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L'Atelier d'écriture de Villejean
28 novembre 2023

La Vie cachée de Caroline Kann / Anne J.

Elle consulta son planning pour la journée et poussa un gros soupir. Ça allait être une grosse journée, comme bien souvent. Caroline Kann tenait depuis quelques années avec son ex-mari Robert un central de taxis et même dans une petite ville comme Tolérance, c’était beaucoup de travail. Mais Caroline aimait ce travail qui lui faisait rencontrer toutes sortes de personnes et fréquenter tellement de lieux emblématiques dans sa ville adorée. Pour rien au monde elle n’aurait habité ailleurs ou fait un autre métier.

Bon à 9h, il fallait récupérer Madame Philidor à la piscine de l’Hippopotame, comme tous les lundis et jeudis matin. C’était le moment réservé aux personnes corpulentes, voire plus, et la plupart d’entre elles y allaient sur prescription de leur médecin. Caroline sourit en pensant à la grosse madame Philidor en maillot probablement trop petit pour contenir sa masse. Allongée sur le dos elle devait faire penser à une baleine ; heureusement qu’elle ne s’appelle pas Madame Phildefer, pensa-t-elle en pouffant mais quelle chance que la piscine soit aussi possible pour ces personnes là.

AEV 2324-10 Anne J

A 10h, elle passerait devant la statue du grand Turc et fredonnerait inévitablement la marche turque de Mozart, un de ses morceaux préférés ; ça la mettait toujours de bonne humeur et c’était absolument nécessaire avant de retrouver Madame Staunton et Mr Bird à la MJC Diagonale . Ils étaient drôles ces deux-là : ils faisaient mines d’être juste de bons amis mais tout le village savait que Mr Bird quittait sa maison la nuit tombée pour rejoindre la petite maison de madame Staunton d’où il repartait le matin en faisant mine de lui avoir emprunté le journal. Ils s’étaient rencontrés au cours de gym douce de la MJC où ils soignaient tous deux des troubles de l’équilibre et de la marche liés à un début de maladie de Parkinson. Ma grand-mère aurait dit qu’ils sucraient les fraises ! Mais Dieu qu’il fallait de la patience pour attendre qu’ils montent dans la voiture et s’installent. En plus ils se faisaient des politesses style « Après vous, chère amie » « Mais non passez le premier je vous en prie » etc.

Avec tout ça il serait déjà presque midi, Caroline prendrait alors la rue du Fianchetto , celle où elle avait rencontré Robert qui titubait après une soirée arrosée à 1h du matin et qui avait alors vomi dans son taxi comme un malpropre. Le lendemain il était venu s’excuser avec un bouquet de 50 roses et un sourire tellement charmeur qu’elle avait succombé. Robert était un homme charmant quand il n’avait pas bu mais hélas il buvait assez souvent et Caroline avait fini par le mettre dehors.

AEV 2324-10 Anne J

La rue du Fianchetto conduisait à la Casa Rossolino tenue par le clan des Siciliens et une mamma sicilienne qui faisait des pizzas à damner tous les saints de Sicile ; Caroline les adorait mais ne s’en autorisait qu’une par semaine, sinon c’est sûr on finirait par la retrouver le lundi à la piscine de l’Hippopotame

Puis ce serait le moment d’une petite sieste bienfaisante avant de rejoindre l’école scandinave et les 3 petits Nimzovitch, 2 filles et un garçon qui habitaient en dehors du village et que leurs parents avaient inscrits dans cette école révolutionnaire où on faisait cours dehors par tous les temps et où il n’y avait pas d’autre salle de classe que les bois et les champs alentour.

Les petits Nimzovitch rentrés chez eux, Caroline s’accorderait une pause avenue de la Volga où se réunissait sa chorale préférée qui ne chantait que des chants russes transposés à l’octave supérieure car il n’y avait que des femmes pour chanter ces hymnes au grand Staline malheureusement écrits pour les basses profonds des cosaques.

AEV 2324-10 Anne J

A 20h, elle rejoindrait ses copines Gaby, Olga et Sophie au restaurant de la Fourchette Royale Elles y finiraient la soirée en compagnie du cavalier Pieuvre, de l’évêque noir, et du docteur Hérisson à raconter des ragots sur les habitants de Tolérance , à jouer au « 6 qui prend » et à siroter de la vodka géorgienne de contrebande.

On avait écrit « les malheurs de Sophie » mais qu’il était bon d’écrire « les bonheurs de Caroline » à moins que ce ne soit «  La vie cachée d’un chauffeur de taxi à Tolerance » !  

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