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L'Atelier d'écriture de Villejean
22 mars 2022

Je vais au pain, je reviens ! / Jean-Paul

2122-23 Jean-Paul - Saint-Nicolas

Il y a des jours comme ça où tout va mal. C’est peut-être aussi parce que l’année s’est mal terminée.

Au réveillon de la Saint-Sylvestre les amis que j’ai invités ont rejoué la Saint-Nicolas « comme dins ch’Nord !». Ils ont tous amené des pains d’épices recouverts de sucre glace et accompagnés d’une image du grand Saint sous cellophane. Pas de saumon, de caviar ni de Champagne. De la bière, du chahut, du chambard. Ils avaient aussi des kilos de farine avec lesquels tout le monde s’est bombardé dans l’appartement.

Ce matin le sol en est encore couvert. C’est comme s’il avait neigé dans notre intérieur.

Pas la peine de lancer à ma compagne le rituel « Je vais au pain, je reviens ! ». Elle dort encore profondément. Une petite voix méchante me répond à sa place dans mon crâne où cognent encore les coups de boutoir de l’excès de Jeanlain ambrée :

- Sors acheter des allumettes et tire-toi ailleurs ! Ne sème pas de petits cailloux blancs derrière toi comme a fait le Petit Poucet. Sois le grand doigt d’honneur, casse-toi sans regarder derrière toi ! Il est temps de laisser Cendrillon dans son foyer et de partir à la conquête de Miss Bûche-en-Feu. Tu as assez dragué de lectrices entre les stands de la Foire du livre de Brive-la Gaillarde ! Maintenant il faut jeter ton dévolu sur les stars du Festival de Cannes !

Il est fou, lui ou quoi ? J’essaie vaguement de discuter avec mon mauvais génie.

- En 1492 Christophe Colomb, cherchant les Indes, galantes ou pas, n’a pas découvert l’Amérique . Il s’est trompé de chemin et la Santa Maria, sa caravelle, a fait naufrage.

- Allons, bonhomme, tu déconnes ! Ton uchronie, c’est de la connerie ! Fumer tue mais la cigarette mentholée allonge la vie !

Je ne réponds rien. Quand je descends chercher le pain, je ne parle avec personne. Je prends bien soin de traverser au carrefour quand le petit bonhomme du feu est devenu vert.

Je ne sais pas d’où il est sorti le petit bonhomme rouge qui clignote comme une noire tempête dans ce qui me reste de cerveau. Je repose mon masque sur mon nez et j’entre dans la boulangerie.

- Vous reste-t-il des biscottes ? me demande la tenancière de la boutique.

- Non, je n’en consomme pas. Je suis plutôt brioche et croissant au beurre. Vous n’en avez pas aujourd’hui ?

- Non Monsieur. Pas avant le 21 janvier, jour de fête nationale chez les Jivaros.

- Les Jivaros connaissent l’histoire de France et la date du raccourcissement de Louis XVI ?

- Oui Monsieur. Il ne faut pas prendre ces bons vieux réducteurs de têtes pour des connards sauvages. Ils sont très savants. Vous n’avez entendu parler du Docteur Jivaro ?

- Dans mon souvenir, c’était plutôt Jivago mais je ne suis pas en état de vous contredire. Et un pain, un simple pain, vous en auriez ?

- Vous voulez que j’appelle mon mari pour qu’il vous en colle un ?

- Non, merci, ça ira !

Je ressors. Je pourrais aller à la boulangerie de Villejean mais maintenant je crains fort d’attendre le bus. A tous les coups un type va arriver à vélo et me proposera de monter sur son porte-bagages pour m’y emmener. Une fois que nous serons arrivés en haut de la rue Louis Guilloux il se mettra sans doute à pleuvoir et au lieu de nous abriter sous un parapluie une escadre d’amazones érogènes de Kelly services nous obligera à nous déshabiller et à danser sous la pluie en chantant. 

