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L'Atelier d'écriture de Villejean
27 mai 2020

Consigne d'écriture 1920-32 du 26 mai 2020 : Carnet de route avec Plonk et Replonk

Carnet de route avec Plonk et Replonk


AEV 1920-32 Consigne - Plonk et Replonk

 

Consigne empruntée à Faly Stachak (« Ecrire, un plaisir à la portée de tous » p.210-214 – Editions Eyrolles, 2004) et complétée par l'animateur.

Chacun des quarante mots énumérés ci-dessous est une proposition, évocatrice de moments généralement forts, liés à votre enfance. C’est votre carnet de route, là où vous notez votre découverte du monde. Ecrivez un ou plusieurs textes, le thème choisi servant de titre, et, si possible, illustrez chacun d’eux avec une image-collage de Plonk et Replonk.

Ou prenez la consigne à l’envers : choisissez une carte de Plonk et Replonk et essayez de la tirer (histoire ou description) vers le thème proposé par Faly Stachak. 

https://www.google.com/search?q=plonk+et+replonk&rlz=1C1AVSA_enFR440FR440&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=2ahUKEwjO2sKWndLpAhVMyxoKHTHNCXAQ_AUoAXoECBMQAw&cshid=1590520254261851&biw=1280&bih=543#imgrc=wYx3pXj0NHn7pM

La soupe - Dans le noir - Le retard - La maison vide - Le monstre - Nu·e - Du sang - Les gros mots - Mon frère (ou ma sœur) - L’ennui - La cachette - La triche - La cour de récréation - Le voisin (ou la voisine) - La honte - Ma poupée - L’école - Insectes - La punition - Ma maîtresse (mon maître) - Mon prof - Les hauts talons - Le revolver - Dieu - Le loup - La mer - Mon animal - Injustice - Jeux interdits - Un cadeau - La combine - La cave - Mon ami - Voyage - Ma collection - Odeurs - Le mensonge - La mort - L’Univers, Les étoiles - Mon héros.

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26 mai 2020

Futur métier / Adrienne

– Tu as déjà une idée de ce que tu veux faire quand tu seras grande ? demande Madame – jamais en panne de questions idiotes – à Hourya, 7 ans.

– Je ne suis pas encore sûre, fait Hourya avec le plus grand sérieux, mais je pense maîtresse d’école.

– Ah ! fait Madame. Et tu t’entraînes avec ta petite sœur ?

Regard de commisération chez Hourya :

– Non, fait-elle en haussant les épaules. Avec mes poupées !

AEV 1920-32 Adrienne Plonk et Replonk peigneuse

26 mai 2020

Souvenirs, souvenirs... / Marie-Thé

AEV 1920-32 Marie-Thé garde partagées

Marie n’a pas oublié sa presqu’aventure avec le beau brun du 5e étage. Elle est continuellement enflammée, rêvant la nuit d’inconnus qui la conduisent au bord de l’extase. Félix est de plus en plus attentionné mais il devient si jaloux qu’elle ne peut plus le supporter. 

C’est en repensant à son enfance perturbée par des parents volages qu’elle s’est ressaisie. La garde partagée ne sera pas pour leurs enfants. D’ailleurs, ils n’en ont pas encore.

Elle se souvient de ses retours les dimanches soirs où elle devait cacher sa joie d’avoir passé son week-end à la mer avec son père. Sa mère avait quitté celui-ci après avoir perdu la tête pour un étranger qui l’avait abandonnée un an plus tard.

Elle réalise que Félix pourrait bien se fatiguer d’elle et la quitter pour une femme plus sage.

AEV 1920-32 Marie-Thé armand-sueur-537Pourtant, comment oublier sa rencontre avec lui, dix ans auparavant, dans les Vosges où elle randonnait avec sa copine Josette. Elles l’ont aperçu au sommet d’un col, pédalant dans la semoule, aussi vite qu’Armand Sueur, six fois vainqueur du Tour du Rhin.

Elles l’ont retrouvé le soir par hasard. Il campait seul près de la tente de Marie et ne s’est pas fait prier lorsque les deux filles lui ont offert de partager leur repas.

Ils ont beaucoup ri ce soir soir-là. Félix racontait des histoires à dormir debout. Son grand-père, qui avait connu le général Dourakine, célèbre personnage de la Comtesse de Ségur, avait vécu la fameuse épidémie de moustache en 1890. Félix avait raconté bien d’autres blagues encore. Il avait du bagou. 

AEV 1920-32 Marie-Thé Dourakine

Marie était fascinée par ce garçon tellement drôle. Elle n’a pas été surprise lorsqu’il l’a rejointe dans sa tente au milieu de la nuit en lui disant au creux de l’oreille qu’il voulait jouer à des jeux interdits.

Josette n’a jamais su ce qui s’était passé dans la nuit, mais au matin Félix et Marie ont échangé leurs adresses.

On dit dans les contes « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ». 
Marie et Félix ne se sont jamais mariés et n’ont jamais eu d’enfants.

AEV 1920-32 Marie-Thé épidémie-de-moustache-A2-Villeurbanne-1200x830

26 mai 2020

Voilà ce que c'est de donner trop de pain aux canards ! / Dominique H.

