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L'Atelier d'écriture de Villejean
7 avril 2020

Le Rêve de Léontine / Marie-Thé

Louise, Françoise et Edmund

Dans la maison de retraite de son village, elle a sorti sa boîte à souvenirs. Ses mains tremblantes cherchent et trouvent une photo prise un dimanche matin par son père. Elle y figure avec son petit frère et sa mère.

Elle avait alors 17 ans et se promettait d’être une hôtesse de l’air, d’avoir des talons hauts et de voir le bas d’en haut.

Nostalgie, c’est le mot qui lui vient à l’esprit en regardant la photo, avec le regret de n’avoir pas réalisé son rêve.

A l’époque, pleine de vie et d’insouciance, elle est tombée sous le charme de Félix, le plus beau gars du village, disaient ses amies.

C’était la fin de la guerre. Les bals du dimanche après-midi attiraient les jeunes, heureux de se défouler après tant d’années difficiles pour tous. Elle n’aurait pour rien au monde raté une pareille occasion de se distraire.

C’est précisément le jour où a été prise la photo qu’a débuté son idylle avec Félix. Lorsqu’au son de l’accordéon a commencé le bal, ses yeux noirs se sont posés sur elle.

Elle se souvient des frémissements de son corps quand il s’est approché, l’a prise dans ses bras, l’entraînant dans une java exaltante.

Le soir, ils se retrouvaient derrière le château. « Je vais chercher des champignons » disait-elle à sa mère, qui la mettait en garde contre les garçons trop entreprenants.

Lorsqu’elle a attendu un enfant, pas question pour sa famille qu’elle soit fille-mère. Elle a épousé Félix à la hâte. Adieu son rêve de devenir hôtesse de l’air et de regarder le bas d’en haut !




Pendant 8 ans, elle a mis au monde un enfant chaque année, jusqu’au jour où elle a dit à Félix : "Stop ! Des enfants j’en ai eu tout mon saoûl ! ".

Puis, comme elle, son bel amoureux est devenu bien vieux et « il a ciré ses bottes pour se présenter devant Dieu » comme ils disaient au village.

Devenue veuve, elle est entrée à la maison de retraite, et là elle s’invente une vie d’hôtesse de l’air, pleine de péripéties dans lesquelles elle est l’héroïne.

Les pensionnaires sont tous admiratifs de Léontine qui les fait rêver en racontant sa vie hors du commun.

***

Léontine, aux Hortensias :

AEV 1920-25 Marie-Thé Natacha

Ouf, je suis revenue dans ma chambre. La maison de retraite des «Hortensias», entre nous c’est un beau nom pour un endroit un peu sinistre ! Ici il n’y a que des vieux !

Moi, ils me prennent pour quelqu’un de très important parce que je leur raconte l’histoire d’une vie qui aurait pu être la mienne. Il y a un pensionnaire qui m’admire, qui me trouve à son goût ! Toujours à me suivre, à vouloir être à ma table, à m’interroger sur mes voyages. Je me méfie, s’il découvre le pot aux roses, c’en est fini de ma vie d’hôtesse de l’air.
Qui les fera rêver, tous ces pensionnaires qui me prennent pour une vedette ?

Bon, je me couche, il faut que je réfléchisse à l’histoire que je vais raconter demain. Bah, je peux redire plusieurs fois la même chose, ils ont la mémoire qui flanche !

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