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L'Atelier d'écriture de Villejean
7 avril 2020

Madame Numérosept / Maryvonne

La lectriceBonjour Madame, nous avions rendez-vous mardi soir assez tard et je n'ai pu encore honorer cette rencontre car elle est pour moi assez énigmatique. Enfin aujourd'hui je me décide sans hésitation à faire le choix de mon interlocutrice. Sur la photo votre visage de bonne maman, un peu à la Françoise Dolto, m'a tout de suite attirée. Face à votre petit bureau éclairé par le soleil, vous lisez un long courrier de 3 pages.

A votre sourire je suis certaine que c'est votre fils Jean Paul qui vous écrit, Les mères aiment par-dessus tout les lettres de leurs fils. Allez-savoir pourquoi ? Peut-être parce qu'elles sont rares.

Après de brillantes études il a quitté votre giron, Vous souriez parce qu'il écrit bien, le bougre, et moi qui aime tant les relations épistolaires, je vous envie. Tous ces mots étalés là et enveloppés comme des bonbons vous les savourez des yeux. L'enveloppe justement n'est pas déchirée à l'arrache comme je le fais parfois avec mon pouce, elle est soigneusement découpée aux ciseaux, ils sont encore sur la table, et vous avez tellement raison. Ce moment d'ouverture, ce rendez-vous intime est tellement délicieux. Il faut le soigner.

Oh ! Ce n'est pas que du sucre, quelques dragées au poivre vous rappellent que vous n'êtes pas une mère parfaite et quelques caramels mous colleront à la dent que vous avez contre lui quand il se fâche. Mais le reste de la journée vous sucerez les compliments en forme de fleurs, bonbons coquelicot ou violette qui se vendent en bocaux à l'épicerie et que vous mettrez en conserve (les compliments) dans votre panthéon des meilleurs moments.

Il vous dit regretter votre riz au lait que vous portiez dans le four du boulanger. Il est bien serviable, le boulanger. A la ville où il est maintenant c'est impossible, d'ailleurs le pain n'est pas aussi bon. La confiture « Bonne Maman » est une appellation mensongère, ce sont les vôtres qu'il aime, surtout la rhubarbe. Le matin quand il se lève personne ne lui a fait son café ni n'a réchauffé une tranche de brioche. Voilà un bon fils n'est-ce pas ?

Passons à la réalité :

Je m'appelle Germaine Marette et, bien qu'originaire d'Auvergne, je vis dans le Nord. J'ai 60 ans et je les porte bien. Je viens de recevoir une longue lettre mais ne vous trompez pas ce ne sont ni ma fille, ni mon fils qui m'écriraient si longuement. Ces ingrats se contentent de quelques lignes de temps en temps et souvent pour des banalités. D'ailleurs je n'ai jamais de « Chère maman ». C'est pourtant le plus joli mot dans toutes les langues. Quand j'étais « la femme à deux cœurs » comme on appelle ici les femmes enceintes je rêvais de me faire appeler maman à tout vent et que l'écho le répétait à loisir.

De leurs amours ils ne me parlent pas non plus, sans doute une pudeur extrême entre nous. Pourtant je brûle de leur parler de ce courrier qui pourrait incendier ma vie. Apparemment le boulanger n'est pas insensible à mes miches et j'en souris intérieurement, même, disons-le, ouvertement. Il a remarqué que j'étais allée chez le coiffeur et que cela était bien seyant. Il a du vocabulaire, notre maître en boulange. Il y a longtemps que je n'avais pas eu tant d'éloges sur mon physique et sur mon humour, ça fait un bail que mon mari ne rit plus de mes blagues. Lui, mon nouvel amoureux, il s'en tape sur les cuisses à en faire voler la farine de son pantalon.

AEV 1920-25 Maryvonne affiche-du-film-de-marcel-pagnol-la-femme-du-boula

Physiquement il n'est pas mal non plus, il a une petite brioche de bon vivant qui le rend sympathique alors que chez moi il y a une planche à pain : sèche comme une baguette rassie.

Il me rend souvent des services ; dans son four je porte à cuire mes rôtis et mon riz au lait, la teurgoule. Mes tartes sont parfaites ; même s'il en vend il n'en prend pas ombrage.

Quand je lui porte les plats, je traîne un peu dans la boulange, je caresse sa chatte Pomponnette, il adore les animaux comme moi mais mon mari est allergique.

Maintenant c'est vous qui devez me trouver un peu tarte à mon âge. Mais on n'a qu'une vie et maintenant que mes enfants sont partis j'ai envie de la dévorer par les deux croûtons.

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