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L'Atelier d'écriture de Villejean
12 décembre 2023

Petit Paul fait une belle rencontre

Le boulanger avait dit : « Il faut me livrer ces deux baguettes. » Paolo était allé chercher son vélo, aussitôt suivi par Petit Paul qui avait à peine eu le temps de se demander s’il était vraiment plus grand que les baguettes. Paolo avait enfoncé le béret sur la tête de son petit-fils, l’inclinant sur la droite pour le protéger du soleil. Il avait ensuite pris le sien avant de charger les baguettes et le garçon sur le porte-bagages. Ils étaient partis par la grand-route.


Dans le bourg et à sa sortie, il y avait une ligne blanche qui délimitait la route puis, lorsqu’on arrivait dans la campagne, la ligne s’interrompait au niveau des platanes. 


Paolo aimait prendre son temps, il aimait que les autres sachent le faire aussi. Il roulait quasiment au milieu de la chaussée et tant pis pour les voitures qui arrivaient derrière. Elles doubleraient si elles avaient envie mais lui ne se rangerait pas. Petit Paul aimait accompagner son grand-père qui sifflotait des chansons ou des airs joyeux. C’était, sur ce vieux vélo, le moment de complicité particulier entre eux.


Ce jour-là, Petit Paul entendit du bruit derrière lui. Il se retourna et distingua au loin une voiture qui approchait en dégageant de la poussière.

 

- Pépé Paolo, Pépé Paolo, je crois qu’il faudrait se mettre un peu sur le côté… »

 

Mais Paolo n’en avait pas envie et venait seulement d’attaquer le refrain de "La Java bleue".

En y repensant ce soir-là, Marylin leva les yeux de son livre et sourit. Vraiment, ces français : les bérets, le vélo, la casquette et cette lenteur dans la manière de vivre dans les campagnes ! Elle avait demandé au chauffeur de sa belle voiture rouge de ralentir et de rester derrière le vélo. Ils avaient roulé lentement en décapotable. Marylin avait alors entendu Paolo chanter. Elle, dont la voiture filait jusque là vitres fermées à vive allure, s’était laissé cueillir par ce jeune enfant d’abord inquiet puis joyeux, la chanson du grand-père, les baguettes qui lui faisaient envie et tous les parfums de l’été qui lui réjouissaient les narines. La voiture s’était ensuite portée au niveau du vélo et elle avait tenté d’engager la conversation avec Paolo. Devant les incompréhensions, ils avaient fini par communiquer par gestes, ce qui n’était guère évident pour Paolo qui ne pouvait pas trop lâcher son guidon !


Marylin sourit et envoya des baisers au vieil homme et à l’enfant. La voiture fila devant. Marylin était attendue et ils étaient déjà en retard. Elle décida de garder en mémoire ces quelques minutes incongrues comparées au reste de sa vie.  C’est cette dernière image qui lui resta quand elle quitta ce monde. Personne ne sut qu’elle partit dans l’au-delà avec ce dernier souvenir de tendresse, de chaleur, de douceur et de paix. 


La baronne Trucmouche du Machin Chose qui allait se recueillir sur la tombe de son défunt mari, magnat du pétrole, ne daigna pas diriger son regard vers l’allée du cimetière où Marylin est enterrée : cette Marylin, dépravée, droguée, aguicheuse, qui était capable de détourner d’honnêtes hommes, dont le sien, d’un beau mariage et d’une vie de père de famille ne valait pas le détour.


La baronne, accompagnée de son petit chien et du gros de son défunt mari, accéléra le pas pour aller se recueillir sur la tombe familiale d’où un photographe prit le cliché de ces huit pattes.
 

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