfléchissent, alors que c'est le contraire ». Ca suffit, trêve de ruminations introspectives, aujourd'hui, c'est décidé, il passe à l'action. Pour se motiver, il lit à haute voix la maxime qu'il a écrite sur son miroir depuis quelques jours, la phrase d'un sage (Épictète ?) qu'un bon copain lui avait envoyée au début du confinement :
«Trouver la sérénité d'accepter les choses que je ne peux pas changer, le courage de changer les choses que je peux et la sagesse d'en connaître la différence ».

 

AEV 1920-26 Dominique Marc-Aurèle b7a278585c9946a6265f7bbf4867ff7f

Il la connaît par cœur maintenant et elle a un effet calmant réel et assez rapide. Par contre l'effet dynamisant est beaucoup moins net. Cependant, elle enclenche souvent un coq-à-l'âne d'occupations dérivatives. Félix passe alors de la cuisine au jardin, de l'aspirateur à Yolanda, sa bicyclette, et, sur Youtube, de Souchon à la Compagnie créole, avant de retrouver son vague à l'âme sur le canapé.

Il fait beau, il sort dans son jardin et, comme il l'espérait, Bénédicte est là qui bouquine, comme si elle l'attendait. Rapidement, après les salutations matinales d'usage, les échanges sur les lectures, les informations, elle donne l'occasion à Félix de s'épancher une fois de plus. Félix ne se fait pas prier et se met à parler des fourmis qui sillonnent son cerveau la nuit. Bénédicte l'écoute attentivement comme d'habitude et le rassure une fois de plus en lui expliquant que ces états bizarres sont visiblement des moments de créativité, une chance pour Félix, et que ce n'est pas grave du tout d'avoir besoin de taper sur Max la nuit, d'autant plus qu'il peut faire la sieste dans la journée. Apaisé pour un moment, Félix libère Bénédicte.

L'énergie est revenue et il enfourche Yolanda le temps d'un documentaire sur la grande barrière de corail en Australie. Mais la vue du ballet des poissons multicolores en liberté parmi les coraux le ramène au confinement et il se sent comme un poisson qui tourne en rond dans son bocal. Il abandonne Yolanda et, l'espace d'un moment, il lui en veut de n'être qu'un vélo. Il se retient cependant de lui donner un coup de pieds dans le flanc.

C'est bientôt l'heure du déjeuner, un bon moment. Depuis le Co-vide il fait des repas copieux et s'est même remis à cuisiner avec plaisir. Il est bien organisé au niveau de la logistique et ne sort faire ses courses que deux fois par semaine. Ce fonctionnement est bon signe lui a dit Bénédicte en rajoutant : « Quand l'appétit va, tout va !». 

Ce midi ce sera quiche lorraine aux asperges accompagné d'un verre de Bourgogne blanc. Suivant les bons conseils de sa voisine il se limite désormais à la consommation d'une demi-fillette au seul repas de midi (18,7 ml) qu'il se sert dans un beau verre. Ça lui rappelle le restaurant avec Béatrice et aussi une phrase de Frédéric : « Dans le début des aventures la bouffe prépare la baise ; sur la fin elle la remplace ». Aujourd'hui il terminera par un sorbet fraise. Malgré ce décorum et ces rituels, il sent la colère monter de jour en jour. Il tolère de moins cette distanciation sociale, une expérience de non-contact plus que frustrante, une maltraitance de notre humanité. Un Expresso bien serré et non sucré plus un carré de chocolat noir au beurre salé lui font ressentir le bon goût de la vie avant de s'accorder 17 minutes de sieste.

Il sait faire la sieste, s'endormir vite. Cette fois il s'endort en pensant à Béatrice, sa préférence depuis près de trente ans, qu'il n'a pas vue depuis le 18 mars, J2 du confinement. Ils ont trouvé un code de vie amoureuse intermittente qui leur convient à tous les deux. Economiquement indépendants, les enfants nés d'un mariage de leur jeunesse voguant de leurs propres ailes, ils ont commencé en ne partageant que des bons moments : cinéma, restaurant, voyages, lectures, vélo... Une brève faiblesse les a amenés à habiter sous le même toit, mais avec sagesse ils y ont rapidement renoncé, et ont convenu de rester fiancés toute leur vie. Une certaine précarité compensée par une légèreté du lien qui finalement a résisté au temps. Chacun d'eux a expérimenté que le contrat corseté du mariage n'offre pas de sécurité et que l'exigence de ce lien est trop cher payée pour chacun d'eux. Ils ont la même maison assez souvent mais pas tout le temps. Leur seul lien économique est une cagnotte de plaisir qu'ils alimentent à égalité.

