Eulalie ou l'Art de flatter les bizarreries. 6 / Marie-Thé
Ma tante Léonie aimait recevoir Monsieur le curé. Elle avait un faible pour lui. Je me demande ce qu'ils pouvaient bien se raconter.
Elle lui servait des plats de viande saignante et du vin de sa cave. Il ressortait joyeux, repu, en lui serrant les mains avec un sourire complice et en disant « A très bientôt ma chère ! ».
Elle se croyait bien malade et détestait les gens qui lui conseillaient de ne pas s'écouter.
Elle détestait aussi ceux qui la plaignaient et lui disaient qu'elle avait l'air malade, qu'elle devait consulter un médecin et rester au lit à se reposer le plus longtemps possible
La petite bonne riait beaucoup de ses comédies qu’elle trouvaient bourgeoises. Ça la faisait rire. Elle lui disait qu'elle allait vivre jusqu'à cent ans. Ma tante pleurnichait, répondait qu'elle approchait de sa fin. Elle réclamait alors sa petite fille Eulalie pour jouer avec elle aux dominos. Toutes les deux riaient beaucoup et ma tante oubliait ses misères.