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L'Atelier d'écriture de Villejean
1920-23 recette
24 mars 2020

W comme wafel ! / Adrienne

AEV 1920-23 Adrienne gaufresDans la grande famille du grand-père maternel, celle où grand-mère Adrienne est entrée par son mariage - elle qui était fille unique - il n'y avait qu'une seule bonne recette de gaufres, détenue par une seule personne: la Mater Familias, Marie-Angélie.

Seules deux de ses belles-filles ont réussi à devenir les dépositaires de la fameuse recette - et vous imaginez avec quelles papilles critiques leurs gaufres étaient goûtées et évaluées à l'échelle de celles de la Mamma, jamais égalées, évidemment, toujours approchant, toujours manquant ce petit je ne sais quoi...

Gaufre, en néerlandais wafel, dans le dialecte de grand-mère Adrienne, woefo.

Mais quand elle disait "kgoe a ne woefo geiven!" ("je vais te donner une gaufre", c'est-à-dire une baffe) il fallait se tenir à carreaux.

Même si elle ne mettait jamais sa menace à exécution - elle était bonne comme le bon pain - le menacé savait qu'il ne devait pas lui courir sur le haricot, que la coupe était pleine.

 

 

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24 mars 2020

Le Hareng à la japonaise / Jean-Paul

Léon le pêcheur 01 réduit

A la maison, en ce temps-là, il n’y avait que le grand-père pour manger du poisson.

C’est peut-être parce qu’il était lui-même un grand pêcheur devant l’éternel. A revoir les albums et les boîtes de photos que j’ai récupérés récemment on pourrait croire qu’il a passé sa vie à accrocher des vers au bout de son hameçon, à monter des lignes avec des petits plombs, à amorcer, à surveiller son bouchon, à se faire photographier avec de jolies prises.

C’est peut-être cela, le secret du bonheur : être pêcheur au bord de l’eau.

Tout ça pour dire que Maman, qui faisait les courses des deux familles, s’arrêtait parfois « au Saumon d’or », chez Jules Turbiez, le poissonnier de la grand’rue, et qu’elle ramenait des rollmops ou des harengs saurs qu’on appelait des saurets. Je n’ai pas souvenir qu’elle ou grand-mère aient jamais cuisiné du cabillaud, du thon, du lieu ou du sabre comme je le fais très souvent maintenant. 

Poissonnerie Jules Turbiez 
Photo d'un "mariach' à sabots" extraite du calendrier 2017 de la ville de L.

Alors vous pensez bien, le hareng à la japonaise, ça a été un grand moment de drôlerie dans notre histoire commune !

C’était en 1980, à Cracovie, je crois. Il nous avait emmenés, ma grand-mère, mon frère et moi, passer des vacances en Pologne et en Tchécoslovaquie où il avait des connaissances et des points de chute pour le logement.

Vous-ai-je déjà dit qu'il était un espion du KGB ? Oui, je l'ai dit et ceci explique cela.

Ce jour-là, on était entrés, tous les quatre, sans accompagnateur autochtone, dans un restaurant.

On a regardé la liste des plats sur le menu mais tout était écrit en polonais et uniquement en polonais. Pour demander des explications en allemand ou en russe, les deux langues dans lesquelles, avant même d’être devenu Breton, je pouvais baragouiner quelque peu, c’était compliqué : les Polonais, pour des raisons d’envahissements intempestifs de leur territoire que l’on sait, détestent entendre le sabir de leurs voisins de droite comme de gauche. Tout ce qu’on savait c’est que les knedliky, ces boulettes de farine qu’on vous servait trempées dans une espèce de soupe, c’était pas top.

Alors on s’est lancés au hasard et moi, comme entrée, j’ai pris « Śledź po japońsku ». C’était d’autant plus gonflé qu’à l’époque on avait encore moins idée de ce que pouvait être la cuisine japonaise mais on ne se faisait pas de sushi pour si peu. On verrait bien !

Eh bien figurez-vous que c’est très bon, « Śledź po japońsku » ! C’est du hareng fumé mélangé avec des pommes, des cornichons et de la crème fraîche !J’ai fait goûter le plat à mon grand-père. Tout le restant de sa vie il a regretté de ne pas avoir fait le même choix que moi !