Au réveil il est en forme, bien que sans souvenir d'un joli rêve. C'est alors que son regard clique par hasard sur un tableau accroché dans un angle de la chambre, sous la pente du toit. Le soleil de l'après-midi traverse le Velux et le met en valeur. C'est une jolie affiche, soigneusement encadrée, qui est là depuis deux ans, il s'en souvient précisément, c'est un très bon souvenir. Il la regarde attentivement comme s'il la découvrait et son regard de Félix s'allume alors d'une lumière intérieure très particulière, plus que joyeuse. Cette affiche parle de la vie de Félix, de sa vraie vie. C'est un cadeau de Béatrice.

 

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Elle la lui a offerte lors d'une escapade plus que sympathique dans le golfe du Morbihan. Au cours de leurs flâneries dans les rues de Saint-Goustan, le très joli petit port ancien d'Auray, ils étaient entrés au 31, rue du Petit port. C'est l'atelier de Xavier Marabout, un artiste qu'ils ne connaissaient ni l'un ni l'autre. Le premier contact avec les murs de l'atelier fut pour Félix et Béatrice un coup de foudre esthétique : la Tintinomania de Félix se trouva instantanément comblée ! Enfin il découvrait la vie sentimentale et sexuelle de son héros. Quant à Béatrice un phénomène immédiat de lévitation la posa sur un petit nuage pour la promener dans la lumière crue et les ombres des tableaux de Hopper.

Merci, «Marabout-bout de génie», d'avoir fusionné le peintre américain et le dessinateur belge ! Une ambiance commune évidente de silence et de mélancolie se dégage de l'oeuvre des deux artistes et l'idée de les superposer relève d'une intuition géniale. C'était comme si les pièces, les paysages de Hopper attendaient depuis toujours de s'égayer avec ces pin-up décalées, ces belles américaines à la carrosserie rutilante et comme si le reporter-globe-trotter avait trouvé l'occasion de se déniaiser. C'était exactement comme un rendez-vous merveilleux.

Pendant ce temps suspendu, ils n'avaient pas échangé deux mots, bien que n'ayant pas vu les mêmes choses mais Félix garde le souvenir d'une immersion extatique partagée avec Béatrice. Ils n'arrivaient plus à quitter l'atelier. En observant leur état second Xavier Marabout avait ébauché un bref sourire. Ils ne pouvaient ressortir dans la rue comme si rien ne s'était passé et pour tenter de fixer ce que cet instant avait eu d'unique, ils s'offrirent deux affiches identiques, une pour la maison de chacun. « Vacances en Buick Roadmaster » leur plaisait beaucoup mais ils se décidèrent finalement pour « Rencontre sur Great hills road » : arrière-plan un peu austère de montagnes arrondies, arides, maison rurale en bois peint typique de l'architecture américaine au second plan et, au premier plan, un pick-up Chevrolet 3100 des années cinquante. Au volant une femme souriante avec un chapeau de cow-boy bleu et sur la route, de dos, un homme qui se gratte la tête. On dirait Meryl Streep et Clint Eastwood sur la route de Madison !

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Avant de rouler les affiches, Xavier Marabout demanda : «Deux emballages ?». Ils répondirent ensemble : «Un seul». Béatrice demanda à Félix de lui passer «la cagnotte des plaisirs» et elle régla en espèces. Ils avaient un peu cassé leur tirelire, mais ce soir ils retrouveraient leur sobriété heureuse habituelle en installant leur table pliante près de leur camion sous le pin parasol de la plage de Locmariaquer, face à la mer, avec au menu : huitres du golfe, pain-beurre et Sauvignon. Ce souvenir ramène Félix à une phrase de Frédéric : «L'ingéniosité en amour est comme la poésie en littérature. On peut s'en passer, mais c'est dommage.».

Félix sort de son rêve éveillé, envoie un SMS à Béatrice : « Que dirais-tu de venir confiner avec moi ? Avec le confinement, pas beaucoup de sorties, alors la cagnotte des plaisirs est pleine et pourra payer l'amende si la maréchaussée nous arrête ».

Félix se met à gamberger en attendant la réponse. C'est le stress du CDD comparé au CDI ! La réponse tarde. Il arrive que Béatrice ne soit pas branchée, c'est aussi là le risque de leur code de vie (malgré leur CODEVI de plaisirs partagés) mais, avec ce CO-VIDE qui traîne, est-ce qu'elle va être d'accord ? Et si elle faisait rimer «confiner» avec «contaminer» ? Félix doit enfourcher Yolanda pour patienter. Pas facile, l'insécurité !

