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L'Atelier d'écriture de Villejean
31 janvier 2023

Le Quiproquo d'"Aragon et Castille" / Jean-Paul

AEV 2223-18 JK - Nietzsche Tintin Philippus

Vos parents vous mettent au monde, c'est à dire qu'il vous mettent dans la morale et tout le temps que vous demeurez dans ce tombeau préliminaire vous êtes bien aimé d’eux. Par contre quand vous vous répandez dans les rues en tapant sur un tambourin et en hurlant que Dieu est mort comme a fait Friedrich Nietzsche il vous foutent dehors de chez eux avec force coups de pompe dans le train voire une certaine quantité de coups de pied au cul.

Il en fut ainsi aussi pour Aurélien Dumariage sauf que, pas gêné au logis, il n'entravait en rien la morale. Ce tombeau préliminaire lui convenait à merveille.

Enfant, on l’envoya à l’école. Il y fit quelques farces, fut puni puis il prit l'habitude d'obéir aux injonctions du maître ou de la maîtresse. Il comprit qu'il fallait mettre un « s » au bout du mot « semaine » dans l'expression « Enfin me voilà rentré après deux semaines d'absence » sous peine de voir tomber des lettres rouges sur sa jolie rédaction à propos de « Qu'avez vous fait pendant les vacances ? ». Ou alors qu’il valait mieux changer la formulation et dire « Après quinze jours à Palavas-les-Flots » sans omettre le « s » au bout de « jours ». Bref il ne souffrit jamais de dyslexie, de dysorthographie et fut un bon élève.

L'orthographe maîtrisée, les corrections en rouge, c'était la lubie de Mademoiselle Otemarre. Cette institutrice avait des fulgurances extraordinaires quand elle corrigeait les rédactions de ses 36 petits zoulous.

- Dumortier, votre baratin, ce n'est rien que du galimatias ! Grattepanche, la manifestation de votre esprit en jachère mériterait qu’on la chante en dodécasyllabes !

AEV 2223-18 JK - Bagarre

Le fait que ni Wikipédia ni les téléphones portables n'existaient à cette époque nous fait comprendre que toute communication était coupée entre cette adepte du français soutenu et du vocabulaire riche et ces fils de bouseux, d'ouvriers ou d'incultes dont elle avait à former l'esprit dans un contexte forcément républicain. Mais pour tous ces petits ploucs l'égalité était déjà génétiquement établie : tout leur était égal dans le système scolaire ! La liberté s’exprimait à la récré sous forme de baston entre les plus coriaces d’entre eux et tout le monde s'agglutinait en colloque autour des belligérants pour penser « Youpi ! Une castagne ! » et réclamer « Du sang ! Du sang ! ». Pour ces joyeuses hurluberlus la fraternité, du coup, était tuée dans l'œuf.

Aurélien Dumariage se tenait à l'écart des galipettes stériles de ses colocataires. Dans le tombeau préliminaire il avait trouvé un recoin sympathique : la bibliothèque de son grand-père. Au début il lisait, enfin faisait semblant de lire, tournait les pages, regardait les images. Puis l'école lui apprit réellement à lire et à écrire.

Quand il découvrit les livres et les bandes dessinées à lui destinées, son esprit devint nomade. Il se mit au diapason de tous ces vendeurs d'illusions, le Swift de Gulliver, les tribulations chinoises de Jules Verne, les aventures irrationnelles de Tintin et Milou. Il s'enivra de cet élixir impuni, la fiction, et son imagination devint un abominable fourre-tout dans lequel Belphégor s'asseyait dans un fauteuil hanté, Sherlock Holmes explorait l'aiguille creuse, Robin des Bois faisait alliance avec Thierry la fronde, les Pionniers de l'espérance luttaient contre les robots et toute cette farandole de héros de papier lui tournait encore dans la tête quand il posait celle-ci le soir sur le polochon de son lit. Il évitait ainsi le torticolis obligatoire de ceux qui longtemps, se sont couchés de bonne heure sans pouvoir s’endormir.

Et puis, grâce à Mademoiselle Otemarre, Aurélien connut le plaisir de faire des rédactions, il sut bientôt écrire pour dire. Ces savoir-faire qu'on appelle aujourd'hui des fondamentaux ne sont ils pas en fait des ogres ou des vampires ?

Quand on questionna plus tard Aurélien sur son avenir et qu'il répondit : « Je veux devenir écrivain sinon rien ! » ses parents jugèrent qu’il n'avait plus de respect pour la morale sociale. Ils le mirent dehors du tombeau.

***

AEV 2223-18 JK - Aurélien

Ce sont les lapins qui ont été étonnés de voir le jeune homme s'installer avec ses livres et ses cahiers dans le vieux moulin abandonné !

A force d'imagination, de DonQuichottisme et d'esprit de suite, les ailes de celui-ci se sont remises à tourner et Aurélien a moulu une abondante farine de « feel-good-littérature » qui a cartonné en librairie. Il vient même de rencontrer Bérénice Alacolle qui est critique littéraire au Figaro mais ça c'est une autre histoire !

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