AEV 1920-32 Dominique Romancier affamé

Félix a été ravi de recevoir enfin un message de Béatrice l'invitant à une soirée « jeux d'écritures ». Certes ce n'est pas une déclaration d'amour mais, pour le moins, l'invitation à la poursuite de leur histoire. Béatrice est vraiment une experte dans l'art de raccrocher les wagons sans en avoir l'air. Félix, pour sa part, a tout du savoir ne pas faire de manières, alors, entre ces deux-là, la règle du jeu est finalement simple, il suffit de la connaître. Et puis Félix aime bien écrire, Béatrice aussi et surtout, ils ont plaisir à écrire ensemble. Selon leurs conventions, ensemble peut être en même temps ou pas, dans le même lieu ou à distance mais avec la même contrainte, la même matière première. Ce qui compte c'est que la liberté créative de chacun soit garantie : les jeux d'écritures sont en soi une aventure, l'imaginaire n'ayant pas de frontières. Autre avantage, la fiction permet parfois d'envoyer un message subliminal voire d'égratigner en douceur.

Il se demande bien quelle consigne farfelue elle aura imaginé ce soir et comment la magie de l'inattendu convoquera une fois de plus le délire ou la poésie. Mais au-delà de cette mise en scène bien rodée, le principal pour Félix, ce soir, c'est surtout qu'ils seront en tête à tête. Voilà déjà deux nuits qu'il rêve de jeux interdits...

Il est venu à bicyclette par le chemin de halage du canal d'Ille-et-Rance. Les onze kilomètres qui séparent leurs deux habitations sont pour lui une sorte de préliminaire à la rencontre amoureuse, quand une pointe d’angoisse se mêle à la joie de retrouver sa belle. En posant son vélo contre le mur, sous la glycine, il pense à leur dernière séparation précipitée, Béatrice étant pressée de lui épargner sa mélancolie. Depuis le temps, elle devrait savoir pourtant que ces moments où affleure sa fragilité sont justement l'opportunité pour Félix de lui manifester des égards... Il s'attarde à regarder autour de lui et se dit qu'il aime bien la paix familière de cette maison ancienne, à l'abri des taillis des bords de l'eau.

Il est ponctuel et n'aurait pas voulu montrer son impatience en arrivant en avance. La porte est grande ouverte, il fait beau et le soleil est encore haut. Le tintement familier du carillon que Félix a offert à Béatrice lors de leur dernière escapade dans les Pyrénées orientales annonce son arrivée en égrenant des notes cristallines : « la-ré-fa-sol-la-ré-fa-la ». Face à la porte, leur affiche fétiche de Marabout-Hopper avec la cow-girl au volant du Chevrolet rouge, joli souvenir qui le fait sourire et penser à Béatrice avec son panama dans sa Kangoo. Il est visiblement attendu : sur une jolie nappe, un pot à crayons, du papier, un grand vase transparent plein de carrés de papiers pliés colorés et, à côté, un paquet de vieilles cartes postales retournées. Egalement un plateau avec un pichet de citronnade et deux verres en libre-service.

Béatrice apparaît, refermant la porte de la cuisine, estivale dans une robe à fleurs mouvante, souriante, sa mélancolie s'étant, semble-t-il, évaporée. Moment de tendres retrouvailles assez rapidement écourté par la maîtresse des lieux qui déclare que l'écriture n'attend pas. Il ne faudrait pas quand même que Félix s'imagine avoir été invité uniquement pour la bagatelle, Béatrice a aussi besoin de plaisirs intellectuels partagés.

- Alors je t'explique : dans le vase, quarante papiers et sur chacun un mot qui évoque l'enfance ou autre chose. Tu es libre d'en tirer au sort un, cinq ou vingt maximum, les vingt autres étant pour moi. En complément des mots, tu choisis une ou plusieurs cartes postales dans la pile. Je m'applique la même règle et nous avons une bonne heure pour délirer. Il y a un pot de citronnade sur la table. Top, c'est parti, à toi l'honneur, et tu gardes pour toi les mots que tu tires !»

Félix commence à piocher dans le vase et à découvrir des mots qui ne l'inspirent pas du tout. Il est habitué à cette angoisse de la page blanche, il lui faut toujours un peu de temps pour qu'opère la mystérieuse alchimie de la contrainte consentie. Mais cette fois, c'est le pompon, les mots restent muets, sans échos. Il pressent que la convocation de son enfance, par trop sérieuse, voire austère, ne va pas l'amuser. Alors il tente sa chance du côté des cartes postales retournées et là, bonne surprise, ce sont des cartes de Plonk et Replonk, les deux hurluberlus helvétiques adeptes d’absurde et autre pataphysique. Ca lui va bien.

AEV 1920-32 Dominique trop-de-pains-aux-canards

Rapidement il fait son choix et une carte l'inspire immédiatement. Déjà l’ambiance en est poétique : en sépia, une belle dame de la Belle Epoque est assise dans une barque sur les eaux turquoise du Lac Léman. Elle jette du pain aux canards. Ce pourrait être un dimanche après la messe parce que la dame semble convaincue de faire une bonne action. Félix se surprend à la dénommer Victoria comme si c'était une vieille connaissance et comme d'habitude, une fois l'objet nommé, il prend vie et le délire décolle. Observant de plus près sa tenue collet monté, il se dit que ses vêtements ostentatoires de bonne chrétienne ne sont que des oripeaux masquant une roublardise cupide, une bêtise coupable et un hubris démesuré. Et que dire de son sourire enjôleur...