Finalement, la cuisine, c’est comme le jeu d’échecs ! Ce n’est pas vous qui gagnez, c’est l’autre qui fait le premier une erreur dans son choix !

En voici la recette qui est devenu un plat traditionnel de la maison Krapov :

Vous prenez un paquet de filets de harengs fumés doux. Vous les passez sous le robinet histoire de les dessaler un peu, même si, en argot, le hareng est toujours dessalé.
Vous coupez les filets en morceaux d’un centimètres.
Vous les mettez dans un grand saladier.
Vous épluchez un oignon et le coupez en fines lamelles.
Vous ajoutez trois ou quatre petits cornichons coupés en tronçons.
Puis deux cuillères à café de câpres.
Un piment de Cayenne séché que vous découpez très (con)finement.
Puis trois pommes fruit que vous pelez, épépinez et coupez en demi-quartiers.
Vous versez là-dessus deux cuillères à café de jus de citron, une cuillère d’huile d'olive, du poivre et un pot de dix centilitres de crème fraîche.
Vous mélangez et servez frais.

Bon appétit !

Pardon : Smacznego !

24 mars 2020

Camarades ! / Maryvonne

               Mes chers camarades de l'atelier de Villejean,

Là où l'on cuisine les mots à la sauce sourire, ce soir j'en ai gros sur la patate car nous voilà bons comme la romaine pour enfiler plusieurs semaines de confinement. Je suis triste comme un jour sans pain de ne plus échanger avec vous tous. C'est la raison pour laquelle (expression que les politiques nous servent à toutes les sauces) je viens tailler une bavette avec vous. Elle ne sera sans doute pas aux petits oignons car votre présence autour de la table est l’ingrédient qui fait monter la mayonnaise chaque mardi soir. C'est donc seule que je me jette à l'eau du court bouillon.

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Même si ça commence à nous courir sur le haricot il faut faire avec cette situation dramatique. Chacun réagit avec son tempérament mais aussi avec son estomac. Chez nous ne parlons pas de jeûne s'il vous plaît, c'est un mot que l'on a glissé sous la planche à découper depuis longtemps. Au contraire, avec tout le temps qui m'est imparti, j'ai sorti mon cul de poule et je joue les maîtres-queux pour ne pas déprimer. J'vous raconte pas mais je raconte quand même les petits plats qui mijotent ici. En plus on se fait des apéros « wattsapp » avec nos copains ». Mon mari, ce grand dépendeur d'andouille, accepte de manger à chaque repas à mon restaurant. C'est une victime, le pauvre chou.

Il en découle des sacrifices : ça exige, entre autres, une discipline de fer côté sport. Je suis devenue experte de la montée et descente de l'escalier un certain nombre de fois à la suite. Il faut cependant ne pas être beurré comme un petit lu. La première fois j'ai raté la deuxième marche, la tuile ! Ca risquait de ruiner ma carrière de sportive de haut niveau. J'ai bien failli l'avoir dans le baba ! Je compte bien à la fin du confinement être sur la première marche du podium et brandir les lauriers en plus de la médaille en nougatine. Je fais aussi des mouvements pour garder de la souplesse. Lever de coude, saut de carpe, abdominaux pour garder mes tablettes de chocolat (fondues).

Avec tout ça, si le «coro» m'attrape je vais mourir en bonne santé. Il paraît que Dieu a dit : "A la Pentecôte, compte tenu de la situation cette année l'esprit saint ne descendra pas c'est vous qui monterez». Je pense que c'est une «fake news». De tout façon je ne comptais pas répondre à son invitation.

Maintenant que nous vivons comme des coqs en pâte on ne va pas lâcher l'affaire et, cerise sur le gâteau, nous allons faire des économies pour vivre longtemps et chez nous.

Je conçois que cette brochette de termes culinaires est un peu indigeste et que vous en restez comme deux ronds de flan, l'estomac au bord de la nausée. C'est la faute à la consigne et ce serait fort de café de le reprocher aux simples écrivaillons qui ne font qu'obéir à un animateur original.

Pour faire passer la pilule j'ai ajouté du sel de la conversation et une pointe d'humour, je sais que beaucoup en sont friands.

AEV 1920-23 Maryvonne Claude Reynier productions 06-absenteisme
Copyright Claude Reynier productions

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