Ah ! Enfin ! « Ok pour «co-piner » chez toi. C'est moi qui prends ma voiture, j'arriverai pour 20h 30, j'apporte une bouteille de Prairie et du chorizo piquant. J'espère échapper à l'Allemande honorable !».

14 avril 2020

Hôtel Osborne, chambre 379 / Eliane

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Hercule est enfin dans sa chambre d'hôtel. Il se met à l'aise. Ote bottes, ceinturon, chemise. Tout cet attirail disposé en vrac a pourtant un petit côté « œuvre d'art ».

Mais Hercule n'est pas plus serein pour autant. Il relit le courrier déposé pour lui à la réception. Semble inquiet. La journée avait été mauvaise et ce courrier n'arrangeait rien. Il semble soudain s'affaisser des méninges, le birbe, se débattre dans le yaourt.

Il n'aurait pas dû aller à ce rendez-vous avec Zacharie. Ce matin-là, ce dernier avait la figure en coin de rue sinistrée. Ses paupières étaient gonflées comme des valises d'ambassadeur au moment d'une rupture diplomatique. Et avec la couche de mélancolie qui lui recouvrait le visage, on aurait pu regoudronner l'Autoroute du Soleil.

C'etait sûr il ne pouvait annoncer que de mauvaises nouvelles. Des nouvelles angoissantes.

Zacharie et lui avaient fait une grave erreur en s'attaquant à ce gros ponte. Ce dernier allait sûrement leur faire payer très cher.

Il les avait reçus. Donc tout semblait se dérouler au mieux. Sauf qu'il les avait simplement regardés. Et ce regard ça vous hypnotise depuis les crins jusqu'aux orteils en passant par la membrane médiane, le gros côlon (Christophe pour les dames) et l'artère iliaque interne.

Hercule en avait encore froid dans le dos. Et que je te sabre au clair, et que je t'allonzenfance pour un oui, un niet, une allocution, une allocation.

Et si on la voulait cette allocation, il allait falloir passer par les exigences du gros ponte. Ils ne savaient pas s'ils en seraient capables tant elles étaient dures.

Dans sa chambre d'hôtel Hercule réfléchit à la façon de sortir de cette fâcheuse situation. Plumeti, le petit chien fidèle qui l'accompagne dans toutes les aventures, toutes les galères, le contemple, perplexe.

Hercule ne trouve pas la solution espérée car il s'agit de se mesurer à Jojo la Défouraille, un loustic pas fréquentable condamné à mort par accoutumance, il croyait bien, et qu'on lui avait dit espadrillé en Amérique latoche.

Cette information était peut-être fausse. Mais même si elle était vraie le gus était revenu. Et personne n'était jamais revenu vivant d'une confrontation avec lui.

Alors que faire, pense Hercule, pour éviter ce morbide face à face ? Je ne me sens pas de taille. Mes forces ont mis les adjas. J'ai du carat et mes muscles ressemblent à des souvenirs.

Il se dit qu’il ne devait pas compter aller loin mais seulement s'arracher de la zone dangereuse. Le hic c'est qu'il ne sait pas comment faire. Alors il ressort son flacon de corrosif pour s'en téléphoner deux décilitres dans l'alambic devant l'oeil réprobateur de Plumeti.

Peut-être que Zacharie aura une idée.

14 avril 2020

Retour au château / Josiane

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Maintenant je savais ce que valait la gloire : un piédestal de sable, voilà ce que c’était ! Rien de plus ! Je venais d’en faire l’amère expérience, me retrouvais nu comme un ver, financièrement parlant, et j’avais dû me résoudre à retourner chez ma mère, habiter le sinistre château que j’avais quitté à grands fracas après une mémorable dispute avec l’auteur(e) de mes jours.

Pour réintégrer ce haut lieu de l’hypocrisie, de l’avarice et de la méchanceté gratuite, j’avais dû faire « l’Allemande honorable ». Pas question de retrouver les miens sans mettre genou à terre. Ma mère, une opulente mégère aux mains toujours gantées - ce qui resterait toujours pour moi un mystère - faisait régner la terreur à la maison. Personne n’avait jamais osé la défier, pas même mon père à l’heure de sa mort.

Ce soir-là, elle s’en était pris à lui sous un prétexte futile, la violence de ses propos aurait fait « sortir de ses gongs » le plus doux des époux. La femme de chambre raconte :

- Le pauvre monsieur émet quelques bouts de râle et se fout aux abonnés absents, il n’avait dû trouver que cette issue pour échapper à son épouse !

En rentrant au port, je franchis des Himalaya de réprobation, j’annapurnassai dans le désenchantement, d’autant que ma cousine Clotilde avait pris ses quartiers au château sous le prétexte de veiller sur la harpie. Elle s’était installée avec un clébard presque aussi mauvais que la vieille et qui passait son temps soit à l’admirer, soit à me mordre les mollets.