Prends garde Félix, elle va bientôt t'appeler « mon canard » et t'attirer dans son lit. Tu n'as rien à y gagner, tu y laisseras même des plumes, Béatrice sera furieuse et, en ces temps de Corona, ils le répètent à la radio, la stricte fidélité est de rigueur. Et puis souviens toi de ta bonne éducation quand ta mère, Louise, te disait de te méfier des jolies filles de la société d'en haut qui cachaient souvent sous leurs jupons affriolants des maladies vénéneuses. Trêve de supputations et autres élucubrations, Félix revient à la raison, laisse momentanément tomber Victoria au fond du lac pour s'intéresser enfin au drôle d'oiseau. Il se rappelle qu'il ne faut pas prendre les canards sauvages pour les enfants du bon dieu et se dit que ce canard bizarre est de toute évidence génétiquement modifié, à moins que ce ne soit un mâle d'oie blanche ? En tout cas cet animal gourmand est devenu géant. En combien de temps, la carte ne le dit pas. La dame au cortex mal affuté remonte des profondeurs et semble très fière des effets spectaculaires de sa générosité, d'autant plus qu'elle est friande de magret de canard. Avec son mari, catholique mais néanmoins braconnier, elle fait la paire : il lui a promis de venir une nuit faire son affaire à ce volatile grassouillet, surtout que lui, c'est le foie gras qu'il préfère.

Mais voilà que Victoria qui ne réfléchit pas plus loin que le bout de son joli petit nez retroussé, dans son inconséquence béate et sa sollicitude intéressée pour ce palmipède prometteur, va déclencher un vrai drame. La dame est en réalité en train de commettre un crime contre cette espèce animale. En effet, elle continue à gaver le gros volatile mais pour qu'il grossisse encore plus, c'est maintenant avec de la pâtisserie qu'elle le nourrit. Dès qu'il la voit, le canard monstrueux lui palme après, le bec ouvert. Ce qu'elle ignore, c'est que cette nourriture trop riche a en outre des effets aphrodisiaques. Alors, depuis les trois semaines que dure le gavage, le mâle, repu, obèse mais lubrique, féconde jour et nuit toute les jolies canettes qui bougent dans les roseaux. « Dans vingt-huit jours, à raison de dix-huit œufs par nid, un joyeux baby-boom de canetons s'annonce » se dit Victoria, et, ravie d'avance, elle se met à rêver comme Perrette.

Elle imagine des nichées de gros canetons qui hériteraient de la génétique de leur père et lui fourniraient des magrets ad libitum et ad vitam. Elle et son mari organiseraient un élevage industriel dans leur propriété, ils raseraient les arbres du petit bois près de l'étang, ils deviendraient riches, très riches et son homme n'aurait plus besoin d'aller braconner.

Eh bien non, le scénario réel qui va surgir n'est pas du tout celui-là : les nombreux nids de la roselière restent désespérément vides et bientôt les canes, dans un dernier cancanement à la mort, se mettent à mourir les unes après les autres : hécatombe au lac.

Des riverains intrigués préviennent le garde- champêtre qui lui-même, inquiet, alerte la sécurité vétérinaire qui, tout aussi perplexe prévient la maréchaussée du canton : cordon sanitaire, baignades et canotage interdits ! Victoria, trop occupée pour lire les journaux, ignore tout de ce remue-ménage et continue son gavage méthodique : son palmipède mâle préféré est magnifique.

Elle est en pleine action dans sa barque quand un pédalo silencieux activé par deux hommes masqués en uniformes, l'accostent courtoisement mais néanmoins fermement : « Madame, vous ne lisez pas les pancartes ? Le canotage est interdit depuis deux jours. Les autorités sanitaires nous ont mandatés pour ordonner à tous les citoyens du canton de rester chez eux, confinés et masqués jusqu'à nouvel ordre. En conséquence, nous vous prions de regagner immédiatement le ponton et votre habitation. Nous vous remettons un patron d'aide à la fabrication d'un masque aux normes ». Victoria pourrait, avec son charmant sourire, faire valoir son innocence et sa bonne action mais la peur du gendarme la sidère et pas un mot ne sort. « Veuillez obtempérer s'il vous plaît ! ».

Victoria, abasourdie, s'exécute, retrouve tous ses gestes automatiques de bonne rameuse, amarre sa barque, rejoint sa maison et ouvre les journaux de la veille encore pliés. Elle tombe des nues en lisant les nouvelles : il est question d'une épidémie venue de Chine par les canards migrateurs, que le microbe responsable se promène dans l'air et qu'il pourrait contaminer les humains... Paniquée, elle se met aussitôt à pédaler sur sa Singer et c'est masquée qu'elle accueille son mari de retour des bois, tout sourire, la gibecière pleine. Elle lui fait signe de ne pas s'approcher d'elle et lui tend son masque au bout du balai. Les deux couverts sont disposés en bout de table, espacés de deux mètres et elle lui montre du signe du menton le plat au centre de la table, bien contente en un sens de ne plus avoir à faire la domestique.