Je préfère remonter à l’appartement les mains vides. Je retourne dans la chambre, je me déshabille – au moins je suis resté sec ! - et je replonge dans la piscine du sommeil. Très vite je fais la planche sur la pelouse du rendormissement.

***

Il y a des jours comme ça où tout va très, très bien. Quand je me réveille, plus de petite voix intérieure, plus de farine par terre ni de souk dans l’appartement. Nous somme le mardi 22 mars et il me reste trois tartines et des cracottes. Tout ça n’était qu’un cauchemar !

Enfin… je verrai bien ce que me dira la boulangère demain. C’est le samedi et le mercredi que je vais au pain et que je reviens !

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15 mars 2022

Consigne d'écriture 2122-22 du 15 mars 2022 : Récit de voyage

Récit de voyage

 

Les voyages les plus beaux sont peut-être ceux que l’on s’invente. Votre récit comprendra 4 parties :

 1) J’ai quitté
Qu’avez-vous quitté ? Nommez simplement un lieu ou une personne.

 2) Avec
Dites avec quoi vous êtes parti·e : quel objet avez-vous emmené ?

 3) J’ai traversé
Dites en une phrase ce que vous avez traversé en partant.

 4) J’ai vu
De l’autre côté, qu’avez-vous vu ? Là, donnez toute la gomme ! Décrivez ce que vous découvrez et ce qui vous arrive dans ce lieu nouveau. Il n’est pas indispensable d’en revenir.

 Consigne extraite de « 1001 conseils pour l’écrivain en herbe » de Myriam Mallié et Pascal Lemaître – Casterman, 2004

Vous pouvez également utiliser les aquarelles de Venise et Burano peintes par l'animateur pour vous inventer un voyage dans cette ville et dans cette île si vous le souhaitez.

1024 Aquarelles de Venise 01 paline bleue devant san Giorgio

1024 Aquarelles de Venise 02 paline jaune au grand canal (sans bords)

1024 Aquarelles de Venise 03 paline rouge au grand canal (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 04 barque immatriculée avec reflets

 1024 Aquarelles de Venise 05 Gondole avec ruban rouge (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 06 barque devant un pont (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 07 cheval devant gondole (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 08 Deux barques avec reflets (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 09 Alignement de barques avec reflets (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 11 Canot à moteur sur le grand canal (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 16 Trois barques amarrées (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 17 Barque Davide (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 24 Cimetière San Michele (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 23 Maison d'angle à Burano (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 25 Un canal à Burano (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 10 Palais Dario (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 12 Palais sur le grand canal (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 13 Palais sur le grand canal (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 14 Gondole fleurie (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 15 Barque bleue devant pont de Santa Lucia (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 18 Maison violette à Burano (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 19 Maison rouge avec balai à Burano (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 21 Barques et pont à Burano (sans bords)

 1024 Aquarelles de Venise 22 Bateau Valter à Burano (sans bords)

15 mars 2022

Renaissance / La Licorne

  

Cela fait longtemps que j'ai quitté le pays des évidences. 
Le pays où j'étais née et qui avait bercé mon enfance.
Je l'ai quitté d'un coup, presque sur un coup de chance.
Avec pour tout bagage mes désirs et mes doléances
J'ai traversé les grands champs de l'indifférence
Enjambé les ruisseaux  du doute et de la méfiance
Contourné les collines de la bienséance
Délaissé  les rivages de la prudence...

J'ai marché, marché avec endurance
J'ai gravi la montagne de l'exigence
Et osé la désobéissance...

J'ai vu les coups fourrés, les manigances
L'orgueil et l'arrogance,
Les mille excès de la régence
Et toutes leurs conséquences...
J'ai vu les actes de démence
De la Haute Finance
J'ai vu la vanité et la grandiloquence
La jalousie et la vengeance

La soif d'une illusoire puissance
Et les déchaînements de violence...
J'ai vu les manques de nuance, 
Les  insolences, les médisances
Et de la haine la résurgence

Mais j'ai vu aussi dans le silence
Des petits villages de France
Le début de la renaissance
Le déploiement de l'intelligence
Et les trésors du bon sens.

