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L'Atelier d'écriture de Villejean
19 mai 2020

Les Ostéopotes de Marco / Anne J.

Marco sortit de chez lui et se rendit chez le fleuriste de son quartier, enfin ouvert. Il voulait un bouquet pour son ostéopathe. Elle l’avait si bien soigné de son mal de dos, de hanche, de genou à force de rester assis dans son canapé. Il voulait la remercier, celle qu’il appelait « ma magicienne » et dont il était secrètement un peu amoureux. L’ostéopathe d’ailleurs n’en avait cure, elle avait déjà un mari et sa seule passion était la pêche à pied. Tout le monde le savait, il était impossible d’avoir un rendez-vous les jours de grande marée, l’ostéopathe était à la pêche et sur sa vitrine un papier collé annonçait : « Repassez plus tard ». 

AEV 1920-31 Pêche à pied - Anne

Marco choisit son bouquet et s’avança vers la caisse mais à son passage une de ces grosses fleurs rouges qui ressemble à une marguerite inclina délicatement la tête pour attirer son intention. Il eut alors une pensée pour sa vieille amie Eléonore qui aimait tant le rouge. A Eléonore Marco confiait ses peines et elle savait si bien l’écouter, son « ostéopote » et elle lui était une amie fidèle depuis si longtemps.

AEV 1920-31 Girafe à vélo - AnneEn se baissant pour prendre la grande fleur rouge, Marco entendit une voix qui murmurait très doucement « Paul !». Intrigué, il regarda autour de lui. Il n’y avait personne de si bon matin, juste la vendeuse derrière son plexiglas. « Paul, Paul ! » disait une grosse fleur blanche. Marco ajouta une pivoine blanche à son début de bouquet.

Sur le trajet jusqu’à la caisse une rose jaune lui murmura « Claire ! », une primevère d’un violet agressif lui susurra « Louis ! » et « Jeanne ! » et un groupe de soucis chanta : « pense à la chorale ! » tandis que les tiges de papyrus lui glissaient à l’oreille « …et à ton atelier d’écriture ! »

Marco sortit du magasin avec une grosse brassée de fleurs et le cœur tout ramolli en pensant à tous ces ostéopotes qui lui faisaient la vie plus douce. Avec son vélo, il entama un grand tour du quartier pour déposer sur le seuil des maisons, la fleur achetée. Au cimetière, il mit une grande gerbe de glaïeuls sur la tombe de Marie et rentra chez lui, tout pensif.

Une fois revenu à la maison, il dessina de longues tiges sur des feuilles de papier blanc, à l’encre de Chine, des dessins doux aux contours fragiles et flous, comme ces amitiés lointaines dans un autre monde. Il les glissa dans des enveloppes, un mode de communication suranné mais si précieux.

Et pour sa grand-mère, il glissa un brin de muguet dans le livre qu’il lui porterait la semaine prochaine.

Alors il s’assit dans son fauteuil et s’endormit. Dans son rêve tous ses ostéopotes dansaient en rond autour de lui. Un sourire ravi se dessina sur son visage.

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