A la fin du repas, elle se re-masque, débarrasse sa seule assiette et fait sa petite vaisselle personnelle avant d'indiquer par gestes qu'elle invitait son mari à faire de même. Eberlué, il commence à s'énerver. Elle lui montre alors les journaux sur le fauteuil près de la cheminée et elle consent enfin à ouvrir la bouche pour lui dire : « Lis les nouvelles, tu vas comprendre, c'est grave ! Alors moi, j’ai décidé de dormir à l'étage. Bonne nuit ». Le mari lit les journaux, fait sa vaisselle et va se coucher en bas, seul dans le lit conjugal. Après une courte réflexion, il se relève, remet sa gibecière, prend son fusil et un grand sac et quitte la maison à vélo à l'insu de sa femme. Il se dirige vers la roselière et plus précisément vers la hutte sommaire qu'il a déjà fabriquée depuis quelques jours pour observer facilement les habitudes du monstre. Il avait prévu d'attendre la pleine lune dans trois jours pour accomplir son forfait mais, après l'article du journal, c'est ce soir ou jamais qu'il lui faut faire son sort à la bête, sinon adieu magrets et foie gras.

AEV 1920-32 Dominique braconnierLa nuit est claire, un seul coup de fusil a suffi, deux heures après il est de nouveau dans son lit, la bête ébouillantée, plumée, découpée. Les deux énormes magrets et le foie gras bien emballés dans des torchons reposent au frais dans le cellier. Pendant trois jours, il n'en dira rien à Victoria.

Le lendemain matin, à la une des journaux un scoop extraordinaire révèle le fond de l'affaire et met fin à cette mascarade. L'article décrit en détail le beau travail du vétérinaire légiste réquisitionné. C’est un homme méthodique et rigoureux et le journaliste de la gazette du canton est du même acabit. Les lecteurs sont convaincus : l'article, précis et bien documenté, n'a rien d'une infox. Tout le monde est soulagé, ou presque... sauf Victoria qui se demande bien quand elle va être démasquée.

Voici le texte intégral de l'article : « Intrigué par le ballonnement anormal qu'il observe sur les femelles volatiles décédées, le vétérinaire décide courageusement de procéder à des autopsies. Masqué, ganté, il incise l'abdomen des cadavres et découvre, dans la cavité coelomique des canes, l'unique ovaire gauche caractéristique de l'espèce aviaire et dans l'oviducte la présence de plusieurs jeunes œufs, de cinq à dix, les plus gros étant les plus proches du cloaque. Ces œufs sont anormalement gros et le plus gros, dans l'utérus, là où se forme la coquille est même énorme. Il les mesure avec un pied à coulisse et confronte leur taille aux dimensions de la filière génitale des malheureuses canes : la ponte naturelle était impossible, seule une césarienne aurait pu les sauver. Le vétérinaire consciencieux, interviewé, conclut son rapport d'autopsie en écrivant : décès de cause naturelle due à une rétention d'oeufs, par disproportion ovo-maternelle. Mais ce diagnostic pose une autre question au scientifique que je suis: pourquoi une épidémie de gros œufs chez les canes de notre canton ? Le mystère reste entier».

En lisant l'article, la mauvaise conscience de Victoria s'allume dans son cerveau, elle réalise son crime. Elle comprend que c'est le baiser cloacal en tir groupé du gros canard qu'elle a gavé et drogué avec application qui a transmis son ADN modifié aux fluettes canettes. Un instant son orgueil la titille, elle imagine son portrait à la une des journaux avec un titre flatteur «grâce à la contribution de Victoria à la science, le mystère des gros œufs de canes du canton a pu être éclairci». Mais elle mesure que ce serait l'exposition publique de sa coupable cupidité. Elle tremble de peur et se met à prier son dieu par crainte du châtiment. Elle s'agenouille et lui demande le pardon, elle ne pouvait pas savoir, elle lui promet de piocher dans son gros compte en Suisse et de faire un don pour la toiture de la chapelle qui vient de brûler, sous condition bien entendue qu'il n'oublie pas de le défiscaliser l'année prochaine. Elle choisit de rester discrète, comme son mari.

Morale de l'histoire :« Voilà ce que c'est de donner trop de pain aux canards ». Ainsi, selon l'implacable loi de la nature, ce déséquilibre, issu d'une transgression, se régule tout simplement par l'extinction locale d'une espèce. C'est ainsi, on en a vu d'autres et on en verra d'autres. Le problème c'est qu'entre deux catastrophes les hommes oublient. Notre espèce humaine est dérégulée, elle, par un striatum hypertrophié qui ne pense qu'à la satisfaction de ses plaisirs immédiats, « Tout le monde sait ça » dirait Mino. Point final.

Félix a écrit d'un seul jet et a un peu dépassé l'heure. Il est content, il se dit qu'avec Hubert, Jacques et Corona, ils vient de s'offrir une jolie partie carrée dans le lit des mots et des délires à la manière d'Alfred Jarry, un vieux copain de lycée, à un siècle près. Et, bénéfice secondaire, le côté fable de son texte, en cette période de dé-confinement, lui a fait le plus grand bien.

Béatrice écrit encore, s'interrompt, promène ses yeux dans le vague en suçant son crayon, rature, évite de croiser le regard de Félix, soupire... La vie, ce soir, semble plus difficile pour elle que pour Félix.

Alors, délicatement, il remplit les deux verres de citronnade, se lève en prenant le sien et dit à Béatrice : « (Amour, juste pensé mais pas prononcé) prends ton temps, je vais faire un tour dans le jardin ». En sortant, il refait tinter son carillon préféré puis se promène dans l'happy-culture de Béatrice parmi les iris et les pivoines, respire les roses, évite de marcher sur les laitues qui poussent entre les délicates nigelles bleues. « La-ré-fa-sol » et voici Béatrice qui le rejoint, le verre à la main.