Il faut dire qu’elle savait y faire pour mettre les nouveaux venus dans sa poche au détriment des plus anciens. Même ce pauvre docteur Toinet. Quand il arrivait pour sa consultation hebdomadaire, elle lui faisait servir avec ostentation par Félix, notre majordome, un vieux cru sorti de ses chais dont il se délectait tout en lui prodiguant ses conseils d’abstinence.

un-soir-a-la-fenetreJ’avais quitté ma chambrette au dernier étage d’un immeuble parisien que je regrettais amèrement mais comment faire ? Mes BD ne se vendaient plus. Pour couronner le tout, la belle Angélique qui partageait ma vie avait quitté les lieux quand je m’étais retrouvé raide comme un passe-lacet. Sans doute avait-elle alpagué un autre pigeon pour intégrer un autre pigeonnier. Le sexe masculin est ce qu’il y a de plus léger au monde, une simple pensée le soulève et Angélique avait des atouts à faire rêver plus d’un quidam.

« L’an dernier j’étais un peu prétentieux, l’an prochain je serai parfait » me disais-je pour accepter mon sort. Ce qui fut vérifié l’année d’après.

Au château j’observais tout ce beau monde et ces lieux plus qu’étranges et étrangers à moi-même. Petit à petit des images venaient au bout de mon crayon. Je tenais les nouveaux personnages de la BD qui me redonnerait des ailes et par là-même ma revanche sur le vieux dragon, le clébard acariâtre et la cousine opportuniste.

Ah ! Ils allaient voir ce qu’ils allaient voir et tant pis si je ne retrouvais pas la gloire, seulement un peu de monnaie sonnante et trébuchante pour, tout simplement, gagner ma croûte et ma liberté.

14 avril 2020

Road trip / Célestine T.

Toute ressemblance avec la vraie vie est parfaitement plausible.

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En ces temps troublés comme une anisette par de l'eau d'Evian, où le mot d'ordre est de rester chez soi, on en est réduit à voyager par procuration, en s'inventant des roads trips de calebasse. 

En un sens, c'est pas plus mal : on a l'hydrocarburogramme plat, ça nous coûte peanuts, et les piafs nous disent merci. Les voilà qui réinvestissent les parcs, faisant frétiller les frondaisons de leurs trilles guillerettes. Tu m'étonnes ! Cinquante ans au moins que le ciel n'avait pas été si bleu.

Guillerette, je le suis tout autant quand, profitant d'un petit zeph printanier, je décide de troquer mes pelures d'hiver contre la seule chose qui tourne sur terre : une robe légère version Souchon. J'ai un rencard de première, à ne pas louper. La lumière du soir est plus rasante qu'un discours électoral.

Soudain apparaît en pétaradant comme de juste, une splendide torpedo Panhard et Levassor, magnifiquement surmontée d'un bel homme tirant sur le blond et sur une cibiche qui volute comme dans les films des années 50. Je reconnais Bleck.

- Allons boire le dernier de la journée, je crève de soif depuis le temps que je m’aiguise la menteuse sans mouiller la meule ! lui dis-je en souriant.

- Attends, ma libellule, attends, j’ai des projets plus ambidextres pour toi, qu'il me répond.

Et nous voilà embarqués sur la route de Madison, via le boulevard du Rhum.


- Il me faut faire Allemande honorable, dit-il en souriant. Ça fait cinq ans que je te dois un resto, alors cette fois, je me suis dit ne reculons plus, sautons. Enfin si je puis me permettre cette expression hardie autant qu'osée... Ça fait cinq ans que je me dis que je vais franchir des Himalayas de réprobation, et annapurniser dans le désenchantement... Alors aujourd'hui : alinéa jacte à l'aise ! Je t'emmène chez Eugène manger des frites.

Au carrefour des Etoiles, deux clampins traversent devant lui sans regarder. Il pile.

- Toujours pareil, quand on algarade en ville, les badauds pullulent comme cellules en tumeur ! s'écrie-t-il.

Et je vois bien que ça le met furinx. Il émet quelques bouts de râle, il ferre de lance, il abordage... puis reprend son sourire ultra brite. Tout en gouaillant, je fais gaffe parce que si cet olibrius prenait la fantaisie de m’aligner un taquet, sûr et certain que ça ferait travailler mon dentiste.

Je pourrais avoir peur, s'il s'agissait de Jojo la Défouraille, un loustic pas fréquentable, condamné à mort par accoutumance qu’on m’avait dit espadrillé en Amérique latoche.