J'ai vu la foi et le courage immense
Qui chaque jour contre-balancent
La peine et la souffrance 

J'ai vu l'irrévérence
Teintée de bienveillance

J'ai vu les graines de l'espérance
Germer dans les consciences
J'ai vu la tolérance
Qui transcende les différences

J'ai vu sous les défaillances
Les incohérences et les errances...
Sous le chaos de la décadence
La beauté d'un monde qui commence...

15 mars 2022

T comme têtard / Adrienne

2122-23 Adrienne - arbre

J’ai quitté ma chambre au premier étage côté rue.
J’ai fait bien attention de ne pas glisser sur les marches de marbre rose, trop bien cirées.
Je n’ai rien emporté : pas une tartine pour la faim qui viendrait, pas un peu d’eau pour la soif, pas de petite laine, pas de montre.

– Je vais jusqu’à mon arbre, ai-je dit à ma mère qui n’a pas levé les yeux de son magazine.
Mais elle m’a entendue parce qu’elle a fait « oui, oui » et il y avait quelque chose dans sa voix entre lassitude et résignation.
Tous les travaux du jour avaient été faits, les poussières et les mauvaises herbes, les vaisselles et les rangements.
On attendait le soir et le père qui rentre du travail.

J’ai traversé le champ d’en face en courant, aveuglée par le soleil déclinant et comme le blé avait juste été moissonné, je me suis tailladé la peau des chevilles à chaque pas.
Il était trop tard pour revenir en arrière.
Le sang coulait, de toute façon, et j’ai poursuivi ma course.

Au coin de la prairie, près du bosquet de la colline, un grand arbre avait été épargné, sans doute parce qu’il marquait le territoire âprement disputé entre Hector, Oscar et Louis, qui ne se parlaient plus depuis deux générations.

C’était un frêne qui avait si souvent été étêté que si on y grimpait, on disposait de toute la place pour s’installer et on pouvait voir sans être vu.
D’ailleurs personne ne savait que c’était celui-là, « mon » arbre.

J’ai vu un couple de merles, une volée de moineaux.
J’ai entendu le pinson et le coucou. Des tourterelles. Le chien d’Hector. Le bêlement d’une de ses brebis. Une voiture au loin qui n’était pas celle de mon père.

Ça sentait bon l’herbe, le vent, la paille et la fin de l’été, la fin du jour.

Quand le soleil a disparu derrière la colline, j’ai eu un peu froid. Je me suis rendu compte que j’avais mal aux fesses et pour la énième fois j’ai pensé que « mon » arbre serait plus confortable avec un coussin et une couverture.

Je me suis dit que de l’autre côté de ce petit bois, à la fois très proche et très lointaine, il y avait la maison de ma grand-mère, et que c’est là que j’aurais voulu rentrer.

15 mars 2022

Départ / Anne J.

J'ai quitté mon fauteuil
Avec mes nouvelles chaussures.

J'ai traversé la rue
Et j'ai pris le chemin qui mène à ma librairie favorite,
Un chemin de terre qui longe un petit bois
Entre deux hauts murs de propriétés.

2122-22 Anne J

J'ai respiré la terre mouillée,
Senti le vent refroidir mes joues,
Goûté les rayons du soleil ,
Empli mes yeux du spectacle des arbres
Où commencent à pointer des petites feuilles vertes.
J'ai acheté des places de théâtre pour moi et mes amis
en me réjouissant de ce moment à venir.

Et j'ai vu comme il est bon de marcher de nouveau
Après dix jours d'immobilité forcée.

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15 mars 2022

Vivre / Anne J.

J'ai quitté Rennes
avec le camion de déménagement
un jour neigeux d'avril
pour une nouvelle ville
dont je ne savais rien.

J'ai traversé des semaines de travail trop remplies,
des haies de personnes hostiles.
J'ai subi des réglementations absurdes,
des procédures tatillonnes.
J'ai croisé
des qualiticiens bornés,
des financiers agressifs,
des collègues trompeurs et malveillants.