AEV 1920-32 Dominique Plonk pangolin

 

AEV 1920-32 Dominique contamiNain

- Bon, rentrons, nous allons pouvoir lire. Je vais commencer, pour me libérer de ce texte alambiqué que j'ai pondu dans la douleur. Je n'étais pas inspirée par les mots de mon enfance qui comme la tienne a tiré plus du côté du sérieux que de l'humour sans drame suffisant non plus pour me raccrocher à l'absurde. Alors j'ai fait comme toi, j'ai tiré des cartes de nos chers amis Plonk et Replonk. Ayant préparé la consigne, j'avais une longueur d'avance sur toi, parce que les derniers jours j'ai pu me faire livrer les toutes dernières cartes liées au Corona et au confinement : je t'en montre quelques-unes. Tiens celle-ci avec les nains de jardin bien connus scellés dans des cubes de béton « Je ne veux pas être contaminain, alors je sors pas de mon cube », signé « un nain confit né ». Cette autre « On z'a pas gardé les pangolins n'ensemble, merci donc de respecter une distance raisonnable » ou encore celle-ci plus franchouillarde : « Messieurs, merci de bien vouloir vider vos deux coudes après chaque éternuement ». J'aurais dû choisir celle qui montre l'infantilisation des vieux qu'ont de l'âge (nous !) : « Pendant le confinement les vieux perdent les pédales » avec sur la photo des personnes très âgées assises sur un banc agrippées à un landau en guise de déambulateur. Je me serais bien défoulée avec une saine colère contre cette discrimination par l'âge, comme l'a fait Bernard Pivot. En y repensant maintenant, celle qui aurait pu vraiment me faire décoller c'est plutôt celle des librairies : « La Confineriez n'est pas du gâteau, je ne peux pas te feuilleter, je ne voudrais pas te briser », ouvrant à l'infini sur la littérature. Je m’y collerai peut-être demain.

AEV 1920-32 Dominique désertFinalement, c'est le texte d'une dernière « le sens de la vie » qui m'a conduite vers cette autre, plus ancienne : celle du militaire de la coloniale planté en plein cagnard au milieu d'un désert de dunes à côté d'un panneau indicateur « Attention, ralentir, virage dangereux à gauche ». Voilà déjà un moment qu'il a ralenti, lui. Il s'est fait un selfie des années trente en mettant le retardateur et regarde l'objectif, le regard vide, statique puisque ses bottes commencent à se recouvrir de sable et que ses propres traces ont disparu : on ne sait pas d'où il vient, ni où il va. A côté de lui les traces du chameau qui est passé. Le chamelier lui a probablement donné à boire mais ils ne parlent pas la même langue et ils sont en guerre. Peut-être que les chars ennemis sont en route ? Le chamelier ne s'attarde pas, il va bientôt disparaître à l'horizon, un horizon qui semble arrondi pour rappeler que la terre est ronde : cet homme est seul au monde, pas un palmier même à l'agonie, pas de GPS évidemment pour se fabriquer un parcours, pas d'étoiles puis qu'il sera mort avant la nuit. Le drame absolu. Il restera seulement cette photo pour témoigner qu'il était là ce jour-là.

Et me voilà partie dans des élucubrations, que je ne vais pas te lire, sur les angoisses existentielles que m'a déclenchées le confinement. Je réalise ce soir que c'est encore trop tôt pour moi, je suis encore collée au confinement, je vais devoir continuer à « Souchonner » pendant quelques jours...

Il l'a senti venir le coup classique du Souchon, « sale con de faux frère » pense Félix sans le dire! Il se sent confire et re-confire. Mais en même temps, depuis quelques minutes, des effluves familiers de la fatale quiche lorraine aux asperges vertes viennent émoustiller sa muqueuse olfactive qui transmet le message à son striatum. Béatrice ne va quand même pas l'éconduire maintenant. La comédie de la grande mélancolique a assez duré ! Et puis il a faim !

Béatrice décrypte sur le visage de Félix sa déconfiture intérieure. Alors, sentant qu'il ne faut pas qu'elle exagère, elle vient l'enlacer tendrement pour lui susurrer :

- Chéri, je suis impatiente d'entendre ton texte, tu m'as semblé très inspiré, je t'ai vu sourire plusieurs fois et tu écrivais très vite sans lever la plume. Puis nous mettrons le couvert pour dîner et tu ouvriras la bouteille de rosé Lo Bartas que j'ai mise au frais, elle devrait bien s'accorder avec ta quiche préférée qui a bien doré. A la fin du dîner, la nuit sera tombée, et comme tu n'as toujours pas de lumière sur ton vélo, je te confinerai avec plaisir cette nuit, histoire de te protéger, parce que je t'aime. Alors ? tu me le lis ton délire ?

« Ca c'est du condensé ! » se dit Félix, jusqu'alors en apnée ! Il expire de bonheur, sent son striatum frétiller et commence à lire son hypertrophique histoire de gros canard tout en se disant que demain est un autre jour.

26 mai 2020

Changements de métiers / Anne J.

AEV 1920-32 Anne J

J’ai longtemps exercé le métier de peigneuse de girafes dans un laboratoire. Tous les matins, une bonne dizaine de girafes m’attendaient dans la salle d’attente et, chacune leur tour, je les invitais à passer dans la salle de prélèvement. Pendant de longues minutes, grimpée sur mon escabeau, je passais mon grand peigne à dents très fines sur leur peau douce et leur court pelage tacheté. Je ramassais des quantités de poux de girafes que j’enfermais dans des boites pour ensuite les observer, les disséquer, les découper, les débiter en tranches et les jeter dans la poubelle. Travail parfaitement insipide et inutile sauf peut-être pour le bien-être des girafes à qui j’évitais ainsi les interminables shampooings à la Marie Rose.

