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L'Atelier d'écriture de Villejean
6 février 2024

Les Trois petits cochons / Anne J.

 

Je vous présente mon cousin et mes deux cousines. Leurs parents les avaient nommés Henri, Françoise et Louise mais entre nous on les appelait Nif, Naf et Nouf comme les trois petits cochons et le plus souvent on utilisait leurs surnoms, Riri, Fifi et Loulou qui, vous les avez reconnus, sont les neveux de l'oncle Picsou.

 

L’aîné, mon cousin Henri, avait deux ans de moins que moi, ce qui était bien dommage car j'avais toujours rêvé d'avoir un cousin plus âgé qui me ferait découvrir la vie, m’emmènerait dans des endroits interdits, me ferait découvrir les boissons fortes et les bars louches, me prendrait avec lui en virée avec ses copains et dirait à tous fièrement en posant un bras sur mes épaules : « C’est ma cousine !».

 

Je me serais alors sentie importante et reconnue comme la cousine de Henri, protégée par son air de matador. Mais hélas il avait deux ans de moins et ne s’intéressait pas du tout à la grande bringue un peu commandeuse que j’étais. Il avait un air important et méprisant quand il rejetait ainsi sa casquette en arrière en se donnant des air de loubard et participait de mauvaise grâce à nos jeux d’enfants. Le problème avec lui c’est qu’il se croyait le meilleur partout, ce qu’ il était loin d’être mais il faisait merveille dans les rôles de bandit ou de malfrat avec son air canaille. 

 

Je me souviens de cet été-là, en vacances à la mer, dans une petite maison en bordure de la plage où nous avons fait les quatre-cents coups avec mes cousins. Le temps était plutôt à la pluie qu’à la baignade mais pour notre bonheur la maison avait un immense grenier où nous pouvions nous ébattre en toute liberté. Cette année-là j’avais rapporté de mon camp de scouts une série de saynètes - on disait des sketches pour faire plus chic - que j’entendais faire jouer à ma troupe composée de mes trois sœurs, de mon frère, de mon cousin et de mes cousines. Drapés dans des vieux tissus, des plaids, des étoles, coiffés de chapeaux et casquettes et munis de superbes accessoires, des cannes, des écumoires, des passoires, une cuillère en bois pour faire le micro et des vieilles chaussures à talons pour jouer à la star, nous répétions notre spectacle avant de nous produire devant les parents qui payaient leurs places vingt centimes et subissaient sans piper mot d’interminables monologues entrecoupés de fous rires et d’incidents divers.

 

Ma cousine Françoise, dite Fifi, que vous voyez à droite de la photo arbore un sourire boudeur car elle vient de subir une attaque de poux rapportés d’un camp de scouts et a dû couper ses nattes blondes qui faisaient tout son charme ; je l’ai toujours vue avec ses nattes enroulées sur le haut de sa tête façon Gretchen, même âgée, et ce qui à dix ans lui donnait des dispositions pour jouer les princesses lui donnait plus tard un air de vieille fille anglaise, ce qu’elle était d’ailleurs. A l’époque du théâtre amateur elle excellait avec ses grands yeux de biche effarouchée et ses longs cheveux blonds dans les rôles de princesse enlevée par le dragon ou de pauvre Cendrillon réveillée par le prince charmant. Bien évidemment elle quittait cette blouse d’écolière des années 60 et ses bottes de caoutchouc noir pour des oripeaux brillants et excentriques qu’elle drapait sur ses épaules osseuses ou autour de sa taille. Fifi avait un caractère facile, elle était docile et pouvait à l’occasion jouer un air de piano pour commencer la séance ou tâter du pipeau pour jouer la bergère.

 

La petite Louise que tout le monde appelait Loulou avait 4 ans de moins qu’Henri et était une pleurnicharde. Elle voulait toujours suivre les grands qui voulaient rarement d’elle et allait se plaindre aux parents avec son doudou sous le bras. On lui donnait des petits rôles, elle faisait le bébé quand il en fallait un, voire la bonniche si nécessaire ou le petit chat dans « pauvre petit chat », un jeu stupide que vous connaissez sans doute.

 

Mais un jour de tempête, on avait failli revenir sans la petite Louise et je frémis encore à notre bêtise et à notre imprudence d’enfants inconscients. C’était le jour du départ et de la rentrée en ville. Pour pouvoir finir le ménage et charger la voiture en paix, les parents nous avaient envoyés faire un tour en ce jour de tempête. Il ne pleuvait pas et la mer était haute alors on est allés sur la jetée dans le port pour voir les pécheurs à la ligne qui tentaient d’attraper des maquereaux et autres petits poissons sur la digue. On a marché jusque au bout de la digue là où les vagues tapaient sur le bord et on a joué à risquer de mouiller nos sandales et nos bas de pantalons. On riait de voir la vague arriver, se jeter sur la digue, nous éclabousser tandis qu’on reculait au plus vite et juste à la dernière minute pour éviter la mer furieuse. Une vague plus audacieuse est arrivée et Louise ne s’est pas reculée à temps, elle est tombée dans la mer et heureusement dans un réflexe instinctif je l’ai attrapée par sa blouse qui heureusement a tenu bon. Louise était trempée et moi aussi mais sauvée d’un bain dans la mer en furie et peut être d’une noyade.

 

Nos mères respectives nous ont copieusement grondées sans savoir à quoi nous avions échappé, les autres n’avaient pas vu grand-chose et n’ont rien dit ; il a fallu rouvrir les valises pour nous mettre des vêtements secs mais ce n’était pas si grave. Je crois bien que cette fois la punition a été acceptée de bonne grâce ! 

 

Et puis chacun a suivi sa route et il y a bien longtemps que je n’ai revu les trois petits cochons de mon passé de metteur en scène. Quel plaisir de retrouver dans une vieille boite à chaussures cette photo désuète. Bientôt personne ne saura plus qui étaient ces trois enfants et ne racontera plus les aventures supposées de ce trio ni même comment s’appellent les neveux de l’oncle Picsou.

 

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