2122-22 Anne J

J'ai aimé les couchers de soleil
en bord de mer
et les longues balades solitaires.
J'ai adoré marcher sur la plage
et apprendre à danser la gavotte.
J'ai appris à connaître des amis précieux,
vu naître des filleuls merveilleux,
croisé des amis irremplaçables.
J'ai apprivoisé la solitude et la liberté,
j'ai goûté à cette vie que j'ai construite
pas à pas
comme un laboureur.

Et j'ai vu comme il était fragile et délicieux
d'être seulement VIVANT.

15 mars 2022

Écrire / Anne J.

J'ai quitté le silence de mon enfance
Avec les mots des autres
Glanés dans les livres.

Je les ai trimballés longtemps
Enfermés au fond de moi.

J’ai traversé les romans de la bibliothèque,
Les livres de contes,
Les petits manuels de savoir-être,
Et les gros albums d’histoire.

 

2122-22 Anne J - Livres

J’ai passé des heures à lire
Les mots des autres
A la maison, dans mon lit, à la plage,
Aux toilettes, en mangeant, en tricotant,
Le matin, le midi, le soir
Et même la nuit sous les draps.

Un jour on nous a interdit
Bibliothèques et librairies
Et j’ai commencé à écrire
Pour d’improbables amis virtuels
Que je voyais parfois en visio
Ou pas.

Mes mots ont surgi de leur prison
Comme des plumes colorées ;
Ils ont commencé
A embellir mes jours
Et à porter mes rêves

Et j’ai vu mes mots
Rejoindre ceux des autres
Dans une farandole
Et j’ai su que j’aimais aussi
Écrire.

2122-22 Anne J - Ecrire

15 mars 2022

Voyage vénitien à cases multiples / Jean-Paul

1024 Aquarelles de Venise 01 paline bleue devant san Giorgio

J’ai quitté

 J’ai quitté la Pensione Wildner, sur la Riva degli Schiavoni, sa chambre 28, sa petite salle de restaurant idyllique et vitrée dans laquelle, dès le petit-déjeuner, on a la vue magique sur San Giorgio maggiore.

 J’ai quitté l’hôtel Gardenia, pas très loin de la gare, dans lequel la décoration des chambres a... quelque chose d’érotique.

 J’ai quitté l’hôtel Eden, sis sur la Strada nuova, « grande » avenue qui mène de la gare au Rialto puis à la place Saint-Marc d’où l’on ressort lessivé de voir tant de foule agglutinée. Venise est une ville pour les pigeons. Ici, même les soutiens-gorges pigeonnent ! Purée de ma mort, le pluriel du mot « soutien-gorge », je ne me rappelle jamais s’il y a un « s » ou pas et où ! Maudits pèse-lettres qui m’enduisent avec de l’erreur !

Avec

 La première année je suis venu avec mon appareil photo reflex Olympus OM-10, seize pellicules diapos couleurs, neuf pelloches noir et blanc et un appareil jetable panoramique Kodak. Comme chaussures j’avais mes petits souliers de ville. J’ai souffert le martyre parce qu’on a marché des tas de kilomètres, surtout le jour où je suis allé tout seul au bout des jardins de la Biennale et que, rendu-là, je me suis aperçu que j’avais laissé mon billet de vaporetto à l’hôtel. C’est seulement au retour en France, et peut-être même des années plus tard, que mon épouse m’a fait découvrir l’existence des chaussures de randonnée qui ont changé ma vie. Maintenant c’est elle qui se traîne derrière moi quand on arpente les rues ou la campagne.

 La deuxième année, je suis venu avec mon petit blouson d’été beige parce qu’en avril 1997 il avait fait très beau en France. A Venise il pleuvait, il soufflait un vent glacial, on était frigorifiés.

 La troisième année, on est venus avec notre fille. Elle ne nous a pas beaucoup embêtés. Elle est restée souvent à l’hôtel à regarder des bêtises en italien à la télévision qui là-bas retransmet beaucoup de berlusconneries.