Pour moi, chaque jour ressemblait au précédent et se terminait par une poubelle remplie de poux et des ampoules aux mains. Une girafe en chassait une autre, j’étais payée au kilo de poux. Et puis un jour, j’ai claqué la porte …

De nouveaux horizons s’ouvraient devant moi.

AEV 1920-32 Anne J Le filage des vieilles barbes 2Fileuse de vieilles barbes ? Moi qui aurais adoré devenir costumière dans un théâtre et qui aime coudre, tricoter, broder et bricoler…

Avec l’arrêt des coiffeurs et des barbiers depuis 2 mois, les clients présentent désormais une matière première appréciable. Sans doute je pourrais encore y chercher des poux mais je rêve plutôt de caresser ces longues barbes blanches, de les couper et de les transformer en grosses pelotes duveteuses, prêtes à être tricotées pour l’hiver.

AEV 1920-32 Anne J Les naufrageurs de touristes 2Moins casanier, plus aventureux, plus guerrier ? Naufrageuse de touristes me plairait assez : sans doute le souvenir génétique de mes ancêtres bretons, naufrageurs des mers et pilleurs d’épaves.
Quand les Parisiens viennent envahir nos plages, pique-niquer, qu’ils laissent des barquettes de frites, des verres en plastique et des papiers gras, je me sens une âme de tueuse : noyer le touriste dans une flaque laissée par la marée, appuyer sur sa tête et collectionner les chapeaux comme l’Indien collectionne les scalps puis rendre la plage à son silence

Et quand j’en aurais fini, je deviendrais dresseuse d’étoiles pour qu’elles brillent toujours à la même place, faciles à reconnaitre sans se tordre le cou et faciles à décrocher pour en mettre une au sommet de l’arbre un soir de Noël.

AEV 1920-32 Anne J La dresseuse d'étoiles

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26 mai 2020

Plombe et Replombe / Maryvonne

AEV 1920-32 Maryvonne Plonk et Replonk 122446321Voilà, je vais être honnête, j'ai bien cherché la corrélation entre les cartes de Plonk et Replonk et la liste de mots déclencheurs de souvenirs d'enfance. Les cartes des frères Froidevaux sont la vitrine de l'humour, de l'inventivité et surtout du propos décalé. Je n'ai pas vraiment trouvé le lien. Moi mes souvenirs c'est plutôt « Plombe et Replombe ». Par exemple mes hontes, ce sentiment bien poisseux qui vous piétine votre EGO menu menu. Vous voulez savoir ?

Non ! Vous n'aurez pas mes hontes, ce serait la double peine : les vivre et les raconter.

Comment mélanger ces monuments de drôlerie que sont les cartes postales des gars du Jura suisse et la soupe de mon enfance ? Déjà, je le sais, vous n'avez aucune envie, et vous avez raison, de connaître la soupe de chez moi en Ille-et-Vilaine. Quel intérêt de savoir que d'une part nous épluchions les légumes et les faisions cuire dans l'eau qui deviendrait le bouillon. Que d'autre part nous découpions des tailles de pain assez fines, disposées ensuite en couches bien ordonnées dans la soupière. Quand les légumes étaient cuits nous écrasions à la fourchette 2 pommes de terre et un navet sans laisser aucun grumeau. Cette purée était étalée sur les tailles de pain et servait de filtre au bouillon puis donnait de l’épaisseur à cette soupe de pain journalière. « Alors, heureux ? » comme disent les jeunes mariés. Vous en voulez de ma soupe ? Mon père y tenait : c'était la soupe que faisait sa mère.

En tout cas moi elle me plombait bien l'estomac et je lui faisais un peu la soupe à la grimace, lui préférant la soupe passée avec les légumes écrasés au moulin. Celle-là je lui trouvais un côté chic et raffiné. C'était l'image de la soupe des villes contre la soupe des champs.

Les voyages sont restés en rade. Nous allions à la mer une fois par an dans une ambiance affreuse, mon père n'aimait que son clocher de son petit bourg dans les terres.

AEV 1920-32 Maryvonne Plonk et Replonk balançoire

Mais Dieu, ça je peux vous en parler ! Il était « persona non grata » chez nous. J'ai essayé de le contacter une fois avec une copine mais il n'a pas répondu à mon appel. Paradoxalement j'ai souhaité faire ma communion contre l'avis de mes parents pour avoir une robe longue et participer à la pompe de l'église. Je trouvais ça théâtral en diable. Je savais que je faisais un gros mensonge et un acte hypocrite. Si Dieu avait été sympa il m'aurait fait un signe ou laissé un message. Mais rien.

Nous avions si peu de distractions. Mais je ne vais pas non plus vous pomper l'air avec ce souvenir largement raconté dans un vieux texte intitulé : « Sainte-Nitouche » disponible sur demande.

