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L'Atelier d'écriture de Villejean
31 mai 2022

Nouvelles du front / Jean-Paul

Les présidents Zelinsky et Poutine viennent d’achever la 983e partie de la demi-finale du championnat du monde d’échecs. Encore une fois il s’est agi d’une partie nulle. Les deux adversaires sont de force égale, ou d’égale faiblesse, comme on voudra. Aucun des deux n’arrive à prendre le dessus sur son concurrent.

Les conditions de la confrontation ne facilitent pas non plus la victoire de l’un sur l’autre. D’abord on n’utilise pas la pendule de la même façon que dans les compétitions officielles du « roi des jeux ». Chaque joueur dispose de quinze minutes pour déterminer le coup qu’il va jouer, avancer un pion, sortir un cavalier, échanger un fou contre une tour, donner un échec au roi adverse. Les Panzerdivisionen du néo-stalinien et du pseudo néo-nazi avancent donc à la cadence de deux coups à l’heure. La partie ne dure que six heures. Si aucun des deux joueurs n’a infligé un échec et mat à son adversaire au bout de ces douze coups, la partie est déclarée nulle et les joueurs reviennent le lendemain après-midi.

Ce nouveau système de « guerre symbolique » a été approuvé à l’unanimité par l’Organisation des Nations-Unies. Il a l’avantage de préserver un sacré vieux paquet de vies humaines, de ne rien coûter en matériel militaire et de laisser intactes les villes et régions des pays concernés par un conflit dont les justifications sont généralement toujours stupides. Les militaires restent cantonnés dans leurs casernes et suivent sur le site de la revue Europe-Échecs, sur BFM-TV ou sur la chaîne Russia today l’affrontement des deux chefs d’État.

Bien sûr, la plupart du temps ils ne voient s’échanger que douze coups de pions et ne peuvent pas apprendre grand-chose ni sur la théorie des ouvertures ni sur ce qu’il y a dans la tête de Vladimir Poutine. Mais qui le peut et quel intérêt cela a-t-il ? Et puis, ne l’oublions jamais, les militaires sont comme les supporters des équipes de football, ils ont l’entendement un peu limité et ont appris à obéir, acclamer et boire de la bière et non à réfléchir trop, que ça donne la migraine à la fin.

Mais nous-mêmes, sommes-nous bien placé·e·s pour critiquer qui que ce soit ? Dès que Magnus Carlsen, l’actuel champion du monde d’échecs, place son fou roi en fianchetto sur la case g2 après avoir poussé des pions en c4 et d4, ne sommes-nous pas déjà complètement perdus au douzième coup quand nous nous apercevons qu’il n’a toujours pas récupéré le pion sacrifié en c4 ? La partie catalane ne peut-elle pas être considérée, finalement, comme un gambit ?

Il faut juste considérer que depuis l’instauration de cette procédure, à savoir la résolution des conflits par l’affrontement échiquéen, le monde est globalement en paix.

Le jeu d’échecs rend fou ? Peut-être, mais devenir chef d’État n’est jamais vraiment non plus un signe de santé mentale. Passer des heures à réfléchir sur les positions que peuvent prendre trente-deux petits bouts de bois sur un plateau carré divisé en soixante quatre cases, c’est peut-être idiot mais, comme disait ma grand-mère « Pendant qu’ils font ça, ils ne font rien de mal ! ».

Simplement, à ce rythme là, on ne risque pas de décerner le titre de champion du monde avant longtemps car dans l’autre demi-finale qui oppose Joe Biden à Xi Jing Ping, le Chinois qui a réussi à placer une fois le coup du berger mène par une victoire et 982 parties nulles. Par mesure de sécurité pour l’humanité, le nombre de parties à disputer a été fixé à dix mille pour la demi-finale.

La récompense du champion du monde, si on arrive un jour à en désigner un, sera bien entendu une place gratuite à vie dans un EHPAD Orpéa.

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