1024 Aquarelles de Venise 24 Cimetière San Michele (sans bords)

J’ai traversé

 J’ai traversé Venise du Sud au Nord pour arriver aux Fondamente nuove. C’est ici qu’on embarque sur le bateau qui mène aux îles de la lagune. On a là une vue d’enfer sur le cimetière de San Michele. On s’est arrêtés à Murano où sont installés les ateliers-boutiques des célèbres souffleurs de verre et puis ensuite on a découvert, un peu plus loin, le paradis sur Terre, Burano, une île de pêcheurs et de dentellières aux modestes maisons de toutes les couleurs du manteau d’Arlequin, aux fenêtres bordées d’un encadrement blanc et sur les trois canaux, une profusion de barques et de bateaux qui s’éparpillent en reflets mirobolants.

2122-22 Jean-Paul - 01 Magritte-rene-l-empire-des-lumieres-musee-peggy-guggenheim Nous avons traversé aussi vers le Lido et là nous avons pris le bus. Arrivé au bout de la bande de terre qui fait barrage à l’Adriatique, le véhicule a embarqué sur un bac et de l’autre côté il a repris sa route pour nous déposer au bout du monde, sur un tas de cailloux battu par la mer d’un côté et caressé par l’eau de la lagune de l’autre. Au bout d’une demi-heure un bateau est venu nous prendre et nous a menés à Chioggia où j’ai photographié des barques de pêcheurs très joliment et très chrétiennement décorées. Ici nous étions revenus sur la terre ferme mais aujourd’hui, à l’heure du dérèglement climatique, c’est un peu dérisoire d’employer ce terme pour un lieu situé en bordure de mer.

 Quand on est retournés à Venise la troisième fois on a visité la Fondation Guggenheim et ce que j’en ai retenu c’est qu’on y a vu un tableau de René Magritte. Je crois bien qu’il était interdit de prendre des photos dans le musée de Dame Peggy. A l’Accademia on n’avait pas envie. Lieu trop sombre, avec trop de tableaux accrochés-entassés aux murs les uns au-dessus des autres sur au moins trois niveaux. Trop de peinture tue la peinture parfois.

J’ai vu

 La Première année, à Burano, j’ai fait la connaissance de Langelue Maetro.C’est ce vieil homme extrava-diva-g(u)ant qu’on voit sur l’aquarelle de la maison rouge. Il est assis sur une chaise au coin d’une rue, il a un chapeau de paille sur la tête et il parle tout seul, comme tous les fous jugés non-dangereux. Je ne sais pas comment j’ai pu négocier avec lui, le soudoyer mais c’est lui qui est retourné rentrer des notices dans le Catalogue BN-Opale de la BNF à Sablé-sur-Sarthe ! J’espère qu’il a pu faire carrière là-bas. C’était une maison de fous comme une autre, à ceci près qu’elle occupait un château du XVIIIe siècle.

1024 Aquarelles de Venise 23 Maison d'angle à Burano (sans bords)

Moi je l’ai remplacé. J’occupe son petit logement dans l’île, je touche sa maigre pension de malade libéré de l’asile de San Clemente. J’arrondis mes fins de mois en peignant des aquarelles que je vends aux touristes. Je n’ai que vingt-cinq modèles en stock. Dès qu’on m’en achète une, je la refais. On peut voir mon chevalet installé au même endroit depuis 1993. Chaque jour j’emmène ma boîte d’aquarelles, mes diapos et je regarde les couleurs d’icelles par transparence sur un fond de ciel toujours bleu ici. Le bonheur, c’est ça : une super-soirée diapos, la pasta et la pizza à volonté. En plus c’est moi qui fabrique la meilleure de toute l’île.

 La deuxième année à Venise, j’ai beaucoup discuté avec Françoise Dorin. Elle est une dramaturge un peu oubliée maintenant mais surtout l’auteure des paroles de l’immortel et nanaresque chef-d’oeuvre de Charles Aznavour « Que c’est triste Venise ».