Comme Raymonde, j'étais un peu dissipée et en plus paresseuse. Mon institutrice me donna un mot à remettre en mains propres à mes parents et à rendre signé de mon père. Aïe ! Compte tenu des informations qui s'y trouvaient, ma mère et mes sœurs, par crainte d'une grosse colère de mon géniteur décidèrent de faire un faux. C'est ma grande sœur qui n'avait pas froid aux yeux qui s'y colla. Ma maîtresse n'y vit que du feu sauf que, pas très maline, quand ma copine me demanda « Tu t'es fait gronder ? » fièrement je répondis - « Même pas, c'est Simone qui a signé ». Cette petite oie alla rapporter l'affaire à la directrice qui était sa marraine. Un deuxième mot prit cette fois la direction de mon père en mains plus propres que propres cette fois. Bizarrement je ne me souviens pas de la punition, juste de la trahison et de la leçon. Ne pas se vanter de ses bêtises.

Plus tard j'ai fait une soupe dans mes bols de dînette avec l'eau du caniveau. J'ai obligé petit Pierre, un voisin plus jeune, à la boire. Le lendemain il était très malade mais là « motus et bouche cousue ».

De toute façon petit Pierre s'est empoisonné tout seul. Il est mort alcoolique.

Mensonge et trahison, voilà le monde cruel de l'enfance.

26 mai 2020

Mon amie / Eliane

Ce n'était pas vraiment mon amie. Nous ne nous faisions pas de confidences. Je dirais plutôt que c'était une copine, une camarade de jeux. C'était la copine de mes années d'enfance.

De 6 à 13 ans, j'habitais dans un village entièrement construit pour la population blanche, de diverses sociétés, venues travailler au Sénégal. Terme-Sud, 14 kms de Dakar, proche de l'aéroport, pas très loin de la mer.

Ces habitations récentes, bien alignées, étaient des bâtiments tout en longueur, constitués de 4 appartements de plain pied. Ma copine et moi, filles uniques à l'époque, habitions à chaque extrémité de l'un de ces bâtiments.

Nous fréquentions toutes deux l'école du village, dans la même classe puisque nous avions le même âge.

Nous étions très différentes. Elle avait des difficultés en classe, alors que j'y brillais, sans tellement de mérite car nous étions assez peu nombreux. Mais ma copine avait des doigts de fée. Elle cousait, brodait, crochetait ou tricotait comme personne.

Nous passions énormément de temps ensemble, souvent dans le jardin de l'une ou de l'autre. Nous nous inventions des amoureux avec des troncs d'arbres.
Parfois elle me prêtait sa maison de poupées dont j'étais très friande. Je me serais régalée si les Barbies avaient existé à cette époque.

Ensemble nous faisions aussi de la bicyclette, Sillonnant allégrement les allées entre les habitations. Ou encore nous faisions du patin à roulettes (4 roues en ce temps-là), sur l'unique route goudronnée devant chez nous.

Nous aimions aussi sauter entre trois cordes quand une autre petite fille se joignait à nous.

AEV 1920-32 Eliane championne de balançoire

26 mai 2020

Ma soeur / Eliane

Lorsque j'avais 8 ans ½, ma mère tomba enceinte. Grossesse désirée. Ce qu'il y a de plus surprenant c'est que la mère de ma copine se retrouva également enceinte à peu près à la même période. Curieuse coïncidence qui allait encore nous rapprocher.

Notre bébé devait arriver en juillet. Mais en mai, alors que mon père était à Paris pour sa société, ma mère fut prise de contractions. Elle souffrait visiblement et je ne savais que faire. Complètement démunie face à cet événement.

Les voisines vinrent à la rescousse et ma mère accoucha, à l'hôpital de Dakar, D'une petite fille pas plus grosse qu'un oisillon. Mon père arriva bien vite.

Les conditions étaient détestables. Il n'y avait pas de couveuse et le personnel, nonchalant, oubliait fréquemment de brancher l'oxygène.

Le jour de la fête des mères, alors que j'arrivais toute fière avec mon petit napperon brodé à la main, nous avons trouvé ma mère en pleurs. Elle avait trouvé son bébé tout bleu. Le tuyau d'oxygène s'était débranché, et personne ne s'en était soucié. Ma mère ne pouvait pas dormir.

Après cet épisode éprouvant, mes parents réussirent à faire admettre ma petite sœur dans le bâtiment des enfants malades, attenant à l'hôpital. Cette section était tenue par des sœurs tout de blanc vêtues. Femmes sérieuses et compétentes. Ma petite sœur vécut.

La petite sœur de ma copine était née, à terme, un mois plus tôt.
Nous nous transformâmes vite en petites mamans accomplies, sachant donner le biberon et changer les couches.

Il existe encore un film super 8, transformé en DVD, où l'on me voit jouant à la maîtresse devant une petite puce qui lève son ardoise le plus haut qu'elle peut d'un air réjoui.

AEV 1920-32 Eliane classe d'hyperactifs

26 mai 2020

Ma dernière poupée / Eliane

Les parents de mon amie lui avaient offert une nouvelle poupée. Elle ne s'en séparait plus. Cette poupée faisait désormais partie de nos jeux. Je me sentais un peu défavorisée.

Cette poupée était classiquement blonde aux yeux bleus. Mon amie avait un style hispanique, brune, les yeux bruns, le teint mat.

Je désirais une nouvelle poupée pour équilibrer la relation. Et bien sûr, moi qui était blonde aux yeux bleus, je la voulais brune aux yeux marrons.

Mon père, qui repartait une nouvelle fois en France, proposa de m'en rapporter une. J'étais toute contente.

