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L'Atelier d'écriture de Villejean
14 avril 2020

Road trip / Célestine T.

Toute ressemblance avec la vraie vie est parfaitement plausible.

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En ces temps troublés comme une anisette par de l'eau d'Evian, où le mot d'ordre est de rester chez soi, on en est réduit à voyager par procuration, en s'inventant des roads trips de calebasse. 

En un sens, c'est pas plus mal : on a l'hydrocarburogramme plat, ça nous coûte peanuts, et les piafs nous disent merci. Les voilà qui réinvestissent les parcs, faisant frétiller les frondaisons de leurs trilles guillerettes. Tu m'étonnes ! Cinquante ans au moins que le ciel n'avait pas été si bleu.

Guillerette, je le suis tout autant quand, profitant d'un petit zeph printanier, je décide de troquer mes pelures d'hiver contre la seule chose qui tourne sur terre : une robe légère version Souchon. J'ai un rencard de première, à ne pas louper. La lumière du soir est plus rasante qu'un discours électoral.

Soudain apparaît en pétaradant comme de juste, une splendide torpedo Panhard et Levassor, magnifiquement surmontée d'un bel homme tirant sur le blond et sur une cibiche qui volute comme dans les films des années 50. Je reconnais Bleck.

- Allons boire le dernier de la journée, je crève de soif depuis le temps que je m’aiguise la menteuse sans mouiller la meule ! lui dis-je en souriant.

- Attends, ma libellule, attends, j’ai des projets plus ambidextres pour toi, qu'il me répond.

Et nous voilà embarqués sur la route de Madison, via le boulevard du Rhum.


- Il me faut faire Allemande honorable, dit-il en souriant. Ça fait cinq ans que je te dois un resto, alors cette fois, je me suis dit ne reculons plus, sautons. Enfin si je puis me permettre cette expression hardie autant qu'osée... Ça fait cinq ans que je me dis que je vais franchir des Himalayas de réprobation, et annapurniser dans le désenchantement... Alors aujourd'hui : alinéa jacte à l'aise ! Je t'emmène chez Eugène manger des frites.

Au carrefour des Etoiles, deux clampins traversent devant lui sans regarder. Il pile.

- Toujours pareil, quand on algarade en ville, les badauds pullulent comme cellules en tumeur ! s'écrie-t-il.

Et je vois bien que ça le met furinx. Il émet quelques bouts de râle, il ferre de lance, il abordage... puis reprend son sourire ultra brite. Tout en gouaillant, je fais gaffe parce que si cet olibrius prenait la fantaisie de m’aligner un taquet, sûr et certain que ça ferait travailler mon dentiste.

Je pourrais avoir peur, s'il s'agissait de Jojo la Défouraille, un loustic pas fréquentable, condamné à mort par accoutumance qu’on m’avait dit espadrillé en Amérique latoche.

Mais là, il s'agit du type le plus réglo de la blogosphère. Un chic type du genre de mon oncle Joe Krapov, qui dit toujours que « quand le respect de la gonzesse s'effiloche dans une nation, la débâcle n'est pas loin.»

Et c'est ainsi que, de fil en conversation, nous sommes arrivés chez Eugène, après une cinquantaine de bornes de décoiffage décapoté (contrairement aux films des années 50 où pas un cheveu ne bouge malgré la vitesse).
 

Il passe ses mains sur ma chevelure, blêmit, rougit, jaunit, verdit, violit, marronit (comme Saint-Laurent du), orangit, arc-en-ciélit puis reprend tant bien que mal sa couleur initiale.

- Bon on se le fait ce resto ? demande-t-il d'une voix gris clair.

- Vamos, amigo ! réponds-je, le palpitant en capilotade. Et je franchis le seuil de la caverne alibabesque, en pensant au pont de Noirmoutier.

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