Mais là, il s'agit du type le plus réglo de la blogosphère. Un chic type du genre de mon oncle Joe Krapov, qui dit toujours que « quand le respect de la gonzesse s'effiloche dans une nation, la débâcle n'est pas loin.»

Et c'est ainsi que, de fil en conversation, nous sommes arrivés chez Eugène, après une cinquantaine de bornes de décoiffage décapoté (contrairement aux films des années 50 où pas un cheveu ne bouge malgré la vitesse).
 

Il passe ses mains sur ma chevelure, blêmit, rougit, jaunit, verdit, violit, marronit (comme Saint-Laurent du), orangit, arc-en-ciélit puis reprend tant bien que mal sa couleur initiale.

- Bon on se le fait ce resto ? demande-t-il d'une voix gris clair.

- Vamos, amigo ! réponds-je, le palpitant en capilotade. Et je franchis le seuil de la caverne alibabesque, en pensant au pont de Noirmoutier.

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14 avril 2020

Triumph / Marie-Thé

Quand il avait une idée en tête, Félix n’était pas fainéant. De nature marginale, il trouvait toujours un petit turbin pour affurer son minimum vital.

Une année à trimer comme un forçat. Doué en mécanique, il avait passé des semaines sans rechigner à réparer les voitures des voisins, des amis des voisins, des cousins germains, des cousins issus de germains et même la deudeuche verdâtre du couvent des sœurs grises d’à côté de chez ma copine Maryvonne.

A la fin du mois de juillet, triomphe, il avait réuni la somme suffisante pour s’acheter la voiture rouge qu’il reluquait depuis plusieurs mois dans le garage du père Juju. Il s’appelait Julien mais tout le monde au village l’appelait Juju parce qu’il ne buvait que du jus d’orange, «avec un fond de gnôle pour chasser le coronavirus» disait-il ces derniers jours.

Mais revenons à Félix.

- Alinéa jacte à l’aise ! Le 1er août, je pars dans le Finistère !
 

la-triumph-de-mademoiselle-rydenCoffre plein, Pompon, son chien, près de lui, le voilà sur les petites routes bretonnes, désertes à cette heure matinale. Soudain, dans un virage, une auto-stoppeuse lui fait des signes.

Tellement ravissante, elle semblait tout droit sortie d’Hollywood avec sa jolie robe au large décolleté, ses cheveux relevés en chignon désorganisé. Tombé en pamoison, il embarque la fille, la valise et se dirige vers sa location.

Ce qui devait arriver arriva, le voilà perturbé, maladroit séducteur, se disant qu’elle avait de l’allure dans sa belle Triumph et que les vacances seraient bien sympa en sa compagnie.

En arrivant, d’emblée il réalise que la lumière est plus rasante qu’un discours électoral. Saisi par le ciel bleu parsemé de petits nuages blancs, cotonneux, il pense à un tableau d’un certain Américain dont il a oublié le nom. Le peintre n’aurait sûrement pas hésité à les inclure, lui, sa compagne et sa belle automobile, dans un tableau qui se serait vendu à prix d’or.

Pompon, jaloux de la nouvelle compagne de son maître, saute de la voiture et s’éloigne en boudant.

***

Trois semaines plus tard, ils sont repartis ensemble. Personne n’a su ce qui s’est passé dans la maison. Ce qui est sûr c’est qu’ils sont restés confinés pendant toutes les vacances, ne sortant qu’une heure par jour pour s’aérer et pour les achats de première nécessité.

14 avril 2020

Le P'tit caoua de l'aube / Raymonde

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Le commandant Lormont et son acolyte Jules Lemoux rentrent d'une mission hasardeuse où, une fois de plus, ils ont fait chou blanc. Quand tout à coup !

- Eh ! Commandant ! Dans le rade, là, derrière la baie vitrée, ce serait-y point notre olibrius que l'on recherche depuis des mois ?

- Qui ? Quoi ? De qui tu causes ?

- Là, prenez les jumelles ! Visez un peu cette paire...euh ! Cet individu assis de dos, bien propre sur lui !

Lormont blêmit, rougit, jaunit, verdit, violit, marronit (comme Saint Laurent du), orangit, arc-en-ciélit puis reprend tant bien que mal sa couleur initiale.

- Nom d'un ver à soie déplumé ! Il s'agit bien de John la Défouraille, un joystick peu fréquentable, condamné à mort par accoutumance je crois bien et qu'on m'avait dit espadrillé en Amérique latoche. Bon, pas de panique ! A bâbord, matelot !

- Ne brûlons pas la chandelle par les bouts, c'est un coriace, ce John la Défouraille !

- Et puis il faut attendre l'arrivée de notre nouveau chefaillon qui doit débouler de Paname en grandes pompes

- Il a des grands panards ?