Quand mon père revint avec le précieux cadeau il me confia qu'il avait eu beaucoup de mal à la trouver. Les poupées brunes ne courent pas les rayons des magasins de jouets. Mais dès qu'il l'avait vue il en était tombé fou amoureux. En disant cela son œil riait.

Et je le compris très vite. Elle était d'une beauté à couper le souffle. Esméralda en modèle réduit.

A partir de ce moment-là, avec nos « filles » respectives, nous primes l'habitude de leur confectionner toute une garde-robe à l'aide de chutes de tissus que nous donnait ma mère qui cousait beaucoup.

Ma copine et moi avions chacune une petite machine à coudre, qui fonctionnait vraiment. Je me demande si nos parents se concertaient pour savoir quels cadeaux nous faire.

Aujourd'hui la petite machine à coudre est chez ma fille. Je ne sais pas ce qu'est devenue la poupée, pourtant ramenée en France dans les bagages. Je le regrette, j'aurais aimé la garder.

AEV 1920-32 Eliane manque d'R

26 mai 2020

L'univers, les étoiles / Jean-Paul

Comme je m’interdis de parler de mon frère (Comment s’appelait-il déjà ? Jack ? William ? Averell ?) je vais parler de mon cousin Alan, de généalogie, du monde et des étoiles.

Dans la famille, nous sommes au moins trois à être partis habiter ailleurs que dans notre lieu de naissance (C’est quoi, le pluriel de « social-traître » ?). Mon frère qui, comme tout le reste de la famille, était resté vivre là où il était né, disait du cousin Alan qu’il me ressemblait. Chez lui ça voulait dire « un mec sérieux, équilibré, avec une vie affective stable, une vie sociale riche, des intérêts prononcés pour telle ou telle discipline et de la discipline pour dégager du temps afin de s’y adonner avec intérêt».

Alan, l’un de ses dadas, c’est la généalogie. C’est fou de voir jusqu’où il est remonté dans l’arbre familial ! 1629 !

01 Sommet de l'arbre généalogique Krapov

C’est grâce à ce travail-là d’exploration des archives que j’ai découvert, très récemment, la raison d'être réelle de mon sentiment de belgitude.

En 1629 la famille Krapov est établie à Hasnon, un village du département du Nord situé entre Douai et Valenciennes. Elle y demeure jusqu’en 1779. A cette date mon ancêtre Pierre-Antoine Krapov épouse dame Anne-Joseph L. native de Ville-Pommeroeul dans la province du Hainaut en Belgique. D’après M. Google-Maps 31 km 300 les séparaient avant qu’ils ne fusionnent dans la même rivière d’un lit à deux places (Ne confondons pas la rivière du lit et le lit de la rivière : c’est moins facile de faire des cochonneries dans le deuxième sauf si on est pollueur professionnel).

Leur union est féconde puisqu’ils ont sept enfants tous nés à Ville-Pommeroeul. L’une des filles, Jeanne-Agnès-Joseph donnera naissance en 1816 à François-Joseph Krapov né de père inconnu. La dame était servante, vous pouvez imaginer tous les scénarii que vous voulez sur ce Belge de passage. On avait bien dit qu’on écrivait sur un univers d’étoiles filantes, aujourd’hui, hein ?


02 Milieur de l'arbre généalogique Krapov

Ce François-Joseph est né à Beloeil (où tous les natifs de sexe masculin sont surnommés « Coco »). Il épouse en 1839 une dénommée Catherine Q. née à Sirault (Existe-t-il aussi outre-Quiévrain une ville qui s’appellerait Suppausitoire ? (question de M. Joe Krapov, quatre étoiles au guide Michelin de la vulgarité (et troisième prix du concours international d’ouverture de parenthèses))).

Eux aussi ont sept enfants mais en 1854, lorsque naît Jules Krapov, la famille a déménagé à Elouges, un peu plus au Sud. Ce fils-là devient mineur de charbon. Il épouse Joséphine-Catherine M. de Wasmuel en 1880. Le mariage a lieu à Réty (Pas-de-Calais donc France). Ils ont trois enfants : François né à Réty, Jules né à Mazingarbe et Jean-Baptiste né à Liévin. Celui-là est mon arrière-grand-père du côté paternel. La famille Krapov est redevenue française.

03 Bas de l'arbre généalogique Krapov

Voilà. Magnifique, le travail, hein ? Merci, cousin Alan !

Nous sommes sept milliards d’êtres vivants dans l’univers, sans compter les petits hommes verts de la planète Mars, et il aura fallu toutes les vies et les souffrances de ces gens-là, dans les quelques kilomètres carrés de ce plat pays, belge ou français, pour que l’on aboutisse ce jour à l’évocation de cette dichotomie fraternelle.

Moi je leur dis merci à tous ces gens de ma famille. Ils m’ont porté, ils m’ont soutenu, ils m’ont poussé, ils m’ont aimé et ça m’a bien aidé dans la vie (même si, comparativement aux astronautes de la mission « Space X crew dragon » je ne suis pas allé bien loin !). Mon frère, lui, reprochait à mon grand-père « de lui avoir laissé trop croire que la vie était facile ». Comment, qu’est-ce que tu dis  ? Le père Noël est une ordure ?

Ben non, fallait pas croire ! Et même, il ne faut pas croire, écrire un texte comme celui-ci, c’est du boulot aussi !

Mais comme disait Rimbaud : « Faut jamais s’arrêter sinon on meurt ! ».

AEV 1920-32 Joe K Plonk Père Noël

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