L’Arrogance de l’uraète / Marie-Thé
A l’aube ce matin, l’aigle du pic d’Aneto quitte fièrement son aire après avoir constaté que sa bien-aimée avait pondu un œuf d’une taille impressionnante.
Les ailes déployées, l’œil attentif à l’animal qui pourrait servir de petit déjeuner à la mère de son futur aiglon, il vogue au-dessus des Pyrénées en glatissant et trompetant à tue-tête.
Il clame :
- Admirez-moi, regardez-moi, circaètes, gangas, bouquetins, isards et autres animaux ! Je vais être le père du plus bel oiseau du monde ! Mon aiglon sera un aigle royal admiré par vous tous. Ses ailes, développées dans le ciel azur vous émerveilleront. Son cri sera aussi doux qu’un oratorio del Cavaliere. Les faibles craindront son bec acéré. Son vol sera un spectacle féérique. Les hommes, ces animaux si fiers de leur intelligence, viendront contempler ses déplacements dans le ciel azur. Ils écouteront sa musique mélodieuse et filmeront son vol élégant pour le montrer aux autres humains. »
Notre aigle ne se sent plus de joie. Il tourne, virevolte, déploie ses ailes sous le regard envieux de la faune pyrénéenne.
Le ganga ou la gélinotte des Pyrénées
Exhiber sa fierté, son arrogance, cela lui fait perdre la boussole. Il ne voit pas l’éolienne qui le bouscule avec des pales beaucoup plus grandes que ses ailes déployées.
Il atterrit brutalement sur un humble petit bonsaï qui amortit un peu sa chute et lui dit : « Rien ne sert de frimer, Uraète, tu auras toujours besoin d’un plus petit que toi ! ».
Tout penaud, notre aigle, un peu moins royal, reprend son envol avec humilité.