- Mais que t'es inculturé ! En grandes pompes ça veut dire avec tout le tintouin, fanfare et compagnie !

- En attendant qu'est-ce qu'on fait ?

- Repasse-moi les jumelles ! J'ai la braguette qui me démange !

- Eh ! Oh ! Quand le respect de la gonzesse s'effiloche dans une nation, la débâcle n'est pas loin, mes fils ! Alors remets-toi les idées d'aplomb et tout le reste ! Et prenons des initiatives, faisons un coup d'éclat, montrons notre talent !

- Ce John la Défouraille ! On dirait qu'il a maigri et puis… cette couleur de cheveux ! Il s'est teinturé le capillaire avec du jus de carotte ? Tout ça pour pas qu'on reconnaisse sa bobine ! Mais on est des fins limiers !

- Toi, Lemoux, tu vas passer par devant comme un client lambda, ordinaire quoi ! T'auras pas de mal à passer pour quelqu'un d'ordinaire, de banal ! Et moi, je passe par le fond de la boutique et c'est plié ! On le neutralise, l'anéantit et à nous les honneurs et les promotions !

- Et les jolies gonzesses !

- Défouraille pas trop vite, il faut qu'on l’ait vivant !

- Tu regardes trop les ouaisternes !!

Lemoux s'avance nonchalamment vers la porte du troquet pendant que Lormont longe le bâtiment en catimini.

- Haut les mains, John la Défouraille, t'es fait comme un rat !

- Que ! Quoi ! Qu'est-ce qu'il vous prend ?

La serveuse pousse des cris de souris piégée, renverse son plateau et va se réfugier derrière le bar, elle a vu ça dans le film avec Blier, Constantin et Ventura !

- Commandant Lormont et mon sous-fifre Jules Lemoux !

- Enchanté messieurs ! Je suis votre nouveau chef arrivé discrètement hier soir par le train de 23 h d'où un abruti est tombé en voulant prendre l'air ! Je prends mes fonctions dès ce matin, vous passerez à mon bureau !

Adieu veaux, vaches, cochons, couvées ! Ils se sont retrouvés à traquer le braconnier au fin fond de la Lozère !


P.S. Scoop sur BFM TV, le fleuron de l’info livrée avec intelligence par les plus grands spécialistes : Joël Dubois dit Joe la Défouraille aurait été vu en Lozère accompagné de Ducon de Ligonnès. Nos deux fins limiers vont reprendre du service !

14 avril 2020

Complainte d'un·e confiné·e / Raymonde

Dans le texte qui suit, je parle au nom de tous et toutes les confiné·e·s qui traversent cette période avec des hauts et des bas (de contention) !

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- Marabout ! J’en ai marre, je suis à bout !

- Bouh ! Regarde plutôt le bout du tunnel !

- Je ne vois aucune lueur d'espoir,
Rien de bon
À l’horizon !
Que du noir !
Le monde est à genoux
Devant un invisible ;
Ce serait risible
Si ce n'était pas fou !
Quand sortirai-je de ma maison ?
À la mauvaise saison ?
C’était marrant,
Au début, le confinement !

- On peut enfin de nos enfants profiter !
On fait des crêpes pour le goûter,
De la peinture pour les amuser !
Écoutons les oiseaux chanter,
Regardons les fleurs pousser,
L’insecte butiner !

Ces piafs, ils semblent nous narguer
Ils volètent en toute liberté
En pépiant comme jamais !

Belle vengeance de les avoir ignorés,
De les avoir empoisonnés
De tous ces gaz d’échappement rejetés.

Et puis, à Emmanuel, combien les parents ont donné
Pour annoncer que l'école va recommencer ?

- Un billet ?
- Pas assez !
- Deux billets ?
- Pas suffisant !
- Trois billets pour chaque enfant ???
Vous êtes gourmand,
Monsieur le président !
Mais je suis prêt·e
À tout donner
Pour que de mes enfants vous me débarrassiez !

Et mon abruti·e de conjoint·e
À combien puis je le (la) négocier
Pour qu'il (elle) retourne à l'atelier ?

Un billet ?
- Pas assez !
- Deux billets ?
- Pas suffisant !
- Mais je vais être ruiné·e !
- C’est le prix à payer
Pour votre tranquillité
Retrouver !
- Je suis prêt·e à tout donner :
Mon compte en banque est renfloué
Mais je ne peux rien dépenser !

psychologieC’est quand que je pourrai sortir de chez moi ?
Dans un mois, deux ou six mois ?

Bout ! Marabout, je suis à bout !
J'en ai marre
Ça fout le cafard
Ça vire au cauchemar !