2122-22 Jean-Paul - 02 Bistro!

- Enfin, Françoise, lui disais-je souvent, ne sais-tu pas que « bistrot » vient du mot russe « bystro » qui signifie « vite ! » ? C’est ce que disaient les soldats russes qui venaient, en cachette de l’adjudant Karerdenkov, boire des petits coups de gnôle dans le bistroquet de la maman de Maryvonne. Ils ont eu tellement l’habitude d’abréger leur pause que le « bistroquet » est même devenu « troquet » à la longue.

Je n’ai jamais réussi à la dérider, la Françoise. Elle gardait l’oeil rivé sur les gondoles noires, « couleur de corbillard », disait-elle et elle me prophétisait des inepties du genre :

- Tu rigoleras moins, Joe Krapov, quand Vladimir Poutine envahira l’Ukraine et que tu devras non seulement changer de pseudonyme mais encore corriger toutes les pages de tes blogs sur lesquelles tu parles de toi à la troisième personne.

- Comment ça, Françoise ? Tu incinères que je serais du genre « Alain Delon vient nous servir à boire » ?

 La troisième fois qu’elle a séjourné à Venise mon épouse m’a pardonné mon idylle d’ailleurs restée platonique avec Françoise Dorin. Elle m’a pardonné aussi cette absence-remplacement de cinq ans et m’a avoué qu’elle venait seulement de se rendre compte de la différence : ce Langelue Maetro était un vrai fou, mais, tout compte fait, pas autant que moi. Alors elle m’a passé les menottes et on est retournés à la gare de Santa Lucia. On a retraversé la lagune en train : c’est beaucoup moins magique au retour qu’à l’arrivée. Et puis j’ai atterri à Rennes. Finies les aquarelles ! Bonjour l’Université de Rennes 3. J’ai d’abord fait un stage à la BU santé ou la direction ne la respirait pas vraiment et puis j’ai été affecté au gardiennage de l’animalerie de Beaulieu. Après on est passés au XXIe siècle et à l’euro.

*** 

Maintenant je dis toujours qu’avec ses paquebots géants et son côté Disneyland Venise n’est plus ce qu’elle était et que ça ne vaut plus le coup d’y aller. Mais parfois je fouille dans mes archives, je monte au grenier, je regarde mes photos et mes aquarelles et j’entends une petite voix contrariée qui me chuchote d’un air lancinant : « Je veux retourner à Venise !».

8 mars 2022

Consigne d'écriture 2122-21 du 8 mars 2022 : Les Revenentes

Les Revenentes

 

Georges Perec a écrit un livre dans lequel il utilise uniquement des mots comportant la voyelle "e" et uniquement elle, accentuée ou pas. Bien entendu, toutes les consonnes sont permises autour.

Voici une liste des mots qu’il a utilisés dans les premières pages de ce roman.

belvédère descendent entêtée gemmes pensée reprends-je texte
benêt descendre entrée gens pépé reste Thérèse
Bérengère déserte entrée grec perce rêve thermes
béret desqelles entregent hébété perd révèrent trempe
berner desserre éphèbe Hélène perles Rex vedette
bête sers détecter Ernest Helvète perpète s’empressent vedettes
bézef détresse espèce Herbert perpètre s’étend vénèrent
brèche Dresde espère je sens perplexe scellée vent
breveté dresse est je-me-rends-chez pervers scènes verre
censée ébène Estelle jette pète-sec Schweppes verste
cerbère écervelé été kermesse pètent se-délecter vertes venelles
cerclé échec éthérée légèreté Peter-Sellers se-réfréner vêtements
certes édenté évêché lentement Pleyel sèche week-end
cervelet effervescence événement lentement préféré secrète western
cette éjecte évente lesté préfère secrets zèbres
cherche élève évêqe lèvres préférence select  
chercher elle-même excédé me-rends prennent semblent  
chevet empêchement excellence mec prestement semées hêtres  
chèvre empesé excès mec prétexte sens  
clebs en même temps excrément mèche prêtre sente  
crèche en-effet Exeter Mel-Ferrer qe sentences  
décès encensent expert mêmement qerelle sept  
déesse encercler fée mémère rebelle sept-cent-trente-sept  
défendent enchevêtrées fenêtre mène recel stress  
défends enclencher fermement Mercédès-Benz recèlent svelte  
défense d’entrer endetté ferrets merde récemment télex  
degré énervement fesses messes récent tempère  
dément enflé fête nèfles recette tempes  
démentent enlever flegme pédestrement regrette tempête  
démette ensemble frênes pègre remède tendres  
démettre entendre frère pénètre remet tente  
dents enténébrée Fresnes pensé Rennes tentent  

