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L'Atelier d'écriture de Villejean
29 janvier 2018

Salut la compagnie créole ! / Jean-Paul

170708 Nikon 131Famille décomposée, famille recomposée… va, je ne te hais point !

- Célimène ! C’est l’hymen ! » hurlait la foule en liesse.

Au mariage de ma femme, j’ai un peu forcé sur le ti-punch ! Comme on dit aux Antilles « A fos makak karésé ich li, i tjwé li ! ». A trop vouloir bien faire, à trop vouloir caresser la famille dans le sens du poil, le singe qui est en nous en arrive à faire des conneries irrémédiables ! Vaste kouyonad !

De fait, ça m’a fait chaud au cœur de revoir Simone, la jolie cousine de ma femme.

- Invite-la à zouker ! m’a dit celle-ci. Elle sort d’un tourment d’amour. Danser, c’est bon pour le moral !

- Allez, en voiture, Simone ! ai-je dit à la cousine en engouffrant mon sixième planteur. Ne restons pas plantés là, viens pleurer contre mon épaule, on va danser collé-collé !

- Kolé séré, on dit, Arthur ! T’as raison ! Amba latè pa ni pléji. Sous terre il n’y a pas de plaisir ! Je ne vais pas me laisser abattre par la maladie d’amour !

Je me suis mis en position, j’ai posé mes mains sur son pétard et j’ai tout de suite senti que sous cette robe de satin il y avait le 14 juillet garanti, du feu d’artifice pour toute la nuit, la machine à danser au top dans le Ghetto  du Gotha !

- Il y a le diable dans la maison ! m’a glissé Simone à l’oreille.

- Ca veut dire quoi, ce proverbe-là ?

- Ce n’est pas un proverbe. Ca veut dire que je sens ton revolver !

- Ce n’est pas un revolver, c’est une banane !

- Ca s’épluche pareil !

 

170708 Nikon 127

Oui, ça m’a fait chaud au cœur de revoir Simone d’aussi près mais on était au mariage de ma femme et je n’allais pas entrer à nouveau dans la famille quand même, qui plus est à la mode de Bretagne ! Sauf qu’en Bretagne ce n’est pas une banane, c’est une andouille de Guémené. Heureusement la musique s’est arrêtée.

- Depuis le temps qu’il tape sur des bambous le musicien n'est pas loin d'en attraper un coup ! Donne-lui tout de même à boire, dit mon beau-père en me tapant sur l’épaule. Alors je suis allé au bar avec les musiciens.

Leur chanteuse s’appelait Amélia.

- Viens donc prendre le frais dehors, beau blond ! m’a-t-elle susurré en me prenant par le bras.

Je ne suis pas ce qu’on peut appeler le tombeur de ces dames mais à ce moment-là, avec le rhum que j’avais rajouté au bar avec les musicos, j’étais prêt à « fè an pat chat mawon » ! (faire un pas de chat sauvage).

- Je connais de bons baisers de Fort-de-France, m’a-t-elle dit en me caressant l’arrière de la nuque dans un coin d’ombre. Viens donc un peu sous les palétuviers !

Heureusement pour moi, avant que je n’aie vu les laitues et l’évier, ma belle-mère est venue battre le rappel des musiciens. La fiesta a repris de plus belle.

J’aurais pu garder de très bons souvenirs du mariage de ma femme mais j’ai encore bu du rhum avec Brigitte qui m’a proposé une soca-party sur la plage. J’aurais pu accepter le marché de Marie-Galante (Shala shala, Arthur ?) mais j’ai prié pour rester intègre, pour que toute la désirade qui montait dans cette ambiance débridée s’éteigne dans le trémoussement des corps sur la musique. Bien sûr c’était dur parce qu’il ne faut pas laisser l’amour s’enfuir mais j’étais quand même au mariage de ma femme ! Yaka danser, comme on dit, pour évacuer l’énergie, fût-elle sexuelle, de ces jolies filles de couleur café.

Quelques ti-punchs encore et voilà que m’alpague la tante Rosalie. Bon ça va avec elle j’étais à l’abri ! Merci, Seigneur, de ne pas m’induire perpétuellement en tentation !

- Arthur, m’a-t-elle demandé, toi qui as été commissaire-priseur à Pointe-à-Pitre, est-ce que tu veux bien venir voir là-haut ? Il y a là une toile de petit maître que j’aime à la folie, j’aimerais avoir ton avis sur son origine.

Enfin un peu de sérieux dans ce monde en chaleur animale ! J’ai suivi la tante Rosalie au grenier. Elle m’a montré le tableau. Aïe ! Quelle vieillerie ! J’ai soufflé sur la poussière, déniché la signature. Instant de stupeur. Incrédulité. Oh la bonne aventure, ô gué ! Petit maître, petit maître ? Attends Rosalie, c’est le bal masqué ici ! Henri Rousseau ! Henri Rousseau !

J’ai voulu révéler la chose à la tante mais c’était trop tard ! Elle m’avait déjà poussé sur un vieux matelas et s’activait sur ma canne à sucre. Au secours, Alice ! Ca glisse au pays des merveilles ! Sans que j’aie rien vu venir je me suis retrouvé sans chemise, sans pantalon, chevauché sauvagement comme un petit maître-étalon, fruit de la passion ravageuse et ravagée de la tantine Rosalie ! Je peux vous dire que dans ce genre de situation, si ça fait rire les oiseaux de passage, ça ne détend pas le perchoir où elle est juchée pour autant !

Là-dessus ma femme est arrivée avec toute la noce derrière elle ! Bonjour le scandale dans la famille !


170708 Nikon 148

Après fèt se graté tèt : après la fête on se gratte la tête. Le lendemain je me suis souvenu que ce n’était pas le remariage de ma femme mais son premier mariage et que j’étais moi-même le marié, l’heureux élu. Et l’élu ramassait une veste, sa veste.

- Tout est rompu, mon gendre !

On m’a demandé de divorcer, de prendre mes cliques et mes claques et de retourner en métropole, ce que j’ai fait sans barguigner.

J’ai bien sûr emporté dans ma valise le cadeau du ciel. Mais non, pas la tante Rosalie, la toile de petit-maître ! Je l’ai revendue et j’en ai tiré quelques millions de francs. Pendant quelques temps ma vie a ressemblé à celle des rois de Byzance à Belle-île-en-Mer.

Vive Souchon et Voulzy ! Vive le douanier Rousseau !

(Extrait des « Souvenirs d’un explorateur heureux » d’Arthur Rimbaine
à paraître aux éditions Paul Verlaud en mars 2018).

 

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