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L'Atelier d'écriture de Villejean
14 avril 2020

Retour au château / Josiane

traviata-hotel

Maintenant je savais ce que valait la gloire : un piédestal de sable, voilà ce que c’était ! Rien de plus ! Je venais d’en faire l’amère expérience, me retrouvais nu comme un ver, financièrement parlant, et j’avais dû me résoudre à retourner chez ma mère, habiter le sinistre château que j’avais quitté à grands fracas après une mémorable dispute avec l’auteur(e) de mes jours.

Pour réintégrer ce haut lieu de l’hypocrisie, de l’avarice et de la méchanceté gratuite, j’avais dû faire « l’Allemande honorable ». Pas question de retrouver les miens sans mettre genou à terre. Ma mère, une opulente mégère aux mains toujours gantées - ce qui resterait toujours pour moi un mystère - faisait régner la terreur à la maison. Personne n’avait jamais osé la défier, pas même mon père à l’heure de sa mort.

Ce soir-là, elle s’en était pris à lui sous un prétexte futile, la violence de ses propos aurait fait « sortir de ses gongs » le plus doux des époux. La femme de chambre raconte :

- Le pauvre monsieur émet quelques bouts de râle et se fout aux abonnés absents, il n’avait dû trouver que cette issue pour échapper à son épouse !

En rentrant au port, je franchis des Himalaya de réprobation, j’annapurnassai dans le désenchantement, d’autant que ma cousine Clotilde avait pris ses quartiers au château sous le prétexte de veiller sur la harpie. Elle s’était installée avec un clébard presque aussi mauvais que la vieille et qui passait son temps soit à l’admirer, soit à me mordre les mollets.

Il faut dire qu’elle savait y faire pour mettre les nouveaux venus dans sa poche au détriment des plus anciens. Même ce pauvre docteur Toinet. Quand il arrivait pour sa consultation hebdomadaire, elle lui faisait servir avec ostentation par Félix, notre majordome, un vieux cru sorti de ses chais dont il se délectait tout en lui prodiguant ses conseils d’abstinence.

un-soir-a-la-fenetreJ’avais quitté ma chambrette au dernier étage d’un immeuble parisien que je regrettais amèrement mais comment faire ? Mes BD ne se vendaient plus. Pour couronner le tout, la belle Angélique qui partageait ma vie avait quitté les lieux quand je m’étais retrouvé raide comme un passe-lacet. Sans doute avait-elle alpagué un autre pigeon pour intégrer un autre pigeonnier. Le sexe masculin est ce qu’il y a de plus léger au monde, une simple pensée le soulève et Angélique avait des atouts à faire rêver plus d’un quidam.

« L’an dernier j’étais un peu prétentieux, l’an prochain je serai parfait » me disais-je pour accepter mon sort. Ce qui fut vérifié l’année d’après.

Au château j’observais tout ce beau monde et ces lieux plus qu’étranges et étrangers à moi-même. Petit à petit des images venaient au bout de mon crayon. Je tenais les nouveaux personnages de la BD qui me redonnerait des ailes et par là-même ma revanche sur le vieux dragon, le clébard acariâtre et la cousine opportuniste.

Ah ! Ils allaient voir ce qu’ils allaient voir et tant pis si je ne retrouvais pas la gloire, seulement un peu de monnaie sonnante et trébuchante pour, tout simplement, gagner ma croûte et ma liberté.

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