Ah ! Mais c'est ça !
Je suis endormi·e
Dans mon lit,
Je vais me réveiller !

 

Eh ! Bien non !
Tu as les mirettes
Bien ouvertes :
C’est la triste réalité !

14 avril 2020

A l'EHPAD épatant / Maryvonne

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J'étais encore un enfant, je portais même encore des culottes de golf. Au bord de la mer, il y avait le couvent des sœurs qui était en réalité un hospice de vieux. Tout le monde était vieux là-dedans, même les sœurs. Leur peau avait viré au gris cendre de cigarette ; on les appelait les sœurs grises.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, cet endroit ne nous était pas interdit. Il suffisait de dire que nous allions aux vieux, comme on dit « on va aux framboises », et le tour était joué, on pouvait disparaître. Parfois ce n'était qu'une excuse pour échapper à la surveillance de nos parents. Mais il y avait là aussi des vieux tout à fait intéressants.

Nous croisions un ancien capitaine de marine particulièrement inventif en matière de jurons et pour nous qui étions bien élevés c'était un régal. Nous évitions par contre une ancienne cantatrice qui serinait toujours le même air à nous faire friser les oreilles.

On nous avait expliqué que les vieux aimaient la compagnie et que la visite d'un enfant qui leur faisait un dessin ou leur chantait une chanson avait un effet thérapeutique.

Il y avait un vieux savant, un peu lunaire, devenu mutique, qui avait une grave maladie ; il semblait s'affaisser des méninges, le birbe se débattait dans le yaourt. Sauf quand il regardait les infirmières ; ses prunelles enflammées semblaient dire alors: « Attends, ma libellule, attends, j'ai des projets plus ambidextres pour toi ». Mais ce n'était que mon interprétation.

Avec mon copain on allait tous les matins lui chanter « Au clair de la lune ». On avait transformé les paroles pour la rendre moins ennuyeuse : des histoires de portes fermées, de chandelles mortes, de pénurie d'allumettes et de zouaves pas foutus d'avoir un stylo pour écrire un mot, ça ne convenait pas pour un mourant. Notre version toute gaie avait le don de le mettre en joie.

Ce matin-là il avait la figure en coin de rue sinistrée, ses paupières étaient gonflées comme des valises d'ambassadeur au moment d'une rupture diplomatique et avec la couche de mélancolie qui lui couvrait le visage on aurait pu goudronner la nationale 7. Alors nous chantions :

Au clair de la lune, j'ai pété dans l'eau
Ca faisait des bulles, c'était rigolo
Ma grand-mère est venue avec des ciseaux
Elle me coupa les fesses en quatre mille morceaux.

Le vieux professeur retourné en enfance ne pouvait plus parler mais il pouvait encore rire. Il se tordait. Avant de partir, on pissait dans sa bassine pour que la sœur Gisèle lui fasse un compliment. Une bonne pisse bien claire et notre professeur avait droit à un verre de vin rouge au dîner.

***

vacances-en-buick-roadmasterÇa, ce sont mes souvenirs, Pas plus tard que la semaine dernière j'ai voulu y retourner voir mon vieil ami chinois, Tchang, qui y réside. Je lui apportais un bouquet de lotus bleu. L'entrée était interdite à cause d'un virus venu, comme mon ami, de la Chine ; comme quoi il y a des hasards qui font mal. Je franchis des Himalayas de réprobation, j'annapurnisai dans le désenchantement. Mais rien n'y fit, tous les EHPAD(S) étaient fermés.

Plus que déçu je suis allé prendre l'air sur les marches de l'entrée où se trouvait assise une créature de rêve. Elle s'appelait Cheyenne et avait des yeux noirs comme des lacs profonds pour se noyer. Qui est-elle venue voir, une grand-mère, un vieux tonton ? D'emblée je m'assure qu'elle n'est pas trop craignos. La belle voiture garée sur l'avenue a des reflets argent douteux. De toute façon moi les filles ce n'est pas mon truc. Je préfère parcourir le monde et ce qui me tente c'est la belle américaine, la voiture bien entendu, et je ferais bien une petite enquête avec comme associée cette Cheyenne : pour une fois je côtoierais le monde féminin. C'est fou comme un virus tout petit peut faire changer votre vie !

14 avril 2020

Psychose sur la voie ferrée / Jean-Paul

psychose-sur-la-voie-ferree

Ce matin-là, Manu M. avait la figure en coin de rue sinistrée. Ses paupières étaient gonflées comme des valises d'ambassadeur au moment d'une rupture diplomatique et avec la couche de mélancolie qui lui couvrait le visage, on aurait pu regoudronner la Nationale 7.