Il vous est demandé de construire les trois premières phrases du début de votre texte en utilisant cette même contrainte. Puis de continuer librement, sans plus la respecter, le développement de votre récit.

Vous pouvez appliquer la tolérance observée dans les dernières pages :

Le son "an" peut s’écrire "en"
Le son "i" peut s’écrire "ee"
Le pronom "que" ou tout mot comprenant la lettre "q" peut être écrit sans le u : qe, leqel, qelq

Consigne alternative : écrivez des haïkus (poème de trois vers de 5-7-5 syllabes) ou un texte utilisant essentiellement des mots de cette liste avec d’autres pouvant contenir a, e, i, o, u et y.

2122-21 Consigne Les Revenentes

8 mars 2022

Le Huit mars de M. Chochotte / Jean-Paul

2122-21 Jean-Paul - Affiche huit mars en 1024

Les nénettes, c’est fête ! Les sveltes, les replètes, les sèches, les déesses, les 2/3 Merkel et 1/3 Thetcher, les bébêtes, les « sélect », les pépètes, les mémères, les tendres, les tempêtes, les vedettes, les secrètes, les teint de pêche, les Belles Hé(l)lènes, les « défense d’entrer » et les pécheresses, les éthérées, les entêtées, les perles de verre et les rebelles, venez, venez, ce week-end c’est kermesse !

Je lève le verre ! Je trempe mes lèvres dans le Xérès ! Je bois à votre santé, votre beauté, votre excellence ! Je célèbre la messe de votre entregent après avoir fermé l’évêché de l’intérieur. J’ai posé les scellés sur le désert où prêchent les prêtres, les évêques et les enténébrés singuliers du clergé. Je monte au belvédère clamer ma préférence pour Bérengère, Hortense, Estelle, Zézette ou Marie-France plutôt que pour Ernest et ses drôles de sentences. Je me délecte à voir à la salle Pleyel vos doigts qui s’empressent sur le pianoforte où vous jouez expertes le « Rêve d’amour » de Liszt.

Je vénère vos textes aux mots enchevêtrés d’où jaillissent toujours des gemmes insensées. Votre légèreté est une effervescence. Vous êtes le remède au cervelet dément, empesé dans ses termes et balourd dans sa fièvre qui s’interdit ce jour l’usage du mot « fesse » ou l’interrogation sur ce qui s’enclencha autrefois en Adam lorsqu’Eve ôta pour lui son premier vêtement.

Ô détresse de l’élève perplexe, sur la brèche, tourné chèvre, qui voudrait pénétrer la science de la grâce et se faire emmener par de vertes venelles vers un Eden où Dieu et le serpent, de mèche, n’auraient rien perpétré qu’une forêt de hêtres, un cercle de verdure, un avenir sans guerres et sans va-de-la-gueule, sans pègre, sans fusils, sans western.

Femmes, à tous les sens du mot, je vous encense parce que vous nous élevez !

En même temps…

Tout bien pesé, bien tempéré… Ne me dites jamais, mesdames, s’il vous plaît :

- Est-ce que tu veux monter dans ma Mercedes Benz ?

Parce que le coup de la panne de la classe A, on me l’a déjà fait ! Et assister neuf mois plus tard à l’accouchement, j’aimions point trop ça ! 


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