Bref pas très en train, le bonhomme, du genre tombé du wagon ou assommé par le résultat du match de la veille : Toulouse-Lautrec, score final 42-0 ! On l’a alpagué au pied des rails, de l’autre côté de la maison Lawton, et il avait les stigmates qui avaient coûté cher à Gaston :  ceux du gars qu’a perdu l’esprit !

- Vous avez votre attestation dérogatoire de déplacement ? que lui a demandé Thompson.

Il semblait s’affaisser des méninges, le ziguche. Se débattre dans le yaourt.

- Ma quoi ?

- On peut voir vos papiers, citizen Ken ? Vous avez eu un accident de luge ?

- Ils sont restés dans le compartiment du train, je retourne les chercher.

- Où est-ce que vous voyez un train, M’sieu ? Et qu’est-ce que vous faites en robe de chambre dans ce coin paumé de l’Iowa ?

- Iowa ? Iowa ? Mais on m’attend à Paris ! J’ai une allocution à faire à la télévision ! Je n’ai rien à faire en Iowa !

- Mon cher Thomson, je crois qu’on est encore tombé sur un chtarbé de première ! Vous vous appelez comment, M’sieu ?

- Je vais faire Allemande honorable, messieurs les policiers : d’habitude je réponds Oscar de Tours à cette question mais là, j’ai un méchant blème : je ne sais plus comment j’m’appelle. Peut-être qu’on m’a filé un coup sur la cafetière pour me piquer mon larfeuille ?

- Il porte une cravate de soie, Thompson, c’est pas forcément un rolling stone. Vous avez quoi sous votre robe de chambre, M’sieu, un pige-moi-ça en chachlik mercerisé ?

Le gars écarte les pans de sa robe de chambre, tout surprisi de voir qu’il n’est pas à loilpé dessous.

- Ah ben non, je suis descendu avec mon veston, dites donc. J’ai juste le bas de mon pyjama. Tiens il est là mon portefeuille. Tenez, les voilà mes papelards !

- Paul…Deschanel. Vous êtes parent avec Coco, la gagneuse du numéro 5 ?

- C’est drôle : ce nom ne me dit rien du tout !

- En plus vous trimballez un vrai faux passeport ? Et en attendant, l’attestation de déplacement dérogatoire n’y est pas. Alinéa jacte à l’aise, M’sieu ! C’est pas que vot’ trogne de rubicond nous revienne pas mais on va vous emmener au poste, histoire de débrouiller les œufs de tout ça !

- Attendez, ça me revient ! Je suis le président de la République française. Je m’appelle Emmanuel Macron ! Il y a trente-sept millions de Français qui m’attendent comme le messie. D’ailleurs je suis le Messie, aussi ! Et Jupiter en même temps !

- C’est celaaaaaa, oui, a rétorqué Thompson en lui passant les menottes.

Il est sympa Thompson avec ses imitations d’acteurs français mais son répertoire n’est pas très étendu : Depardieu, Thierry Lhermitte, De Funès, Bourvil, Stop. Il manque juste Lucchini en fait mais ici, aux Zuhesses, ce gugusse nous fait le même effet que Woody Allen. On préfère ignorer.

- On va vous dresser contravention, allez, allez ! Pas d’discussion, allez allez ! J’connais l’ métier !

- Encore une journée faste, collègue. Un frappadingue dès le petit déj’, ca va donner, je sens, aujourd’hui ! Et qu’est-ce que ça serait si on exigeait que l’attestation soit tamponnée !

- Mets ton masque !

- J’ai mon masque !

- Mets ta ceinture ! Et toi derrière, le Frenchie, boucle-la aussi !

*** 

AEV 1920-26 JK Jours heureux

Dans sa cellule de dégrisement, Manu M. déprimait sévère.

Maintenant, il savait ce qu'elle valait, la gloire ! Un piédestal de sable, voilà ce que c'était ! Rien de plus ! Les hommes juchés sur ce promontoire se croyaient des élus éternels mais au premier coup de vent, ils s'écroulaient !

En regardant au-dehors par la petite lucarne de sa cellule, il vit que la lumière de l’été était plus rasante qu’un discours électoral. Il ne savait pas du tout, mais alors pas du tout comment se terminerait ce cauchemar. Y aurait-il seulement encore des jours heureux ?

P.S. Et comme disait la môme Jeannine, ami lecteur, amie lectrice, «Et en plus, c’est vrai» ! Tu peux vérifier ici de tes propres châsses la véracité du pitch :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Chute_du_train_de_Paul_Deschanel

Enfonce-toi bien ça dans le caberlinche, mon pote : Quand des gens passablement évolués te donnent pour vérité des abracadabrances, c’est que ces abracadabrances se sont bel et bien produites !

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